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[RP] Carnet de voyage...

Namaycush
En Ventadour, à l’expecte de la flamboyante, traquant nuit après nuit un Léviathan fantôme sur un lac brumeux, afin de faire mentir la légende des vieux du village qui disait que le monstre croquait les capitaines imprudent par les nuits de pleine lune estivales, il reçut, surgissant de nulle part, courrier au parfum de violette….effluve l’ayant marqué et qui lui rappellera toujours un drôle d’affrontement dans le cimetière de Moulins….

Néanmoins, il hésite à l’ouvrir…Elle est Pair de France à présent, et les Pairs ont la fâcheuse manie, quand ils lui écrivent, de le sommer de ci ou de ça…Pourquoi ? Il ne l’a jamais vraiment su…comme cette histoire d’ennemi du Roy…

Brièvement il avait répondu…puis elle lui avait fait parvenir encore deux courriers….aussi se devait-il de répondre…enfin arrivé à Limoges…


Citation:
Marie,

Adishatz !

Je vous remercie de vos condoléances, mais j’ai repris du poil de la bête.
Je vous prie de bien vouloir m’excuser du temps que j’ai pris pour vous répondre, tout occupé que je suis à consumer par les deux bouts une passion née de feu, de sang et d’émeraude.

On ne se refait pas, n’est-ce-pas ?

Je suis arrivé en chef-lieu du Limousin où je garde un œil attentif sur le résultat des élections.
Vous vous étonniez de ne pas avoir entendu mon nom depuis quelques temps. Je crains fort que celui-ci ne résonne prochainement plus souvent qu’à son tour à vos oreilles ainsi que dans les couloirs de vos nouveaux quartiers.

Oh rien de bien méchant, juste histoire de faire éclater une vérité limouso-poitevine que peu de gens connaissent…

Au fait, auriez-vous des nouvelle de la Rose et du Chardon ? Maintenant qu’elle n’est plus Grand Prévôt, peut-être aurais-je l’occasion de prouver à votre Grand Maître que la vérité est bien souvent ni noire, ni blanche, mais teintée de gris passe-murailles….

Si vous la croisez, dites-lui que je tiendrai le serment fait par trois doigts levés à la grande Dame de France qu’elle est…même si comme d’habitude, elle me reniera…

Quant au malandrin qui s’en est pris à vous, j’espère que son derche le brûle au plus haut point.

Je suis navré qu’il soit votre frère…Je l’avais croisé lors de la guerre civile en Gascogne, alors que les ordres venaient renforcer les armées du duc félon Estalabou, qui fauchaient femmes et enfants sur les routes pendant que Memento Mori se frayait un chemin à grands coups de boutoir dans les armées alliées sans blesser ou tuer que des soldats….

Mon Spadassin d’alors, Elissar, l’avait identifié….

Au nom de tous les miens, les Grands Maîtres des Ordres ayant participé à ma traque paieront le prix extraordinaire du sang !
Nous nous raterons souvent dites-vous…Oui…mais nous nous croiserons un jour ou l’autre !
Avec Gaspard, j’espère…afin que je plonge l’Emeraude dans l’Azur en souvenir d’un temps ancien….

Je Vous salue Marie…A bientôt…

Cessez donc de prier Aristote pour qu’il me protège, je vous l’ai déjà dit, il est mon ami et je veille Lui….


Namay, Capitaine de Talus et de Coquelicot



Poing ferme qui plie velin…il lève les yeux…durs…
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Ewaele
[Chevaucher encore et encore.]

Rien ne changeait, tout recommençait… Elle allait finir par connaitre le Royaume comme sa poche. Ils étaient partis en direction de Sémur pour ensuite prendre un logement en Lyonnais, mais ils n’avaient eu le temps d’arriver en BA, que déjà il fallait faire demi-tour pour revenir sur leur pas… Le Limousin! La Comtesse avait eu vent d’on ne savait quoi et, bon gré malgré, avec Ethan, Breccan et Abby ils avaient rebroussé chemin jusqu’à Limoges. Là au bout de quelques jours, elle avait reçu une missive de Marie qui l’informait qu’elle avait vu Nico à Paris. Le Limousin était calme et à vrai dire elle n’avait pas forcément réfléchi, elle avait sellé sa monture et tracé jusqu'à lui.

Paris...

Ryes, rendez-vous pris pour l’intronisation, puis ensuite reprendre les routes, là où le vent les poussait, enfin presque. La Bourgogne. Mais si tout était aussi simple cela se saurait. La Vicomtesse avait demandé pour eux des sauf-conduits, mais au bout de quatre jours, pas de nouvelle. Ewa avait prit sa plume et envoyé missive à la duchesse et copie à son prévôt. Le lendemain elle serait sur les terres bourguignonnes alors que les frontières étaient fermées. Quoi faire? Elle avait attendu longtemps une réponse en compagnie de Breccan et de dames blanches, Ethan lui était parti préparer les montures au cas où ils auraient enfin reçu les autorisations. Mais ne voyant rien venir, Ewa avait décidé coûte que coûte d’y aller. Un pigeon les trouva en chemin et fit arrêter le convoi. Quand elle prit lecture, elle tenta de garder son calme et de ne pas penser qu’on se moquait ouvertement d’eux. Elle dût répondre aussitôt et faire part de ce qu’il se passait à plusieurs personnes afin d’expliquer la situation tordue dans laquelle ils se trouvaient. Inconcevable était le mot exact. Elle espérait faire éviter soit un poutrage en bon et due forme, soit un procès pour avoir enfreint l’interdiction posé par Sa Grasce.

Est-ce jouissif de se dire qu’un jour on arrivera à faire ce qui était prévu? Elle pensait récupérer ses biens que le Gardon avait emmenés avec lui et rallier enfin Lyon. Mais encore une fois c’était compter sans le destin et… Les rumeurs! Elle commença à se poser de sérieuses questions quand à l’endroit où elle devrait poser ses malles définitivement pour le coup. Retour en Bourbonnais Auvergne sur la demande du Duc. Mais voilà une folle idée avait germé dans la tête de la rousse, elle en informa Ethan qui lui conseilla d’en parler avec le Grand Maitre. Ce qu’elle fit dés qu’elle le put. Et tout s’était enchainer à vive allure. Les trois licorneux qui ne se quittaient plus depuis sa fuite du Lyonnais reprirent les rennes et chevauchèrent des jours et nuits durant. Ne rien dire, éviter les villes pour ne pas être repérés, elle avait apprit qu’apparemment certains s’amusaient à la tracer mais pourquoi? Elle n’en voyait pas la raison, ni le but. Elle était si peu de chose dans ce bas monde, qu’imaginer un seul instant que ses allées et venues puissent intéresser… Laisser faire les choses, elle aurait bien le temps de savoir ou pas de quoi il retournait et pourquoi on désirait savoir où et avec qui elle voyageait.

Aujourd’hui ici, demain ailleurs, voilà ce qui était devenu sa devise ou sa réponse quand on lui demandait en taverne d’où elle venait et où elle se rendait. Ne rien dire. Qui cela regardait-il? Et qu’est-ce que ça changerait au quotidien des villageois où les trois licorneux prenaient repos? Oui enfin une ville : Chinon, une auberge au petit matin pour prendre enfin du repos. Un lit! Elle en rêvait. Ewaële plongea dans un sommeil peuplé de rêves. Tout d’abord elle rêva des événements de la journée, revoyant chaque moment avec plus d’acuité. C’était même très étrange de revivre tout en ayant un regard extérieur, comme si elle se trouvait en dehors de son corps et qu’elle était un spectateur invisible. C’était si bon et doux comme rêve, si apaisant également mais ce fut de courte durée car les cauchemars la rattrapèrent.

C’était toujours le même qu’elle faisait depuis plusieurs années maintenant mais c’était seulement depuis son arrivée en Limousin qu’elle s’en souvenait une fois réveillée. La jeune femme avait huit ans et c’était le jour de son anniversaire. Elle était excitée car c’était un jour très particulier, elle le sentait mais ne savait pas pourquoi. Seulement elle était aussi contrariée, depuis son réveil personne ne faisait attention à elle et surtout pas sa mère qui semblait inquiète, sur le qui vive. L’enfant tentait de refréner sa colère, sa mère l’accusant trop souvent d’être trop égoïste mais tout de même c’était son anniversaire aujourd’hui. Elle avait dû supporter la veille une tradition ancestrale pénible mais c’était uniquement parce qu’elle savait que le lendemain serait prodigieux. Pourtant rien ne se passait comme elle l’avait imaginé. Son père avait disparu la veille et sa mère semblait soucieuse et ailleurs. Soudain elle entendit des sabots dans la cour de la maison et sa mère se précipita alors dans la chambre d’Ewa. Elle attrapa une besace qui semblait déjà prête depuis des jours mais qu’elle n’avait pourtant pas vue et elle l’entraina la tirant par la main. Elle observait la scène abasourdie. Mère et père se disputaient violemment. Pour une fois, sa mère partageait leurs échanges sans se rendre compte qu’elle était pourtant bien là. Elle commença à taper du pied pour attirer leurs attentions et allait exiger des explications quand sa mère se tourna vers elle, esquissa un geste et la toucha au front.

C’était toujours à ce moment là qu’elle se réveillait, en hurlant dans le pire des cas, en tremblant dans le meilleur. Cette fois-ci, la jeune femme émergea péniblement de son passé dévastateur en tremblant. Il lui avait semblé que le rêve était plus réel qu’habituellement mais c’était uniquement du à la réalité qui l’imprégnait involontairement. Elle avait relevé la tête, les yeux emplis de larmes de rage et de frustration. Plus elle en rêvait et plus des détails se précisaient mais elle ne comprenait toujours pas pourquoi son père et elle avaient fui. Comme à chaque réveil, sa marque de naissance, qui était tatouée en bas de sa colonne vertébrale palpitait doucement pendant quelques minutes. Elle balaya une mèche de cheveu de son visage et décida qu’il était temps de reprendre la route… Direction l’Anjou !

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Abby8659
[Saumur, la forte tête]

Rien n’était prévu mais la vie est ainsi faite que les surprises s’enchainent et qu’elles poussent à faire des choix inenvisageable quelques temps, minutes, secondes plus tôt. Il n’était pas prévu qu’elle reste une bonne semaine à Saumur. Censée être une ville étape de son parcours, le temps semblait s’être figé aux portes de la ville. A ce rythme là, nul doute qu’il lui faudra une vie pour faire le tour… du Limousin.

Pourtant de belles rencontres dans cette ville, réputée repère de mercenaire. Il faut dire qu’il y a des phénomènes qui peuplent les tavernes et qui donnent à la ville cet air renfrogné qu’le soleil et les papillons n’parviennent pas à effacer. La limousine préfère en rire même si certaines rencontres font remonter à la surface un passé qu’elle préfère derrière elle. Accompagnée d’Ewa et de ses frères d’armes, elle tente de s’assurer que les mauvais rêves ne referont pas surface. L’vin d’Anjou aidant, il est vrai, à passer de bonnes nuits.

Une sœur introuvable qui a disparu dans la brume angevine et qui la laisse à la rousse comme le berceau d’un nouveau-né à la voisine. Une rouquine qui s’était décidée à venir la chercher et qui devient tout à coup prisonnière d’la cité aux mille et un brigands. Les traits tirés pas une fatigue venue de loin, elles étaient belles à voir les limousines…

La situation se tordait pour devenir le déjà-vu d’une situation qui fut la même quelques temps plus tôt. Une fois de plus le cœur veut partir loin des tumultes, l’esprit loin de ses tortures et l’corps loin d’la boisson. Un autre jour pour une autre vie, oui mais sa vie à elle ne semblait qu’un eternel recommencement…

Lundi elle partirait, soulagée mais ravi d’avoir revue une amie perdue, une Linon qu’est resté là même et dont elle se sent toujours aussi proche. Elle aurait aimé l’aider dans son trafic œnologique mais elle avait déjà bien suffisamment touché à la boisson. Elle craignait qu’un soir où les démons seraient d’sortie, l’poison fasse son effet et l’emporte dans une mer rouge.

La réflexion commençait dans la cervelle de la brunette, que faire ?… Quel chemin donner à sa vie ? Et déjà des réponses se dessinaient sans qu’elle n’les aient invités. La licorne ? Les dames blanches ? Les brigands ? La diplomatie ? Tout se mélangeait en une suite d’engagement dans une voie comme dans une autre…

Elle prendrait des risques, il le fallait. Elle l’avait toujours fait pour voir à quoi elle pourrait résister. Se frottant à tout ce qui pique, griffe, mord, coupe, elle gardait des cicatrices de ces expériences qui lui avaient au moins appris ce qu’elle n’était pas. Elle n’était pas un fauve, comme ceux qui baillent plus qu’ils ne rugissent dans la cage au lion d’son OST. Elle n’était pas une hyène politisée parce que les sarcasmes et l’acharnement sur les plus faibles n’étaient pas son fort. Elle n’était pas non plus un serpent, comme ceux des nids d’brigands qu’elle avait pourtant largement fréquenté. Non elle n’était pas tout ça. Mais était-elle pour autant une bête cornue ou une abeille d’la ruche à l’écu vert ? L’avenir seul le dira…

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Ewaele
[L’errance…]

Cela avait commencé il y avait maintenant plus de quatre mois… Pourquoi, comment, elle en était arrivée là serait sans doute trop long à raconter, mais elle fut toujours accompagnée par des frères Licorneux, en plus ou moins grand nombre, mais jamais seule sur les routes du royaume de France. Des liens s’étaient crées, des complicités, mais aussi un apprentissage, un savoir. Dire qu’elle se façonnait serait faux, elle avait toujours eu un caractère bien trempé, même si elle avait apprit à ses dépend à se taire ou à ravaler sa fierté. Mais elle devait reconnaitre que c’était dur, elle avait trop connu les affres des responsabilités pourtant pour savoir ce que c’était, mais on ne la changerait pas ou du moins peut être en apparence: chassez le naturel, il revient au galop!

Vivre dans un univers différent, voyager du Limousin en Bourgogne, pour aller en Lyonnais, puis le Bourbonnais Auvergne et à nouveau le Limousin pour repartir elle ne se souvenait plus ou exactement. Mais elle se souvenait de ce jour où, avec Ethan et Breccan, ils avaient fait route vers la Touraine, puis l’Anjou, le Blondinet dirait qu’ils avaient eux le nez fin sur ce coup… Période d’attente, d’observation, période où la vie à trois s’organisait simplement. Une auberge ou bien une écurie pour certain… Un lit ou de la paille, de quoi se poser, se reposer, et entre deux chevauchées le reste… Eux, elle, quelques livres empruntés dans les différentes universités, la soif du savoir, la soif de s’enivrer de connaissances. Et ce qui n’était pas dit lui appartenait, car trop de mots tuent l’histoire, son histoire… Sa vie telle qu’elle pouvait la concevoir à ce moment là, telle qu’elle avait envie de la mener.

Chaque être en ce monde possédait sa part de mystère, d’insouciance, d’envie. Mais surtout, ils avaient tous en eux ce petit quelque chose qui les poussait à avancer, à toujours suivre ce sentier fermé qu’est le destin, la fatalité. Mais qu’était-ce que le destin? Etait-ce simplement une suite d’événements incontrôlables dont l’enchaînement était décidé avant même toute chose? Avant la naissance même de cet univers impitoyable ne laissant aucune place aux remords et à l’interrogation sur ce dit destin? Que de questions qui finissaient par aboutir sur d’autres questions. C’était un cercle sans fin, un cercle vicieux, comme si l’on était enfermé dans un labyrinthe dont la seule issue serait une porte menant à d’autres portes se trouvant elles mêmes au bout d’un labyrinthe, et qui elles mêmes par la suite mèneraient sur d’autres portes.


[Un temps.]

Comme un silence incohérent, une inhabitude, un entrechoc dans la pensée. Un temps existait peut-être en soi, mais on lui attribuait un mot erroné qui ne s’encastrait pas bien dans la définition de ce vide lui aussi mal nommé. Un temps n’était qu’un chaos indicible. La surface n’avait d’importance que par ce qu’elle cachait. Ou par ce qu’elle recouvrait, comme on voulait. C’est en dedans que tout vivait, bougeait, bouillonnait, exultait et prenait ses formes véritables.

Elle se taisait parce que la traduction de sa pensée serait la travestir. Parce que les mots se pressaient dans leur sens indécis. Dans le tollé qu’ils soulevaient en écorchant ceux qu’ils voulaient simplement frôler. Parce qu’elle prenait les choses trop à cœur? Qu’elle dérangeait? Qu’elle errait à perpétuité? Elle se taisait parce qu’ils l’étranglaient. Qu’avec leurs griffes au bout des doigts ils déchiquetaient la bienséance. Qu’avec leurs dents ils mordaient la quiétude.

Ça faisait clac quand sa boucle au noir la barbarie en soi. Ce champ de bataille aux multiples fronts. Et ça cognait d’un mot à l’autre. Ring en festin de coups bas. Ça trouait salement le fil sur lequel elle s’était aventurée. Ça croisait le fer. Ça s’étripait et ça hurlait et ça râlait comme à la guerre… La guerre justement!

L’ambition et les susceptibilités ne connaissaient pas la raison. Pauvre folle elle allait à l’échafaud de l’imbécilité. Perdre la face du mutisme. Un mot déchu ne signifiait il pas la défaite de celui qui ne l’avait pas dit?

Elle n’avait pas le droit de se laisser vaincre. Elle était entière, fière, jusque dans la stupidité, l’inconvenance. Le désordre. Elle était dérangeante, remuante… Anarchique sans doute pour certains mais qu’importe après tout, ils n’avaient pas compris: elle ne se battait pas pour elle mais pour eux. Et souvent contre elle-même.


[L’histoire.]

Blois : Calme, paisible, on entendait le tapement des marteaux sur le fer. Les forges ne se faisaient pas rares dans le coin. Les marchand vendaient leurs biens tandis que les artisans brodaient, chantaient ou peignaient. Une lance la suivait de loin, faisant preuve d'une discipline exemplaire, même si l'un deux tournait la tête pour regarder les artisans au travail. Elle essuya la sueur qui s'écoulait de son front du revers de la main gauche, tandis que la main droite tenait l’azur à la licorne blanche contre ses côtes. Sa monture était poussiéreuse mais son pelage brillait encore. Elle suivait son chemin afin de retrouver ses frères, leurs frères qui devaient arriver ce jour de tous les coins du Royaume. Son ventre commençait à faire du bruit, et sa gorge devenait de plus en plus sèche. La nuit avait été longue, et épuisante… Le souffle court, la poussière lui piquant les yeux, la rousse redressa lentement les épaules, descendit de son cheval et fit tomber la protection de cuir qui lui enserrait le buste…. Elle s'essuya le visage dans la manche de sa chemise, scruta les environs… Elle reprit sa marche plus rapidement, parcourut les derniers mètres qui l’a séparait du lieu de rendez-vous, se retourna et observa ses compagnons un moment, ses yeux allant de l’un à l’autre…

Plus tard… Quelques images passèrent devant les yeux émeraude de la jeune femme à l’évocation de son nom. Brièvement, elle écouta les propos du Haut Conseil. Son cœur battait fort dans sa poitrine, mais elle avait rapidement appris, au court de son existence, à transformer la peur en excitation, à la dompter pour ne pas céder à la panique. Et quelle panique aurait-elle bien ressentir? Sa main alla jusqu’à la garde de son épée et, au moment où elle la tirait de son fourreau dans un bruit de métal, elle sut, comme lors de tous ses combats, qu’elle ne pourrait revenir en arrière et la laissa glisser dans son étui... Il lui faudrait aller jusqu’au bout… Aucun mouvement pour rejeter la proposition qu’on lui faisait… Juste un combat contre le temps, contre ses doutes.

Les jours passaient… La fatigue rendait ses mouvements lourds, pesants, elle avait mal, en avait marre. Mais sa détermination n'avait jamais été aussi solide qu'à ce moment présent. Ewaele avait traversé des journées éprouvantes, cette dernière lui serait-elle fatale? Elle se voyait déjà arriver au devant des portes de Tours puis de Chinon. Elle tentait d'imaginer, avec bien du mal, la suite des évènements. Tant d'images traversaient sa tête en flash, tant et tant de choses, qu'elle sentait une force nouvelle la parcourir. Elle revint à la réalité et fixa ses yeux sur l'abrupte chemin qu'elle gravissait depuis quelques temps déjà, la roche qui le composait en était de plus en plus noire, la végétation était de plus en plus rare... Ils approchaient.

Le temps s'égrenait… L’horizon s'éclaircissait. Pâle, Ewa parvenait cependant à voir, de-ci, de-là les formes des maisons, des échoppes, entendait les bruits au loin… Elle était littéralement épuisée, mais au moins une chose positive, elle ne ressentait plus rien, comme détachée de son corps. Et puis, l'atmosphère se réchauffait alors que peu à peu, elle émergeait pour découvrir que le Capitaine de la Licorne avait fait stopper la marche. Lentement, elle s'approcha de lui, pour entendre ce qu’il allait dire, pesant chacun de ses mots. Lieu du campement choisit… La troupe composée de licorneux, Dames Blanches, l'Ordre de la Cosse aux genêts, et de volontaires, amis ou vassaux se stoppa et ce fut un véritable mouvement de masse qui eut lieu sous les yeux de la rouquine. Mais son regard suivait un homme, un seul, celui qui ce jour tenait en sa main les couleurs de la Licorne afin de les planter dans ce sol qu’ils foulaient.

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Ewaele
[Le déni]

Refuser ce que son corps pouvait lui laisser entrevoir, refuser d’ouvrir les yeux sur un état qui durait depuis trop longtemps déjà… Des jours et des jours sans qu’elle veuille s’avouer que quelque chose ne tournait pas rond, qu’elle changeait, mentalement et physiquement. Se dire que ce n’était rien et que c’était une certaine mélancolie qui s’était emparé d’elle. Mélancolie certes, mais elle ne pouvait tout rejeter derrière ce mot qui voulait tout et rien dire. Depuis la mort de son frère et le départ du Limousin, elle n’était plus tout à fait elle-même, mais pas à ce point. Elle s’enfonçait dans des limbes et ignorait des signes propres à un état qui ne pouvait laisser de doutes pourtant. Elle avait trouvé dans l’errance une nouvelle force, une nouvelle envie de continuer toujours plus vite, plus loin. Voyager à s’essouffler, à se perdre, à s’enivrer, à n’être plus qu’une femme parmi tant d’autres oubliant ses titres et ce qu’elle avait pu être. Jusqu'à ce retour précipité sur Paris où il était. Jusqu'à ce jour où enfin des cœurs s’étaient livrés, avoués, libérés des non dits, des rumeurs, des salissures. Jusqu’au moment où les mots n’ayant plus leurs places, les yeux, les mains et les corps avaient repris le dessus sur le temps. L’arrêtant.

Et de plonger dans ce souvenir ne pouvait que la mettre en émoi, là dans ce campement où tout bougeait, tournait, virevoltait, où des tentes s’étaient montées, où chacun avait su trouver sa place. Passer de mâtines à laudes, à prime, à tierce, à sexte, à none, à vêpres jusqu’aux complies, en regardant évoluer les différents personnages. Jusqu’au nouveau jour qui poindrait. Mais elle, elle en était là dans ses réflexions. Là où tout avait pu commencer, où tout avait prit vie. Comment ignorer, comment vouloir ou pouvoir l’oublier? C’était la question qui la taraudait et à laquelle elle ne pouvait donner de réponse sans se replonger un peu plus d’un mois en arrière maintenant. Le temps, ménagère méticuleuse, frère siamois de la mort aussi, balayait tout. Les souvenirs heureux d’abord et le tout se déchiquetait ou s’effilochait. Petite neige d’été. Quand ils survivaient, cela n’était que pour se rappeler à ce qu’on avait perdu et le désirer si fort qu’on s’y perdait. On ne rattrapait pas le temps perdu. Les trésors perdus non plus. Le naufrage des heures qui coulaient, tout sombrait en définitive. Le vélin brûlait, l’encre se diluait, les cœurs cessaient de battre pour peu qu’ils aient déjà battu. Avant. Un jour? Le bonheur, lui, on le jurait, la flamme dansante au fond des yeux, « c’est demain ». Pour faire plus vite et abréger cet enfer qu’était l’attente. Mais demain ne venait pas. Tragédie. Etre au lendemain de quelque chose sans être à la veille d’une autre. Cruelle destinée. Et le temps ne jouait pas en leur faveur, ni les évènements. Cette promesse, cette date ne seraient qu’un jour parmi tant d’autres, il fallait l’oublier, l’enterrer, il ne serait rien de ce bonheur qu’ils voulaient construire, il ne serait rien…

C’était une histoire fragile, comme on en trouvait au milieu des manuscrits, une histoire banale, comme on en trouvait dans les faits divers. Les lésions profondes emporteraient leurs âmes abîmées de l’autre côté du fleuve, un jour. Progressivement un mur de pierre et de silence s’était bâti entre les deux amants. Eux pensaient poser chaque jour les briques de leur avenir, mais sous la sueur, les larmes et le sang, la paroi de verre grandissait. Grandissait, toujours plus. Et, au moment de se prendre dans les bras, on ne voyait que soi, soi et son reflet atroce, soi et sa mine triste. C’était un rendez-vous manqué avec la vie, un qu’on ne rattrapait jamais. Repousser cette cérémonie était somme toute logique mais cela laissait un goût amer déjà naissant au vu de leur vie.


[Demain se levait déjà.]

Et tragiquement on oubliait la suite, la pensée s’opacifiait, la brume se levait. Doucement on se rappelait la réalité, les cours, le travail, toutes les vanités grotesques qui nous déshumanisaient.…Les consciences dévastées, la morale et le beau consumés.…La détresse, appel lucide d’une conscience, cri vers l’abîme passé pour un écho qui ne venait pas, qui s'égarait sur les vieilles parois des tentes...

« Mais je rêvais encore, et j’y croyais bien plus fort,
Les étoiles enflammées, qui s’envolaient sur l’aurore,
Le brouillard des idées, qui filaient et s’évaporaient,
Toute une éternité, plus de vie plus de mort. »

Tous ses matins étaient des nuits noires, un spectre étouffant, prêt à la dévorer. Elle n’avait plus d’avenir. C’était ce qui rendait la vie divertissante, sans haine ni rire ni plaisir. Le mal l’entraînait dans sa spirale infernale. A peine mettait-elle un doigt dans l’engrenage que le corps se mettait en branle, happé, la rémission était impossible, la liberté s’appelait soumission.

Elle se sentait mal, le cœur qui se perdait dans sa poitrine et la bile qui se coinçait dans la gorge. Son estomac qui criait mais elle ne l’entendait pas, il était submergé par les flots. Son gosier brûlait et elle avait froid... Y avait cette douleur au ventre qui ne la lâchait pas et l’ombre qui prenait forme. Y avait ses peurs infantiles qui revenaient et elle vomissait. Ca brûlait sa gorge, c’était mouillé comme de la neige qui fondait. C’était froid, cela brûlait. Le sang qui battait ses tempes ne voulait pas redescendre. Ses mains tremblaient, ses lèvres balbutiaient, les phrases n’étaient pas cohérentes. Elle se détestait, ce sourire en coin, son visage figé, ses blessures et sa vie misérable qui ne sortait pas de la route pavée par ses parents. Elle avait les jambes à l'envers et du magma qui coulait pour faire fondre sa tristesse. Un verre, juste un… Le temps de son cœur était capricieux, en ce moment, un nuage grisonnant y faisait pleuvoir une pluie acide à s'en brûler la peau. Ses lèvres se fendaient à lui faire mal quand son esprit était noir charbon. Ses larmes acides creusaient ses joues trop fragiles. Elle n’était pas motivée, son esprit la ramenait sans cesse à lui. Elle essayait de travailler pour oublier. Elle aurait voulu provoquer cette souffrance, appuyer et adorer la douleur à son apogée, atteindre la folie par la douleur, perdre la réalité, se noyer dans ses rêves nébuleux, ne plus exister, s'évanouir, rester dans cet état comateux qui la rendrait peut-être heureuse...

Plus tard… Un bruissement de feuilles pour une larme, lente et sincère. L’automne s’installait, l’air frais rougissait la peau, les feuilles jaunissaient, tourbillonnaient. Au second on apercevait la cime des arbres, elle tutoyait le ciel. Le vent se levait et balayait la salissure. Les branches se secouaient, les oiseaux sifflaient, le soleil se cachait sous les épais nuages. Il était un peu comme elle, il profitait du froid pour se parer de gros habits cotonneux. Il profitait du noir pour s’amuser et taper sur la lune, il trompait l’ennui et la routine. Les mains se serraient pour retrouver la chaleur d’antan, comme une joie inexplicable, une alchimie magique de se retrouver.

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Ewaele
[Souvenirs.]

Elle avait tout encré sous sa peau. Ses souvenirs et ses larmes. Les marins jetaient l’ancre et leurs tatouages balisaient le port, le phare balançait sa lumière et les poissons se noyaient dans l’amer. Elle avait entassé là, mensonge et vérité, rêves et réalités. Elle avait changé. Enormément. De taciturne et sombre, elle en était arrivée à cracher des soleils. Sa timidité? Fi! Elle en avait fait de l’indifférence voire du mépris. Les autres appelaient sa sensibilité méchanceté ou mesquinerie. Ses joues, dehors, n’étaient peut-être pas humides, mais en dedans ses jeux se brisaient. Mais elle restait une autre. Sa tristesse était sèche, ses yeux étaient taris plus qu’ils n’étaient arides. Chaque jour qui passait, elle tuait le sentimentalisme, de liane écorchée elle était devenue fil d’acier. Pouah! Le magma qui coulait dans ses veines gelait parce qu’il avait chaud, la lave du sol s’estompait. On ne sautait plus de chaises en fauteuils pour éviter la lauze du parterre. Et les lézardes du sol n’étaient plus des trous sans fond, juste des marques du temps. Les rides de la terre.

Les jeux d’enfants n’étaient plus que des souvenirs…. Qu’est-ce qu’elle avait bien pu en faire? Elle avait oublié. Il n’y avait pas de sourire dans les souvenirs mais de la tristesse dans les doigts et des flammes dans les yeux, de la passion d’hier qui empestait le demain. Les souvenirs étaient l’arrêt du futur, un abysse qui appelait l’abîme.

Quand elle rêvait, il y avait des flaques et son visage dedans, elle sautait, l’écrasait mais toujours il renaissait. Elle se demandait comment il respirait. Pourquoi souriait-il? Alors que ses yeux pleuraient et se perdaient? Il était figé, c’était comme un masque mis là pour faire joli. Une mascarade dont on se barbouillait la face? Pour ne pas parler parce que les gens heureux n’intéressaient personne?
Avoir un cœur c’était s’en plaindre, montrer ses larmes c’était risquer qu’on s’y attaque. Voler les larmes d’un humain c’était voler son âme. Elle n’avait ni âme ni larme à donner. Cacher c’était être détesté. C’était s’amuser et rire de tout. Mais qui étions-nous pour juger? Voyez-vous les fêlures de ceux appelés superficiels? Leurs yeux sans éclat et leurs cœurs brisés? Vos jugements étaient de façades, simplistes et puaient la jalousie. Juges partiaux et spartiates d’hier elle vous honnissait tous. Au feu biens pensants et médisants. Ses huit ans? Elle pleurait et se lamentait, la mort d’une feuille blessait ses yeux, l’hémorragie lacrymale était indomptable et les rires étrangers tentaient de fouetter ce fauve sauvage. Elle était attendrie par tous, la méchanceté lui inspirait pitié et leurs larmes lui fendaient le cœur. Elle se prenait pour un nuage dans la vêprée, les battements du ciel et les vagissements brumeux. Les doigts gelés, prêts à tomber, elle regardait les flocons s’écraser, c’était une foule de plumes d’anges pour cacher la tristesse. Aujourd’hui c’était une devanture, elle l’avait compris en devenant pragmatique, la chape blanche masquait la misère et le dépit, elle donnait le froid pour geler les larmes. Elle avait oublié comment s’extasier…. Qu’est -e qu’elle avait pu faire de ce souvenir? Elle avait huit ans et venait de quitter une mère pour qui elle n’avait jamais eu de sentiments, qui lui était inconnue, pour suivre le seul être important dans sa vie et qui souffrait : son père.



[L’aveu]

Non, décidément elle ne pouvait pas dormir. Comment avait-il pu la laisser seule dans un moment pareil? Seule avec sa douleur et une angoisse aussi grosse que son ventre en devenir, en l’espace de quelques mois, source d’émerveillement et de rejet. Avait-elle peur? Sans doute oui. Tout ce qui lui arrivait restait tellement abstrait. Perturbée? Sans aucun doute Elle ne s’était jamais préparée à vivre ce genre de bouleversements. Elle s’était jurée de ne plus généraliser et voilà qu’elle recommençait. Tous les hommes, toutes les femmes, toujours, jamais. Non, ce soir c’était elle qui souffrait, c’était lui qui n’était pas là et c’était toujours elle qui n’était pas préparée à faire face à ce tournant imminent qu’il allait lui falloir emprunter.

A force de vouloir tout contrôler autour d’elle, elle ne savait plus gérer le changement, accepter l’inconnu. Elle en avait même oublié ses propres craintes et aspirations. Mais elle avait beau les refouler dans les tréfonds de son être, cette nuit elles tenaient leur revanche. L’une après l’autre, elles resurgissaient, l’observaient tels des fauves prêts à bondir sur une proie prise au piège. Elle se débattait, tournait dans tous les sens mais il n’y avait pas d’issue. On ne pouvait pas éternellement tricher avec soi-même.

Dans la pénombre glaciale de cette tente austère, ses pas résonnaient encore et encore. Le choc de ses semelles usées sur le sol dur, gelé, sans éclat, semblait rythmer d’un pas égal les secondes qui s’égrenaient lentement. Impatiente de rencontrer enfin Flaiche, de lui parler, lui expliquer et entendre les mots sortir de sa bouche qui confirmerait ce qu’elle pressentait, elle s’était précipitée à sa rencontre. Sous les reflets orangés au-dehors, des milliers de cristaux scintillaient tour à tour. Ils s’étaient arrêtés de marcher pour contempler ce ballet silencieux, tandis qu’une fine pellicule blanche effaçait progressivement les contours du monde. Hypnotisé par ce spectacle irréel, elle oublia un instant, avant de poser sa main sur son ventre et de s’interroger de plus belle. C’était drôle, elle le pressentait, elle le devinait et l’imaginait tel qu’il ne serait probablement pas. Elle voulait un jour le prendre dans ses bras, l’apprendre, le connaître et l’aimer de tout son être. Oui mais il n’était pas encore là. Et vu les circonstances ne serait peut être jamais là… Et Flaiche avait sourit et confirmer ses doutes, ses craintes, il s’était voulu rassurant, optimiste, mais pour une fois il avait l’air si sérieux, si…

Elle dû faire face à une Marie inquiète, déterminé à savoir, connaître, comprendre ce qui en elle se faisait joie et cauchemars à la fois. Elle ne pourrait lui cacher longtemps de tout façon, son amie la connaissait trop pour ne pas voir que la rouquine était tracassée. Comment lui dire, comment parler ouvertement de ce sujet alors qu’un autre plus problématique sans doute prenait forme dans la vie des deux femmes. Comment rester sereine face aux avances d’un homme vassal de la Vicomtesse, médicastre de surcroit qui lui proposait son aide. Tout se mélangeait, tout se confondait, tout n’était que chaos et la rousse n’était pas en état de faire la part des choses. Alors quoi de mieux que de se plonger dans ce qu’elle savait le mieux faire? Les responsabilités et le travail elle n’en manquait pas. Chef d’armée en ces temps plus que troubles, cela suffisait à une seule femme pour faire disparaitre les préoccupations du quotidien et repousser d’un geste de la main ce qui grandissait en elle. Elle aurait sans doute dû faire des choix, poser les choses à plat mais elle en était incapable. Lui était trop loin et il ne savait même pas sans doute tout ce qui l’habitait. L’habitait oui était bien le terme de façon concrète ou pas. Elle aurait pu faire voler sa buse jusqu’à lui, mais elle était toujours sans nouvelle et elle était fatiguée des efforts qu’elle fournissait pour garder ce lien qu’elle chérissait en son sein. Maintenant ils étaient trois à être dans la confidence et pour l’heure c’était amplement suffisant. Trois personnes dont le savoir sur son état serait sans doute nécessaires tout au long de cette chevauchée qu’était la leur depuis de longs jours maintenant.



[L’angoisse.]

Ce furent d'abord des tiédeurs vagues, des vapeurs mourantes qui l’a pénétrèrent avec ce charme si bizarrement plaintif des ciels nébuleux d'automne, des blancheurs phosphoriques des lunes dans leur plein. Puis vinrent des apparitions spectrales, des enfantements de cauchemars, des hantises d'hallucination. Des poses tourmentées, des lèvres cruellement saignantes, des yeux battus par d'ardentes nostalgies, agrandis par des joies surhumaines. Ces évocations d'un autre monde, ces embrasements sauvages, ces tonalités crépusculaires, ces émanations surexcitées disparurent à leur tour et un hallali de couleurs éclata, prestigieux, inouï. Un ruissellement d'étincelles de pourpre, une fanfare de senteurs décuplées et portées à leur densité suprême. Nausées…
Elle ne voulait pas! Arc boutée contre l’intrusion qu’elle n’avait pas voulue, au milieu d’un amas de mouvements auquel elle ne comprenait rien. Les questions affluaient, envahissantes, dérangeantes, impossibles à canaliser. Des bribes entre réel et imaginaire flashaient en rafales son quotidien. Impacts. Un, deux, dix, cent, un milliard. Lancinantes. Tragiques. Absurdes. Elle ne voulait pas. C’était tout juste si elle respirait. Elle croyait bien que ses poumons n’utilisaient qu’un pourcentage très faible de leur capacité totale. Elle ne savait même pas comment on faisait pour vivre quand on n’attrapait qu’une goulée d’oxygène de temps en temps. Impure, rouillée, souillée, cadenassée dans les trois secondes qui suivaient son absorption.



[Rouge.]

Elle avait rêvé de ses doigts trempés de ce rouge visqueux coulé de sa chair.
Un enfant chantait. Non. Elle entendait une chanson enfantine interprétée par la voix d’un enfant, mais elle n’était pas sûre qu’il s’agisse d’un enfant. Une chanson-fleur, délicate et subtile, confiante. Une chanson-sourire. Une chanson-j’arrive.
Jusqu’à.
Rouge. Jusqu’à ce que l’indicible beauté unique et intemporelle se fasse happer par ce rouge visqueux. Le sang de l’effondrement.

Savait-elle la fragilité ?

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Ewaele
[Un campement entre Bourges et Bourbon]

Ils étaient arrivés avec l’aube, le temps était gris, humide, triste, jour d’automne parmi tant d’autres. Le soleil ne percerait pas pour venir apporter un peu de douceur. Licorneux, Dames Blanches, Cosse de Genêt, amis, vassaux, volontaires s’étaient activés à monter le camp de base pour la journée, les odeurs de nourriture s’élevaient déjà, certains s’entrainaient, d’autres prenaient le repos après les lieues chevauchées, et eux, inlassablement, se retrouvaient dans la tente de commandement. Regarder les dernières missives reçues et prendre les décisions qui seraient l’avenir de cette armée. Dire qu’elle se sentait plus mal que les autres jours aurait été un euphémisme, elle dut à plusieurs reprises s’excuser pour aller respirer l’air en soulevant un pan de la toile de tente. La rouquine n’avait plus rien ingurgité depuis deux jours, plus rien ne passait, son estomac se vidait automatiquement, elle avait abandonné le fait de se nourrir, la fatigue du chemin, de l’absence et de ce qu’il se passait n’avait sans doute pas aidé son état à s’améliorer, mais elle avait préféré se taire. A part Marie, Flaiche et Eusaias, très peu étaient au courant. Elle s’était décidée la veille à envoyer sa buse jusqu'à son fiancé pour l’informer de son état et réponse fut rapide. A peine arrivés sur les lieux où ils allaient s’installer, à peine les étendards commençaient à flotter que l’oiseau fendit le ciel pour la lui ramener.

Mais quand le destin en décidait autrement quelles armes avions-nous pour nous défendre? Le temps s’était arrêté, elle avait du sortir pour de bon et trouver un point d’eau isolé dans la nature, se mettre à l’écart. Du haut d’une pente boisée, elle découvrit un paysage de champs sans vie qu’animait seulement de ça et là le squelette nu d’un arbre. Pas âme en vue, car, au cœur de cette saison, les terres ne réclamaient aucun travail. Ewa suivit une route qui plongeait dans une vallée, sa monture placide avança prudemment jusqu'à une rivière. Il fallait se rendre à l’évidence. Son corps ne porterait pas la vie, elle était en train de perdre le fruit qu’elle portait en son sein. Lorsque l’enfant attendu meurt au lieu de naître, on ne peut plus appréhender la vie de la même manière. Après l’impuissance et l’effondrement, il y avait eu le vide et le manque de sens. Plus rien n’avait de goût ni de couleur. Il faudrait du temps, beaucoup de temps pour se relever et retrouver confiance. Elle se lava aussi bien qu’elle put, frottant son corps à s’en faire mal comme si elle avait besoin d’effacer, d’enlever cette culpabilité qui était sienne. Il faisait grand jour maintenant, jour brumeux, et le temps n’était guère plus chaud qu’à minuit. Elle frissonnait, se rendit compte qu’elle ne portait que sa cape azur. Qu’était-il arrivé au vieux mantel de son père, elle ne s’en souvenait plus. Ou bien la brume s’épaississait ou bien quelque chose d’étrange affectait ses yeux car elle ne distinguait plus son cheval. Elle voulut se lever pour le rejoindre, mais ses jambes ne lui obéissaient plus. Se recroqueviller sur elle-même et attendre ainsi que le temps passât…

La pluie se mit à tomber, la faisant sortir de sa torpeur, et avec elle le déclin du jour s’annonça. Elle se hissa tant bien que mal sur le dos de son équidé et, lui faisant totalement confiance, le laissa la guider vers ses frères et amis qui devaient se demander où elle était passée. De la fumée s’élevait du campement, tout était calme, le ciel pleurait et cachait ainsi les larmes qui ruisselaient sur son visage. Elle avait mal, des douleurs atroces lui transperçaient le ventre comme si on lui enfonçait une épée dans les entrailles. Elle avait chaud et froid, puis froid et chaud… Elle ne savait même plus comment elle s’était retrouvée là devant cette tente, juste qu’elle était détrempée, pliée en deux et que le souffle court qui était sien ne lui permettait même pas d’appeler à l’aide… Elle resta là un temps, court ou long qui le savait réellement, elle avait perdu tout sens des réalités quand le médicastre la trouva et qu’elle lui tomba dans les bras. La suite fut des enchainements découpés que sa mémoire avait plus ou moins enregistrés.

Allongée, la chaleur, une voix douce qui lui parlait, elle s’accrochait mais n’y croyait plus, elle se sentait partir, tremblait. Elle était mouillée, avait froid. Puis il cria, un nom s’envola, il faisait demander Marie… Son amie arriva et bizarrement cela la réconforta, ils eurent des gestes des paroles mais là encore des choses lui échappaient. Un bain, elle trouva l’eau glacée. Marie lui murmurait des mots, sans doute pour la rassurer, elle avait du mal à faire la part des choses. Ils la firent boire, puis la déposèrent sur une couverture. Pourquoi tout cela? Elle avait expulsé l’être qui grandissait en elle pourtant. Eusaias lui glissa une feuille sèche dans la bouche, cela devait apparemment l’aider, mais à quoi? Des bribes de l’histoire lui revinrent alors…


Nous n'aurons pas le temps ce soir de faire quoi que ce soit il faut juste me mettre sur pied et attendre d'être à Bourbon.

Marie, mes affaires sont dans mon cachet, pouvez vous les faire bouillir.

Toi tu fais ce qu'on te dit Ewaele de la Boesnière. Il faut le faire... c'est ta santé qui est en jeu... Elle lui embrassa le front.

Je sais Marie je pensais que ça pouvait attendre demain, juste faire descendre la fièvre et patienter un jour de plus.

Certainement pas… Il faut faire au plus vite.

Puis tout s’enchaina, elle sentit une lame froide se poser sur son ventre, lui couper les chairs. Elle n’avait donc pas combattu avec l’armée mais elle aurait quand même une cicatrice… Ironie du sort ou de la vie. Elle se mordit la lèvre et serra la main de Marie qui était venue se glisser dans la sienne, sa mâchoire se contracta. Et elle relâcha toute pression, poussa un gémissement en sentant les doigts du médicastre venir fouiller dans ses entrailles. La douleur se faisait si intense, si détestable après tout ce qu’elle avait vécu, son corps voulait le repos, elle ne voulait plus être… Marie lui murmura qu’elle revenait, qu’elle devait avoir dans une malle de quoi la calmer, lâcha sa main et ce fut le vide et le froid qui l’envahit alors qu’Eusaias continuait la sale besogne au creux de son ventre. Marie revint et lui mit quelque chose sous le nez, ‘respire’ lui avait-elle conseillé, ‘ça va t’aider, tu vas dormir’. Un brouillard vint devant ses yeux, sa tête se fit lourde, ses yeux se fermèrent et elle plongea dans un sommeil profond. Là, réfugiée dans un ailleurs, elle revoyait les mots qu’elle avait couché sur le vélin pour Nico, et sa réponse à la sienne, même endormie, elle souffrait de ce qui ne serait pas, plus, de ce qu’ils avaient cru. Les missives résonnaient en boucle dans sa tête…


Citation:
Nico,

[…]
Si je prends la plume aujourd’hui, sans avoir obtenue de réponse à mon dernier parchemin c’est que j’ai quelque chose à t’annoncer. Je le sais déjà depuis quelques jours mais je ne savais pas comment t’en informer. Et même là devant mon vélin, plume à la main, j’ai du mal à trouver les mots pour le dire. La période n’est pas des plus propices pour cette chose qui nous arrive, mais c’est ainsi, je ne l’ai pas choisi et toi pas plus, mais nos retrouvailles à Paris ont porté leur fruit et je porte dans mon ventre ton enfant.

Je ne sais pas comment tu prendras tout cela, je ne sais même pas comment je me sens et ce que je ressens au plus profond de moi. Je dois bien avouer que ce début de grossesse est un peu particulière apparemment, je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai deux médicastres qui sont a mes côtés pour prendre soin de moi. Flaiche qui fut le premier au courant et Eusaias vassal de Marie-Alice. Cette dernière, est très présente aussi. A part eux personne ne le sait et pour cause, comme je te le disais tout ne se passe pas au mieux. Ils me surveillent du mieux qu’ils peuvent et me font des tisanes de plantes pour que je puisse dormir correctement, pour les sautes d’humeurs mais surtout pour essayer d’arrêter les saignements que je subis depuis quelques jours.

Je suis fatiguée et lasse, j’aurais aimé t’avoir à côté de moi en cet instant pour te l’annoncer de vive voix, prendre ta main et la poser sur mon ventre, voir je l’espère un sourire se dessiner sur tes lèvres, mais je n’ai rien de tout ça et ce sont les doutes et l’angoisse qui prennent le dessus, je me sens seule loin de toi. Je ne sais pas ce qu’il adviendra de moi, de cet être que je porte, je ne sais pas de quoi sera fait demain. […]


Citation:
Mon aimée,

Ma plume tremble entre mes doigts et c'est à peine si je peux tracer ces lignes, tellement ma joie est grande devant ce que tu m'annonces. Aucune nouvelle ne pouvait me ravir davantage au milieu du marasme dans lequel nous nous trouvons et tu n'avais aucune raison de douter de ma réaction. Te savoir enceinte me remplit d'un tel sentiment de plénitude et de fierté que j'en éclaterais. J'ai hâte de te voir et de partager cette grossesse avec toi car il est hors de question que quoique ce soit nous éloigne.

J'enrage à l'idée de cette guerre qui nous écarte l'un de l'autre et, si je sais que nos amis veillent sur toi avec tout leur amour, je ne peux m'empêcher de frémir aux dangers que tu cours à être ainsi sur les routes du royaume dans ton état.[…]

Mon coeur déborde déjà de tendresse à l'idée d'un petit moi, d'un petit toi ou, mieux, d'un petit nous deux, gambadant dans les salles de Turenne ou de Laroche-Aymon. Tu ne pouvais faire de moi un homme plus heureux![…]

Encore une fois, je t'implore de prendre soin de toi et du petit être que tu portes, gage de notre amour. Je me ronge les sangs d'inquiétude pour vous 2 et me repose plus que jamais sur nos frères et nos amis pour vous protéger.

[…]




Ewaële
Marie-Alice
Eusaias

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Ewaele
[Bourges]

Dans les vapeurs de ce qu’elle venait de subir, elle n’avait que peu vu la route prise par celui qui cette nuit avait guidé l’armée. Mais quand cette dernière fit halte, elle avait enfin les yeux grand ouvert et elle se redressa pour contempler le paysage autour d’elle dans le coche qui l’avait emmenée elle et le médicastre jusqu’à l’entrée de cette ville.

Derrière une pergola s’étendait un petit jardin fermé de murets. On y voyait les dernières roses de l’automne. Plus loin se dressait un pigeonnier strié de petit orifices d’où les oiseaux entraient et sortaient sans interruption. Une demeure et autour se trouvaient une grange, un silo, un grenier à blé, un poulailler, un chenil et une chapelle abandonnée. Il restait un petit bâtiment dont elle ne connaissait pas l’usage. Le vent d’automne soufflait de cette direction. Elle huma l’air et sentit le parfum riche de la levure et de l’orge. Le sentier qui partait de la bâtisse grimpait… Une petite colline. Comme elle levait les yeux vers son sommet, un groupe d’hommes et de femmes se détachait sur le ciel du soir. Ils s’arrêtèrent un moment, comme s’ils se saluaient pour se séparer. Puis quelque un descendit vers eux, les autres coupant à travers champs. Voilà c’était fini, chacun reprenait la route et partait vaquer à ses occupations, des mains se levèrent en sa direction, des au revoir lancés à la cantonade lui parvenait aux oreilles. Le coche reprit la route avec les compagnons restant et ils entrèrent dans la ville afin de trouver un endroit chaud où elle pourrait prendre du repos.

En moins de temps qu’il ne faut pour le dire elle se retrouva seule avec le blondinet qui la garda prêt de lui en attendant qu’elle aille mieux. Marie, Flaiche, Eusaias et les autres étaient partis chez eux. Promesse faite de s’écrire, de prendre soin d’elle, même si au fond elle s’en moquait éperdument de son état. Le mauvais, amouraché de la rouquine lui promis de lui écrire chaque jour que durerait leur séparation. Mais Ewa n’attendait qu’une chose. Un signe, des nouvelles de son fiancé qui maintenant tardaient à son goût. Le médicastre avait été très prévenant avec elle, sans doute plus que la bienséance ne l'autorisait mais elle n’avait pas le droit de flancher, elle n’avait pas le droit de regarder ailleurs, alors que celui qu’elle aimait lui avait promis de la rejoindre, de prendre soin d’elle, d’être là dorénavant pour elle, pour eux… A peine ses amis étaient-ils partis et qu’Ethan prévoyait un retour sur Montpensier qu’elle reçut un pigeon qui lui arracha le cœur qui ne tenait déjà plus à grand-chose. Il ne viendrait pas, il ne viendrait même sans doute jamais. Ne tenant pas encore de façon assurée sur ses jambes, elle voyageait dans un coche et le parchemin s’envola avec les mots couchés par celui qu’elle aimait dans une nuit automnale qui sans doute transformerait la vie de la jeune femme. Il fuyait, il partait sans doute définitivement dans un monastère, il n’arrivait pas à se pardonner, il se sentait fautif de tout ce qu’elle venait de subir, accusant ses absences, ses responsabilités, et pourtant il lui clamait à travers chaque phrase combien il l’aimait et l’aimerait à jamais. Et c’est dans ce froid d’une nuit de novembre qu’elle s’entoura dans sa cape, les yeux brillant de larmes, ses pensées toutes tournées vers lui, espérant qu’un jour avant qu’il ne soit trop tard il reprendrait ses esprits.


[L’appel de Ryes…]

Salle du Chapitre… Du désordre dans l’ordre… Et intronisation.

Quitter un lieu pour aller à un autre. Retour à Ryes, convocation reçue. Elle avait du trouver un moyen de voyager pour ne pas trop souffrir des derniers évènements qu’elle avait cachés autant qu’elle le pouvait. Ewa rentra dans la forteresse avec un coche et, quand elle en descendit, essaya de se tenir aussi droite que les points sur son ventre lui permettaient. C’était d’un pas peu assuré qu’elle longea les couloirs pour se rendre dans la salle du chapitre. On lui avait conseillé le repos mais apparemment il n’était pas encore l’heure d’y songer. C’était une rouquine pâle qui se présenta devant les gardes, s’arrêta là et regarda les deux portes grandes ouvertes et la vue sur la salle qui lui était offerte. Quelques Licorneux étaient là, Ethan devant la table et Antlia genou à terre devant lui, alors que Silec l’avait précédé de peu. Elle observa la scène, voici un geste qu’elle serait bien en mal d’effectuer se dit-elle simplement.

Elle entra et adressa un signe de tête à ses frères, s’arrêtant dans sa marche pour se ressaisir, ferma les poings pour trouver la force de continuer et aller s’asseoir là ou était sa place, sur le banc des écuyers. Sa tête était vide de tout, il n’était déjà pas évident de se tenir ainsi pour elle, ne rien laisser paraitre et faire acte de présence comme on avait dû demander à chacun. Elle ne put retenir une grimace en pliant son corps pour prendre place, heureusement personne ne faisait attention à elle et cela l’arrangeait bien. Elle n’avait pas envie de parler de ses tracas, elle n’avait pas envie qu’on lui pose des questions sur son état qu’on la plaigne ou qu’on ait pitié d’elle. A vrai dire la situation était déjà assez compliquée à vivre, avec les doutes, les remises en question, la culpabilité, sans en plus lire dans les yeux des gens qu’elle affectionnait des sentiments qui lui feraient encore plus de mal.

Attendre, voilà ce qu’il lui restait à faire, regarder les autres arriver, s’installer et attendre ce qui allait suivre. Fermer les yeux un instant, ignorer les douleurs qui étaient siennes et faire face à la situation qui pointait le bout de son nez. Elle tourna la tête vers Ethan et l’observa, se rendant compte soudain qu’il avait déposé sur la table cape, épée, gantelets et collier… Un soupir s’échappa de ses lèvres, cela ne laissait présager rien de bon. Ses mains se crispèrent sur ses braies et elle détourna le regard un temps pour ne pas sombrer dans ses pensées qui par le passé étaient si salvatrices… Aujourd’hui elles étaient noires et cauchemardesques.

La réunion du jour avait eu lieu, chacun intervenant pour dire ce qu’il avait à dire…

Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi? Ce simple mot tournait et tournait encore dans la caboche de la rousse. Déjà que rien n’allait réellement comme elle aurait aimé, mais là depuis la dernière réunion qui c’était tenu en salle du chapitre, tout avait basculé. Les mots d’Enguerrand, avaient frappé. Lourd de sens, a part peut être une insinuation qu’elle n’avait pas assimilé sur le coup… Bassesses et ragots? Rapportés, amplifiés, mais elle était passée à travers cela, non pas que les rumeurs l’intéressaient, mais apparemment tout le monde était au courant sauf elle au vu des attitudes. Elle avait alors tourné la tête, observé ses frères et sœurs, essayé de comprendre ce que cela pouvait signifier. Car le reste du discours de l’ancien Grand Maitre était clair pour elle… Mais là elle avait dû faire un effort pour ne pas demander à son voisin de quoi il était question et était restée sur sa faim. Du moins un temps, jusqu’à ce que cette rencontre entre licorneux se termine, et que les murmures, les regards se portent sur elle, jusqu'à ce qu’on vienne l’attirer dans un coin sombre pour lui dire, lui expliquer tout ce que cela voulait dire. Elle avait eu mal, non pas pour elle mais pour tout ce que cela pouvait comprendre. Elle avait fui, se réfugier comme toujours dans ces cas là sur les remparts de la forteresse. Il pleuvait, le temps était froid et le vent soufflait. Sa cape claquait mais plus rien ne la touchait de ce monde. Elle pensait à lui, rien qu’à lui. Ce Chevalier qui était arrivé là par son humilité, sa foi pour l’Ordre, son investissement, sa droiture. Qui avait pu mettre en doute son honnêteté, son sens du devoir et de la justice? Qui? Cela elle ne le savait pas et ne voulait surtout pas le savoir.

Etre jugée car elle avait décidé au vue de ce qu’il se passait en Limousin, de quitter ce Comté définitivement. Cela faisait cinq mois que c’était prévu, elle avait fait en sorte de tout régler à Limoges la dernière fois où elle y avait mis les pieds. Elle avait pensé à Lyon un temps, puis plus très certaine, essayait de voir, dans l’errance qui était sienne depuis son dernier mandat, l’endroit qui lui conviendrait le mieux. Elle avait même confié tous ses biens aux Altérac, qui avaient tout emportés chez eux à Sémur en attendant qu’elle se décide. Puis la vie étant ce qu’elle était, avec ses joies et ses peines, ses doutes et ses douleurs, elle avait laissé l’armée à Bourbon et avait suivit le Chevalier pour sa convalescence dans sa ville. On lui avait demandé de ne pas rester seule, mais de ne pas aller trop loin non plus. Montpensier. Mais quand elle voyait comment les choses avaient tourné, comment on s’était jeté sur un simple fait sans connaitre les tenants et les aboutissants. Pauvres d’eux si maintenant ils ne pouvaient plus mener leurs vies comme ils l’entendaient, sans être montrer du doigt, jugés et jetés aux lions pour faire mal, par jalousie ou méchanceté, peut être les deux qui savait?

Les jours qui avaient suivit n’étaient guère plus réjouissants, elle se remettait lentement de cette nouvelle cicatrice qui lui barrait le ventre, lui rappelant sans cesse ce qui ne serait jamais. Elle avait réussit à reprendre une marche droite, mais elle avait encore régulièrement des tiraillements qui lui faisait poser une main sur son ventre et l’envoyait vers ses courriers reçus, de son fiancé… ‘Fin, là aussi elle n’était plus sûre de rien. Il lui avait promis de venir la rejoindre, d’être là, de l’épauler dans leur douleur, mais au lieu de cela, il avait rejoint un monastère, pris de remords et de douleur pour tout ce qu’il n’avait pas fait, pour sa non présence, pour tout et pour rien, et elle était restée seule à lire ses mots, ses missives qui jour après jour, étaient arrivées, aussi contradictoires les unes que les autres, aussi tueuses que des épées qui s’enfonçaient là, à l’emplacement de la cicatrise, lui fendant la peau jusqu’au cœur. Alors quand elle se remémorait la mesquinerie de certains à vouloir écrire une histoire qui ne leur appartenait pas avec des mots salissants, outrageants, elle ne pouvait qu’habiller son visage d’un sourire ironique. Blessée elle l’était, pas pour elle, cela non, après tout qu’on lui prête des aventures maintenant elle était habituée et cela ne l’a touchait pour ainsi dire plus. Mais pour Ethan!

Et c’était toujours perdue dans ses pourquoi, que ses pas lourds, la trainaient à nouveau en salle du chapitre pour des nouvelles intronisations. Elle avait mit des œillères et ne voyait rien de ce qui l’entourait, elle s’était fermée au monde tel qu’elle avait pu le concevoir un jour, tel qu’elle avait aimé le connaitre. Son château de cartes petit à petit tombait trop lourd, trop bancale sans doute aussi. Etait-elle donc si naïve? Si utopique? Elle se souvenait encore de certaines paroles qu’on lui avait dite un soir sous la tente de commandement. Sois plus diplomate! Sois plus faux cul! Le premier elle avait fait ses preuves, nul ne l’était toujours selon les situations, et elle reconnaissait qu’une ou deux fois elle s’était légèrement emportée, mais qui pouvait faire montre d’une diplomatie hors norme à part peut être le Perplexe? Le second, elle ne pourrait jamais, cela ne faisait pas partie des choses qu’elle saurait faire un jour, s’y refusant même carrément. Elle s’arrêta devant les portes, se souvenant la dernière fois où elle les avait franchies. Elle posa sa main sur la garde de son épée, celle qu’elle avait choisit quand elle était rentrée à la licorne et reçue comme écuyère, elle releva la tête, scruta ce qu’elle voyait de la salle où elle ne voyait même plus le mur du fond… Ferma les yeux, laissa un soupir s’extraire d’entre ses lèvres, de sa main libre serra la cape azur qui revêtait sa tenue noire. Elle fit un pas, s’arrêta, puis un autre, nouvel arrêt. Dire que c’était dur et qu’un goût amer traversait son palais n’était rien. Pour la première fois depuis longtemps elle n’était plus sûre de rien, de son avenir, d’ici et d’ailleurs, elle doutait sur ce qui allait être et serait. Sur ce qui les attendait ici, ce jour, quand tout ceux qui auraient prit la peine de se déplacer auraient prit place…

Elle entra et s’installa évitant tout regard insistant, un simple signe de tête ne prêtant pas plus attention à qui était là ou pas, elle vit juste Cerridween qui dans l’instant confirma sans doute un peu plus ses craintes. Sur le banc des écuyers elle était maintenant à scruter les portes sans réellement les voir, plus que ses émeraudes étaient posés là faute d’être ailleurs…

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Ewaele
[Montpensier]

Chaque jour elle recevait des pigeons du Seigneur de Saint Robert, des mots à en faire pâlir plus d’une, des mots qu’elle n’aurait sans doute pas dû lire, mais qui dans l’état actuel des choses la réconfortaient et lui permettaient de prendre le dessus sur les méandres de sa vie. Elle décida de prendre possession d’un petit hôtel privé dans le centre de la ville. Plus rien ne la rattachait au Limousin maintenant, à part des terres et des titres, et elle devait tourner une page pour ne pas sombrer, gardant un fol espoir mais cela elle préférait le taire. Elle avait une semaine pour prendre du repos et faire en sorte que sa cicatrice lui permette de voyager. Une escorte les attendait avec le Chevalier de la Licorne. Se rendre à Compiègne en Champagne et accompagner une personne à Narbonne. Des lieues et des lieues à parcourir, mais cela ne l’effrayait guère, au contraire. Elle avait déjà retrouvé dans l’errance un moyen de faire à peu près table rase d’un passé houleux. Elle prévint ses amis sémurois de son passage non loin de chez eux... Au cas où. Eusaias fut prompte à réagir et lui répondit qu’il serait à Nevers lors de son passage. Cela la fit sourire. Mais rien de cela ne devait arriver.

[De la Bourgogne en Champagne puis à nouveau la Bourgogne]

Elle ne vit personne à Nevers et les nouvelles qui lui parvinrent de Marie la laissèrent avec un sourire ironique aux lèvres. Les hommes et leurs promesses, les hommes et leurs mots d’amours, les hommes… Des promesses et rien que des promesses. Elle fut réveillée à Troyes par le crépitement de la pluie sur la toile de tente et par la sensation d’un baiser de Nico. Elle cligna des yeux et porta machinalement ses doigts à sa bouche. Tout en faisant cela elle s’interrogea. Voulait-elle ainsi prolonger le contact avec lui? Ou au contraire essayer d’en effacer la trace? Elle était à vif de son retrait dans ce monastère qui lui retirait tout espoir. Elle avait peur de ne jamais le voir revenir. Dehors il faisait encore sombre mais une brume gris perle s’élevait de la terre humide. L’aube n’allait plus tarder. Rien ne bougeait, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Pourtant une sorte de souffle, un frôlement à peine perceptible, hérissait le duvet de sa peau. Ne devrait-elle pas être mariée à l’heure actuelle? Elle n’aurait su dire si ces mots s’étaient formés d’eux-mêmes ou si, comme ce baiser, ils n’étaient que le produit de son subconscient.

Désormais tout à fait réveillée, elle était trop confortablement installée pour bouger. Dehors, il bruinait. La pluie était légère mais elle rendait l’air suffisamment froid et humide pour lui enlever le courage d’abandonner son nid douillet. Elle en frissonna d’avance et remonta la couverture sur son épaule dénudée. Mais c’était sans compter sur le Chevalier qui voulait poursuivre la route.

Ils avaient enfin atteint Autun avec la jeune femme qu’ils escortaient. Elle devait ce jour s’occuper des montures et se dirigea donc vers l’écurie de la ville. L’entrée de l’enclos se trouvait au nord ouest, la porte était ouverte et un jeune homme de garde la salua à son passage. Juste à l’intérieur, contre le mur ouest de l’enclos, se trouvait l’écurie, une petite construction de bois plutôt mieux bâtie que certaines habitations. Deux palefreniers étaient assis à l’intérieur sur des bottes de paille. Ils se levèrent sans entrain, comme mécontents de voir un visiteur leur apporter un surcroît de travail. L’air âcre piqua les narines d’Ewa et elle constata que les stalles n’avaient pas été nettoyées depuis plusieurs semaines. Or elle n’était pas d’humeur à passer sur la négligence des garçons d’écurie. En leur remettant les rênes elle leur ordonna :


Avant de panser ces chevaux, vous nettoierez trois stalles, vous y mettrez de la paille fraiche. Faites de même pour les autres chevaux. Des litières constamment humides provoquent des champignons aux sabots. Vous n’avez pas tant de travail que vous ne puissiez garder votre écurie propre.

Comme ils prenaient tous deux un air maussade, elle ajouta.

Faites ce que je dis ou je m’assurerai que pour votre paresse vous ne puissiez plus mettre les pieds ici et que du coup vous perdiez votre travail.

Elle sortit sans attendre de réponse puis se dirigea vers une taverne de la ville pour se sustenter avant d’aller se reposer un peu. Elle rencontra là un enfant, Cassian. Adorable bambin qui lui fit la conversation avant d’aller rejoindre son papa, comme il disait. Mais qu’elle ne fut pas la surprise de la rousse quand elle sut de qui il était question… Eusaias !

La soirée promettait d’être mouvementée s’il osait pointer le bout de son nez. Et elle le fut, une tisane renversée sur les braies du mécréant. Sans compter la gifle qu’il reçut aussi. Mais il ne fallait pas rêver, compter fleurette il pouvait, même si elle avait tout fait pour le maintenir éloigné d’elle au vu de sa position. Mais on ne se moquait pas de la rousse de la plus vile façon en revenant la queue entre les jambes pour lui demander son amitié. Il lui faudrait du temps sans doute, si elle arrivait à pardonner les mensonges, les cachotteries. Elle était déjà blessée en son for intérieur et cette histoire n’avait rien arrangé sur sa façon de voir les hommes. Elle quitta donc Autun sans regret, ayant pour elle eu l’attitude qu’il convenait à avoir avec un coureur de jupon, un goujat.


[Du Lyonnais-Dauphiné au Languedoc]

Les jours passaient et elle se sentait de plus en plus faible, seule petite étincelle en ce jour où ils rentrèrent dans Lyon, le fait de retrouver son ami de toujours, son frérot, Breccan. Et quand il entra le soir en taverne, elle lui aurait bien sauté au cou, mais sa cicatrice la rappela à l’ordre l’obligeant à se rasseoir un temps et d’aller enlacer le Gallois d’un pas plus modéré. L’inquiétude chez l’écuyer de la Licorne pouvait se lire sur son visage et ils passèrent de longues heures à discuter pour rattraper les jours où ils avaient été séparés. Ils allaient faire à nouveau route ensemble et cela n’était pas pour déplaire à Ewa qui commençait à ressentir de plus en plus la fatigue de la route au niveau de son ventre. La cicatrice ne voulait pas se refermer et le premier point avait sauté mais cela elle n’osait l’avouer à quiconque. La route les attendait toujours et encore afin de rallier Narbonne. La première ville rencontrée fut Uzès et, pendant la période de repos octroyé, elle se rendit dans une auberge. Cela ressemblait à une grande caverne sombre, avec de courts piliers épais et de minuscules fenêtres. L’air était sec et plein d’odeurs qui lui arrivaient aux narines : le houblon, le miel, les vieilles pommes et les herbes desséchés, le fromage et le vinaigre. De quoi mettre en appétit logiquement, mais même si ses relents étaient agréables, elle ne put avaler quoi que ce soit… Les douleurs étaient de plus en plus vives et des nausées lui soulevaient encore régulièrement le cœur. Elle se contenta d’une simple tisane et en profita pour écrire un courrier que sa buse porterait à Narbonne afin de s’assurer que le rendez-vous qu’elle avait pris quelques jours plutôt était bien maintenu.
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Ewaele
[Narbonne]

La veille elle avait presque fui de la taverne, arguant qu’elle devait préparer sa monture, qui était déjà prête. Asisse, passant une main sur son ventre, Ewa contemplait les étoiles, pensait à tous ces morts. Tous avaient une mère, un père, des frères, des sœurs, des grands parents pour porter leur deuil. Elle revit son père lui expliquant la mort lorsqu’elle était enfant. Il avait dit que chaque âme devenait une étoile. Elle l’avait cru. Elle le croyait toujours, du moins elle voulait le croire. Elle regardait toutes ces âmes qui scintillaient là-haut, dans le silence de l’infini. Il lui avait dit aussi que la vie était une question de conservation et de procréation… Qu’il fallait la chérir car elle ne saurait subsister sans amour. Mais que lui restait-il à aimer? Et ce petit être qui n’avait pas voulu grandir en son sein, avait-il rejoint ces étoiles qu’elle observait? Nico trouverait-il un peu d’apaisement dans ce monastère? Lui reviendrait-il un jour? Elle doutait. Elle avait l’impression que sa vie était un grand champ de ruine et que rien n’y personne ne pouvait l’aider. Elle demeura là transie jusqu’au départ.

Combien de jours et de nuits à sillonner les routes? Elle ne comptait plus. Elle avait quitté un jour le Limousin et depuis ne faisait que voyager. Chaque occasion était bonne, pas besoin d’excuse. Elle ne savait plus à quoi rimait sa vie alors autant la laisser couler au bord des chemins, rencontrer des personnes avec qui de tout façon elle n’aurait pas le temps de tisser de lien. Elle savait ce que cela coutait de s’attacher, le retour de manivelle faisait toujours mal… Quand Ethan lui proposa de venir avec lui afin qu’elle ne resta pas seule dans son état, elle avait simplement hoché la tête. Il n’avait pas insisté, juste lancé l’idée mais à la condition qu’elle soit en état. Sa santé avant tout. Comment lui dire ou lui expliquer que c’était la dernière des choses à laquelle elle voulait accorder de l’importance. Elle n’avait pas réfléchit et avait dit au blondinet qu’elle l’accompagnerait. De tout façon là ou ailleurs… Mais c’était sans compter sur cette fichue cicatrice qui refusait de se fermer correctement. Si au début du périple, le repos qu’ils s’accordaient lui permettait de faire la part des choses, au fur et à mesure du voyage, elle ne pensait plus qu’à une chose : Narbonne. Arriver et rapidement, afin qu’une infection ne vienne pas se loger dans la plaie. Elle était prudente et la tenait toujours propre et sèche, mais voilà le point final qu’avait fait Eusaias sur son ventre avait cédé. Depuis quelques jours maintenant, un peu de sang venait tâcher les tissus qui la couvrait. Elle s’était renseignée et avait prit contact avec un monastère de la ville où un médicastre de bonne réputation exerçait. Elle avait prévu de se retirer quelques jours et avait juste parlé de repos. Nul besoin n’était d’inquiéter ses compagnons de voyage sur ce qu’il en était réellement. Breccan avait du comprendre que tout n’allait pas comme la rouquine le souhaitait et cela depuis son arrivée à Lyon, quand elle lui avait demandé de bien vouloir l’aider à préparer son cheval pour le voyage. Depuis chaque soir c’était lui qui s’acquittait de cette tâche et elle devait avouer que cela l’arrangeait bien.

Le voyage avec Ethan n’avait pas été celui qu’elle s’était imaginée. Tous les deux renfermés sur leur chimère se côtoyaient, se parlaient, mais cela ne ressemblait plus à ce qu’ils avaient partagé depuis le jour où le blondinet l’avait rejoint en Bourbonnais Auvergne pour assurer sa sécurité avec d’autres frères licorneux. Elle se souvenait de ces ballades, ces chevauchées, ces repas partagés. Elle se souvenait de leurs discussions, des sourires échangés, de ce lien qu’ils avaient crée alors qu’ils ne se connaissaient que très peu. Aujourd’hui tout cela aussi avait plus ou moins disparu ou du moins était différent. Avait-elle commis un quelconque acte irréparable à ses yeux? Elle ne savait pas, et pour l’heure à part souffrir de cette distance imposée, elle évitait de rentrer avec lui dans le vif du sujet. Plus elle avançait dans son errance et plus elle découvrait sur la nature des hommes et moins elle arrivait à les comprendre. Etait-ce donc si simple de donner et de reprendre? Etait-ce donc si facile de faire machine arrière et de laisser pour compte ce qui avait été? Trop entière ou utopiste sans doute, elle ne parvenait à détacher ses pensées de tous ces derniers mois. De tous les moments vécus avec les uns ou les autres. Tous les mots. Peut être était-ce ceux là qui avaient fait la différence. Trop dit ou pas assez, mal dit, incompréhension. Vouloir le bien et faire le mal… Etait-ce là la vie, un éternellement recommencement, un puits sans fin où au final on ne savait plus comment se relever et regarder son avenir?

Perdue dans ses pensées aussi sombres les unes que les autres, elle ne fit pas attention que le Chevalier venait de les conduire à destination. Les portes de la ville étaient maintenant devant eux. Ils les passèrent sans aucun souci et se dirigèrent vers ce qui ressemblait à une place. Voilà, l’escorte s’achevait là et elle ne savait pas de quoi serait fait les jours à venir, à part que dans deux jours elle devait se rendre dans ce monastère et qu’elle ne savait pas si elle en ressortirait. ‘Fin si mais comment était sans doute moins sûr. Disparaitre, elle y avait pensé bien des fois depuis les courriers d’abandon de son fiancé, la perte de leur enfant, le retour de l’armée qu’elle dirigeait pour les Ordres Royaux à Bourges et les déceptions des uns et des autres qui ne regardaient que leur nombril sans penser au mal qu’ils pouvaient insuffler dans la vie de ceux à qui ils avaient un jour fait des promesses. Tous sans exceptions, sans connaitre les tenants et les aboutissants ou les plaies laissées béantes par les autres avaient petit à petit éteint cette flamme qu’elle était. Arriveraient-ils à la souffler définitivement? Deux jours à attendre pour partir prendre le repos nécessaire. Deux jours pour se retrouver face à elle-même et se poser les bonnes questions. Deux jours pour peut-être savoir si pour elle il y aurait un demain, un avenir et de quoi elle voulait qu’il soit fait réellement. Deux jours pour décider d’une vie!

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Ewaele
[Deux jours plus tard]

Le moment était venu, le monastère l’attendait. Elle avait regardé Breccan et d’un signe de tête lui avait montré simplement la porte de la taverne. Il tenait à l’accompagner jusqu'à cette herse qui se refermerait sur elle, sur sa vie, comme une page que l’on tourne. Et ils étaient là maintenant devant la bâtisse, des regards échangés, peu de mots, cela n’aurait servit à rien de tout façon. Elle laissa tomber son baluchon au sol et vint se caler dans ses bras, prendre le peu de réconfort qu’il pouvait à cette instant lui offrir, pour se donner le courage nécessaire d’affronter encore une fois ses démons. Elle ne regarda pas une seule fois en arrière, s’avança le museau relevé façon Boesnière et fit tinter la cloche pour annoncer son arrivée.

On la conduisit dans une cellule, vide de tout à part d’un lit, d’une bassine et d’un broc d’eau. Rudimentaire. Ses épaules s’affaissèrent et sa main vint se poser sur son ventre, machinalement. Elle déposa ses affaires sur le pied de son lit où une simple couverture était pliée, elle la regarda un instant et son esprit se mit à vagabonder vers celui qui devait se trouver vers un endroit similaire au sien maintenant. L’avait-il réellement abandonnée? Devait-elle définitivement l’oublier et recommencer une nouvelle vie? C’était ses derniers mots… Qu’il ne la méritait pas et qu’elle trouverait sans aucun doute un homme plus présent, plus à même de la rendre heureuse, mais qu’en savait-il? Il était rentré dans sa vie depuis quelque temps maintenant et ils avaient appris à se connaitre, à s’apprécier puis à s’aimer, sans véritablement s’en rendre compte. Il avait su faire tomber de hautes murailles qu’elle s’était construite suite à des désillusions, aux guerres, à ses blessures si profondément ancrées en elle. Il avait été patient, aimant, doux… Mais ô combien absent.

Elle se demandait ce qu’il pouvait bien faire de ses journées, elle n’avait plus de nouvelles, aucunes. Heureusement que d’autres avaient été là pour elle, pour l’aider dans les affres de la vie qui avait causé cette cassure du moins entre eux, si l’on pouvait dire ainsi. Car les sentiments étaient toujours là, mais la culpabilité avait été plus forte et avait séparé sans doute définitivement deux êtres tenant sincèrement l’un à l’autre. Elle se laissa tomber et commença à délasser le bas de son corset afin de regarder la plaie à qui elle devait sa présence en ces lieux. Le médicastre ne serait là que le lendemain matin, il lui faudrait être patiente pour savoir à quelle sauce elle serait mangée cette fois. Elle arrêta son geste dénudant son ventre, glissant sa main sur le tissu qui recouvrait la cicatrice et se laissa tomber sur le lit, les yeux dans le vide. Elle dût s’endormir très certainement ainsi, car plus aucune pensée ne vint lui tarauder l’esprit. Elle se réveilla par un coup qui fut donné à la lourde porte en bois qui la maintenait enfermée dans cette pièce exiguë. Un plateau fut glissé avec un pichet de lait, un morceau de pain et quelques fruits séchés. Elle se redressa sur un coude et observa cette nourriture, finit par se lever et aller ramasser le tout pour le déposer sur le lit… Elle se rendit auprès de la niche creusée dans la pierre où se trouvait le nécessaire pour se rafraichir. Elle vida un peu d’eau dans l’écuelle puis approcha son visage, qu’elle aspergea de ses mains, récupéra une chemise dans ses affaires et laissa glisser son corset au sol prenant soin de tourner le dos à la porte avant de passer ses bras et la tête dans un tissu propre portant inévitablement son odeur de fruit d’été trop mûr et de miel… A un autre moment cela l’aurait réconforté, mais pour l’heure il n’en était rien, elle attendait la venu de cet homme qui devait l’aider à guérir des maux du corps, car pour les autres, personne ne pouvait rien y faire.

La porte grinça annonçant un visiteur, elle sursauta, ailleurs qu’elle était, et se baissa tant bien que mal pour récupérer ses effets qui jonchaient le sol. Elle enfouit tout cela rapidement dans sa besace et regarda l’arrivant. Un bref salut suffit, pas besoin de grandes présentations, il avait déjà reçu quelques courriers de la rouquine et savait à qui il avait à faire et de quoi elle souffrait. Elle délaça sa chemise et ouvrit légèrement ses braies avant de s’allonger et de montrer de quoi il retournait. Il s’approcha et lui fit un sourire qui devait sans doute être rassurant, mais qu’en était-il vraiment pour la jeune femme? Il retira délicatement ce qui l’empêchait encore de voir ce qu’Eusaias avait fait durant une nuit dans un campement entre le Berry et le Bourbonnais Auvergne. L’urgence de son état n’avait pas permis d’attendre. Elle souffrait, ne mangeait plus, avait beaucoup de fièvre, c’était au point où elle aurait pu donner rendez vous à la mort. Si elle avait su à ce moment là ce que deviendrait sa vie, sans nul doute qu’elle aurait pesé un peu plus le poids de cette décision. Perdre l’enfant qu’elle portait en son sein n’avait pas suffit, il fallait en plus que cela s’infecte et pour clôturer le tout qu’elle perde Nico. Elle ferma les yeux et évita ainsi de regarder les traits de l’homme penché sur son ventre. Il eut la délicatesse de la prévenir qu’elle allait souffrir un peu et qu’après cela irait mieux. Apparemment il n’y avait pas de nouvelle infection, juste le dernier point fait par le vassal de Marie-Alice qui avait cédé à force de chevaucher au lieu de se reposer comme tout un chacun avait pu lui conseiller. Mais têtue elle était et cela personne ne pouvait le nier. Elle sentit un liquide froid sur sa peau ce qui la fit frissonner, et avant de faire quoi que ce soit, il serra ses doigts entre les siens de façon fugace. Au premier point elle cria un nom… Il résonna en écho sur les murs de pierre froide de sa cellule, étonnement ce n’était pas celui de son ex-futur mari. Elle en resta elle-même perplexe, ce qui eu l’avantage de lui faire fermer la bouche pour la suite des opérations. Pourquoi était-ce son nom qui avait franchit la barrière de ses lèvres? Peut-être parce que c’est lui qui était à ses côtés depuis maintenant de longs jours. Peut-être parce que la veille, elle avait eu quelques mots avec lui en taverne, peut être aussi… Elle chassa tout cela, sachant que de toute façon, avec son esprit tordu, il ne servait à rien de chercher à comprendre le pourquoi du comment. La douleur la piquait, elle ressentait chaque geste du médicastre et des milliers d’images lui traversaient l’esprit au fur et à mesure qu’elle se sentait persécutée dans ses entrailles… Elle aurait aimé vomir le magma bouillonnant qui lui arrachait les tripes, mais elle avait l’estomac vide et la seule chose qui dédaigna sortir de son être furent des larmes à force de revisiter ses souvenirs si douloureux comme l’aiguille qui lui transperçait la peau sous les doigts agiles d’un homme qui était là pour son bien et qui lui faisait mal!

Finalement elle dut plonger dans un abîme car elle ne se souvenait plus de la fin de ce moment atroce. Elle se voyait ouvrir les yeux, la tête lourde et se sentir faible… Sentir ses lèvres doucement bouger pour appeler celui qu’elle aurait aimé voir à ses côtés à ce moment là, lui tenir la main et la rassurer, mais il ne devait même pas imaginer que c’était vers lui que se tournait toutes ses pensées. Serait-il seulement venu? Elle n’en savait rien et n’avait pas la volonté de se poser autant de questions actuellement. Elle resta alitée ainsi quelques jours, il fallait que ses jambes la portent de nouveau, que les douleurs s’estompent et qu’on veuille bien la libérer de ces hauts murs de pierres. Son soigneur venait la visiter deux fois par jour, et le dernier au matin il l’avait conduit en la tenant pas le coude dans le cloitre afin qu’elle puisse prendre un peu l’air. Il lui avait raconté dans les moindres détails, expliqué ce qu’il avait fait, et lui donna des onguents à passer sur son ventre. Des tisanes à boire en cas de symptômes. Et lui fit promettre de se reposer s’il lui rendait sa liberté dans la soirée. Elle hocha la tête et pour la première fois lui offrit un sourire sans équivoque.

Elle longea les ruelles de Narbonne lentement, prenant son temps. L’ivresse de la liberté faisait un bien fou, elle aurait aimé courir et chercher ceux qui lui avaient tant manqué. Mais on lui avait dit d’être sage, prudente, et elle avait promis. Alors pour une fois, elle prit le temps de flâner, de regarder tout autour d’elle, tenant ses effets serré tout contre sa poitrine. Elle marchait et scrutait l’horizon sur cette mer en perpétuel mouvement, la lune haute dans le ciel éclairait et habillait de sa plus belle robe ce spectacle. Comment oublier les plaisirs simple de la vie, comment ne plus se rendre compte de ce qui nous entoure alors qu’un simple tableau comme celui-là pouvait se décliner de multiples façons et toujours émouvoir les yeux de ceux qui pouvait se rendre compte… Encore une fois ce fut son image qui vint lui caresser l'âme, elle aurait voulu le voir dans un tel paysage à ses côtés et, pour un instant aussi court fut il, s’abandonner au simple plaisir d’être là tous les deux, comme deux enfants qui découvraient un nouveau monde et, émerveillés par ce qu’ils voyaient, laissaient leur main se rencontrer et se serrer l’une dans l’autre… Mais ce n’était pas le cas, alors elle continua à avancer et rentra dans le cœur de la ville, allant en direction d’une taverne où ses compagnons avaient l’habitude de se retrouver. Un infime espoir de le voir lui fit faire des pas un peu plus longs pour essayer d’avancer plus vite mais elle savait déjà qu’il y avait peu de chance. Elle poussa la porte et ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en voyant le Gallois présent là, assis à l’attendre comme s’il se doutait. Son compagnon de route, de galère, celui qui depuis qu’elle avait mit un pied en Limousin était devenu son ami. Ils se firent une longue accolade, Yseault aussi était présente et sans savoir pourquoi Ewa était heureuse de la retrouver, cette jeune femme avait su faire sa place dans le cœur de la rouquine. Il y avait aussi Aldraien et de se retrouver au milieu d’eux la rassura et fit envoler le temps de la soirée les mauvais souvenirs de ses derniers jours.

Ils discutèrent un moment, elle prit des nouvelles de ceux qui manquaient et de ce qu’il s’était passé pendant son absence, elle fut affligée d’apprendre que rien n’avait vraiment été comme ils voulaient et que le but du voyage avait volé en éclat. Les retrouvailles tant attendu entre les deux sœurs, la joie d’Ethan de retrouver sa famille de cœur comme il disait n’avait pas été aussi festive que prévu… Mais cela ne la regardait pas, elle pouvait juste être présente pour ses compagnons et tendre une main si nécessaire. Elle dût attendre le lendemain matin pour voir le blondinet. Elle était installée dans une taverne quand il poussa la porte, elle avait prévu d’aller au devant de lui et de l’accueillir à sa façon, mais il avait été plus rapide qu’elle et l’avait rejointe rapidement. Elle ne put que remarquer ses traits tirés, son visage sombre et quelque chose lui emprisonna le cœur de le voir ainsi. Leurs mains se trouvèrent et ils discutèrent longuement tous les deux. Un échange lourd, sombre. Elle l’écoutait, le comprenait, mais souffrait de tout ces mots, de tout ce qu’il disait mais surtout taisait. Elle aurait aimé lui retirer un poids, elle aurait aimé adoucir ses maux mais elle savait que tout cela ne servait à rien. Elle lui promis de rester à ses côtés et de faire ce qu’elle pourrait, elle lui offrit cette main amicale qui lui restait car elle ne voyait pas quoi faire d’autre pour l’heure, à part être présente, là… Juste là. Elle fut soulager quand il la prit et laissa un léger soupir venir caresser la peau de ses lèvres avant que ces dernières viennent caresser la joue du ténébreux.

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Ewaele
[La route… Seule… Juste un peu de silence…]

Il était temps. Temps qu’elle se détache de tout et tout le monde, elle avait besoin de se retrouver seule. Seule face à elle-même. Elle avait réussit à se contenir plus ou moins, bien que la colère avait remplacé tout sentiment qui aurait pu un jour l’habiter. Elle avait failli faire le geste irréparable…

[Salle du chapitre quelques jours avant]

Elle avait suivi la cérémonie jusqu’au moment où son nom avait résonné, elle avait froncé les sourcils, plus surprise par l’incompréhension qu’autre chose. Elle aurait voulu laisser échapper un « quoi ». Elle avait accroché le regard de Cerridween au moment où elle la regarda et son visage s’était fermé définitivement… Elle aurait du se lever et, avant que Macks n’ait le temps de rejoindre l’autre rousse au milieu de la salle du chapitre, se placer le regard ferme, les pieds en parallèle essayant de se tenir aussi droite qu’elle le pouvait au vu de la situation qui était la sienne.
Elle aurait sans doute commencé par délacer sa cape azur… Ils n’avaient pas le droit! Pas une question de titres, pas une question de tenir tête ou pas… Mais là c’était plus fort que le roquefort! Un foutage de gueule en règle pour ne pas blesser certaines susceptibilités, et bien elle ne rentrerait pas dans ce jeu vil et stupide, et elle se moquait royalement de ce que penseraient les autres de sa réaction. Ce n’était pas de la fierté mal placée, mais bien de l’incompréhension!!! Elle avait passé du temps, autant que certains, des écus et elle ne les avait pas comptés, mettant tout ce qu’elle avait pour l’Ordre. Les rapports qu’elle avait fait au Grand Maitre elle les avait pratiquement retrouvé mot pour mot dans la salle de commandement, mais vu qu’il fallait rester à sa place elle s’était cantonnée à ce qu’on lui demandait. Ah mais il ne fallait surtout pas l’ouvrir vis-à-vis de certains apparemment, il ne fallait pas penser ou avoir un avis, il ne fallait surtout pas dire la vérité aux gens de peur de mal faire. Mais une chose était sure, elle, elle n’allait pas pleurer dans les jupes du HC dés que quelque chose n’allait pas comme elle le voulait. Sa cape serait alors tombée au sol… Elle aurait défait lentement la ceinture qui tenait son fourreau et l’épée frappée de la Licorne qui aurait rejoint sur le sol le tissu azur qu’elle avait eu tant de fierté à porter.

Elle serait restée impassible, aurait regardé Ethan un long moment avant de se tourner vers ceux qui avaient été ses frères et sœurs, vers ceux qu’elle aurait défendu au prix de sa vie… Elle aurait traversé leur regard un par un, ne s’arrêtant sur aucun en particulier, son sang battait dans ses veines à lui en faire mal. Ce qu’elle avait voulu faire lui aurait coûté très cher, peu de monde voire personne n’aurait comprit son geste, mais voilà elle ne méritait pas cela quoi qu’en pense certain… Qu’elle ne devienne pas errante elle s’en moquait, l’important n’était pas là, être licorneuse pour elle était déjà énorme… Elle se serait tourné vers la porte et sans un regard en arrière aurait quitté la salle du chapitre et par la même la Licorne! Mais voilà elle n’avait rien fait, s’était cantonnée à rester assisse là tête basse et sang bouillonnant comme le magma d’un volcan en éruption.


[Le lendemain]

Pas grand-chose à dire de tout cela, elle trainait ses cuissardes en se rendant au lieu de rendez-vous. Puisqu’il devait en être ainsi soit… Le message avait été clair et sans appel, voire même sans aucun commentaire pour expliquer le pourquoi du comment. Dire qu’elle avait bien pris cette convocation serait mentir et, malgré le fait qu’elle tourne et retourne les derniers évènements dans sa petite caboche de rousse, elle ne comprenait toujours pas. Mais elle était arrivée au point où de tout façon plus rien ne comptait réellement pour elle, on aurait pu lui planter une épée dans le cœur que cela l’aurait bien arrangée. Qui sait, elle s’amuserait peut être d’ici quelques temps à défier en lice quelques personnes plus fortes qu’elle afin de mettre fin à cette vie qui pour elle ne tenait déjà plus qu’à un fil. De toute façon, on pourrait maintenant lui donner toutes les explications voulues, cela lui glisserait sur la peau comme de l’eau sur une matière imperméable. Elle n'avait que trop soupé de certains jugements, trop souffert de ce que l’on pouvait penser d’elle sans réfléchir plus loin que le bout de son nez. On la disait forte… Mouais peut-être pour le moment elle perdait cœur et âme et apparemment même ceux qu’elle pensait être sa nouvelle famille ne la comprenait pas. Elle continuait à avancer se vidant de toutes pensées, de toutes façons on ne lui demandait pas cela apparemment mais… Non elle préférait s’abstenir de cela aussi sait-on jamais si quelqu’un d’assez malin se faufilait dans son esprit…

Les remparts, son lieu préféré en cette forteresse, là où elle venait puiser sa force quand cela n’allait pas, là où elle venait se prendre les bourrasques de vent pour se remettre les idées en place, là où elle venait recevoir les gouttes de pluie pour laver son cerveau trop étriqué sans doute! Ironie du sort? Peut-être, qui savait réellement. Elle arriva vers les autres et le regard vide de tout elle fit un simple geste de tête pour saluer et signifier sa présence. Elle aurait aimé s’appuyer au rempart en attendant la suite des événements, mais c'était sans compter sur les douves… Alors elle leva le museau en l'air les mains dans le dos... Lisse!


[Retour au présent]

Mais le temps avait reprit le droit sur sa vie et c’est une Ewa différente qui voyageait maintenant. Elle s’était contenue jusqu'à son retour du monastère car son état ne lui permettait pas de voir la réalité comme elle était ou du moins comme elle la voyait, elle. Mais depuis quelques jours elle sentait monter en elle la déception, l’outrage, et avait de plus en plus de mal à ne pas laisser place à ce qui l’empêchait de respirer. Prise par le démon de la colère elle préférait ne pas faire subir, bien que certain avait déjà eu droit à des mots peu habituels pour la rousse, son courroux. Ils étaient à Nîmes quand lasse de tout elle prit sa décision de quitter le groupe sans rien dire. Peut-être la chercheraient-ils? Peut-être s’inquiéteraient-ils? Peut être… Elle n’était plus en état de réfléchir posément, elle n’était plus en état de faire la part des choses pour ne pas devenir un poids pour ses compagnons. Intérieurement c’était une bataille sans nom qui se déroulait et celui qui pouvait peut-être sans rendre compte, elle l’avait plus ou moins piétiné car elle souffrait. Un jour, il lui avait dit que pour voir la réalité des sentiments, il faudrait peut-être s’éloigner un temps l’un de l’autre. La c’était pour la sauvegarde de ce qu’ils avaient pu construire qu’elle prenait la décision de fuir… Elle ne dirait à personne où elle se rendait, ne le sachant pas forcément elle-même, et si tout devenait trop insoutenable, elle prendrait le temps de réfléchir sur sa propre vie. Elle fit parvenir un parchemin à ses compagnons avant de prendre la route en solitaire.

Je vous aime… Adieu!

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Ewaele
Citation:
Breccan, mon frère, mon ami, mon tout…

Je sais que tu ne comprendras peut être pas ma décision de partir ainsi seule sur les routes du Royaume. Je sais que tu vas me maudire de ne pas t’avoir prévenu, je sais aussi que tu risques de remuer ciel et terre pour me retrouver. Mais ces dernières semaines, comme tu as pu le voir depuis que l’on s’est retrouvé, ont été pour moi de plus en plus dures. Les jours qui viennent de s’écouler sont encore pires que le reste. Je ne me reconnais plus, je n’arrive plus à me modérer, je crois même que j’ai fait du mal à l’une des personnes qui comptent le plus pour moi actuellement et tu n’imagines même pas à quel point j’en souffre. J’espère qu’il ne croira pas que je lui en veux pour une quelconque raison car ce n’est pas le cas, mais j’ai eu des mots assez tranchants avec lui et je n’arrive plus à me regarder dans un miroir, j’ai l’impression de faire souffrir les gens à qui je tiens le plus et je m’enfonce chaque jour un peu plus dans un abîme qui m’enveloppe et m’emprisonne.

Je crois que la perte de l’enfant que je portais et la fuite de son père n’ont rien arrangé. Ce mariage qui me comblait de bonheur et qui a du être reculé à cause de la guerre fut le commencement de la fin. Et ce bébé qui n’a pas voulu grandir en mon sein n’a fait que précipiter les choses. Nico m’a abandonnée, peut être a-t-il eu raison après tout, je ne le méritais sans doute pas. Malgré tout ce qu’il a pu me dire dans ses derniers courriers, parlant de l’amour qu’il a et aurait à jamais pour moi, il a préféré se retirer dans un monastère car il culpabilise de ses absences à mes côtés et n’admet pas ce qu’il m'est arrivé, il se reproche notre constant éloignement et me dit de me tourner ailleurs, vers un autre homme qui m’apportera le bonheur que je mérite… Qu’ai-je fais pour mérité cela… Je n’arrive plus à voir clair dans ma vie, je ne me vois plus d’avenir ici bas. Jusqu'à maintenant je vous ai eu vous, mes frères, mes amis, mais je me rends compte que chaque jour qui passe devient une lutte sans fin, et la moindre mauvaise nouvelle me fait sortir de mes gonds de plus en plus dangereusement pour ceux qui m’entourent. Je ne veux pas perdre ceux que j’aime même si je crois que pour certains c’est déjà trop tard et que le mal est fait…

Breccan, mon Gallois, j’aimerais te dire que ça va mais tu as bien compris que ce n’était pas le cas, j’aimerais te dire de ne pas me chercher mais je sais aussi que tu n’en feras qu’à ta tête. Je ne sais pas où les routes vont me mener et ce qu’il pourrait m’arriver, je ne sais même pas si j’ai prit la bonne décision, et si je m’en sortirais seule comme je le prétends. Vous me dites tous que je suis forte et vous êtes persuadés que je me relèverais car je l’ai fait de nombreuses fois dans le passé, mais je doute tellement que je ne suis plus sure de rien. Quoi que je fasse tu seras avec moi, ton image me suivra, je sais que je n’aurais qu’un mot à dire pour te voir arriver, je sais que je pourrais toujours compter sur toi quoi que je fasse quoi qu’il m’arrive. Tu sais aussi que ma lame est la tienne, et que si besoin j’accourrais aussi vite que je le peux… Mais laisse-moi un peu de temps, laisse-moi seule avec moi-même, laisse-moi y voir plus clair, laisse-moi affronter mes doutes, mes colères, mes incompréhensions, mes décisions, laisse-moi sombrer peut-être pour mieux me relever.

Je sais que mes mots seront sans doutes comme des lames de couteaux et que tu vas fulminer en me lisant, ne sois pas fâcher, ne m’en veux pas, j’espère que tu me comprendras, je te reviendrais un jour si les brigands n’ont pas ma peau… Tu seras pour toujours et à jamais mon…

Je pense tendrement à toi et je t’envoies tout ce qu’il me reste de vrai en moi…

Ta rouquine.


Citation:
Marie, ma belle, ma sœur, mon autre.

Je prends la plume aujourd’hui seule dans une taverne de Nîmes, pour te donner de mes nouvelles. J’ai dû me rendre en arrivant à Narbonne dans un monastère pour me faire soigner, la cicatrice, à cause des chevauchées, n’a pas tenu le coup et j’ai eu peur de l’infection. Mais depuis la perte de l’enfant et l’abandon de Nicotortue, je ne suis plus la même. Je me vois changer de jour en jour, je me vois noircir et devenir ma pire ennemie, je sème la tempête dans le cœur des gens que j’aime et qui essaye de m’entourer du mieux qu'ils peuvent… Je jette mon venin aussi facilement que l’on mange ou que l’on dort, je deviens invivable, pire que la tête de mule que tu connais. Je me haïs actuellement et je n’arrive plus à croiser mon image quand cela m’est donné.

J’ai décidé de quitter le groupe avec lequel je voyageais, je quitte nos frères qui sont tout pour moi actuellement, car je ne peux me permettre de les faire souffrir, je dois t’avouer pourtant que j’ai déjà commencé avec Ethan je pense… Et je le regrette sincèrement, mais je crois qu’il ne me verra plus jamais comme il a pu me connaitre. J’ai été odieuse car je souffrais, car j’étais en colère, car… Marie j’ai peur, j’ai peur de ne plus être celle que vous avez aimez tous, que vous avez connu. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même et je traine les semelles de mes cuissardes qui sont chaque jour un peu plus lourdes.

Toi qui est mon autre, toi à qui je tiens par-dessus tout, toi pour qui je donnerai ma vie, je ne sais pas de quoi sera fait mon demain, je prends les routes seule, et je vais essayer d’y voir plus clair, essayer de puiser la force qui me reste pour me relever, essayer de prendre ma vie en main et de me retrouver un peu. J’aimerais te dire que tu me reverras bientôt et qu’auprès de toi je pourrais venir pour trouver le réconfort et la douceur dont j’aurais tant besoin, mais hélas j’aurais peur toujours et encore de détruire ce qui nous unit, ce lien qu’on entretient depuis notre tendre enfance et qui pour moi n’a plus de valeur tellement il m’est cher. Ma douce, j’ai mal et je pense que mes mots te le montrent plus que je ne le souhaiterais… J’aimerais te dire de ne pas t’inquiéter mais je sais que tu ne m’écouteras pas, te dire que je reviendrais à vous un jour et que tout ira bien à nouveau, mais tu sais lire entre les lignes et tout ce que j’écris là si j’étais en face de toi je n’aurais pas besoin de le dire, tu aurais regarder mes émeraudes et tu aurais comprit ma souffrance.

Marie je t’aime, et quoi qu’il puisse arriver je t’aimerais toujours, tu es l’unique personne à qui je puisse encore dire ces mots aujourd’hui puisque je n’ai plus rien, même pas moi. Tu me manques tant…

Ta sœur de cœur.


Voilà, elle venait de commencer une longue série de courriers qui allait partir dans les quatre coins du royaume… Elle reprendrait sa plume plus tard, pour l’heure elle devait ramasser ses affaires et préparer sa monture pour s’éloigner le plus rapidement possible de tout être qu’elle pourrait blesser par inadvertance. Elle se leva et regarda cette taverne qui était restée vide de visite pendant tout le temps où elle y avait séjourné. Celle de Julios, un autre frère licorneux qu’elle connaissait mal. Elle sortit sur le pas de la porte et siffla sa buse à qui elle allait confier les parchemins… Et se retirer sur les chemins dans cette nuit aussi sombre qu’elle, aussi froide que son cœur, aussi peu rassurante que les pensées qui traversaient l’esprit de la rousse en ce moment.
_________________
Ewaele
*Dans un lac éblouissant que le soleil
Bouillonnant comme un chaudron,
Et un bien qu’aucun être vivant n’eut supporté
La chaleur de cette fiévreuse fournaise,
Ewa aperçut des créatures ténébreuses
Dont la vision l’emplit d’effroi.
Se tordant sous la surface frémissante
Comme des flammes pourpres, ambres et ors,
Ces créatures ailées et crochues tendaient leurs griffes
Pour l’attirer dans les abysses.
Mais sur le rivage se tenait un chevalier
Vêtu d’un manteau d’azur frappé d’une licorne virginale
Un halo lumineux brillant autour de lui
Le chevalier se tourna vers la rouquine[…]
Alors il lui dit en décochant ses paroles comme une flèche :
« Nous sommes frères, Ewa,
Tes frères ne t’abandonneront pas.
Ce qui est perdu ne le sera pas pour toujours.
Ce qui est mort reviendra à la vie. »[…]

Elle se réveilla en sursaut, à tâtons chercha une chandelle pour l’allumer et aller s’installer parterre, à même le sol, prenant appui sur un coffre avec plume et parchemin… Ne pas chercher à comprendre, c’était maintenant qu’elle devait lui écrire…


Citation:
Ethan,

On dit que la nuit porte conseil, je n’en suis hélas pas très sure, mais je me devais de t’écrire. Nous avons partagé tant de choses depuis ce jour où tu nous as rejoint en Bourbonnais Auvergne car ma vie était menacée, qu’aujourd’hui quand je regarde en arrière je ne sais plus très bien qui nous sommes l’un pour l’autre. J’ai de merveilleux souvenirs qui viennent comme une ritournelle chasser ces derniers jours où je fus plus que désagréable à ton encontre. Je sais que la colère est mauvaise conseillère, et je sais que j’aurais dû, sans doute, m’éloigner avant qu’elle devienne tempête en mon cœur et fasse table rase de tout ce qui m’entourait. Je l’ai toujours dit je suis entière, cela n’excuse pourtant pas ce que j’ai pu faire ou dire. Je nous revois encore cette fameuse nuit alors que nous étions en désaccord nous séparer et aller chacun de son côté, toi comme à ton habitude dans l’écurie, et moi je n’ai pu m’empêcher de passer devant pour connaitre ta réaction. J’entends encore ta voix me dire ‘viens’ et les talons de mes cuissardes résonner sur les dalles pour te rejoindre. Ceux qui pourrait intercepter ce courrier et lire ces lignes s’imagineraient sans doute bien des choses, et ils se tromperaient sans nulle doute, mais il n’y aura que toi qui pourras lire ces mots et tu sais de quoi il retourne. Je me souviens aussi de nos promenades, des moments passés en taverne à discuter. De cette nuit où je t’ai prêté ma chambre pour travailler car il commençait à faire froid et où j’étais partie chercher des livres à l’université car nous devions travailler sur la même matière, et où tu t’es endormi, là, simplement, et de tous ses autres moment qui ont fait que nous nous sommes rapprochés. Puis tout a changé, nous avons changé, nous nous sommes éloignés. Sans doute aurais-je dû me taire, mais je ne suis pas sure que cela aurait changé quoi que soit. Mes mots tu ne les as pas compris à ce moment là, mais je regrette de les avoir prononcée pour voir ce qu’il est advenu de nous.

Je ne sais pas de quoi sera fait demain et j’imagine déjà que tu as tourné une page depuis bien longtemps sans vouloir forcément me le dire. Je ne recherche pas cette place qui fut la mienne, bien qu’intérieurement j’aurais aimé la garder et continuer cette route ensemble. Je ne cherche plus grand-chose, nous avons peu parlé mais je pense que tu sais que ma vie est un champ de ruines et les monticules de pierres se dressent chaque jour un peu plus, forment un rempart que j’ai voulu pour me protéger. Peut être aurais-je dû te parler simplement, t’expliquer ce qu’il se passait au lieu de te laisser deviner ma détresse sans pour autant te donner la possibilité de m’aider. Mais toi aussi tu as eu tes blessures et chacun à notre façon nous nous sommes renfermés un peu plus alors que nous chevauchions côte à côte… Un peu comme des étrangers. Ma peine n’était pas la tienne, et la tienne pas la mienne et nous nous sommes perdus, devenant aveugles au lieu de nous ouvrir et de nous soutenir. Le mal est-il fait définitivement? Je n’en sais rien, je ne sais même pas si l’un de nous à la réponse. Peut être me répondras-tu… Peut être que non. Et quand bien même tu le ferais, je sais aussi que tu resteras vague et que je ne comprendrais pas forcément, tu as cette carapace qui est dur à déchiffrer, tu ne laisses rien paraitre et ne dis pas un mot plus haut que l’autre, tu préserves… Fais comme tu veux...

Tout ce que je souhaite aujourd’hui c’est m’excuser, je ne te demande pas de me pardonner, je comprendrais que tu sois blessé, et que tu n’aies plus ni envie de me voir ni de me parler. Je comprendrais que je dois continuer ma route ‘seule’ si je puis dire. Je ne suis pas née de la dernière pluie et même si je ne dis rien, je vois… Ne te force pas, je ne le mérite pas de toute façon. Mes maux ne sont pas les tiens, et je ne sais pas si je suis capable de les partager tellement je peux être une bourrique parfois. Tu me manques et je m’en veux de ne pas avoir tenue la promesse que j’avais faite il y a quelque jour. Tu me dirais que ce n’est pas grave, mais si ça l’est, question d’honneur et de respect. Mais si je n’étais pas partie, je crois que ça aurait été ma fin. Il y a des décisions dans la vie qui sont pesantes mais nécessaires. Excuse-moi encore et encore...

A bientôt j’espère…

Aël.



Citation:
Yseault,

Si l’on m’avait dit un jour que je rencontrerais une jeune femme comme toi je ne l’aurais sans doute pas cru. Même si au début de notre voyage j’ai du te sembler distante et mystérieuse, nous avons appris à nous connaitre et à nous apprécier. Je regrette que tu sois arrivée dans ma vie à un moment où hélas je ne maitrisais plus rien et où les blessures et les maux avaient fait des ravages au point de ne plus être vraiment celle que je suis. Pourtant tu fus douce et patiente, tu fus là. Et en quelques jours tu as réussi à m’apporter plus que je n’aurais pu le concevoir.

Je sais que la décision que j’ai prise de vous quitter a dû te peser et que tu n’as sans doute pas tout compris. Je sais que j’aurais dû te parler, t’expliquer, du moins essayer, tu as cette capacité à comprendre les choses, même quand on parle à demi mot. De nos discussions, j’ai pu voir en toi des similitudes avec moi, ce qui a sans doute fait que nous nous sommes rapprochées. Je m’en veux de t’avoir abandonnée alors que je t’avais promis de rester à tes côtés, je m’en veux car ce fut un coup de tête, sans doute une bêtise comme il m’arrive d’en faire quand je me sens perdue, blessée et invivable pour mon entourage.

Je voulais te prévenir que Breccan m’a rejointe malgré le courrier que je lui ai fait. Il a tracé sa route et a fait en sorte que je ne reste pas seule, mais cela aussi tu devais t’en douter. Nous serons très prochainement à Montpensier où vous vous dirigez avec Ethan, si vous n’êtes pas déjà arrivés. J’ai juste pris un chemin parallèle et plus long pour me laisser le temps d’y voir clair. Je pense qu’au plus tard samedi nous serons à vos côtés, nous aurons à ce moment là le temps de discuter plus tranquillement et face à face. Je serais ravie de te revoir jolie blondinette, ta joie de vivre me manque, ton entrain aussi. Mais pas que… Je suis impatiente de te revoir et de te serrer dans mes bras. En attendant prends soin de toi et du ténébreux si cela est possible.

Je t’embrasse, à très vite

Ewa.


Elle fit couler la cire une fois les vélins roulés et apposa son scel… Sa buse allait devoir repartir à la recherche de son frère licorneux et de sa compagne de voyage.



*extrait adapté du livre du graal
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Yseault
Il faisait tellement froid cette nuit là. Le feu qu’Ethan avait fait rougeoyer des enfers ne suffisait aucunement à la réchauffer. Toute son âme avait froid et pourtant ses mains étaient à la bonne température. Encore plus étrange…. Glaciale au dedans, chaude à l'extérieur !Ses yeux se perdaient dans cet amas orangé qui défiait l’air par sa combustion, laissant un arôme de bois consumé et un effluve de chaleur qui ne l’atteignait même pas finalement.... Un crépitement plus fort la sortie de sa rêverie, une bûche venait de se fendre dans l’âtre qu’elle explorait de ses iris d’acier, beaucoup trop ternes, sans même porter attention. Discrètement, elle chercha Ethan du regard, aussi lointain qu’elle, jouant avec des parchemins. Possiblement des cartes, vérifiant l’itinéraire à prendre, peut importe ! Tous les deux seuls, bien peu de mots avait été échangé. Elle adorait celui qu’elle considérait comme un frère et qui s’affairait de l’autre coté de cet enfer découpant l’horizon par ses flammes. Mais elle ne pouvait nier que les deux autres lui manquaient cruellement. En raz-campagne, elle était emprise avec le moins bavard de tous les Licorneux possiblement. C'était long, triste... morne !

L’énigmatique rouquine lui manquait, le mystérieux brun la hantait. Bien… de quoi se torturer un peu plus lorsque le temps ne suffit même plus au temps. Elle glissa subtilement sa main dans sa poche, effleurant du bout des doigts le morceau de parchemin s’y trouvant. Elle n’avait pas besoin de le sortir et de regarder ce qui s’y trouvait dessus, il était immortalisé dans sa mémoire. Elle avait bien fait de prendre ce portrait. La jolie blondinette avait pressenti qu’elle en aurait surement besoin un jour dans un long moment de solitude et juste à ressentir le grain particulier du vélin, cela la fit très doucement sourire.

Un battement d’aile la dérangea subitement. Elle chercha à percer la nuit de ses yeux pour repérer le volatile qui ne tarda pas justement à piquer du nez vers eux. Elle regarda l’étrange petite chose qui était sortie de nulle part. Ce n’était pas la première fois qu’elle en voyait un, seulement, elle ne s’était pas attendue à en voir apparaitre un au milieu de ce coin perdu entre deux villes. Cela ne devait pas être pour elle. Elle n’attendait rien de personne depuis longtemps. Pourtant, c’était à ses côtés qu’il avait élu domicile. Elle se rendit compte qu’il portait deux messages, un lui étant destiné, l’autre pour le ténébreux qu’elle adorait tant. Elle le dégagea de son fardeau, lui offrit pitance avant d’aller donner à Ethan le pli lui étant adressé. Un simple hochement de tête du Licorneux occupé et elle retourna dans son petit coin pour prendre part de l’écriture douce de la rouquine. Avait-elle su lire qu’elle lui manquait même à cette distance pour qu’aussitôt qu’elle y avait songé, un message tombe des cieux ?!!

Elle dégusta son écriture, reliant chaque mot de son esprit à son cœur qui se resserrait. Yseault aurait tellement voulu lui venir en aide, si seulement elle lui en avait parlé… qu’elle n’était pas partie sur un coup de tête…. Elle n’avait aucun pardon à lui accordé, elle comprenait trop bien son agissement. A la fin de sa lecture, elle se rendit compte qu’Ethan n’était plus là, surement parti dormir ou autre. Il avait disparu. Avait-il lu la lettre d’Ewaele et il s’était retiré lui écrire ou simplement réfléchir ? Elle n’aurait pu dire mais pour elle, c’était déjà clair dans son esprit. Elle n’allait pas laisser cette rouquine sombrer !

Armée d’une plume trouver dans sa besace, d’un morceau de parchemin, d’un encrier poser contre la bûche à coté d’elle, le papier posé contre une de ses cuisses, elle tentait de s’appliquer a lui répondre.


Citation:
Bonsoir ma jolie rousse,

Il me fait tellement plaisir d’avoir de tes nouvelles. Je me suis terriblement inquiétée, je dois bien l’avouer. Je sais bien que Breccan est avec toi et qu’il va prendre soin da petite personne jusqu’à son dernier souffle. C’est bien la seule chose d’ailleurs qui ne m’a pas fait rebrousser chemin pour te retrouver jusque là…. Enfin, je ne voulais pas laisser Ethan s’enfermer plus encore qu’il ne l’est déjà non plus quoique je crois que j’y arrive très mal. Je ne suis pas douée pour ça je crois… je ne sais pas….

Enfin, sache que je ne t’en veux aucunement de la décision que tu as prise, j’aurais surement fait de même. Tu as raison, on se ressemble beaucoup et c’est possiblement pourquoi on s’est liées si vite amicalement. La douleur de ne pouvoir t’aider cependant n’en est que plus cruelle ma belle…

Tu sais… il y a certaine bougie dont la cire consumée enveloppe tellement le bougeoir initial qu’on peut à le discerner quelque fois. On a l’impression qu’il devient instable par l’accumulation qui s’est fait à la base, que les larmes de cire n’arrêteront jamais de venir ternir celui qui procrée la lumière. Qu’à un simple petit murmure du vent, cette flamme qui a trouvé refuge à son extrémité va s’éteindre à tout jamais et nous plonger dans une noirceur totale. C’est effrayant… et pourtant… il ne suffit que d’une paire de main de chaque côté pour la supporter et empêcher de nous plonger dans les ténèbres à tous jamais…. Laisse cette métaphore t’envahir ma belle, soit ce bougeoir mais ne refuse pas ses mains qui se portent à ton secours pour nous égayer encore de ta flamme… on… j’ai besoin de toi…

Je t’attendrai à Montpensier, soit prudente sur le chemin. Je t’embrasse très fort. Tu me manque terriblement en ce moment. Oh et embrasse Brec’ pour moi également.

A tout bientôt.

Yseault


Fallait-il attendre qu’Ethan répondre lui également à sa missive ? Le ferait-il ? A lui seul appartenait ce choix. Certaines choses se reflètent dans les ombres mais ne se dictent pas. Pour le moment, lui seul savait où il allait, elle ne pouvait que le suivre dans son cheminement. Elle soupira et fit partir ce seul message vers sa maitresse qui elle savait, à quelques lieux d’eux. Si proche et si loin finalement… C’était l’apogée de cette égarée qu’elle avait toujours été….
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