Elle s'éveilla ce matin-là avec une humeur mitigée, le coeur chagrin, la colère battant encore dans ses veines, mais avec un petit sourire aux lèvres pourtant...
La soirée de la veille lui avait fait du bien, loin de l'agitation des tavernes, loin des conversations tendues avec son parrain, loin de celles si futiles que l'on peut avoir avec des inconnus... Une soirée où elle avait vidé son coeur à cet homme qu'elle ne connaissait guère depuis longtemps, mais aussi où tous deux avaient échangé sur bien des choses, certaines très sérieuses, d'autres plus futiles et légères, mais surtout une soirée où elle avait sourit, et même rit par instants.
De ce tête-à-tête improvisé par lui, elle était ressortie le coeur léger, et avait enfin dormi une nuit entière et sereine.
Une nuit où elle s'était sentie tellement bien, que lorsque le jour se leva, elle n'eut pas envie de l'imiter, et resta un long moment à traîner dans sa couche, prolongeant le bien-être, avec l'attitude d'un chat se prélassant au soleil.
Malheureusement pour elle, le propre de nos soucis est de revenir nous trotter en tête dans les moments où on le voudrait le moins, et les siens avaient visiblement décidé d'abréger cette séance de paresse matinale.
Repliant les genoux et calant son dos contre la tête de lit, elle posa son menton sur ses jambes, et laissa surgir les souvenirs encore bien frais de la dernière rencontre qu'elle avait eue dans l'après-midi avec son parrain... Cette conversation qu'il avait quittée bien précipitamment, au moment exact où plus qu' excédée elle avait posé la main sur la garde de son épée.
L'aurait-elle pointée vers lui sans cette sortie opportune? Oui! Cela ne faisait absolument aucun doute dans sa tête à elle. Jamais elle ne laisserait personne lui parler comme il l'avait fait, d'une façon aussi injuste et en lui manquant à ce point de respect, surtout en présence d'inconnus.
Elle était certes bien consciente d'avoir exagéré quelque peu en traitant sa demi-soeur de bâtarde, lorsqu'il lui avait annoncé avoir découvert l'existence de cette dernière, cette fille que son père avait eue avec une autre femme que sa mère, mais c'était uniquement parce qu'elle était plus que choquée de l'entendre dire que si lui-même avait engrossé Claire dans une soirée de beuveries, c'était parce qu'il était perturbé par cette découverte familiale.
Se servait-on de ce genre de chose pour atténuer sa propre erreur? Est-ce que le choc que cela avait pu lui faire était une circonstance atténuante à sa fornication hors mariage, avec quelqu'un qu'il n'aimait pas de plus, et à la mise en route d'un bâtard qu'il abandonnait?
Son coeur de femme qui avait tant rêvé de donner un jour un enfant à Hugoruth ne pouvait pas l'admettre! Alors oui, elle avait eu des mots forts, des mots méchants et tranchants... Des mots de femme malheureuse et outrée...
C'était là qu'il était revenu sur une histoire d'un soir qu'elle avait eue, avec un certain Frizt, bien avant de rencontrer Hugoruth, bien avant d'avoir quitté le monde des troubadours... Cela n'avait pas de comparaison! Elle était alors très jeune, pas installée dans une ville, lui aujourd'hui était adulte, ancien Maire, responsable de ses actes... Et de plus, elle même n'avait pas mis en route un enfant qui n'avait rien demandé à personne!
Ensuite, elle ne savait plus trop comment, la discussion s'était un peu calmée, elle lui avait dit qu'elle était prête à repartir de zéro avec lui, comme il le lui demandait, à l'unique condition que ce zéro soit absolu... Elle lui avait expliqué que si il espérait repartir sur des bases saines, il fallait faire abstraction non pas d'une partie du passé, mais bien de tout le passé, de tout ce qui les avait unis ou désunis, se comporter au départ comme des étrangers se rencontrant pour la première fois, donc sans aucun lien, pas même celui de parrain-filleule.
Cela n'avait pas eu l'air de lui plaire comme condition, et il avait recommencé à discutailler du passé, revenant sur les nombreuses fois où il l'avait abandonnée au lieu de la soutenir, comme un parrain aurait du le faire. C'est là que le pire s'était produit...
D'après lui, si il ne l'avait pas soutenue lorsqu'elle était devenue Maire, et si il avait été jusqu'à prendre part à une espèce de clan démissionnaire du conseil municipal qui menait une campagne anti-Terwagne, c'était uniquement parce qu'elle n'avait pas écouté ses conseils, qu'elle s'était crue plus maligne que lui l'ancien. D'ailleurs, elle avait préféré nommer Whoopie Tribun plutôt que lui, la formant à devenir Maire après elle, et Whoopie avait ensuite rejoint le FIER, pourrissant l'ambiance sancerroise, amenant des voix au Poilu lors des élections, de par sa place en Mairie.
D'après lui toujours, si elle l'avait choisi lui, écouté lui, rien de tout cela ne se serait produit, et elle était donc en grande partie responsable de la victoire du FIER ensuite, et du chaos despotique régnant en Berry.
Terwagne savait que tout cela était faux et injuste! Totalement injuste!
Certes elle avait mal placé sa confiance en Whoopie, puisque Whoopie l'avait déçue et lui avait tiré dans le dos par la suite en rejoignant Georgepoilu et ses sbires, mais elle en connaissait les raisons... Et ces raisons, Asta en faisait partie!
Elle se souvenait encore de tout....
L'histoire de choix de Tribun, où Asta qu'on n'a plus vu depuis un moment rapplique et lui demande à elle qui vient d'être élue Maire de lui donner la place, au nom de leur lien. Elle s'y refuse, oui! Elle s'y refuse parce qu'elle le connait, sait qu'il ne sera pas assez présent, que Whoopie a plus les qualités nécessaires à un bon Tribun, et qu'elle ne laissera pas des relations de copinage ou famille primer sur le reste... Il le prend mal, pourrit l'ambiance au conseil municipal et en taverne, avec d'autres vieux qui ont l'art de toujours donner des conseils mais n'ont aucune expérience et ne se mouillent jamais en relevant leurs manches... Elle lui retire les clés du Conseil.
Ensuite, la politique ducale... Au bout de trois mandats, estimant que rien ne remplacera jamais le sang neuf, Terwagne décide de se préparer à laisser la Mairie entre les mains de Whoopie, à qui on peut reprocher bien des choses et des retournements de veste par la suite, mais dont on ne peut absolument pas critiquer le travail fait comme Tribun. Elle la forme, peu à peu.
Elle-même commence alors à s'impliquer plus au sein du NORF, le mouvement politique crée par Hugo, Mentaig et Valatar, et se prépare à un jour accepter de prendre leur relève. Astaroth est parmi les membres, mais on ne le voit pas très souvent prendre part aux discussions constructives, celles pour la préparation du programme, ou encore sur les questions importantes... Il est là par vagues, et arrive souvent après la guerre, une fois encore, pour critiquer.
Et puis, un jour, la taverne de Whoopie, qui est toujours Tribun mais bientôt Maire, est victime d'un incendie criminel, et cet incendie a été mis en place par Astaroth... Pire que ça, Astaroth s'en vante en taverne, en gargotte, partout....
Là, Terwagne explose! Un criminel incendiaire sur la liste pour les ducales???
Elle s'y oppose, fermement, allant même jusqu'à se disputer avec Hugoruth à ce sujet. Ce sera avec un criminel ou avec elle, mais elle refuse catégoriquement de faire partie d'une liste où l'on accepte des incendiaires. Astaroth quitte le NORf, sous la pression.
Alors lorsqu'en taverne à Vienne, bien des mois plus tard, elle l'entend l'accuser d'être responsable de ce qui c'est passé en Berry, de la prise de pouvoir toujours plus grande du poilu, du pourrissement de l'ambiance à Sancerre, responsable d'avoir commis des erreurs aux conséquences dramatiques parce qu'elle ne l'a pas écouté lui, " L'Ancien", elle explose.
Elle explose parce que pendant plus de 10 mois elle s'est battue pour le NORF, elle s'est battue pour le Berry, elle a peut-être commis des erreurs, elle n'est pas une sainte, mais elle a donné plus que lui-même ne donnera sans doute jamais, à une terre qui n'était pas la sienne au départ.
Elle pose la main sur son épée, et lui quitte la taverne...
.......
Se levant enfin de sa couche, elle ouvre les volets et décide de lui écrire, pour lui vider son coeur, une dernière fois... Elle est lasse, et remplie de colère.
Citation:Sieur Astaroth,
Si je prends la plume pour vous écrire ce matin, c'est pour vous dire que vous avez bien de la chance... Bien de la chance de n'être point noble, ou que moi je le sois, parce que si cet état de fait n'était pas, vous auriez d'ores et déjà été provoqué en duel, et rapidement senti ma lame vous caresser la gorge.
Je n'accepte pas, et n'accepterai jamais d'être traitée par qui que ce soit comme vous l'avez fait hier, quand bien même cette personne serait de ma famille. Il est des bornes à ne pas franchir, et vous avez eu le tord de le faire....
Je ne reviendrai pas sur vos mots, mais sachez que je les trouve irrespectueux, gratuits, et totalement infondés, me prouvant par là que non, vous n'avez pas changé, contrairement à ce que vous vouliez me faire croire.
Vous faites toujours partie de ces gens qui critiquent les décisions et choix des autres, alors qu'eux-même ne se sont jamais investis ne serait-ce que dix fois moins que ceux qu'ils osent critiquer.
La critique est aisée, l'action l'est beaucoup moins, réfléchissez-y...
Ce que j'ai fait en Berry et à Sancerre, je l'ai fait en mon âme et conscience, et j'en suis fière. Oh, pas au point d'exiger un quelconque merci ni une quelconque reconnaissance, rassurez-vous...
Mais lorsque, comme moi, vous aurez tenu tête à Georgepoilu et ses sbires durant plus de six mois, lâchée peu à peu par tous ceux que vous estimiez, aurez subi toutes sortes d'attaques en gargotte ou taverne sur votre vie privée et votre passé de troubadour, aurez été victime d'une tentative de meurtre parce que vous dérangez le pouvoir en place,... et tout cela uniquement par amour d'une terre et surtout de ceux qui la peuplent, alors vous aurez le droit de critiquer mes actes et mes choix. Pas avant!
J'ai certes eu le tord hier de définir votre soeur et l'enfant que Claire porte comme des bâtards, et je m'en excuse, mais mes mots auront été bien moins loin et étaient bien plus fondés que les vôtres.
Je prierai pour cet enfant à venir, non pas parce qu'il est le vôtre, mais bien parce que lui n'a rien demandé à personne.
Puisse le Très Haut faire de lui l'homme que vous n'êtes pas.
Terwagne de Thauvenay.