Grandstef
[Rat d'eau sur radeau...]
Le vaste territoire verdoyant et ondoyant sous la brise matinale et les eaux qu'il recélait sommeillait encore sous les premiers rayons solaires. Quelques volutes de brume s'éparpillaient langoureusement laissant apparaître au loin petite digue bâtie des années plus tôt par de laborieux moines venus tenter d'assécher les lieux. Ici le Lay et la Sèvre formaient triangle avec leur différents affluents et avaient formé au fil du temps petite cuvette marécageuse qui d'après le grand se trouvait en dessous le niveau de la mer. La terre noire et tourbeuse formait buttes entrecoupées et alignées sur un axe est-ouest en direction de l'océan...
Leurs pas les avaient menés en directe ligne de La Rochelle traversant cette immense vasière. Ils suivirent le chemin sinuant au milieu des différents canaux qui peuplaient le paysage, se jetant pour la plupart dans ce que les gens du cru appelait la Sèvre niortaise.
Le jeune couple s'arrêta un moment pour prendre pitance. Le jeune lapereau que le blond avait pris à un de ses collets au matin fut vite rôti, léché par les flammes vives de leur petit feu. Un bol de terre cuite coincé entre deux branches de bois vert, sous la proie grésillante, récupérait la graisse pour agrémenter sauce...
Ils mangèrent les yeux dans les yeux, viande sur tranche. Quelques abricots "empruntés" dans un jardin rochellois les rafraîchirent et terminèrent leur repas. Plus le temps passait, plus les mots entre eux devenaient inutiles. Une complicité naturelle les unissait, de celles que l'amour forgeait quand ce dernier était sans failles.
L'homme afficha un sourire repus, et posant un doigt sur les lèvres de son aimée, il lui fit clin d'il avant de s'éclipser un moment sur quelques paroles sibyllines :
"- Repose toi un moment Preciosa, je reviens dans pas long..."
Le grand rebroussa chemin sur une demi lieue. Au détour d'un virage que formait petit canal, il avait aperçu moyen de transport qui pourvoirait sans doute une partie de leur après-midi. Les chevaux avaient grand besoin de repos et il était décidé à leur faire reprendre force. Mais surtout il voulait offrir à sa bien-aimée moment de détente. Il s'approcha du cours d'eau où il lui avait semblé voir petit radeau et un mince sourire satisfait étira ses lèvres. Il était là... En bon état de surcroît. Et, cerise sur le gâteau, il y avait même la perche tombée dans le bosquet d'herbe qui lui servirait à mouvoir l'embarcation.
Un pied prudent testa la flottaison. Oui, l'esquif ferait son affaire. Il s'y installa et commença à peser de tout son poids sur la grande hampe de bois. Miracle les eaux s'ouvrirent devant lui et il sentit la longue glissade qui s'amorçait. Renouvelant ses efforts sous le soleil qui avait atteint son zénith, il apprécia la légère caresse du vent sur sa face réjouie ainsi que le chuchotis de l'eau qui accompagnait son avancée vers son aimée.
De grands saules bordaient le canal, parfois quelques frênes remplaçaient les pleurs du feuillage qui se perdaient dans l'onde. Comme le grand ralentissait la course de son radeau de fortune, arrivant lui semblait-il au lieu de leurs agapes, il vit tanière où disparut derechef la queue touffue de ragondin. Se rapprochant de l'amas de branches formant le nid du rongeur, il observa longuement l'obscurité dans laquelle l'animal se cachait en fredonnant doucement. Puis, n'obtenant pas de réponse, il immobilisa son frêle esquif avant de reprendre pied sur la terre ferme. Il jeta un il vers le canal et sourit, constatant qu'aucun courant ne risquait d'emporter son butin. "Allons voir si ma mie dort toujours et si elle est prête à prendre un peu de bon temps au fil de l'eau" se dit-il.
Les chevaux saluèrent son arrivée d'un hennissement familier et alors que la belle aux cheveux de nuit semblait assoupie, le grand blond entreprit d'effacer les reliefs de leurs petit campement. Feu éteint et ustensiles bien à l'abri dans ses fontes, il s'approcha de la jeune femme et lui souffla doucement dans le cou en étreignant sa main.
"- Cara mia... Cara mia... Il est l'heure..."
Elle ouvrit les yeux, et lui lança regard embrumé par les derniers embruns de son sommeil. Le grand la prit tendrement dans ses bras et lui murmura :
"- Que dirais tu de voguer vers de nouveaux horizons mon amour ? Viens, j'ai trouvé embarcation qui nous emmènera vers firmament de verdure..."
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"Gnothi seauton"
Le vaste territoire verdoyant et ondoyant sous la brise matinale et les eaux qu'il recélait sommeillait encore sous les premiers rayons solaires. Quelques volutes de brume s'éparpillaient langoureusement laissant apparaître au loin petite digue bâtie des années plus tôt par de laborieux moines venus tenter d'assécher les lieux. Ici le Lay et la Sèvre formaient triangle avec leur différents affluents et avaient formé au fil du temps petite cuvette marécageuse qui d'après le grand se trouvait en dessous le niveau de la mer. La terre noire et tourbeuse formait buttes entrecoupées et alignées sur un axe est-ouest en direction de l'océan...
Leurs pas les avaient menés en directe ligne de La Rochelle traversant cette immense vasière. Ils suivirent le chemin sinuant au milieu des différents canaux qui peuplaient le paysage, se jetant pour la plupart dans ce que les gens du cru appelait la Sèvre niortaise.
Le jeune couple s'arrêta un moment pour prendre pitance. Le jeune lapereau que le blond avait pris à un de ses collets au matin fut vite rôti, léché par les flammes vives de leur petit feu. Un bol de terre cuite coincé entre deux branches de bois vert, sous la proie grésillante, récupérait la graisse pour agrémenter sauce...
Ils mangèrent les yeux dans les yeux, viande sur tranche. Quelques abricots "empruntés" dans un jardin rochellois les rafraîchirent et terminèrent leur repas. Plus le temps passait, plus les mots entre eux devenaient inutiles. Une complicité naturelle les unissait, de celles que l'amour forgeait quand ce dernier était sans failles.
L'homme afficha un sourire repus, et posant un doigt sur les lèvres de son aimée, il lui fit clin d'il avant de s'éclipser un moment sur quelques paroles sibyllines :
"- Repose toi un moment Preciosa, je reviens dans pas long..."
Le grand rebroussa chemin sur une demi lieue. Au détour d'un virage que formait petit canal, il avait aperçu moyen de transport qui pourvoirait sans doute une partie de leur après-midi. Les chevaux avaient grand besoin de repos et il était décidé à leur faire reprendre force. Mais surtout il voulait offrir à sa bien-aimée moment de détente. Il s'approcha du cours d'eau où il lui avait semblé voir petit radeau et un mince sourire satisfait étira ses lèvres. Il était là... En bon état de surcroît. Et, cerise sur le gâteau, il y avait même la perche tombée dans le bosquet d'herbe qui lui servirait à mouvoir l'embarcation.
Un pied prudent testa la flottaison. Oui, l'esquif ferait son affaire. Il s'y installa et commença à peser de tout son poids sur la grande hampe de bois. Miracle les eaux s'ouvrirent devant lui et il sentit la longue glissade qui s'amorçait. Renouvelant ses efforts sous le soleil qui avait atteint son zénith, il apprécia la légère caresse du vent sur sa face réjouie ainsi que le chuchotis de l'eau qui accompagnait son avancée vers son aimée.
De grands saules bordaient le canal, parfois quelques frênes remplaçaient les pleurs du feuillage qui se perdaient dans l'onde. Comme le grand ralentissait la course de son radeau de fortune, arrivant lui semblait-il au lieu de leurs agapes, il vit tanière où disparut derechef la queue touffue de ragondin. Se rapprochant de l'amas de branches formant le nid du rongeur, il observa longuement l'obscurité dans laquelle l'animal se cachait en fredonnant doucement. Puis, n'obtenant pas de réponse, il immobilisa son frêle esquif avant de reprendre pied sur la terre ferme. Il jeta un il vers le canal et sourit, constatant qu'aucun courant ne risquait d'emporter son butin. "Allons voir si ma mie dort toujours et si elle est prête à prendre un peu de bon temps au fil de l'eau" se dit-il.
Les chevaux saluèrent son arrivée d'un hennissement familier et alors que la belle aux cheveux de nuit semblait assoupie, le grand blond entreprit d'effacer les reliefs de leurs petit campement. Feu éteint et ustensiles bien à l'abri dans ses fontes, il s'approcha de la jeune femme et lui souffla doucement dans le cou en étreignant sa main.
"- Cara mia... Cara mia... Il est l'heure..."
Elle ouvrit les yeux, et lui lança regard embrumé par les derniers embruns de son sommeil. Le grand la prit tendrement dans ses bras et lui murmura :
"- Que dirais tu de voguer vers de nouveaux horizons mon amour ? Viens, j'ai trouvé embarcation qui nous emmènera vers firmament de verdure..."
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"Gnothi seauton"