Jhoannes
Ventadour. Sept pélos à tout casser. Douze les jours de fête. Un lac. Le fameux lac de Ventadour. Lac de Venta, pour les intimes. Destination privilégiée de la jeunesse dorée du Limousin qui, les vendredis soirs, s'échappe parfois de la capitale pour aller s'enjailler dans cette charmante bourgade, quoique la bourgeoisie VIP ait plus récemment prisé l'ambianciage minier et fantaisie de Bourganeuf, plus au nord. Mais Ventadour c'est bien aussi. Jhoannes émerge du sommeil dans la piaule de l'auberge municipale : Au Gardon Tranquille. Le mot-clef est à la fin. Treize heures ont sonné et il a la tête dans le gaz — ça lui apprendra à picoler avec belle cousine en oubliant que la nuit avance à côté. Sa main tâtonne sur le drap à la recherche d'une présence, puis il se souvient de l'état de sa vie au mardi dix-neuf avril 1470. Bah non ducon, évidemment. Il engueule sa main en pensées et se traîne jusqu'au rez-de-chaussée. La tavernière lui demande s'il veut une bière ou un truc plus fort. Il pense : t'as vu ma gueule ? mais il répond qu'une tisane ça ira très bien, merci.
Oui il fait beau aujourd'hui.
Oui c'est agréable.
Un temps pour aller pêcher, oui.
Il ira capturer du gardon tout à l'heure, d'ailleurs.
Sa fille a envoyé une lettre pour lui ?
Non ?
Vous avez vérifié ?
Aïe. Finalement, il se dit que ça serait même un temps à aller pêcher maintenant. Il fout ses affaires dans un gros sac informe et se retrouve devant la place du marché. Comment il est arrivé là ? Très certainement en marchant, mais c'est comme s'il venait d'oublier le trajet. Il avait la tête ailleurs. Zieutant autour de lui, il pond un énième dicton à la con : le marché de Ventadour on en fait vite le tour. Trois des sept locaux sont alignés derrière les étaux. Passant d'un visage à l'autre, il réalise qu'ils se ressemblent tous vraiment beaucoup, et se demande si ici on aurait pas un peu copié les pratiques reproductives du Maine et du Berry. Deuxième dicton : quand ça reste en famille, c'est pas toujours joli. Il n'a pas trop envie de s'attarder pour leur causer, ni de la météo, ni du cours de la truite. Surtout qu'en ce moment, l'humain et Jhoannes, c'est pas la grosse joie, alors il limite les interactions. Les humaines et Jhoannes c'est encore moins la gr- Non, stop, aller pêcher. Ventadour, c'est le coin idéal pour ça. En quelques mots et plus d'écus il achète de quoi se faire un pique-nique.
Et un chapeau de paille qu'il se visse sur le crâne. Impeccable. Comme ça il aura une bonne tête de con pour aller avec son humeur de con aigri. C'est raccord. C'est ça, maîtriser les codes de la mode. Et ouais. Au bord du lac, il garde sa chemise, roule son froc jusqu'au mollet pour parfaire sa dégaine de chasseur de moules et commence à installer son petit binz. Il a oublié d'amener sa barque, alors ça lui traverse l'esprit d'en « emprunter » une de celles qui font la sieste au bord de la rive. D'accord, d'un point de vue éthique, c'est moyen, mais est-ce que ça va léser quelqu'un ? Les probabilités lui crient que non. Est-ce qu'il est mû par l'envie inexpliquée de se retrouver seul au milieu de cette grosse marre fraîche ? Oui, trois fois oui. Débat clos, il investit une barque, qui sera la sienne pour l'après-midi, et comme il entend personne l'insulter au loin et qu'on lâche pas les chiens, il rame jusqu'à la rive opposée, dans un coin un peu abrité par les frondaisons, où personne viendra perturber son flow. Jambon-pain frais, bière, petites fraises. Et il a même pas oublié sa canne à pêche.
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Oui il fait beau aujourd'hui.
Oui c'est agréable.
Un temps pour aller pêcher, oui.
Il ira capturer du gardon tout à l'heure, d'ailleurs.
Sa fille a envoyé une lettre pour lui ?
Non ?
Vous avez vérifié ?
Aïe. Finalement, il se dit que ça serait même un temps à aller pêcher maintenant. Il fout ses affaires dans un gros sac informe et se retrouve devant la place du marché. Comment il est arrivé là ? Très certainement en marchant, mais c'est comme s'il venait d'oublier le trajet. Il avait la tête ailleurs. Zieutant autour de lui, il pond un énième dicton à la con : le marché de Ventadour on en fait vite le tour. Trois des sept locaux sont alignés derrière les étaux. Passant d'un visage à l'autre, il réalise qu'ils se ressemblent tous vraiment beaucoup, et se demande si ici on aurait pas un peu copié les pratiques reproductives du Maine et du Berry. Deuxième dicton : quand ça reste en famille, c'est pas toujours joli. Il n'a pas trop envie de s'attarder pour leur causer, ni de la météo, ni du cours de la truite. Surtout qu'en ce moment, l'humain et Jhoannes, c'est pas la grosse joie, alors il limite les interactions. Les humaines et Jhoannes c'est encore moins la gr- Non, stop, aller pêcher. Ventadour, c'est le coin idéal pour ça. En quelques mots et plus d'écus il achète de quoi se faire un pique-nique.
Et un chapeau de paille qu'il se visse sur le crâne. Impeccable. Comme ça il aura une bonne tête de con pour aller avec son humeur de con aigri. C'est raccord. C'est ça, maîtriser les codes de la mode. Et ouais. Au bord du lac, il garde sa chemise, roule son froc jusqu'au mollet pour parfaire sa dégaine de chasseur de moules et commence à installer son petit binz. Il a oublié d'amener sa barque, alors ça lui traverse l'esprit d'en « emprunter » une de celles qui font la sieste au bord de la rive. D'accord, d'un point de vue éthique, c'est moyen, mais est-ce que ça va léser quelqu'un ? Les probabilités lui crient que non. Est-ce qu'il est mû par l'envie inexpliquée de se retrouver seul au milieu de cette grosse marre fraîche ? Oui, trois fois oui. Débat clos, il investit une barque, qui sera la sienne pour l'après-midi, et comme il entend personne l'insulter au loin et qu'on lâche pas les chiens, il rame jusqu'à la rive opposée, dans un coin un peu abrité par les frondaisons, où personne viendra perturber son flow. Jambon-pain frais, bière, petites fraises. Et il a même pas oublié sa canne à pêche.
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