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[RP] Carnet de voyage...

Ewaele
Ils avaient trouvé refuge en revenant sur leur pas dans un lieu plus accueillant et plus calme. Chambre prise, Ewa n’arrivait pas à se décider d’aller prendre le repos nécessaire après une aussi longue chevauchée nocturne. Breccan, ne voulant la laisser seule au vu de son attitude, s’était installé à ses côtés, l'observant de temps à autre pour être sûr que tout allait bien. Un silence s’était installé, les deux acolytes avaient les traits tirés et les vêtements recouverts de poussière. La Comtesse avait déposé sa cape près d'elle, perdue dans la contemplation de la Licorne qu’on pouvait voir dessus. Tirée de sa rêverie par la voix du gallois, elle sursauta. Il s’enquérait de son état, le regard soucieux et interrogateur. Ewa, déjà lasse, ne savait pas si elle devait aborder le sujet avec lui de suite. Bien sûr elle lui raconterait, elle ne lui avait jamais rien caché et ne commencerait pas aujourd’hui.

La nuit devenait moins dense, et la rouquine perdue dans les effluves d’un ailleurs ne se rendait plus compte de rien et surtout pas du temps qui s’égrenait. Elle se tourna lentement vers sa sacoche, se rappelant on ne sait pas par quel miracle qu’elle avait une missive en ce jour à faire parvenir en Limousin. Plume et vélin sur la table elle se mit à rédiger comme si les mots coulaient d’eux même, comme si elle les connaissait par coeur. Peut être était-ce le cas en fait. Elle souffla doucement sur l’encre pour la faire sécher, puis roula le parchemin avant d’y apposer son scel personnel. Elle releva ses grands yeux émeraude vers l’homme d’armes de la Licorne.


Il faut que je trouve ma buse, si je veux que cela arrive à temps à Limoges…

Elle n’attendit pas spécialement de réponse et se leva, s’il voulait la suivre il viendrait, si il ne le voulait pas il resterait. Que dire de plus?

Elle ne mit pas longtemps à trouver son oiseau qui, à son sifflement, répondit rapidement, majestueux et haut dans le ciel où le soleil, doucement, s’invitait. Elle le vit tournoyer avant de plonger sur elle comme le volatile savait si bien le faire pour le plus grand plaisir des yeux de sa propriétaire. Elle l’a réceptionna sur son bras protégé par un gant de cuir et s’attela à accrocher ce qui était ses allégeances à la nouvelle Comtesse du Comté ou elle résidait d’ordinaire. Les mots à cet instant résonnèrent dans sa tête elle qui fut trois fois régnante du Limousin, elle savait…


Citation:
Par la grâce d'Aristote,

nous, Ewaële de la Boësnière, humble Comtesse de Laroche-Aymon, Baronne de Mirambel, Dame d'Yssandon en Limousin,

à vous, AldaAregonde, Comtesse du Limousin et de la Marche par la grâce des urnes,

salut.

Par la présente, nous reconnaissons comme suzerain vous, AldaAregonde, Comtesse du Limousin et de la Marche par la grâce des urnes.

Que nous vous devons désormais respect (obsequium), aide (auxilium) et conseil (consilium),

Que si un conflit venait vous opposer vous, AldaAregonde, Comtesse du Limousin et de la Marche, notre suzerain, à un tiers, nous jurons que nous prendrions cause pour vous.

Que nous ne puissions enfreindre la page de ce serment, ou aller à son encontre par un courage téméraire. Si cependant nous osions le tenter, que nous sachions que nous encourrerions l'indignation du Dieu tout-puissant et de ses bienheureux prophètes.

Pour que l'autorité de notre sermentation obtienne une vigueur plus ferme dans les temps à venir, nous avons décidé de la confirmer par notre main et de la signer par l'impression de notre sceau.

Nous, Ewaële de la Boësnière, humble Comtesse de Laroche-Aymon, Baronne de Mirambel, Dame d'Yssandon a écrit et ratifié,

Lyon, le XXIXème jour de Juillet de l’an de grâce Mil Quatre Cent Cinquante Sept.

Qu'il en soit ainsi et heureusement. Amen.



Une inflexion du bras pour donner de l’élan à celle qui depuis longtemps lui servait de messager et la rouquine se noya à nouveau dans les labyrinthes de sa vie, de son passé… Son dos vint se poser contre un mur froid et elle inclina son visage vers le sol pour protéger ses yeux des premiers rayons qui pointaient sur les toits de la ville de Lyon…
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Ewaele
Elle resta là un moment, pensive, avant de rentrer et de rejoindre Breccan. Elle avait reçu entre temps un courrier d’un Lieutenant qu’elle fit voir au jeune homme.

Citation:
Bonjour à vous et bienvenue en Lyonnais-Dauphiné,

[...]

Headkro lieutenant de la prévôté de Lyon.


Elle ne savait pas trop quoi penser de tout cela, aurait aimé descendre un peu plus sur les terres Lyonnaise et était venue avec son frère d’armes pour bien des raisons dans cette contrée. Devait-elle répondre ou attendre l’accalmie? Elle scruta le visage de son ami qui était tout aussi dubitatif que le sien. Hé bien, elle attendrait de rencontrer les diplomates afin de savoir de quoi il retournait réellement et si ils avaient besoin, ou pas, de leur bras en sus, ou si seulement ils pouvaient continuer leur voyage sans risquer de se voir blesser, voire pire. Elle laissa la missive sur la table repartant dans ses souvenirs. Elle aurait aimé revoir Briançon, rien qu’une fois… Retourner là où elle l’avait laissée avec son enfant. Mais était-ce seulement raisonnable. Petit haussement d’épaule de la rouquine qui décidément se perdait de plus en plus dans ce qu’elle désirait vraiment ou pas.

Rester là un peu voulait dire ne pas rejoindre son amie Marie-Alice de suite en Bourbonnais Auvergne, elle devait aussi prévenir le Comte Max de Mazière de la suite de leur voyage. Le Gallois allait être ravi. Ah les rencontres sur les routes du Royaume. Toutes aussi imprévisible les unes que les autres, apportant tour à tour, joie, colère, sourire, inquiétude, amusement, ou mal être. Depuis leur départ du Limousin, bien des choses s’étaient passés, que devait-elle en retenir exactement? Les nouvelles lui arrivant de leur terre n’avait pas d’effet très bénéfique sur elle, mais elle avait fait une promesse, oublier le Limousin-Marche un temps, le temps qu’il faudrait pour réapprendre à vivre en oubliant ses dissidents, les calomnies, mais et ses amis alors? Ceux là étaient dans son cœur, elle ne pouvait se résoudre à tout balayer d’un simple geste de la main en les laissant dans leur défection, du moins celle du Comté.

Nouveau regard au brun qui la dévisageait, lisant en elle comme dans un livre. Son regard soucieux interpella la rousse et elle ne put s’empêcher de lui sourire, simplement. Elle prit la parole comme si le moment était venu de lâcher quelques bribes de l’histoire qui la liait au Lyonnais-Dauphiné.


Il y a bien longtemps, je ne me souviens même plus pour tout te dire, j’ai fait connaissance d’une enfant du nom de Gazael, nous avons grandit séparément. Moi en Auvergne, elle ici quelques part dans les montagnes, mais nous avions crée une réelle amitié épistolaire. Elle s’installa un jour à Briançon et vécut sa vie comme elle l’entendait, aussi libre que l’air. Ne me demande pas pourquoi mais un jour elle quitta son village et se dirigea vers la Lorraine, que fuyait-elle réellement ? Aimée et amoureuse d’un briançonnais, elle était poursuivie par un autre, et espérait lui échapper ainsi. A peine arrivé à Toul, elle se rendit compte qu’elle était enceinte et portait en elle l’enfant de l’amour. Elle ne pouvait repartir ainsi, les risques elle ne voulait pas les prendre, elle était déjà affaiblie par son voyage aller… Mais voilà, il lui manquait et son ventre s’arrondissait, et elle avait été poursuivie comme elle le craignait par l’autre homme. Elle décida alors de reprendre la route de Lyon, mais elle était rongée par la culpabilité de ce qu’elle avait fait.

Ewa alla chercher un verre au comptoir pour s’éclaircir la voix ou alors pour garder contenance. Il était dur de se remémorer tout ça, de revoir le visage de son amie agonisante sous ses yeux et cet enfant mort dans ses bras alors qu’il venait tout juste de naitre. Elle attrapa sa crinière rousse et l’attacha en une simple natte pour se dégager le visage qui avait blanchi fortement. Elle enjamba le banc et reprit place posant devant eux deux hanaps remplit d’un liquide au couleur de miel…

Je l’ai invité à me rejoindre en Limousin, à Rochechouart exactement, là où j’habitais à l’époque. Mais elle n’arriva jamais, j’ai du prendre ma monture et partir au plus vite sur Montluçon où la maréchaussée m’avait prévenue qu’ils l’avaient retrouvée dans un sale état et qu’ils craignaient pour ses jours. Je n’ai pas réfléchi et suis partie. Mais hélas je n'ai rien pu faire, impuissante face à la vie et à la mort. L’enfant, un garçon qu’elle voulut appeler Gabriel, vit le jour et repartit rejoindre aussi vite les anges, suivit de prés par sa mère. Mais avant de partir elle m’avait enfin avouée le nom de celui qui faisait battre son cœur, celui qu’elle aimait bien au-delà de tout…

Elle se tut, rongée par cette histoire où elle avait été si impuissante, si rien du tout… Ses yeux regardèrent longuement le verre puis dans un geste brusque elle le souleva pour le porter à ses lèvres et le boire cul sec avant de le jeter au sol tellement la douleur faisait rage en elle.
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Ewaele
[Une auberge Lyonnaise]

Un silence pesant s’était installé entre les deux compagnons. Il était toujours dur de trouver les bons mots dans ces cas là. Et la rousse, pour le moment, en avait déjà trop dit pour avoir envie de parler à nouveau. Ils n’avaient pas prit encore le temps de prendre un peu de repos, et ses paupières se faisaient lourdes, mais le mal être présent, la colère sous-jacente qu’elle intériorisait depuis fort longtemps la maintenait éveillée.

[Plus tard dans sa chambre…]

Ewa était pensive, elle se souvenait. Les flocons de neige, qui tombaient sur ses épaules, lui procuraient une sensation de bien-être, que seul un être blessé pouvait apprécier. Juchée sur son destrier, elle observait depuis un promontoire rocheux la préparation des deux corps sur une charrette, plus bas dans la vallée. D’ici, la vue de l’activité qui régnait en contrebas lui semblait presque poétique, tel un ballet de lumières dans la froideur du brouillard. La silhouette des gardes se démarquait bien grâce aux torches qu’ils tenaient haut. Elle était fourbue de sa journée passée en reconnaissance dans la région, mais depuis le temps qu’elle avait rejoint les rangs de l’Ost Limousine, les missions de patrouilles lui étaient familières.

Elle releva son capuchon pour mieux sentir le contact de la neige sur sa peau. Elle était encore très jeune, et elle le portait sur son visage : elle avait de grand yeux verts, qui lui donnait l’air d’être sans cesse surprise par ce qu’elle voyait, et des cheveux roux qu’elle gardait toujours très longs. On lui avait fait monté un grand cheval noir, avec qui elle avait finit par s’entendre, et qui supportait tout son équipement de cavalière. Elle ne portait pas d’armure, mais simplement des vêtements solides en cuir et une grande cape noire.

- "Encore quelques heures", s’était-elle dit machinalement en tapant la neige qui s’accumulait sur ses épaules. Oui quelques heures avant de quitter Montluçon et de rallier le Lyonnais-Dauphiné.

Briançon : Son regard se posa sur la ville qui s’étalait à ses pieds : la cité était un véritable joyau, petit chef-d’œuvre du savoir-faire architectural. Construite sur le flanc d’une montagne, plus précisément adossée à un des pics d’une chaine qui surplombait un plateau de très haute altitude, la cité était constituée d'une succession de niveaux imbriqués établis sur des terrasses aménagées plus ou moins vastes. L’unique accès était la route sur le plateau qui débutait aux portes de la ville et se poursuivait vers les montagnes. L’énorme pic montagneux était situé sur le bord du dit plateau et une partie de la ville était tournée vers le vide du versant de la montagne, disposant d’un panorama grandiose sur toute cette partie de la vallée.


[Retour au présent…]

Des coups frappés à la porte de sa chambre la firent sursauter et revenir à la réalité, une missive apportée par un garde aux couleurs du Lyonnais, elle le remercia d’un geste de la tête et prit vite connaissance du pli scellé. Elle regarda en premier lieu la signature et fut surprise de reconnaitre celle du Gouverneur. Une invitation à le rejoindre pour visiter ses terres, était-ce là l’unique raison? Elle avait entendu qu’il y avait grand bruit en place publique, des soucis entre villages. Avait-il besoin de la femme à ses côtés ? De la licorneuse ? De la diplomate ? Ou était-ce seulement le plaisir de chevauchée ensemble ?

Ramasser rapidement ses affaires, prévenir Breccan, que la route reprenait… Pas précipités, mouvements désordonnés, oublier un temps ses tourments pour être prête au plus tôt. Nouveau coup à la porte, son frère d’armes, grand sourire aux lèvres, toujours prompt aux voyages, avait été plus rapide qu’elle apparemment. Côte a côté pour quitter l’auberge, préparer les montures et prendre le chemin pour se rendre à Dié.

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Ewaele
[Chevauchée vers Dié et le Gouverneur]

Thème musical

Le départ était donc donné, à eux les chemins de traverse, à eux les grandes étendues à perte de vue, à eux les montagnes et les paysage dont la splendeur n’était pas à mettre en doute. Au revoir pour l’heure jolie capitale Lyonnaise, au revoir ceux qu’elle pensait croiser mais qu’elle n’avait point vu. Fait exprès ou manque de chance? Il n’était pas toujours bon de faire face à son passé proche ou lointain. Portes de la ville dans le dos, elle ne se retourna point, à quoi cela aurait servi de toute façon? Elle savait où elle allait et la personne la plus importante de cette contrée en était informée, si on voulait la trouver, lui parler, ou quoi que ce soit d’autre, il ne serait point dur de mettre la main sur la rousse se dit-elle.

Une dizaine de lieux, voilà ce qu’ils eurent le temps de parcourir avant qu’un pigeon ne les rattrapa, missive à la patte. Ewa en prit rapidement lecture, fit arrêter son cheval aussi sec, éclatant d’un rire peu habituel chez la jeune femme. Deux choses, elle avait loupé son homologue qui apparemment lui courait après, mais là n’était pas la raison de son fou rire… On avait chargé le pauvre Akmer d’une mission hautement diplomatique, si l’on pouvait dire. Demander à Sa Grandeur, une lettre de créance, qui certifiait qu’elle était bien l’ambassadrice du Limousin pour le Lyonnais. C’était tellement gros qu’elle ne savait plus si c’était du lard ou du cochon… Pratiquement trois années à servir autant qu’elle le pouvait les deux provinces, et là pour une soit disant créance introuvable par le Chancelier, on remettait en doute ses fonctions.

Bien, elle allait passer outre et attendre de rencontrer Son Excellence, avec qui elle travaillait par échanges épistolaires pour éclairer ses lanternes sur cette affaire. On allait éviter l’incident diplomatique, et surtout elle ne voulait pas qu’Akmer, qui faisait un travail remarquable, puisse pâtir de cette histoire hautement ridicule, ironique, stupide et bien d’autres choses. Elle expliqua rapidement à Breccan de quoi il retournait, accompagnant la fin de sa phrase d’un haussement d’épaules et d’un soupir qui en disait long. Pour le coup cela avait eu le mérite de changer l’esprit de la Comtesse, qui, toute à ses questionnements sur le pourquoi on en arrivait là, avait mis de côté le passé qu’elle avait en ces terres.

Ils reprirent leur chevauchée au pas, n’étant pas pour le moment pressés par le temps. Puis cela permettrait peut être à Akmer de les retrouver sur la route et de voyager un temps avec eux. Elle se fit silencieuse, plongé dans ses réflexions de ce qu’il y avait à améliorer dans la diplomatie et l’accueil des différentes personnes selon leur rang. Elle trouvait fort dommage que de par l’éloignement de leur terre, ils ne puissent se voir plus régulièrement. Elle appréciait cette personne, qui mettait beaucoup d’ardeur, de temps et de tact dans ses entreprises. Toujours présent pour la renseigner, il avait souvent prit les devant pendant ses mandats de comtesse pour la soulager dans le travail qui était le leur. Elle avait une réelle sympathie pour cet homme et avait, en prévision de sa venue, fait préparer un petit quelque chose à son intention. Mais il faudrait attendre de le voir pour lui remettre, mieux valait tard que jamais.

La montagne. La neige. La forêt. Elle croyait avoir oublié tout cela, elle pensait que cela n’appartenait plus qu’à de lointains souvenirs enfouis au plus profond d’elle-même, appartenant à une autre existence qu’elle n’aurait pas vécu. Pas elle, en tout cas. L’odeur des bêtes, les poils des loups sous ses doigts de petite fille, la texture de la viande chèrement appropriée sous ses jeunes dents. C’était uniquement cela qui avait hanté son esprit tellement de temps. Des sensations, et uniquement des sensations. Elle avait tenté de se remémorer quelque chose, un jour, un instant précis. Mais rien, si ce n’était l’odorat et le toucher, fugaces, qui revenaient parfois. Pourtant, une fois arrivée en ces lieux, tout avait ressurgi cruellement en son être, comme un vieux jouet qu’elle aurait redécouvert. Quand on lui avait volé son identité, elle avait pensé qu’elle ne se souviendrait plus jamais de ce qu’elle avait été. Maintenant, elle comprenait. Rien n’avait été perdu. Elle n’était que la continuation de la personne qui avait vécu dans la forêt auvergnate, et si elle l’avait ignoré c’était parce qu’elle l’avait oublié. Chaque arbre lui était familier. Pendant sa traversé de la forêt, elle avait écouté son souffle résonner au même rythme que cette dernière. Un sourire avait traversé son visage d’albâtre.

Alors, en jeune femme qu’elle était devenue depuis ces temps où elle foulait de ses pieds nus l’herbe verdoyante de la montagne, elle se surprit à penser au futur qu’il lui était réservé. Partir pour tout recommencer, tel avait été son but quand elle avait quitté les terres limousine écœurée, n’était-ce pas là un signe qui lui désignait une voie toute tracée? Sans s’en rendre compte, un soupir lui échappa. Elle avait cru finir ses jours en ces lieux, et voilà qu’une porte inconnue d’elle-même s’ouvrait avec derrière tellement de choses qu’elle ne connaissait pas. Le vent souffla un peu plus fort mais elle ne sembla pas s’en soucier, trop réfugiée en elle-même à méditer ses pensées.

Son attention vira sur le jeune homme lorsqu’il posa sa main sur la crinière sombre de sa monture. Inconsciemment, elle frémit, sentant légèrement tout ce que représentait ce lien. Elle l’écouta parler d’épreuves à traverser et d’évènements où tout se jouerait… Un défi. Ewa s’autorisa un sourire. Elle aimait les défis. En quoi consisterait son combat si elle se cloîtrait en ces lieux reclus du vaste monde et où plus personne ne passait? Non, en vérité, elle n’était pas faite pour cela, son temps n’était pas encore venu de se couper de l’univers pour se reclure tel un vieil ermite. La perspective de choses nouvelles à découvrir, d’un monde à explorer, l’excitait beaucoup plus, elle avait soif d’aventures et sentait que tout ce qu’elle avait réalisé jusqu’à présent n’avait que dépendu des autres. Si elle devait prendre sa vie en main, elle devait faire ses choix par elle-même. Alors, elle ferma les yeux, écouta la montagne et la rumeur de la forêt dont le cœur battait au même rythme que le sien.

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Ewaele
[De Dié a Embrun]

Non mais elle hallucinait, elle trépignait, piétinait, prête à exulter. Comment osait-il se jouer d’elle ainsi? Gouverneur certes mais quand même! Oser prétendre qu’elle ne saurait retrouver son chemin, ou que la route serait trop abrupte pour elle, c'était mal la connaitre. Il voulait jouer, il allait voir et pas qu’en paroles, non mais ho ! Il pensait aller plus vite qu’elle et être obligé de l’attendre au détour d’un chemin, elle lui avait répondu du tac au tac, de se méfier que ça ne soit pas plutôt l’inverse.

Le soir arrivé, ils étaient devant les écuries avec le Seigneur de Sarran, quand le Gouverneur voulut à nouveau jouer… Ah il pensait que de partir devant l’effrayait, et bien soit, rirait bien qui rirait le dernier… Elle grimpa sur le dos de sa monture évitant soigneusement de lui répondre, un regard amusé à son frère d’armes et la course était lancée. Devant franchir des contrées un peu inconnues pour elle, qui pouvaient receler des rencontres hasardeuses, Ewa avait emporté avec elle quelques vivres et un armement plus varié qu'à l'accoutumée. Hormis son épée et sa dague, elle s'était aussi munie d'un arc et de son carquois, bien que n'excellant pas au tir à l'arc, elle s'était dit que cette arme pourrait se révéler utile pour la chasse, suivant le gibier qu'elle croiserait en ces bois.

La jeune femme sentie son cœur se serrer tant cette étendue forestière lui rappelait sa terre natale. Un caractère sauvage se dégageait, bien que différent des forêts de son enfance, de cette étendue sylvestre composée de grands feuillus au tronc d'argent et aux abondant feuillages verdoyants, de grands sapins sombres mêlant leurs branches aux vieux chênes centenaires. L’écuyère, malgré son chargement fut prise d'une irrésistible envie de galoper. .. Galoper à perdre haleine pour se perdre dans la profondeur de cet écrin de verdure. Elle s'élança dans une course folle, louvoyant entre les arbres, sautant par dessus les souches, flirtant avec les basses branches. Offrant son visage au vent de la forêt... Elle accéléra alors sensiblement jusqu'à sentir ses yeux pleurer au contact de l'air, ses poumons bruler sous l'effort consenti et elle se sentit ... vivante ... vivante ... vivante et libre !!!

Elle ne se soucia même pas de savoir si elle était suivie pour le coup, le bruit des sabots qui martelaient le sol lui confirmait simplement que les deux hommes la talonnaient de près. Apparemment ils étaient aussi ivres qu’elle à ce moment d’abandon… A part les respirations des chevaux point de son ne sortait des êtres qui se mouvaient dans cet effort endiablé. Elle ralentit pourtant l’allure non pour elle, non pour les hommes, mais pour les bêtes, elles ne pourraient tenir ainsi la distance, et ça ne servait à rien de les fatiguer inutilement. Scruter les horizons pour repérer leur chemin, et continuer à trotter.


Gouverneur, je ne crois pas avoir eu l’occasion de vous présenter mon compagnon de voyage, homme d’armes à la Licorne… Breccan, Seigneur de Sarran et des Rosiers d’Egletons.

Ce fut succinct, mais il ne servait à rien de s’étaler, ils auraient le temps de faire connaissance ou pas sur le chemin s’ils en avaient envie après tout. Une chose était sure, personne n’avait réussi à semer l’autre, et la chevauchée était plutôt agréable… Une longue conversation s’ensuivit sur tout et rien, Lyonnais-Dauphiné et Limousin, babillage de circonstance entre Grace et Grandeur, rien de bien intéressant dont on puisse se souvenir dans les quelques années à venir.
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Breccan
[Sur la route de Memp...euh d'Embrun sans embrouille ou presque]

Breccan suivait du coin de l'œil la discussion plutôt vive mais néanmoins amicale entre la rouquine et l'objet de leur présence à Dié en la personne du Gouverneur Phelim.
La préparation allait bon train et d'ici un rien de temps les grands espaces empliront leur mirette.Et en parlant de départ proche,le seigneur de Sarran ne faisait pas si bien dire et connaissant bien sa sœurette...ça ne pouvait se terminer autrement.
Essayez de chatouiller gentiment une Irlandaise et vous comprendrez.
Ni une ni deux,Ewa grimpa sur son cheval et galopa à toute allure direction Embrun via zone forestière et grimpette.
Tout un programme.
Dans les secondes qui suivirent le départ de la rouquine, le Gouverneur Phelim et Breccan étaient déjà sur ses traces visiblement pas décidé à se faire distancer sans combattre...enfin galoper.

Durant cette promenade vivifiante, Breccan remarqua une chose...le sentiment de liberté accroit proportionnellement avec le risque encourut.
En gros plus tu risques de morfler sévère plus tu t'amuses...ce qui est un peu couillon c'est que le moment où tu t'éclates vraiment...risque d'être le dernier.
Et le Brec failli l'apprendre à ses dépends...(bon la normalement j'avais prévu une bande son genre Ta Da Daaa suivi d'une musique inquiétante...mais non).Le groupe continuèrent leur folle chevauchée à travers la forêt, mais attention pas une forêt au rabais hein...quelque chose de mystérieux avec des arbres multi séculaire aux formes tordues comme la raie d'un bossu et aux branches qui poussent expressément à l'endroit où tu as le plus de chance de te les prendre en pleine poire.
Et c'est la que la malchance s'abat sur notre héroïque gallois..ivre de vitesse, le sourire aux lèvres et les yeux plissés a cause de la rapidité...il n'avait pas vu la branche d'arbre ,qui ressemblait plus à un couperet qu'autre chose, s'approcher dangereusement de son cou.
Et là on a tous envie de hurler "Beau Brec, fait attention a cette saloperie de branche..tu es trop jeune pour nous quitter" mais je vous déconseille de le faire vu qu'il ne vous entendra pas car les bruits de sabots martelant le sol couvrirait sans grand mal vos voix...
Bon finalement Breccan parvint à s'abaisser in extremis, évitant ainsi l'atroce piège de Dame Nature mais pas la saleté de poussière en suspension en dessous de la branche qui vint se loger directement dans le magnifique oeil émeraude du Sublime...n'est ce point tragique ça?!?
Bien sur que oui...et vous avez raison.

Par soucis d'économiser les forces de leur monture et permettre à nos valeureux escorteurs de mener à bien leur mission, le passage fast & bidet du voyage dû prendre fin.
Mais prenez garde, ça ne veut pas dire que ce qui va suivre et ennuyant à mourir.
Depuis la fin de la course effrénée Breccan sentait quelque chose de bizarre dans l'atmosphère...comme s'ils n'étaient pas seul.
Bon c'est un fait, vu qu'ils sont trois à voyager.
Il y avait un petit quelque chose de perturbant, un peu comme un poil de cul coincé dans la couture reliant les deux jambes des braies.
Il s'approcha de la rouquine et du Gouverneur Phelim pour leur exposer ce qu'il s'apprêtait à faire et pour qu'ils ou qu'elle ne s'inquiète pas pour lui

Une fois ses compagnons prévenus il ralentit le rythme tout en prenant un peu le large mais pas trop.
Embrun n'était vraiment plus très loin et le danger de la route s'amenuisait au fil des lieues parcourues.
Le seigneur de Sarran attacha son cheval un peu plus loin afin qu'il ne soit pas visible par un éventuel traqueur..bandit..raclure,avant de se poster stratégiquement dans un arbre bordant la route qu'il empruntait il y a de ça quelques minutes déjà.
Ewa et Phelim était encore à porté de voix et devinez qui pointe le bout de son museau?....de la compagnie venant par derrière évidemment, fourbe que tu es.
Breccan zieutait attentivement son avancée...analysant, anticipant afin de ne pas s'éclater face contre terre après un saut pitoyablement loupé.
Mais chut, le voila qui arrive...il est tout proche, il n'a pas l'air d'un bandit mais son approche est étrange.
La compagnie s'apprête à ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais le temps qu'elle termine sa phrase...Brec lui a déjà sauté dessus et mis dos contre terre, l'immobilisant mais le laissant respirer afin qu'il puisse causer sans probleme.
Après tout, il pouvait encore servir...


Qui es tu? Hein?!?
Pourquoi tu nous suis?
Qu'est ce que tu nous veux?


Breccan stoppa son interrogatoire pour lui laisser en placer une voir deux s'il est sage...
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Mariealice
[Moulins – on se pose paraît... Enfin presque]

[i]Pourquoi repousser plus longtemps le départ de Joinville? Après tout elle y avait fait ce pourquoi elle s'y était rendue à la suite des attaques de la Zoko et des Lions de Judas sur la Bourgogne. La rencontre avec Eikorc et avec Maleus avait eu lieu. Le premier savait désormais que Gaspard, fils d'Apolonie, était vivant et en sa garde, qu'il pourrait le voir s'il le désirait. Ce qu'il n'était pas prêt de faire à l'entendre. Le second savait lui aussi qu'elle n'avait pas pardonné et que les raisons invoquées n'étaient à ces yeux que mauvaises excuses pour avoir trahi sa confiance.

Gaspard... Elle n'avait point souhaité qu'il vienne. Une prison n'était point le lieu pour des enfants, même si Maeve et Gabrielle n'avaient pu s'empêcher d'y mettre les pieds. D'autant moins après avoir vu l'état des deux hommes, d'avoir soigner l'un d'eux et une femme, Felina. Non, la rencontre entre 'oncle' et 'neveu' se ferait ailleurs. Là où ils pourraient parler. Quoique... Le Géant, parler avec l'enfant, ce n'était pas pour demain. Bref, rester là bas pour ne faire que visiteuse soigneuse, alors qu'Ewaele, son amie et vassale, était partie avec Breccan en Lyonnais Dauphiné, qu'Arthur était reparti, non, elle ne pouvait l'envisager. Tourner en rond encore et toujours, elle ne le supportait plus. Attendre dieu sait quel miracle dans une ville où tout lui était étranger, non plus d'ailleurs. Alors puisqu'Arthur lui avait arraché la promesse de venir à Moulins contre un sourire, un vrai, comme elle les appelait, autant le faire maintenant. D'autant plus que personne ne l'attendait, qu'aucune mission ne lui avait été confiée et que cela faisait bien longtemps qu'une telle situation ne s'était pas présentée.

Une soirée en taverne, à Nevers, un peu étrange. Entre un homme qui fumait des herbes étranges dont il disait qu'elles ouvraient l'esprit, une femme qui venait à Moulins elle aussi mais seulement le lendemain mais surtout un bourguignon qu'elle avait déjà croisé à de multiples reprises, le sieur Dnapo qui regrettait de se retirer chez les moines sous peu et de ne pouvoir du coup accompagnée la 'charmante' Vicomtesse pour la protéger. Charmante... Profond soupir rien qu'en y repensant. S'il savait à quel point ce genre de choses pouvait l'exaspérer.. Elle avait donné sa réponse habituelle, qu'elle avait l'habitude des voyages et que si attaque il y avait, elle se défendrait. Si elle avait su, en aurait-elle donné une différente? Non, se connaissant non.

Un lâche. Un pleutre. Un sans... Comment pouvait-il en être autrement? Comment aurait-elle pu le nommer d'une façon différente? Un homme – si si il était bien du sexe masculin – qui attaquait une femme et deux fillettes de 10 ans. S'il avait cru que la partie serait gagnée d'avance, il s'était lourdement trompé. Le premier réflexe de Marie fut de protéger les filles, leur demandant de ne pas sortir du coche dans lequel elles voyageaient. Epée au clair, elle lui avait fait face et l'aurait certainement vu ricaner s'il avait fait jour. Ricanement vite remplacé par la compréhension de l'erreur qu'il venait de commettre quand, au lieu de subir son attaque, elle prit rapidement l'avantage. Pas si rouillée que cela la Chevalier au final. Et plus si fier à bras le malandrin lorsqu'il abandonna le combat en filant plus vite que l'éclair. Même pas eu le temps de s'échauffer et encore moins de faire glisser la lame tranchante sur un morceau de peau, de trancher, de couper... Non.. Rien du tout. Pourtant, quelque part, elle aurait aimé pouvoir décharger ainsi la colère qui ne cessait de couver en elle depuis la mort de son fils, de son frère, depuis son sentiment d'abandon qui la rongeait jour et nuit parce qu'il ne sortait plus de son mutisme qu'à de très rares exceptions, qu'il avait même fini par se dire fatigué et par aller se reposer dans un monastère. Un monastère. C'était derrière ces murs épais qu'étaient morts sans elle bien trop de gens. Jacques, son premier grand amour, père de ses ainés, Arthur justement son fils, Aleksandr son frère.. Désormais elle ne pouvait songer qu'avec une sorte de terreur à ces lourdes portes qui se refermaient sur les vivants, espérant que Gaborn, Gaspard son filleul et Aleanore sa fille ainée en ressortiraient debout, eux. Que la malédiction qui semblait peser sur elle s'arrêterait là.

La route fut reprise, Moulins se révéla devant elles alors que le soleil se levait sur ses remparts. Moulins et forcément en sa mémoire Apolonie, son amie. Serait-elle contente de sa façon de s'occuper de Gaspard? Ne regrettait-elle point son choix? Arthur semblait persuader que non lui. Mais Marie.. Marie, comme toujours, ne se trouvait jamais à la hauteur lorsqu'il s'agissait de ses proches. Plus elle les aimait et plus le sentiment de faute s'alourdissait. Et comme elle n'aimait jamais à moitié...

Un profond soupir, en venant ici elle avait tenu sa promesse, au moins en partie. L'autre était d'essayer de s'occuper d'elle comme disait son ami moulinois qui refusait de comprendre qu'elle ne savait point faire et que, pire encore, pour elle c'était une perte de temps et le meilleur moyen pour qu'elle finisse tout à fait folle.

Portes franchies, arrêt à la première taverne où on ne put leur indiquer où Arthur Dayne résidait, même si on le connaissait. Décision de chercher par soi-même. Suivre la rivière avait-il dit une fois....

Les retrouvailles furent courtes, entre un bal et quelques discussions éparses avec son ami et quelques habitants.

Le bal... Il y avait un bal en l'honneur du Duc Tixlu et elles étaient toutes les trois invitées. Continuer à sourire surtout et demander leur avis aux filles en croisant les doigts dans le dos pour qu'elles n'aient aucune envie d'y participer. Parce que les bals, elle, elle en avait eu sa dose, à haute dose qui plus est, lors du cortège royal. Un banquet, un bal, une joute, un bal masqué... Oui bien sûr qu'elle savait qu'organiser une fête en l'honneur du Roy ou d'un Feudataire n'était pas chose aisée. Elle comprenait mais avait fini par ne plus pouvoir voir une salle de bal en peinture. Bon de toute façon, c'était décidé donc il ne restait plus qu'à se préparer en remerciant Arthur de son hospitalité. Ce dernier avait du comprendre finalement puisqu'il lui glissa qu'elle pouvait tout à fait laisser les filles sous sa surveillance et profiter des bords de l'Allier si elle le souhaitait avant de monter sur l'estrade pour jouer avec les troubadours présents. Un sourire, un vrai, lui avait fait comprendre qu'elle appréciait et, après avoir expliqué à Maeve et Gabrielle qu'elles devaient obéir à Arthur, elle prit la poudre d'escampette pour aller se promener le long des berges éclairées par la lune. Un peu de liberté et de temps pour elle, c'était ce que le moulinois lui avait demander de prendre lors de ce séjour.

Sous peu, elle repartirait vers le Limousin, un court séjour puis vers Joinville à nouveau, avec Gaspard pour qu'enfin il puisse les voir et leur parler. Après...

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Ewaele
[En direction d’Embrun… On y est, on y reste !]

Alors qu'ils coupaient une petite clairière, il lui sembla apercevoir furtivement une silhouette... Une sensation de déjà-vu s'immisçait lentement dans son esprit. Elle fronça imperceptiblement les sourcils et porta instinctivement sa main au pommeau de son épée tandis qu'elle fouillait dans sa mémoire pour se souvenir des circonstances. Alors qu'elle se penchait vers son compagnon d’armes, les souvenirs affluèrent petit à petit. Elle se revit quinze ans en arrière au bord d'un bras de la Dore, accompagné de son père lors d'une de ces promenades à cheval qu'elle affectionnait et qui était souvent l'occasion, lors de pauses de cours de théorie militaire. Son père aimait à faire prendre l'air aux manuels poussiéreux de la bibliothèque comme il lui plaisait de le dire. Souvent, donc, il ouvrait un livre illustré de croquis militaires et de plans de batailles fameuses, ouvrages de toutes origines. Quelques échanges à voix basse avec le Gallois et le tour était joué.

Ils avaient prit le large comme il leurs avaient demandé, continuant leur discussion comme si de rien n’était. Ne pas se retourner et laisser faire l’homme d’armes de la Licorne sans s’inquiéter de la suite des évènements. Sur leurs gardes, ils avaient essayé d'évaluer si l'homme était seul ou accompagné d'acolytes et, apparemment, rien ne laissait accroire qu'il fut en compagnie. Marchant au pas, ne se souciant pas de ce qu’il se passait en arrière, ils prirent vite de la distance. Ni Grasce ou Grandeur n’entendirent une voix les héler ni ne virent le Seigneur de Sarran, s’occuper de quoi que ce soit. Et c’est ainsi qu’ils firent leur entrée dans la ville d’Embrun tous les deux.

Embrun, pas grand-chose à dire en fait, la journée s’écoula doucement, bien qu’un sentiment habitait la rousse, soucieuse de ne pas voir son ami revenir, mais il lui arrivait aussi de prendre du temps libre à sa façon. Toutefois, là, un sentiment bizarre tournicotait dans ses tripes. Elle espérait qu’il ne lui était rien arrivé, car tout militaire aguerri qu’il fût, on ne pouvait jamais présager de rien. Prendre du repos car la route n’était pas encore fini, il faudrait cette nuit encore chevaucher pour rejoindre Briançon… Un soupir! Enfin elle arrivait dans cette bourgade qu’elle s’était promis de revoir. Certainement que tout avait changé, certainement qu’elle ne reverrait personne de l’époque. De toute façon qui se souvenait d’elle? De Gazael? Personne!

Le soleil bientôt disparut laissant la place aux astres nocturnes. Bizarrement toujours personne… Elle se rendit au point de rendez-vous fixé avec le Gouverneur. Une taverne, celle de la ville, de toute façon ici ou ailleurs, peu lui importait.

Pour une soirée mémorable cela en fut une, celui qui aurait pu lui prédire cela n’était pas encore né. Elle allait de découverte en découverte, de sourire en grimace, de fou rire en dépit… Sincèrement Embrun cachait bien ses perles rares. Tout débuta avec une jeune femme, danseuse ou du moins amatrice de sauts et élasticités en tout genre… Que voulait-elle? Viser les genoux du Gouverneur pour mieux être installée? Elle produit son effet sur l’homme qui n’arrivait même plus à fermer la bouche, on aurait presque pu voit un filet de bave s’échapper. Puis enfin le Licorneux fit son apparition mais pas un mot de ce qu’il s’était passé plus tôt ne vint sur le tapis. Ewa n’osa demander ce qu’il en était, laissant la soirée filer dans la bonne humeur. Et bonne elle fut, Guillaume fit son entrée, un Lasteyrie, famille connue en Limousin. Comme il était étrange de revoir des têtes familières aussi loin de chez soi… Monseigneur Guillaume. Hé bien, il ferait parti du voyage, il voulait se rendre lui aussi a Briançon pour voir ses ouailles, un de plus ou un de moins, pourquoi pas après tout? La jeune femme devait reconnaitre que le Gouverneur avait l’air ravi de l’épaississement du groupe, allez savoir pourquoi il craignait de rencontrer en chemin une « marmotte géante », qui risquait d’intenter à leurs vies. Risible? Plus que vous pourriez le croire.

Mais c’était sans compter sur l’arrivée du Lieutenant de la ville. Oh si Ewa avait pu elle l’aurait étripé. Pour la première fois de sa vie elle se retrouvait en situation de ne pas pouvoir accomplir son devoir à cause d’un arroseur de gosier. Pas le temps de dire ou de faire une croix sur l’alcool proposé qu’elle se retrouva à picoler aussi sec que tous les hommes à ses côtés, elle sentait le liquide lui bruler les chairs de la gorge tellement cela dégoulinait. Horreur et damnation, le mal était fait. Gouverneur aussi rond qu’un rond, Comtesse incapable de se lever, Seigneur qui hipsait plus que de raison, seul le saint homme avait encore un peu de tenu dans le groupe devant partir pour les montagnes. Qu’ils étaient beaux à voir… La taverne se vida au fur et à mesure, même Breccan laissa Grasce et Grandeur sur place, sans doute avait-il besoin de se rafraichir vu l’absorption massive d’alcool de la région, ou alors il avait un rendez vous secret inavouable, qui savait?

La discussion reprit sa place, à celui qui embêtait gentiment le plus l’autre, un peu de répartie à droite, un peu à gauche, salé, poivré, c’était pesé. Puis d’un coup Phelim se fit plus curieux, et posa des questions plus centrées à la Comtesse. Fiancée, amour, Ewa lui parla donc de Nico, puis ils revinrent sur lui, sur sa solitude voulu. Et enfin sur Breccan, le pourquoi de sa présence aux côtés de la rousse alors qu’il était marié et père. Comment expliquer que sa femme l’avait quitté car ce dernier rêvait d’espace et de nouveaux horizons? Comment avouer qu’elle avait trouvé réconfort dans d’autres bras que ceux de son mari? Cela ne concernait pas Ewa et elle n’avait pas à juger de la vie des autres. Le Gouverneur insista pourtant voulant savoir pourquoi ils ne s’étaient pas séparés. Mais que pouvait dire la Comtesse là dessus? Breccan et Finitou étaient adultes après tout, leur vie ne concernait qu’eux. Ewa les appréciait tous les deux et n’avait pas de jugement à avoir sur leur vie ou leurs décisions. Elle savait que depuis son arrivée en Limousin le jeune homme avait toujours été là, une amitié fidèle était née, avait suivit son chemin, devenant une réelle complicité, comme deux frères d’armes pouvaient en avoir. Le reste ne la regardait pas.

La nuit était plus qu’avancée quand ils se décidèrent enfin de prendre un peu de repos, titubant et espérant que les fossés ne seraient pas leur dernier souvenir…

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Ewaele
[D’Embrun à Briançon]

Ewa dormait, d'un repos profond et limpide...En cet instant, rien ni personne n’aurait pu l'empêcher de se laisser bercer lentement au rythme des battements de son coeur, enlacée par Morphée. Elle était posée dans son sommeil, ce qui était rare. L'expression de son visage traduisait une certaine tranquillité, une sérénité profonde. Enveloppée par les ailes des anges, elle dut bien vite redescendre sur terre, en sursaut, bondit de son lit, les lattes lâchèrent, n'appréciant pas le bon réflexe de la jeune femme, et le lit céda...De la poussière envahit la pièce. Quand celle-ci fut dissipée, elle put enfin découvrir ce qui l'avait tiré de son sommeil. Les volets. A cause d'une bourrasque de vent semblant venir d'un autre monde, les rayons de soleil se déversaient à présent dans la pièce, noyant tout ce qui s'y trouvait d'une lumière apaisante et douce.

Où était-elle? Le sommeil avait été difficile à trouver mais à force de se retourner, de s'enfouir et de se recroqueviller sous les couvertures récupérées au pied des bas flancs, elle aurait sombré, agrippé avant la submersion définitive, aux images de la course rêvée : couloir blême, pur linceul de neige et l'arête pure, aérienne, frangée de lumière folle. La route vers Briançon. L'idiot du paysage sommeillait en elle. Il fallait le secouer. Le paysage apparaissait en effet comme l'inexorable montée d'une sensiblerie généralisée et béate, que seuls les faux-fuyants d'un regard patiemment dompté pouvaient déjouer. Au-delà des cols, se dévoilait une contrée neuve, pleine de mystères, de dangers et de promesses. Partis à la découverte du monde, dans les montagnes, nos ancêtres avaient vécu cet instant où l'excitation de la découverte se mêlait à la peur de l'inconnu.

Tout, dans cet aspect sévère à la fois et enchanteur, étonnait, réjouissait et attristait l'observatrice. D'un coté, la vue majestueuse des hautes montagnes, une nature sauvage qui fuyait, s'élevant graduellement en amphithéâtres escarpés jusques aux pieds des glaciers, de l'autre l'éclat d'un ciel d'azur, des champs émaillés de fleurs, chargés de fruits, se dessinant dans tous les sens, brillants de végétation sur toute l'étendue des coteaux, comme dans les vallons les plus reculés et sur la plaine, ce qui donnait au pays un aspect de féerie vraiment pittoresque.

La route était bel et bien aussi longue que dans ses souvenirs les plus fous. Son enfance avait mêlé la nature et la solitude, ce qui expliquait facilement l'étrange caractère du personnage. Un filet d'air lui caressait le visage, il était si léger qu'un papillon ne s'y serait pas risqué, de peur de perturber l'harmonie du moment. Elle avait regardé le soleil se noyer derrière les montagnes depuis l'aube, et à présent la nuit tombait. La mer d'herbe oscillait et s'agitait au grès du vent en prenant la couleur de l'argent. Ce paysage aux environs de la frontière entre le rêve et l'inconscient ne pouvait pas être unique, elle en était persuadée. Un endroit onirique comme celui-ci devait exister ailleurs.

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Ewaele
[Briançon… des jours et des nuits]

Parce qu’on se plait à croire que quand on laisse une plume filer sur le vélin, ce qui sera dit et raconté sera lu, un jour, par un cercle fermé de personnes proches ou aimés, qui ne verront, dans tout cela, qu'une façon de laisser une trace de ce qui fut ou presque. Qui comprendront que les mots sont là pour enjoliver et, que ce qui n’est pas dit, ou ce qui peut prêter à confusion, est une volonté du conteur pour que des sourires naissent sur les lèvres et que cela soit une histoire agréable et distrayante. Si celle qui couchait sur parchemin ses récits avait pu savoir ce qu’il se racontait dans son dos pendant qu’elle était loin de ses terres, si elle avait eu idée de ce qu’il se fomentait, elle aurait sans doute arrêté d’écrire, mais il n’en était rien. Ewa était loin des turpitudes du Limousin, des pensées, des penseurs toujours aussi démoniaques et vils, loin des rumeurs et des quand dira-t-on. Mais on le savait, dans le royaume, il ne faisait pas bon avoir des titres et se retrouver sur les devants de la scène, cela déplaisait, créait des jalousies, et ouvrait une porte aux bassesses en tout genre.

A Briançon depuis quelques jours déjà la rouquine avait prit ses marques, faisait connaissance avec certains villageois, peut être même tissait des liens, cela le temps lui dirait. Il s’était passé bien des choses. Ses matinées, elle les passait à découvrir la ville et ses alentours, elle ne voyait guère le Gouverneur ou Breccan, chacun à ses occupations. Le temps s’égrenait lentement, et les préoccupations des uns n’étaient pas celles des autres. Elle, elle se laissait vivre, profitant des belles journées ensoleillée pour partir à l’aventure dans les montagnes vivifiantes et revigorantes. Découvrir les éléments qui l’entouraient et qui lui rappelaient de nombreuses choses. Déjà sa venue ici il y avait quelques années, puis l’Auvergne où elle avait grandit, élevée par son père, maitre d’armes qui lui avait transmis son savoir, ainsi qu’à Marie Alice, son amie de toujours, son ainée de deux ans avec qui elle avait fait son passage de l’enfance à son état de femme. Elle avait passé de longues heures sur un promontoire rocheux à observer la plaine en se demandant ce que serait l’avenir.

Pourtant une matinée fut bien différente, elle était partie accompagnée du prévôt Dame Plume et du Seigneur de Sarran à la chasse aux myrtilles. Cela lui avait arraché un sourire, car la myrtille ne se chassait pas, mais ces propos provenaient d’une boutade de taverne avec la Bourgmestre. Elle se souvenait, elle avait 9 ans. Cela se passait loin là bas. Elle avait 9 ans, elle courait au milieu de cette grande coulée verte, prairie balafre au cœur de la forêt. La pente était raide, elle tomba évidemment, elle avait 9 ans. Elle roula, se releva, pleurant et riant en même temps. En quelques bonds elle avait rejoint son père et son amie, occupés à leur cueillette. Ewa chipa une pleine poignée de myrtilles et repartit en courant, tout en se les fourrant dans la bouche. Enfant qu’elle était, elle s'étala dans l'herbe, le ciel si parfaitement bleu tournoyait, elle le voyait à cause de la cime des arbres en mouvement. D'un coup de langue elle avait lapé un peu du jus de myrtilles qui lui coulait sur le menton. En rentrant, après la cueillette, elle imaginait les tartes, de la confiture. Sûrement moins que prévu, si on considérait le tribut qu’elle avait prélevé tout au long de l'après midi et dont une bonne partie était encore là, barbouillée sur ses joues, sur ses mains et même, mystère insondable, sur son front. Elle avait 9 ans, aimait les myrtilles, allongée dans l'herbe l'été.

Retour aux buissons qui s’étendaient à perte de vue devant ses yeux, ils n’avaient plus qu’à s’abaisser, les myrtilles leur tendaient les bras pour être déguster, là, avec gourmandise.

Mais il y avait aussi les soirées et nuits à Briançon, les tavernes. Surtout celle de la mairie avec Ninoua. Là, souvent, le Gouverneur et leur éternel discussion sur un sujet fâcheux et dont la rousse ne voulait surtout pas se mêler. Loin des affres du Limousin, elle ne voulait pas entendre parler des problèmes des endroits où elle pouvait séjourner. Et pourtant comment faire autrement, le sujet devenait récurrent, la jeune femme écoutait silencieuse, voire même perdue à regarder par la fenêtre. Il faut dire aussi que son compagnon de route se faisait souvent rare ses derniers temps, et voire même absent, quand la « chasse » aux myrtilles l’avait fortement fatigué. Du moins c’était ce qu’il avançait. Allez savoir, peut-être une rencontre fortuite dans les rues de Briançon… Un sourire se logea sur les lèvres de la narratrice, le pauvre était veuf depuis quelques jours maintenant, il avait bien le droit à du réconfort lui aussi…

Ewaële grimaça au moment où sa plume et ses idées se mirent en place pour parler de l’épisode suivant. Le jour où elle avait dit au Gouverneur ses origines, son pays de naissance, et où il avait avoué ne pas aimer les Irlandais… Blessée, meurtrie, par ses propos trois jours durant, elle avait essayé de faire abstraction de cela, essayant de lui expliqué qu’au-delà de son pays natal, cela ne changeait pas ce qu’il avait vu en elle jusqu'à ce jour. Pourquoi lui demander du temps pour accepter un fait que de toute façon elle ne pouvait pas changer? Pourquoi ce revirement d’attitude pour une histoire de nationalité? N’avait-elle pas prouvé par ses actes et ses divers engagements son attachement à la Couronne, aux terres françoyses ? Oui, elle avait eu mal d’entendre certains mots, et l’attitude de l’homme envers elle lui avait fait prendre beaucoup de recul et devenir vis-à-vis de lui plus ironique, plus cinglante. Allant même jusqu'à lui verser un verre de bière sur ses braies par pur plaisir de le vexer. Puis elle avait mis de l’eau dans son vin, se disant que de toute façon tout cela ne servait à rien, il prenait un malin plaisir à essayer de faire fuir les personnes qui voulait un peu lui tendre la main, l’aider et se rendre utile. Lire sur le visage de Phelim était enfantin, mais têtue elle était et resterait quitte à en perdre sa chevelure de feu comme il lui avait dit, cela ne lui faisait pas peur… Sine Metu, lui avait-elle répondu!

Elle était là toujours sur son promontoire, plume en bouche maintenant, recherchant les quelques détails qui avaient pu lui échapper, raturant et recommençant, car elle n’aimait pas un mot ou en préférait un autre. Le jour perdait de sa superbe et ses yeux fatigués à se relire inlassablement papillonnaient… Il devait être temps de rentrer au campement, et laisser la nuit faire place au jour sur ce merveilleux paysage où elle se sentait comme chez elle, nostalgie d’un temps qui lui redonnait petit a petit envie de recommencer ailleurs, autrement, du moins pendant un temps s’accrocher ici et découvrir ce qui pourrait l’attirer pour un avenir sans doute meilleur. Mais là décision seule ne lui revenait pas, et des discussions sur ses envies, ses besoins devraient un jour avoir lieu. Quitte a tout perdre pour son bien être? Qui le savait?

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Ewaele
[Briançon… Des souvenirs aux au revoir…]

Le jour se levait à peine, la luminosité dans la chambre d’Ewa allait grandissante et elle était là, allongée, après une longue nuit en taverne où des négociations avaient eu lieu. Sa nuit, aussi courte fut-elle, avait été agitée comme bien souvent maintenant. Mais elle était là s’en l’être, ce matin comme bien souvent depuis son départ du Limousin. Elle partait rejoindre ses souvenirs avec lui, tout ces moments partagés, bon ou mauvais, tendus ou idylliques, ceux depuis leur première rencontre après tout un échange épistolaire où lui était Comte et elle pas grand-chose… Le temps avait fait évoluer les choses, pour elle, pour lui, pour eux.

Première rencontre : La remise des décorations pour la guerre de Bretagne.

D’Yssandon, son domaine, à Limoges puis à la place centrale de la ville, elle était Comtesse du Limousin depuis un ou deux jours seulement, et déjà elle devait remplir ses devoirs. Du monde, beaucoup de monde en ce mois d’octobre 1456… C’était la fierté limousine qui était aujourd’hui célébrée, les soldats portant fièrement les couleurs du Comté au delà de leur frontières, et ceux défendant vaillamment leurs terres. Célébrer la formidable mobilisation des militaires et de leur chef, une pensée particulière pour Bess et Enguerrand, ceux qui les avaient si vaillamment conduits tout le long de cette terrible épreuve… Puis elle se rappela enfin comment la Vice Comtesse avait été blessée et lui avait remis le commandement de la Colm… Et ensuite… Le passé proche de sa vie qui faisait d’elle ce qu’elle était aujourd’hui… Il s'agissait plus, pour lui, de rendre hommage aux défunts, tombés au nom de la folie humaine, que d'applaudir à la remise d'un bout de ferraille, même si les distingués pouvaient être fiers de leurs actes et de leur bravoure. Quand enfin leurs regards se croisèrent. Lorsque, plus tard, tout à l'heure, non maintenant, sur l’heure, elle descendit de l’estrade et sans réfléchir, traversa les rangs des soldats et la foule pour venir chercher son bras et le guider auprès d’elle, non pas sur cette scène où les médailles étaient distribués mais devant, à ses côtés... Trouble passager pour lui, puis pour elle, se rendant compte de son geste qu'elle pensait anodin. Elle se souvenait encore de sa première phrase : « Ma Dame, ma place est parmi la foule. Je ne suis ni au Conseil, ni votre époux pour me dresser ainsi à vos côtés durant une cérémonie officielle. L'honneur que vous me faites est trop grand et je ne sais que dire. Que vont penser les gens ? » Mais il était resté. Malgré ses mots distants, sa main gantée avait retenu celle de la Comtesse posée alors sur son bras. Il l’avait serrée tout le reste de la cérémonie, échangeant regards et sourires où passaient trouble, émotions.

Première allégeances.

Elle se souvenait encore de ses mots prononcés à cette occasion : « Comtesse. Cela fait un certain temps que les allégeances étaient devenues une corvée, évitée grâce à l'envoi de missives dûment rédigées et scellées. La nouvelle de votre élection m'emplit de joie et c'est avec une réelle sincérité que je vous jure conseil, fidélité et loyauté. Mes biens sont, dans la mesure de mes moyens bien sûr, à votre disposition et vous pouvez en disposer selon votre bon vouloir dans le bien du Comté et de sa population. Ma personne vous appartient de même : ordonnez et j'obéirai! » Un sourire avait étiré les lèvres de l’homme lui faisant face. Réponse faite, elle s’était approchée pour la traditionnelle accolade qui avait fini en baiser vassalique puis elle avait rajouté à voix basse : « Si votre personne m’appartient ou du moins au Limousin, n’oubliez jamais que mon épée est votre et je réitère cette promesse faite un jour. » Elle lui avait remis un présent, une petite campanule en broche forgée pour lui dans sa forge, pour le remercier. Cette fleur représentait la gratitude tout simplement. Il était troublé tout autant qu’elle et, en reculant, il avait porté sa main à ses lèvres dans un geste sans doute inconscient avant de la laisser retomber.

L’après.

Le passage du Roy en Limousin, nouvelle occasion de se retrouver, il devait être son cavalier pour les diverses cérémonies. Puis une mission sur Tulle où il avait voulu être près d'elle, pour revenir précipitamment car les Alterac étaient annoncés. Course sur la route, conversations, rire, et découvertes de l’un et de l’autre. Son second mandat, nouvelles allégeances, il était le héraut de la cérémonie. Moment tragique quand un des gardes dans un mouvement précipité avait laissé tomber sa lance, déchirant le bustier de la Comtesse, et la blessant. Réaction du Comte de Turenne, inquiétude et peur. Echange du premier baiser. Puis des visites de plus en plus courantes dans son hôtel de Brassac à Limoges, jusqu'à ce jour où…

Il ne pouvait s'empêcher de noter les différences qui les opposaient : lui, le Comte vieillissant, relique d'un âge déjà révolu où les valeurs de la noblesse signifiaient encore quelque chose, du moins le pensait-il ; elle, jeune et belle, espoir d'une génération poussée trop vite entre les guerres, héritière des carnages et des pillages. Lui, le courtisan rompu aux usages de la Cour royale, habitué au luxe et au confort que procure la richesse, elle, militaire jusqu'au bout des ongles, habituée aux privations et à l'inconfort d'une vie d'errance. Lui, froid et compassé, vaniteux et orgueilleux à l'extrême, elle, vivace comme le feu, insaisissable comme le vif-argent. Lui, produit d'une noblesse sûre de son rang, de sa fortune et de son passé, elle, récipiendaire d'une noblesse incertaine, nourrie d'insécurité et de doute. Mais voilà il avait pris une décision et ses paroles résonnait encore en elle : « J'ai remarqué lors des diverses cérémonies publiques auxquelles nous avons assisté que tu n'avais rien de vraiment adapté pour te parer. Maintenant que te voilà Comtesse, même malgré toi, c'est le genre de détails que ne manqueront pas de remarquer ceux qui t'entourent.
J'ai donc décidé de remédier à cette situation. Considère cela comme mon présent pour ton Comté de la Roche-Aymon, don de l'ensemble des Limousins. Prend-le également pour la preuve de mon attachement à ton égard et de ce que je ressens.
Ces joyaux appartiennent à ma famille depuis des générations. Un de mes ancêtres les ramena de Terre Sainte, suite à l'une des croisades. Toutes les femmes de mon sang les ont portés. Ma mère s'en para même le jour de son mariage avec mon père. Je veux qu'ils soient tiens, désormais.
»
Un temps de silence avant qu'il ne reprenne.
« Sache que je ne te demande rien et que je comprendrais si jamais tu les refuses. Il n'y a dans mon geste aucune obligation, aucun engagement, aucune condition. Je veux simplement que tu connaisses l'existence de ces objets et que tu saches ce qu'ils peuvent signifier. Si tu souhaites les porter et t'en parer, fort bien ! Sinon, oublions-les et renvoyons-les d'où ils viennent. »
Mais tout ne s’était pas passé comme prévu pour lui, un simple mot avait fait voler en éclat ce moment intimiste, et la jeune femme avait fuit laissant la parure derrière elle… Il avait pourtant réussit à la retenir avant qu’elle ne passe la porte cochère. Plantée là, droite, fière, lui tournant le dos, son buste se balançant de façon à peine visible d’avant en arrière marquant son hésitation. Elle ferma les yeux se remémorant lui, elle, eux…

Des coups furent frappés à la porte qui la fit revenir au temps présent. Akmer. Un sourire se dessina sur les lèvres d’Ewa… Elle l’invita à rentrer, lui offrit son présent, différents alcools provenant des meilleurs caves de la région limousine. Ils devisèrent longuement sur leur travail, sur leurs contrées. Le temps s’écoula et ils ne le virent pas passer, ils prirent un encas ensemble pour continuer leur conversation, et elle lui annonça enfin son départ de Briançon pour le soir même. En effet le Gouverneur lui avait stipulé un peu tardivement le fait que sa mission dans cette ville était finie et qu’il voulait regagner au plus vite la capitale. Elle rendit sa liberté au dauphinois, en lui promettant de revenir le plus rapidement possible en Lyonnais où elle avait apprécié son séjour et surtout dans cette ville de montagnards où elle avait trouvé un accueil plus que chaleureux.

Ensuite elle avait regroupé ses affaires, rejoint la taverne municipale afin de faire ses adieux aux quelques connaissances faites ces derniers jours. Phelim lui avait rendu un parchemin qu’elle avait perdu, il avait soit-disant reconnu son écriture, puis l’avait remis à un Duc qui sans doute en plaisantant lui avait réclamé… Echange de vélin, les mots reçus n’étaient plus ceux donnés et alors? Enfin l’heure du départ était venue et ce fut avec beaucoup de mal que la rouquine avait dit au revoir, et avait enfourché sa monture, pour ne pas, surtout pas se retourner!

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Ewaele
[Briançon… Embrun… Dié…]

Le vent sifflait dans le sillage de la Comtesse, tourmentant sans pitié sa chevelure en de confuses arabesques cuivrées. Habitée d'une irrépressible terreur ou d'un reste de sage prudence, la jeune femme aurait volontiers sommé sa monture de ralentir, mais elle n'en trouva pas la force. Elle ne réussit pas non plus à déloger une de ses pensées à ce dessein, focalisées qu'elles étaient sur la vue saisissante de la forêt défilant sous ses yeux. Son esprit tourmenté s'apaisa simplement de savoir que son cheval n'aurait sûrement pas freiné sa course par un simple geste d’elle, tant l’équidé prenait plaisir à fendre le paysage, à revendiquer comme sien cet héritage de la nature, à marquer le sol de ses sabots. Malgré l'ivresse de la bête, que l’écuyère ressentait par leur lien tel une présence de tous les instants, non pas rassurante telle un mère attentive, mais assez démente et audacieuse pour la convaincre de la somptuosité de cette chevauchée irremplaçable, Ewa ne pouvait s'empêcher de fixer la Sylve, qui se faisait de plus en plus lointaine à tel point que les arbres en paraissaient minuscules. Un vertige s'empara alors de la cavalière, animée par le désir de contempler plus encore l'étendue de la distance qui l'éloignait du monde des montagnards. Invariablement, elle finissait par s'être trop penchée, et prise d'un sursaut de terreur, resserrait son assise.

La rousse se sentait toujours aussi libre et légère profitant au maximum de ces sensations. Les paysages du Lyonnais-Dauphiné défilaient sous ses yeux dans un harmonieux mélange de couleurs. Elle s'enivrait de tout cela et profitait le plus pleinement possible de ce voyage. En arrivant non loin de la montagne, elle amorça la descente, quittant le dos de sa monture pour l’alléger, posant ses pieds sur le sol sec et rocailleux. Comme pour se rassurer elle-même, Ewa posa sa main sur la garde de son arme et se mit en route impatiente d'arriver dans la plaine pour trouver le lieu de leur campement avant de rallier Lyon.

Le vent s'était levé depuis un moment, le temps était devenu humide, un orage dû à la chaleur couvait. Ce n'était pas un temps favorable pour une escapade de ce genre. Cela faisait maintenant plus d'une demi-heure qu'ils avançaient en suivant le contour de la montagne, cherchant au passage baies, plantes ou champignons. Elle se retourna un instant pour regarder le chemin, cette pente abrupte qu’ils venaient de parcourir dans le sens inverse, ce sentier merveilleux qui conduisait vers les montagnes, vers…

La fraîcheur du moment se faisait sentir sur les parties nues de la peau de la jeune femme et des perles de rosée humidifiaient ses bottes. Peu habituée à ce climat, elle se félicita d'avoir pris une cape suffisamment épaisse pour le voyage. Il leur fallut quatre bonnes heures de marche soutenue pour atteindre la lande. Là, ils marquèrent une courte pause pour se rafraichir dans un petit lavoir qui se trouvait sur le bord du chemin au milieu de ruines, se désaltérer et prendre pitance légère. Le terrain accidenté les avait obligés à avoir une progression plus lente. Le temps avait semblé s'allonger. Au bout d'une heure, alors que la matinée touchait à sa fin, la rouquine commençait à se demander si elle ne s'était pas perdue quand ses yeux lui envoyèrent l'image qu'elle attendait tant, un lieu sans vie mais pourtant si attirant. Elle dût reconnaître que les sensations qui la traversaient étaient assez étranges. Mais elle n'allait pas reculer pour si peu. Sa main rencontra le premier mur de pierres et le trouble que provoqua ce contact la fit frissonner. Elle avança lentement au milieu des murs délabrés et couverts de mousse et de lierre, découvrant les lieux de façon tactile.

Plus elle avançait et plus sa main tremblait. Un sourire se dessina sur les lèvres de la Comtesse. Il y avait effectivement quelque chose dans ces ruines. Elle pouvait le sentir par tous ses sens actifs. Elle le sentait par les pores de sa peau en contact avec la pierre, dans les sons qui lui parvenaient, dans l'odeur âcre des lieux et dans le goût étrange qu'avait pris sa salive. Son sourire s'élargit. Etait-ce magique? Les présences qu'elle ressentait autour d’elle n'avaient rien de vivant. Devait-elle finalement admettre l'existence des spectres? Une chose était certaine, ce qui régnait en ces lieux n'était pas à sa portée. Sa raison l'emporta sur l'excitation de la découverte et elle se laissa guider par la voix de Breccan pour s'éloigner du centre des ruines.

Pourtant, la rousse ne pouvait se résigner à partir de suite. Elle resta donc à errer à proximité de la défunte cité, une pointe de regret de se savoir obligée de quitter tout cela, tandis que les rayons du soleil de midi faisaient une timide percée à travers la brume de la Lande.

Un bruit indistinct attira son attention, ainsi que celle de son compagnon d’armes, vers une autre direction. Ewa en prit le chemin, la main posée sur la garde de son épée : ce bruit là était "vivant". Oh oui et bien vivant ce n’était autre que le gouverneur avec sa boite de vers luisants dans la main qui avançait à leur rencontre.

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pnj


[Monastère ou entrainement]

Une promesse était une promesse, il n’avait qu’à pas dire « oui » s’il ne le désirait pas. Et s’il mettait trop de temps à arriver, elle irait le chercher par le fond des braies pour respecter ce qu’il lui avait promis. Elle avait prit la poudre d’escampette rien que pour le plaisir, du monastère où elle s’était retirée. Ewa avait réservé auprès d’un maitre d’armes de la ville une salle afin que l’entrainement puisse avoir lieu.

Elle était là au milieu de la salle d’armes en pleine nuit. Bah oui, il avait peur de se prendre une déculottée le petit, donc pas de témoin, rien qu’eux deux dans la salle de son choix, elle devait juste lui faire parvenir une missive quand elle se sentirait prête à manger la poussière comme il lui avait dit. Pire que des gosses, à celui qui gagnerait. La fierté des deux Limousin réunis allait subir de toute façon une sacrée dérouillé, car dans un duel il fallait toujours un perdant et un gagnant.

Bras croisés sur la poitrine, pied qui tapait la cadence avec le bâton qu’elle tenait à dextre, la rouquine commençait sincèrement à s’impatienter, se disait qu’il avait dû coincer sa botte sous une herse pour éviter l’invitation au combat amical qu’elle attendait maintenant avec impatience. Tous les mêmes se raisonna-t-elle en se retournant pour aller poser à sa place son instrument de torture qu’elle avait choisi avec soin. Faute de se battre elle allait finir par aller dormir à ce rythme là. Et dire qu’il avait osé espérer lui mettre une déconfiture, la faire plier sous le poids de son arme, mais bien sûr, il avait dû rêver. Elle ne se laisserait pas ainsi avoir par son compagnon d’armes!

Alors qu’elle s’installait dans un coin, elle se mit quand même à douter. Ben oui quoi cela arrive. Pourquoi ne pourrait-il pas gagner? Une chance sur deux après tout, elle avait ses connaissances lui les siennes, et pouvait très bien essuyer une défaite. Elle grimaça à cette perspective. Si le Gallois remportait, elle aurait l’air maline après… Soupir! Quelques candélabres éclairaient la salle, elle scrutait la porte espérant la voir s’ouvrir et rentrer son ami de toujours. Boudiou qu’il était long à se préparer, pire qu’une damoiselle se parant pour un bal, ce n’était pas possible!
Breccan
[Lutte fratricide]

Encore une calme journée qui s'achevait, lentement le soleil cédait sa place à la lune et plongeait la capitale du Lyonnais-Dauphiné dans un clair obscur.
Les activités légales de la journée laissaient leur place aux bassesses plus ou moins illicites des noctambules mal intentionnés.
Depuis quelques soirs,le Gallois passait son temps dans la chambre de l'auberge dans laquelle il séjournait,trainant jamais bien longtemps à l'étage inférieur où l'alcool coulait à flot.
Son amie était partie se recueillir quelques jours et même si la compagnie des Lyonnais est loin d'être désagréable, un peu de calme ne peut pas faire de mal.

Cela aurait pu être le cas encore ce soir si Breccan n'avait pas reçu un peu plus tôt dans la journée,une missive de sa sœurette..la rouquine Ewaele.
Le style était assez simple mais néanmoins efficace.
Toi, moi..ce soir, salle d'arme.
On pourrait croire à une invitation à se rouler dans la paille après ces quelques jours en retraite, à ceci près que la lettre se termine par un " n'oublies pas tes muscles et tes..* hmm bref passons.
Ce genre de taquinerie était très caractéristique de l'amitié et de la complicité qui les liaient depuis moult années.
L'heure fatidique redoutable et redoutée,suffit juste de déterminer par qui, approchait maintenant à grand pas et elle chaussait des bottines d'ailleurs.

Breccan, bâton dans le dos ,se dirigeait vers la salle d'arme en sifflotant un air des plus festif.
Air qui prit une orientation des plus funèbre lorsque le Gallois vit l'Irlandaise au loin.
Fallait qu'il garde coute que coute son sérieux, les yeux plissés pour faire plus peur et démarche menaçante...enfin elle aurait pu l'être si le sourire sur la trombine du Seigneur de Saint Martial d'Entraygue ne grandissait pas à chaque pas qui le rapprochait de la rouquine.
L'heure venait de sonner...avant le lever du jour, il n'en restera qu'un.

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pnj


Thème musical

Mortecouille! L’huis s’ouvrait et laissait passage à l’homme d’armes apparemment en grande forme. Elle aurait pu éclater de rire de le voir faire, Môsieur roulait des mécaniques à moins que cela ne soit sa façon d’intimider ses adversaires, oh et le regard, elle préféra ne plus le fixer de peur de ne pouvoir tenir longtemps son sérieux. Elle se précipita là où elle avait déposé son bâton puis enfin alla placer son dos, légèrement appuyée, contre le chambranle de la porte en se frottant les mains, style : mon petit père maintenant tu ne sortiras plus de ce lieu! Ewa resta un moment là immobile, observatrice.

Elle avança, enfin, à pas chaloupés au milieu de la salle, jouant avec son bâton, et tournant autour du jeune homme qui, dans quelques heures alors que le jour poindrait, aurait les lauriers ou la poussière… Elle examinait chaque détail de son adversaire, sens en éveil : ouïe fine à l’affut de tout mouvement. Toucher presque imperceptible sur son bâton prêt à voler dans les airs au moindre mouvement. Odorat qui vibrait aux effluves de transpiration provoquée pas l’excitation de ce moment. Goût métallique du sang à venir. Regard émeraude, yeux plissés, profond et déjà concentré sur le combat de coq qui allait avoir lieu entre ces murs.

Soudain, un sifflement insistant, menaçant, se fit entendre. Il enflait comme le grondement d'une vague fonçant sur le récif, remontant des profondeurs de cette ancienne bâtisse. Les bâtons jaillirent, les combattants se mirent en position. Sa buse, son oiseau venait de donner comme si elle l’avait senti, le signal pour ouvrir les hostilités. Ewa ne tournoyait plus autour du Gallois mais au contraire lui faisait face les deux pieds en parallèles.

Cinq touches voilà ce qu’il avait été convenu au préalable, cinq fois ou rien… Un sourire ironique se dessina sur son visage à cette pensée. Trop sure d’elle, elle perdrait à coup sûr, juste un coup de plus que lui suffirait. Pourquoi aller chercher plus loin, pourquoi vouloir toujours plus ou mieux, peut être parce que c’était comme ça que son père lui avait appris. Mais si elle perdait, elle le savait d’avance, cela serait pour elle peut-être pas une tragédie, mais une remise en question sur son savoir, sa technique, quelle idiote d’avoir choisi le bâton qu’elle ne maitrisait pas réellement. Peut-être simplement par défi, oui par simple défi à elle-même.

Sans réfléchir, pour le titiller, afin de rendre l’air de la pièce plus respirable et dédramatiser l’instant, elle vint poser son bâton sur son épaule et le fit glisser le long de son bras, s’arrêtant au niveau du coude pour qu’il ne puisse pas dans un geste vif et rapide la désarmer plus vite qu’elle ne le souhaitait… Imprudente ou intrépide elle était? Qui pouvait savoir ce qui dans sa tête tournicotait à cette instant, elle cherchait et allait trouver! Très rapidement elle récupéra son arme dans ses deux mains et engagea le combat. Son vis-à-vis n’ayant pas cillé une seule fois à son intimidation, elle évita un mouvement d’effet trop brusque qui sans aucun doute l’aurait fait se reculer, bâton à la transversale devant elle. Elle lui donna un peu d’élan vers la partie basse, par une légère inflexion du poignet afin de le guider vers son genou et le déstabiliser sans trop l’abîmer pour une première touche.
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