Ewaele
[Du Languedoc à la Bourgogne en passant par le Lyonnais.]
Elle avait traversé les villes après sans forcément les voir, regardant surtout le ciel pour voir si sa buse revenait avec un quelconque message. Mais la première chose quelle vit ce fut le cheval de Breccan. Il lavait donc rattrapée et avait quitté lui aussi le groupe. Décidément ceux qui étaient partis pour Montpellier avaient finalement tous suivi leur route pour des raisons différentes. Première étape Uzès. La rousse avait besoin dapprendre à revivre différemment, faire un trait sans doute définitif sur son passé proche ou lointain. Bizarrement elle avait limpression que les choses se répétaient, mais pas pour le même sujet. Elle ne pouvait sempêcher de penser à Nico, où quil soit et fasse, il était et serait encore un moment présent en son cur et son âme. Ils navaient pas partagés autant de temps ensemble pour que les brises marine des côtes du sud puissent tout effacer aussi facilement. Malgré labandon du Comte pour la Comtesse, malgré le fait quil lui ait dit de loublier, elle narrivait à faire la part des choses, il lavait marquée à sa façon et sa cicatrice sur son ventre était un exemple comme un autre. Pourtant il lui faudrait tourner une page, elle le savait. Il avait été clair, il ne reviendrait pas A quoi bon se battre contre des moulins à vent? Lamour et ses désillusions étaient dévastateurs, qui pouvait le nier?
Elle allait de taverne en taverne dans les villes quelle prenait pour étapes, désireuse de se noyer dans de nouvelles connaissances, dapprendre sur les régions où elle passait, sur les gens. Elle fit de belles rencontres: Uzès et Grigri, Vienne et Tenshikuroi. Mais elle ne prenait pas le temps dapprofondir devant continuer sa route. Au moins cela lui mettait du baume au cur et sans doute lui permettait de regarder lhorizon qui se présentait devant elle dans un camaïeu de gris. Enfin elle lespérait. Buse et pigeon la trouvèrent en Lyonnais. Deux missives, une dYseault qui lui répondait, et une autre de sa vassale qui lui donnait des nouvelles et lui annonçait que le lendemain elle serait sur Lyon avec des membres de la Copa et le Connétable de France. Hasard ou pas, cétait là que serait la rousse aussi, et un sourire naquit sur ses lèvres. Retrouver des amis, des connaissances, mais aussi peut-être lui permettre de finaliser ce quil lui avait traversé lesprit depuis peu. Lyon et la joie des retrouvailles, la magie des instants passés avec Vinou à parler jusquau bout de la nuit, à découvrir ses compagnons de voyages, et surtout de se livrer lune à lautre. Prendre une décision plus quune autre. Elle voulait à la base retourner auprès de ses frères licorneux mais sans nouvelle du ténébreux, elle avait baissé les bras. Plus envie de se battre, plus envie de grand chose dailleurs pour le moment. Juste se laisser porter par le courant et suivre son instinct, et pour lheure il lui disait de suivre Lekaiser. Elle irait donc en Bourgogne, elle prendrait le temps de lui demander de bien vouloir la recevoir et de discuter avec elle de ce qui sétait glissé dans sa petite tête de rousse. Elle avait eu un accueil digne des grands au milieu des lances périgourdines et cela lui avait réchauffé le cur La flamme quelle était recommençait lentement à reprendre goût à la vie, à briller, à brûler. Que cétait bon de se retrouver enfin, même si cela ne devait durer, elle voulait sen nourrir.
Chalon Voilà, cétait le lieu de rendez-vous de beaucoup apparemment, la ville fourmillait de monde, des campements partout autour de la ville, plus une chambre dauberge de disponible. Elle accepta la proposition de se joindre à ceux avec qui elle avait chevauché ces dernier temps, on lui monta sa tente non loin de celle du Connétable et de ses hommes et femmes. Là les journées ségrenaient lentement, des connaissances à foison, des discussions aussi douces, quintéressantes, ou houleuses selon qui prenaient la peine dentrer ou de sortir des tripots de la ville. Les périgourdins étaient très présents et entouraient la rouquine de leur bonne humeur, leur joie de vivre. Elle prenait plaisir à sinstaller dans le coin de la taverne là où la cheminée brûlait buche après buche, elle déposait sa cape azur et se posait simplement avec les talons de ses cuissardes sur la table, entassait les tisanes devant elle, et souriait un peu plus de jour en jour en leur compagnie. Leur simple nom sur ses lèvres lui apportait du réconfort Wulfrik, Vinou, Pat, Lenance, et les autres Sans oublier Lek qui se faisait de plus en plus présent les soirs auprès deux.
Puis vint le jour où elle fut reçue sous la tente du Connétable et là, pendant quelques heures, ils discutèrent. Armées, militaires, connétablie. Ewa lui parla de ses envies, de ses attentes, de sa motivation. Il lécouta, lui répondit, un échange très intéressant sinstaura lors de cette soirée, puis petit à petit la conversation tourna simplement à du plus léger Pour finir par se rendre ensemble en tavernes rejoindre les habitués nocturnes et compagnons. Comment expliquer ce quil pouvait se passer sous couvert de ses retrouvailles sans cesse joyeuses. Comment ne pas voir que certaines choses évoluaient. Comment ignorer les comportements, les sourires, les gestes Comment ne pas se rendre compte du temps qui sécoulait en compagnie de certaines personnes. Mais comme toujours il fallait un mais Rien ne pouvait être simple, rien ne pouvait couler comme de leau sur la peau qui suit les formes du corps et qui ne sarrête jamais avant davoir toucher le sol Une seule possibilité. Non jamais! Alors elle rentra dans une période dobservation, scrutant le moindre élément qui pouvait lui donner un indice, une réponse, la voie à choisir. A lécoute de tout et de rien, mais là. Mais une chose était sure, elle ne voulait pas se jeter dans le vide à nouveau, les précipices tuaient certainement, et ce nétait pas son but. Elle avait besoin de temps, elle commençait juste à se reconstruire, et puis de tout façon, la patience avait aussi du bon. Apprendre à connaître, découvrir, apprécier, laisser le temps faire son chemin et rapprocher, sil devait en être ainsi, les âmes qui devaient lêtre.
Elle avait ouvert le portillon de fer et elle était entrée dans le ventre de la fontaine. (*)
Ô serpent d'eau, mains d'eau, petite mer bouillonnante à fraîcheur de remous! Douces contractions enroulées contre ses jambes! Mouvements concentriques autour de ses cuisses Muscles massés, vivifiés, caressés! Baisers de tant de bouches en ondes lisses! Elle avait marché jusqu'à la pierre centrale enrubannée des désordres de ses pluies. Il lui fallait capturer l'ardeur de la source, ses tremblements, ses vibrations, l'agitation de ses veines, l'éclatement de son cur, ses débris sans cesse recollés, reconstitués en vaguelettes autour de ses jambes, de ses cuisses encore et encore. Là dessous, trempée du déluge, dégoulinante d'une presque noyade, d'une fresque aux fragments époumonés, elle, les deux mains plaquées sur la pierre luisante, collée contre le socle granuleux avec ce chant en fond de gorge, ce chant sans musique, sans mot, ce chant de larmes et d'amer, ce chant à se laver des tourments du monde. A renaître enfin
(*)Giono -la rondeur des jours-
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Elle avait traversé les villes après sans forcément les voir, regardant surtout le ciel pour voir si sa buse revenait avec un quelconque message. Mais la première chose quelle vit ce fut le cheval de Breccan. Il lavait donc rattrapée et avait quitté lui aussi le groupe. Décidément ceux qui étaient partis pour Montpellier avaient finalement tous suivi leur route pour des raisons différentes. Première étape Uzès. La rousse avait besoin dapprendre à revivre différemment, faire un trait sans doute définitif sur son passé proche ou lointain. Bizarrement elle avait limpression que les choses se répétaient, mais pas pour le même sujet. Elle ne pouvait sempêcher de penser à Nico, où quil soit et fasse, il était et serait encore un moment présent en son cur et son âme. Ils navaient pas partagés autant de temps ensemble pour que les brises marine des côtes du sud puissent tout effacer aussi facilement. Malgré labandon du Comte pour la Comtesse, malgré le fait quil lui ait dit de loublier, elle narrivait à faire la part des choses, il lavait marquée à sa façon et sa cicatrice sur son ventre était un exemple comme un autre. Pourtant il lui faudrait tourner une page, elle le savait. Il avait été clair, il ne reviendrait pas A quoi bon se battre contre des moulins à vent? Lamour et ses désillusions étaient dévastateurs, qui pouvait le nier?
Elle allait de taverne en taverne dans les villes quelle prenait pour étapes, désireuse de se noyer dans de nouvelles connaissances, dapprendre sur les régions où elle passait, sur les gens. Elle fit de belles rencontres: Uzès et Grigri, Vienne et Tenshikuroi. Mais elle ne prenait pas le temps dapprofondir devant continuer sa route. Au moins cela lui mettait du baume au cur et sans doute lui permettait de regarder lhorizon qui se présentait devant elle dans un camaïeu de gris. Enfin elle lespérait. Buse et pigeon la trouvèrent en Lyonnais. Deux missives, une dYseault qui lui répondait, et une autre de sa vassale qui lui donnait des nouvelles et lui annonçait que le lendemain elle serait sur Lyon avec des membres de la Copa et le Connétable de France. Hasard ou pas, cétait là que serait la rousse aussi, et un sourire naquit sur ses lèvres. Retrouver des amis, des connaissances, mais aussi peut-être lui permettre de finaliser ce quil lui avait traversé lesprit depuis peu. Lyon et la joie des retrouvailles, la magie des instants passés avec Vinou à parler jusquau bout de la nuit, à découvrir ses compagnons de voyages, et surtout de se livrer lune à lautre. Prendre une décision plus quune autre. Elle voulait à la base retourner auprès de ses frères licorneux mais sans nouvelle du ténébreux, elle avait baissé les bras. Plus envie de se battre, plus envie de grand chose dailleurs pour le moment. Juste se laisser porter par le courant et suivre son instinct, et pour lheure il lui disait de suivre Lekaiser. Elle irait donc en Bourgogne, elle prendrait le temps de lui demander de bien vouloir la recevoir et de discuter avec elle de ce qui sétait glissé dans sa petite tête de rousse. Elle avait eu un accueil digne des grands au milieu des lances périgourdines et cela lui avait réchauffé le cur La flamme quelle était recommençait lentement à reprendre goût à la vie, à briller, à brûler. Que cétait bon de se retrouver enfin, même si cela ne devait durer, elle voulait sen nourrir.
Chalon Voilà, cétait le lieu de rendez-vous de beaucoup apparemment, la ville fourmillait de monde, des campements partout autour de la ville, plus une chambre dauberge de disponible. Elle accepta la proposition de se joindre à ceux avec qui elle avait chevauché ces dernier temps, on lui monta sa tente non loin de celle du Connétable et de ses hommes et femmes. Là les journées ségrenaient lentement, des connaissances à foison, des discussions aussi douces, quintéressantes, ou houleuses selon qui prenaient la peine dentrer ou de sortir des tripots de la ville. Les périgourdins étaient très présents et entouraient la rouquine de leur bonne humeur, leur joie de vivre. Elle prenait plaisir à sinstaller dans le coin de la taverne là où la cheminée brûlait buche après buche, elle déposait sa cape azur et se posait simplement avec les talons de ses cuissardes sur la table, entassait les tisanes devant elle, et souriait un peu plus de jour en jour en leur compagnie. Leur simple nom sur ses lèvres lui apportait du réconfort Wulfrik, Vinou, Pat, Lenance, et les autres Sans oublier Lek qui se faisait de plus en plus présent les soirs auprès deux.
Puis vint le jour où elle fut reçue sous la tente du Connétable et là, pendant quelques heures, ils discutèrent. Armées, militaires, connétablie. Ewa lui parla de ses envies, de ses attentes, de sa motivation. Il lécouta, lui répondit, un échange très intéressant sinstaura lors de cette soirée, puis petit à petit la conversation tourna simplement à du plus léger Pour finir par se rendre ensemble en tavernes rejoindre les habitués nocturnes et compagnons. Comment expliquer ce quil pouvait se passer sous couvert de ses retrouvailles sans cesse joyeuses. Comment ne pas voir que certaines choses évoluaient. Comment ignorer les comportements, les sourires, les gestes Comment ne pas se rendre compte du temps qui sécoulait en compagnie de certaines personnes. Mais comme toujours il fallait un mais Rien ne pouvait être simple, rien ne pouvait couler comme de leau sur la peau qui suit les formes du corps et qui ne sarrête jamais avant davoir toucher le sol Une seule possibilité. Non jamais! Alors elle rentra dans une période dobservation, scrutant le moindre élément qui pouvait lui donner un indice, une réponse, la voie à choisir. A lécoute de tout et de rien, mais là. Mais une chose était sure, elle ne voulait pas se jeter dans le vide à nouveau, les précipices tuaient certainement, et ce nétait pas son but. Elle avait besoin de temps, elle commençait juste à se reconstruire, et puis de tout façon, la patience avait aussi du bon. Apprendre à connaître, découvrir, apprécier, laisser le temps faire son chemin et rapprocher, sil devait en être ainsi, les âmes qui devaient lêtre.
Elle avait ouvert le portillon de fer et elle était entrée dans le ventre de la fontaine. (*)
Ô serpent d'eau, mains d'eau, petite mer bouillonnante à fraîcheur de remous! Douces contractions enroulées contre ses jambes! Mouvements concentriques autour de ses cuisses Muscles massés, vivifiés, caressés! Baisers de tant de bouches en ondes lisses! Elle avait marché jusqu'à la pierre centrale enrubannée des désordres de ses pluies. Il lui fallait capturer l'ardeur de la source, ses tremblements, ses vibrations, l'agitation de ses veines, l'éclatement de son cur, ses débris sans cesse recollés, reconstitués en vaguelettes autour de ses jambes, de ses cuisses encore et encore. Là dessous, trempée du déluge, dégoulinante d'une presque noyade, d'une fresque aux fragments époumonés, elle, les deux mains plaquées sur la pierre luisante, collée contre le socle granuleux avec ce chant en fond de gorge, ce chant sans musique, sans mot, ce chant de larmes et d'amer, ce chant à se laver des tourments du monde. A renaître enfin
(*)Giono -la rondeur des jours-
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