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[RP] Au fil de l'eau dans le marais pictave

Grandstef
[Rat d'eau sur radeau...]


Le vaste territoire verdoyant et ondoyant sous la brise matinale et les eaux qu'il recélait sommeillait encore sous les premiers rayons solaires. Quelques volutes de brume s'éparpillaient langoureusement laissant apparaître au loin petite digue bâtie des années plus tôt par de laborieux moines venus tenter d'assécher les lieux. Ici le Lay et la Sèvre formaient triangle avec leur différents affluents et avaient formé au fil du temps petite cuvette marécageuse qui d'après le grand se trouvait en dessous le niveau de la mer. La terre noire et tourbeuse formait buttes entrecoupées et alignées sur un axe est-ouest en direction de l'océan...

Leurs pas les avaient menés en directe ligne de La Rochelle traversant cette immense vasière. Ils suivirent le chemin sinuant au milieu des différents canaux qui peuplaient le paysage, se jetant pour la plupart dans ce que les gens du cru appelait la Sèvre niortaise.
Le jeune couple s'arrêta un moment pour prendre pitance. Le jeune lapereau que le blond avait pris à un de ses collets au matin fut vite rôti, léché par les flammes vives de leur petit feu. Un bol de terre cuite coincé entre deux branches de bois vert, sous la proie grésillante, récupérait la graisse pour agrémenter sauce...

Ils mangèrent les yeux dans les yeux, viande sur tranche. Quelques abricots "empruntés" dans un jardin rochellois les rafraîchirent et terminèrent leur repas. Plus le temps passait, plus les mots entre eux devenaient inutiles. Une complicité naturelle les unissait, de celles que l'amour forgeait quand ce dernier était sans failles.
L'homme afficha un sourire repus, et posant un doigt sur les lèvres de son aimée, il lui fit clin d'œil avant de s'éclipser un moment sur quelques paroles sibyllines :



"- Repose toi un moment Preciosa, je reviens dans pas long..."



Le grand rebroussa chemin sur une demi lieue. Au détour d'un virage que formait petit canal, il avait aperçu moyen de transport qui pourvoirait sans doute une partie de leur après-midi. Les chevaux avaient grand besoin de repos et il était décidé à leur faire reprendre force. Mais surtout il voulait offrir à sa bien-aimée moment de détente. Il s'approcha du cours d'eau où il lui avait semblé voir petit radeau et un mince sourire satisfait étira ses lèvres. Il était là... En bon état de surcroît. Et, cerise sur le gâteau, il y avait même la perche tombée dans le bosquet d'herbe qui lui servirait à mouvoir l'embarcation.

Un pied prudent testa la flottaison. Oui, l'esquif ferait son affaire. Il s'y installa et commença à peser de tout son poids sur la grande hampe de bois. Miracle les eaux s'ouvrirent devant lui et il sentit la longue glissade qui s'amorçait. Renouvelant ses efforts sous le soleil qui avait atteint son zénith, il apprécia la légère caresse du vent sur sa face réjouie ainsi que le chuchotis de l'eau qui accompagnait son avancée vers son aimée.
De grands saules bordaient le canal, parfois quelques frênes remplaçaient les pleurs du feuillage qui se perdaient dans l'onde. Comme le grand ralentissait la course de son radeau de fortune, arrivant lui semblait-il au lieu de leurs agapes, il vit tanière où disparut derechef la queue touffue de ragondin. Se rapprochant de l'amas de branches formant le nid du rongeur, il observa longuement l'obscurité dans laquelle l'animal se cachait en fredonnant doucement. Puis, n'obtenant pas de réponse, il immobilisa son frêle esquif avant de reprendre pied sur la terre ferme. Il jeta un œil vers le canal et sourit, constatant qu'aucun courant ne risquait d'emporter son butin. "Allons voir si ma mie dort toujours et si elle est prête à prendre un peu de bon temps au fil de l'eau" se dit-il.

Les chevaux saluèrent son arrivée d'un hennissement familier et alors que la belle aux cheveux de nuit semblait assoupie, le grand blond entreprit d'effacer les reliefs de leurs petit campement. Feu éteint et ustensiles bien à l'abri dans ses fontes, il s'approcha de la jeune femme et lui souffla doucement dans le cou en étreignant sa main.



"- Cara mia... Cara mia... Il est l'heure..."


Elle ouvrit les yeux, et lui lança regard embrumé par les derniers embruns de son sommeil. Le grand la prit tendrement dans ses bras et lui murmura :


"- Que dirais tu de voguer vers de nouveaux horizons mon amour ? Viens, j'ai trouvé embarcation qui nous emmènera vers firmament de verdure..."
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"Gnothi seauton"
Nessty
[Départ de Poitier, sans regret, vers la sérénité]

Un simple départ comme un autre, aussi humble et sur le tard comme les autres mais cette fois ci, loin d'ici.
Aucun regret pour son retrait, aucun remord pour les retors, aucun adieux pour les odieux.
Un jour, un retour sans détour. Une semaine, une vaine certaine. Un mois, un débat sur la foi. Un an, un déménagement arrangeant. Tel avait été son dessein de l'année passée.
Aucune intention de complication, aucune envie de calomnie, aucune promesse de diablesse.
Tel serait son destin au son de son Quot fata ferunt.

Contrairement à ce jour du 10 juillet 1456 où elle avait franchi pour la première fois un portillon grinçant telle une vagabonde grimaçant, son corps n'était plus agressé par un accueil peu cavalier de la végétation locale mais gainé de ce cuir devant lequel les cavaliers étaient en adoration totale.
Comme en ce jour naissant du 21 novembre où elle avait laissé languir des grincheux postillonnant tel des grimaçons furibonds, son âme s'en irait vers sa destinée de Vilaine dans une civilisation conviviale où elle était aimée pour ses dires devant fiel et ses pensées de coopération amicale.
Aujourd'hui, au midi de ce jour du 27 août 1457, elle s'était affranchie pour la dernière fois des noblions intrigant et des pouilleux vociférant telle une Vilaine qui n'avait rien perdu à sa haine. Mais son être tout entier était lassé par les simagrées des poitevins toujours aussi peu fins quand il s'agissait de faire autre chose que de vider sans fin du vin aigrelet et d'emplir les paillasses de marmailles en pagaille.


Nessty venait de quitter le tribunal où elle avait déposé une dernière fois sa défense dans la mascarade qui devait faire office d'un procès pitoyable tant il n'était que d'intention. Les montures étaient prêtes pour filer vers La Rochelle récupérer les fruits de sa pêche aux sardines puis vers Thouars où elle envisageait d'emménager il y a 2 mois encore ou vers d'autres cieux qui s'apprêtaient mieux à l'art de vivre d'une impétueuse. Kram du Kon attendait la Vilaine en tentant de calmer l'impatience des chevaux, battoires flattant les encolures tendues, mâchoire crispée par la torpeur d'un jour estival peu banal. Il savait parfaitement qu'il aurait une autre espèce de furie à calmer si le déballage d'infamies du tribunal démonterait le chignon au pignon de son minois préféré. Mais c'est avec grande surprise qu'il vit sa Grande se diriger vers lui, le sourire aux lèvres et avec un air totalement détaché. Elle ne s'étala pas sur ce qu'elle venait de faire. L'ancien bourreau se garda tout aussi respectueusement de briser son souhait de silence, comme d'habitude. Il était temps pour elle de repartir vers le pays qui l'avait vu naitre, sans quoi elle ne serait jamais en paix en ce pays où l'agonie décimait les plus nobles âmes intrépides tant de nobles ânes insipides proliféraient en pâture sans aventure. Elle n'avait plus aucun recours possible pour repousser une quelconque déchéance et prendre la décision de rejoindre d'autres horizons sonnait telle une libération des geôles de la crétinerie ambiante. Le Chian tenait sagement et justement le Poitou en éveil. Sous son règne de chiantise, justice serait rendue équitablement et supplice serait indu logiquement mais la malice étant là, certains caprices laisseraient plus que las les plus débonnaires des téméraires. La gueuse en était et toute fois elle partait le coeur léger.

Allez en route mon tout gros ! Il me reste 2 écus en poche et une miche de pain. De quoi traverser le royaume entier pour rentrer chez moi, près de ce fleuve aux abords du Saint Empire germain après avoir salué quelques personnes que j'affectionne comme ces niortais peu niais ou ces braves couards de Thouars ou encore le vénérable vieux con tourangeau devenu seigneur ou encore...

Nessty s'arrêta brusquement car la liste était trop longue à énumérer ainsi. Elle s'en rendit compte et son arrogance légendaire refit surface. Malheureusement elle n'avait personne à qui la jeter à la tête avec un soupçon de ce fiel dont elle raffolait quand l'infamie et la crétinerie lui mettaient la truffe en émoi. Oui, un monstre comme elle avait d'innombrables amis, à la différence que ce n'était pas la superficialité qui dirigeait ses relations mais la sincérité une fois qu'elle avait accordé confiance et estime à celui qui les méritait. Elle adressa un sourire taquin à son vieil ami et tenta de lui claquer un oeil à la façon de Malgrace le pouilleux.

Tu verras Kram, les légendes derrière chaque rocher de grès rose sont nombreuses mais la sorcellerie n'y est aucunement une fonction primordiale pour la gouvernance comme ce fut le cas ici.


Les chemins dans les marais, tracés ou non, la gueuse impétueuse les connaissait que trop bien pour avoir arpenté de long en large ce Poitou dans lequel elle s'était installée il y a bien longtemps maintenant, ce Poitou auquel elle avait fini par s'attacher, ce Poitou dans lequel elle avait quelques amis chers à son coeur, ce Poitou qu'elle avait défendu pendant de longs mois au travers du Royaume de France, ce Poitou qui au final n'était plus que le haut lieu d'élevages de baudets et de moustiques à ses yeux akènes de donzelle apatride, ce Poitou qu'elle s'empressait maintenant de quitter au plus vite en une nouvelle fuite. Le gros rouquin semblait hésiter et la gueuse s'empressa d'éclaircir le dernier point qui les retenait encore en ces terres.

Les ânes restent ici ! Flexy est trop vieux et Roucky doit encore éduquer l'Ptit Hi-han à coups de sabots dans l'derrière. Je les ai confiés à un brave paysan de Niort qui saura les mettre enfin au travail. Nous en trouverons bien d'autres sur notre route mais moins haut perchés sur pattes et moins têtus aussi.

Allez en route, sans regret ! Et quo fata ferunt !

Un soupire de tristesse à l'idée d'abandonner ces braves compagnons qui l'avaient suivi dans différents voyages marchands s'échappa tout de même de celle que l'on ne voulait voir que comme une sans coeur. Cela camouflait le ressentiment plus douloureux de quitter certains amis sans les avoir revus, pendant que la donzelle grimpait sur son canasson en tournant le dos au Kram afin qu'il ne disserne pas en elle le trouble grandissant. Toujours le même cheval, celui qui l'avait trainé de Bourgogne en Béarn puis en Poitou. Départ pour un dernier voyage surement lorsque que le talon de la gueuse effleura le flan palpitant de fougue, départ pour un retour lorsque les sabots martelèrent une dernière fois le pavé pictave.


[Complainte de la gueuse voyageuse]

Un simple départ comme un autre, aussi humble et sur le tard comme les autres mais cette fois ci, loin d'ici.
Aucun regret pour son retrait, aucun remord pour les retors, aucun adieux pour les odieux.
Un jour, un retour sans détour. Une semaine, une vaine certaine. Un mois, un débat sur la foi. Un an, un déménagement arrangeant. Tel avait été son dessein de l'année passée.
Aucune intention de complication, aucune envie de calomnie, aucune promesse de diablesse.
Tel était son dessein au son de son Quot fata ferunt.
Aucune intention de réimplantation, aucune envie d'ennui, aucune promesse de confesse.
Un jour, un retour sans débours. Une Vilaine, une haine certaine. Un mois, un combat pour la loi. Un an, un engouement persistant. Tel avait été son dessein de l'année en cours.
Aucun regret pour son retrait, aucun remord pour les retors, aucun adieu pour les odieux.
Un simple retour comme un autre, aussi humble et sur le tard comme les autres mais cette fois ci, loin d'ici.


[Quelque part dans le marais poitevin, résurgence d'un passé lointain]

Soleil zénith, chaleur montante, estomac réclamant ripaille, chevaux cherchant la fraicheur de l'eau, l'équipage de Nessty s'arrêta un instant à l'ombre d'un arbre. Le temps pour le Kram de s'empiffrer d'une miche de pain accompagnée d'un peu de ce sauciflard de myocastor comme lui avait enseigné feu l'ami des calembours qu'avait été Collemund. Le temps pour une cavalière de scruter en silence et une dernière fois les marais poitevins dans leur écrin de vase et d'emphase. Au loin, un myocastor nageant ? Non, une plate guidée par la silhouette d'un bel homme à la chevelure blonde. Un vague souvenir de jeunesse rémanent sous un chignon défait en natte pour conjurer traditionnellement de vieilles superstitions au cours de voyages, un regard vide d'une jeune femme s'imaginant que ce batelier aurait pu être un grand blondinet opinant avec tant de distinction du bonnet quoi qu'on lui dise sur le fumet de ses bottes, une main chassant furtivement de son esprit cette idée farfelue remuant trop de souvenirs de rires et de joies d'une adolescence élaguée.

Il y a quelques semaines de cela, Nessty avait croisé en la cathédrale de Poitier, lors du carnavalesque couronnement comtal d'un Ptit Hi-han, une certaine Eleane18, l'une des crustacés de l'Izarra. Dommage qu'elle ait ignoré ouvertement la brunette avec laquelle elle avait frotté le dos d'un jeunot, un jour de printemps au pied du fier Maleus Leo. L'avait elle reconnu ou non, peu importe, la Vilaine était ce jour là trop préoccupée par sa protégée bretonne qui pleurait son père blessé. Si l'enchignonnée avait su que la trahison emparerait celle qu'elle avait juré de protéger, par simple ambition au point de renier son passé, elle se serait arrêtée plus longuement pour renouer avec Eleane. Mais la vie, ses aléas et les trépas avaient forgé leur oeuvre et ne cesseraient de le faire avec la fatalité en toute légitimité. La gueuse n'avait pas insisté, connaissant également que trop la nature humaine, la même que celle qui avait fait oublier à un peuple entier de rendre hommage à des hommes et des femmes longuement investis pour le bien de leurs concitoyens. L'ingratitude était aussi indéniable à ces yeux de noisettes sarcastiques que l'oubli de ceux qui avaient fait un jour la gloire du Poitou en des temps où courage et actions d'envergure avaient encore leur sens.

La disparition de Zeze et de Collemund avait été suivie de peu par celle de la belle et douce Heulynn. Tous trois avaient si brillamment servi le Poitou et pourtant rien n'avait pas été annoncé et encore moins hommage leur avait été rendu. Le terrible Scorpion, chasseur de chauves et de rouquins, avait suivi sa tendre en enfer, inséparables dans la vie comme dans la mort, mais toujours avec cette magnifique fierté qui caractérisait les manouches. Nessty avait pleuré toute seule Kallias et Heulynn. Il lui restait ces souvenirs d'ivresse en taverne bretonne quand avec Nilas elle avait saoulé le Scorpion ou encore quand en Anjou le ténébreux tsigane avait clamé devant une assemblé de renom que tous étaient indésirables en sa présence sauf elle, la petite gueuse devenue Vilaine. Une déclaration d'amitié éhontée reçue pourtant comme un honneur car il venait du fondateur de la Familja et surtout d'un grand esprit et d'un coeur généreux pour les méritants, le tout se cachant derrière ses airs bourrus de brigand repenti. Aujourd'hui, c'étaient des nouvelles d'un Mac_Hyavel mourant qui lui étaient parvenues. Demain ce serait au tour duquel de ses amis ? Qui irait rejoindre au pays des gorets bienheureux le Juliuz du Gras Double tant chéri par la grande Vilaine et cette gamine qu'il avait prise comme apprentie ? Le soigneur de Léméré n'avait pas été plus optimiste à son sujet et à celui de sa Norf. Même Roxxon la Môme, ayant hanté la cour des miracles avec les plus grands du Royaume, était aux portes des limbes des pères. L'entourage de la gueuse n'était plus qu'ombres qui sombraient en silence devant trop de déchéances et elle même s'apprêtait à les rejoindre.

Mais alors ? Pourquoi cette simple silhouette rappelait à elle le souvenir d'un Grandstef ? Pourquoi aujourd'hui le croiserait elle et ici ? Pourquoi tant d'images revenaient à elle, simplement suscitées par une vision inspirant la sérénité et un bref instant de bonheur idyllique ? Probablement le fait d'être sur le départ...

Le bellâtre de Cosne avait du rejoindre les autres Cuiteux ou traverser lui aussi le Styx comme cet homme tentait de le faire avec cette plate qui glissait délicatement sur un canal du marais poitevins. Le spectacle n'avait rien à voir avec le radeau des méduses ou des rats d'eau dont en sauciflard on abuse selon la prophétie de Collemund. C'était un peu irréel pour la belle qui scrutait toujours les mouvements réguliers en pensant à ce vieil ami perdu de vue depuis si longtemps. Le Grand Blondinet ne pouvait pas être là, c'était trop improbable, c'était même impensable, c'était... De toute façon il ne la reconnaitrait pas depuis tout ce temps passé loin de sa Bourgogne natale qu'ils avaient quittés ensemble après une beuverie mémorable au Val Tordu, depuis le départ précipité d'une jeune bergère trop impliquée à démonter les intrigues des nièces de feu l'honorable prince Juju en Béarn. Ces souvenirs remués étaient autant de blessures remises à vif par l'esprit incisif de la Vilaine en ce moment même. Le grand blondinet avait été le meilleur ami de son compagnon Rincevent, un sorcier de pacotille stylisé en poisson rouge inguérissable. Il avait également été un parrain devant Aristote lorsqu'un jeune curé prénommé Navigius et devenu archevêque depuis avait baptisé une très jeune germaine venue s'installer avec ses amis dans une contrée pleine de promesses. Il avait également pris les chemins avec Caro la nano, encore une crustacée de l'Izarra. Cette curieuse croisée à Autun les avait rejoint pour construire Mauléon au point d'en faire, grâce aux convictions de colons bourguignons menés par la Pluch, la première ville économiquement stable en Béarn voir de tout le pays basque sous le mandat d'un Ellias. Ah le bel Ellias, élu sur une promesse de fontaine à bières, disparu depuis avec les véritables Zoko de la première heure. Tant de bons souvenirs que la gueuse en était plus qu'émue. De sa main, elle chassa à nouveau ses pensées tout en remettant une mèche rebelle échappée aux tressages serrées de sa chevelure et en effaçant discrètement du coin de ses yeux une perle saline naissante et compromettante pour une Vilaine. Puis elle porta intinctivement sa main vers son cou auquel pendait un jour la médaille aristotélicienne que lui avait remise Lunes, sa marraine. Malheureusement le pendentif avait été arraché par les broussailles traversées lors de l'un de ses périples au travers du Royaume. Elle murmura :

Je suis folle, je vois l'grand blondinet maintenant !

Nessty n'était toujours pas descendue de son canasson. Elle était là, droite en selle, les mains plongées dans la crinière chevaline, figée dans ses rêves. Son regard continuait à fixer nostalgiquement l'évolution gracieuse de la barque au rythme de la pigouille pourfendant la vase recouvrant tout le marais à cette époque de l'année. Mais d'autres images l'envahissaient à nouveau. Celles de ses chers noisetiers plantés à proximité de ce moulin envahi par la troupe de la curieuse, tout près du Saison que le soleil du matin venait caresser dès qu'il se levait au dessus de l'Etxekortia. Même le souvenir de ce mystérieux tisserand cosnois distillant de rares paroles pour se montrer téméraire mais pas courageux ne réussit pas à éclairer le visage de la donzelle avec ce sourire juvénile qu'elle arborait pourtant constamment lorsqu'elle côtoyait la bande du Cuiteux. Ce n'était plus qu'enchainement de soupires. Non, cela ne pouvait pas être Grandstef. Elle divaguait surement du fait de ces étranges pointes de fièvre qui ne l'assaillaient depuis quelques jours.


Tel avait été son destin au son de son Quot fata ferunt.
Aucune intention de réimplantation, aucune envie d'ennui, aucune promesse de confesse.
Un jour, un retour sans débours. Une Vilaine, une haine certaine. Un mois, un combat pour la loi. Un an, un engouement persistant. Tel avait été son dessein de l'année en cours.
Aucun regret pour son retrait, aucun remord pour les retors, aucun adieu pour les odieux.
Un simple retour comme un autre, aussi humble et sur le tard comme les autres mais cette fois ci, loin d'ici.
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On peut lire sur un mur : "La bisounoursite aigüe m'a achevée...".
Grandstef
[Repas vampirique et rencontre inattendue]


Ombre et lumière jouaient dans les enchevêtrements des feuillages. Ici pluie de rayons guinchait avec vol d'éphémères énamourés qui vivaient là leurs dernières heures d'amour. Là bas, les lentilles d'eau prenaient couleur brunâtre sous les tiges vertes et tombante du saule qui semblait pousser à même l'eau. Plus loin nuage de moustiques voraces s'abattit sur eux comme mendiant sur quignon à la sortie de la messe. Ronchonnant et grinçant des dents, le grand fit sémaphore prit d'une danse folle pour se débarrasser des importuns porphyriques qui guignaient à qui mieux mieux morceau de chair pour y sucer la moelle des amoureux. Accélérant la cadence de ses mouvements, il fit prendre à l'embarcation plus de vitesse pour s'éloigner des bestioles et repasser sous la claire et chaude lumière solaire. Ils ne les suivirent pas et Stef put reprendre enfin semblant de sourire. Un coup d'œil vers la belle assoupie lui permit de voir qu'elle n'avait point été dérangée outre mesure. Il sourit en ne voyant dépasser que sa chevelure de jais de sous la couverture dans laquelle elle avait dû s'enrouler devançant l'attaque de la cavalerie aérienne.

Les chevaux, eux, les suivaient gentiment au pas, au gré des sifflements du grand blond qui avait appris à Rince à obéir de la sorte. Il regarda leurs monture et ouvrit la bouche, stupéfait. Image même de la niaiserie la plus profonde : la langue pendante et les yeux qui s'élargissaient sous l'effet de la surprise. Il n'aurait manqué qu'un mince filet de bave dégoulinant de sa bouche pour passer pour parfait pictave, décidément. Des cavaliers étaient là, non loin... Une femme, un homme... Et la cavalière, lui rappela vaguement silhouette familière oubliée depuis des lunes. Il ferma la bouche enfin et se frotta les mirettes pour chasser les mouches que le soleil lui collait devant les yeux puis mit une main sur son arcade pour aider son accommodation visuelle et être bien sûr qu'il ne rêvait pas.
Force était d'admettre que non...



"- Mordiou ! Que le grand cornu me damne si ce n'est pas la Nessty du Tordu ! Que diantre fout-elle dans le trou du cul du monde ? La dernière fois que je l'ai vue, elle se faisait noisette à la sauce béarnaise !"


Brassage de souvenirs afflua à la lisière de la conscience du grand, tandis qu'il essayait de reconnaître le gros lard qui l'accompagnait. "Celui-là je le connais pas en tout cas !" se dit-il. Mais pris par l'abondance des réminiscences, il ne put aller plus loin dans la divination des visages qui s'approchaient. Les mains croisées sur la perche à moitié immergée alors que l'esquif s'immobilisait, le blond se rappela les vols de noisettes dans les tavernes embrumées d'alcool. Le Val... Les Flots et bien sûr le grand cuiteux... Et voilà grand pan de son passé qui semblait vouloir le rattraper. Son deuxième passage à Cosne, le Béarn ensoleillé et la fuite en avant sur les chemins, laissant tout cela derrière lui. Certains avaient migré jusqu'en île de Bretagne pour passer à l'anglois. Vains dieux que de souvenirs passaient sous sa caboche tandis qu'il plissait les yeux pour enfin reconnaître avec certitude la trombine de son ancienne amie...


- Holà la gueuse ! Par la barbe d'Aristote, qu'on la lui coupe si tu n'es pas la Nessty. Nessty la cuiteuse !!!
hurla-t-il vers la paire de picadors. Mais ne me reconnais tu donc point morbleu ? ajouta le blond, les mains en cornet devant sa bouche braillarde.


Sans attendre, il poussa de nouveau sur son bâton pour s'approcher de la berge et mettre pied à terre. Il tira un brin sur le radeau pour lui faire mordre bout de terre et l'immobiliser tout à fait. La belle Preciosa, au sommeil de plomb ne bougea pas une oreille et continua sa sieste réparatrice après toutes ses lieues à se faire tanner les fesses par le cuir brûlant de sa selle. Le blond se retourna vers les deux arrivants et leur fit signe d'avancer plus encore...

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"Gnothi seauton"
Nessty
[Un corniaud sort de l'eau, une Vilaine mouille ses akènes.]


La plate se rapprochait, toujours poussée par la pigouille qui frappait en cadence le marais, jusqu'à prendre la direction la berge sur laquelle les voyageurs poitevins se tenaient. L'ancien bourreau surveillait l'évolution de cette barque avec un oeil aussi méfiant envers l'inconnu que défiant envers les sots-grenus. Sa pogne délaissait déjà le sauciflard pour aller caresser sa miséricorde dans l'éventualité d'un maraud qui voudrait venir chatouiller sa Vilaine. Nessty quant à elle était toujours potron sur le canasson, immobile dans le flot de ses éternelles pensées de non retour, à peine ébranlée par les soubresauts de son canasson qui tentait de fouetter ses flancs de son crin pour se débarrasser des insectes scatophages importunant la source à crottins. Les noisettes perdues dans le vide ne cherchaient même plus à deviner la trajectoire de l'embarcation et encore moins à s'abreuver du mirage suscité pour la silhouette du batelier. Le clos des paupières devait mettre fin à ce délire dans lequel ces dernières années déferlaient autour d'elle lorsque tout à coup un bruit de voix fit tressaillir monture et cavalière. L'un de ces accents connus par les écoutilles de la gueuse vint émoustiller la jeune femme pour la ramener au stade de gamine. Toute fois, elle manqua de tomber réellement sur le fessier tant l'écart de son bestiaux s'était fait écho de sa surprise. Cette voix si familière et si chère ne sortait pas de son imagination débridée et s'accorda immédiatement à ces souvenirs qui l'avaient plongée dans l'apathie. L'apparition passait d'hallucination à réalité.

Le Kram s'était redressé pour offrir ses 6 pieds et demi ainsi que ses 350 livres au visu de l'éventuel manant. Il sortit instinctivement son braquenard pour en faire étinceler l'acier sous le nez du péquenaud qui osait s'aventurer à héler de la sorte sa Vilaine. Mais déjà la belle répondait avec un étrange timbre de voix que même son plus fidèle serviteur ne lui avait que très peu entendu : un mélange d'amitié et de taquinerie, le tout émoussé par une pointe d'émotion lui nouant la gorge.

Steeeeeeeeeeeeeeeeeef ! Vain diù d'vin doux ! Cesse de mugir après le 'stote ou c'est toi qui finira imberbe !

Sans détourner les yeux du grand blond à la bigouille tenue à l'envers, elle s'adressa à son compagnon de route pour l'empêcher d'occire le bougre.

Mon tout gros, c'est Grandstef le flicaillon de Cosne, le meunier de Mauléon et surtout celui qui a tenté en vain de mâter mon tendre sorcier de pacotille...

Le Kram conclut à ces mots qu'ils devaient bien se connaitre ces deux là. Il baissa donc sa garde pour ne point paraître trop lourdaud avec un ami de la gueuse. Mine de rien le rustaud savait se tenir quand il le fallait. Il prit retrait pour s'occuper des chevaux sans importuner les retrouvailles en grommelant que ce ne serait pas en s'arrêtant pour saluer tous les pouilleux du Royaume que la Vilaine connaissait qu'ils arriveraient un jour à destination.


Pendant ce temps là, le faciès de Nessty s'éclairait au fil de l'avancement de la plate vers eux. Elle arborait de ce fameux sourire juvénile qui avait fait sa réputation de tavernière hors paire au Val Tordu avant qu'elle ne prenne la route et y présente Poup. La gueuse avait d'ailleurs été à l'origine de cet évènement qui avait laissé toute la Bourgogne sur le séant : Green épousait en grande pompe la jeune poulpe devenu sa taulière.

Comment pourrai-je oublier une tête tant mordue par mon Rince !

L'enchignonnée qui ne l'était pas ce jour là se laissa glisser à terre et se campa sur le rivage, les bottes à bonne distance du bord pour ne point les salir dans la boue caressée par le léger remous déjà causé par la barque. Elle montra fièrement sa natte comme une amulette, celle par qui elle conjurait le mauvais sort des pochtrons bourlingueurs depuis ce fameux soir dans le bourbonnais.

Comment pourrai-je oublier celui par qui j'ai appris à préférer l'ivresse des grands chemins à celui des tavernes ! Comment...

Et tel le crin de son cheval, elle battit l'air de ce morceau de chevelure tenue en main. A la différence que la gueuse réussit à dégager les dernières affres diffamatoires qui trainaient encore autour de sa petite cervelle. La laideur de son aigreur envers la crétinerie locale, très locale même, venait d'être effacée par le retour de son passé personnifié par le Grand Stef lui même alors qu'elle prenait précisément la direction de ce soleil levant qui les avait connus enfant. Prendre les chemins un petit matin de printemps pour la première et longue expédition de sa vie. Nessty l'avait fait avec lui et les autres Cuiteux. Elle frémissait encore à ce souvenir mêlant peur et excitation. Depuis, seule l'excitation de sentir le vent de liberté lui fouetter les joues lors d'un galop endiablé avait persisté, sans perdre d'intensité que cela soit pour aller à l'adversité ou à la convivialité. Vivre comme une vagabonde, avec quelques écus en poche, s'arrêter de temps à autre pour pêcher ou grimper aux arbres fruitiers afin de se nourrir un peu, cavaler de taverne en taverne afin de calmer l'insatiable soif contractée sur les sentiers poussiéreux, rencontrer des personnes dont le son de la voix était déjà le présage d'une vie des plus sages, massacrer ces pouilleux kékildisés pour leur infuser un peu de lucidité.... Raaaaaaa si ce blond n'avait pas eu en projet d'aller vers le sud pour y voir une étendue d'eau sans fin appelée "mer", jamais la Vilaine n'aurait connu ces menus plaisirs qui avaient fini par forger l'intégralité de sa vie.


La surprise avait fait place à la joie et maintenant c'était à l'émotion de la submerger à nouveau au point d'avoir peine à finir ses phrases. Nessty ne donna plus voix, oui c'était possible cela... Elle dévisagea au travers de la brume qui lui emplissait le regard le grand blond, à la recherche de ridules ou encore la proéminence d'une bedaine sous la toile de sa chemise ou tout ce qui qui aurait pu enclencher une pluie de railleries. Mais rien. Le gaillard n'avait guère changé, toujours aussi bellâtre ! La vision de la belle était, ne l'oublions pas, troublée par quelques liquides lacrymales stagnant en lisière de ses cils et pouvait être perturbée par des déformations qu'aucune objectivité ne réussirait à rattraper tant que les noisettes seraient humides.

Comme tous silences et immobilismes d'une impétueuse sont des instants rarissimes et éphémères, arriva ce qui devait arriver. Cette caboche secouée de droite à gauche puis de gauche à droite pour rétablir le flux de pulpe cérébrale cèda. La drôlesse explosa en oubliant toute convenance, et notamment celle qui était dissimulée au fond de la plate, pour foncer sur le blondinet enfin à terre et lui sauter au cou en clamant :

Spèce d'corniaud ! Où est ce que tu as trainé tout ce temps ?
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On peut lire sur un mur : "La bisounoursite aigüe m'a achevée...".
Grandstef
[Clairette à la parlure]


Suffocant sous l'étreinte, il la souleva et claqua deux bises sonores sur les joues humides de la petite mère, avant de la reposer au sol avec une banane qui lui servait de sourire éclatant.


Mordiou, mais cesse donc de chouiner la drôlesse ! Ce n'est que moi ! Tu vas nous faire une inondation... Tu crois pas qu'on patauge déjà assez par ici ? Entre ces foutus marais et les poitevins qui veulent donner leçons de savoir-vivre, tu parles d'un trou à bouse ! Pi laisse moi un peu d'air que je te regarde par Averroes...


Il la repoussa un peu gentiment pour la regarder. Le spectacle n'était pas à son gré... Les traits tirés malgré l'émotion des retrouvailles, le faciès de la belle montrait la fatigue et le dégoût de ses contemporains. Elle avait maigri en plus. Plus fine que jamais, il était loin le temps des fruits secs qui donnait à sa silhouette dangereux embonpoint. La vie mauléonnaise leur avait laissé à tous, la bande du Cuiteux, empreinte débonnaire où petit à petit ils s'empâtaient odieusement comme le commun des nobliaux. Même lui avait repris à ce moment là marques du laisser aller. Ses incessants voyages depuis lui avaient fait reprendre silhouette élancée qui convenait mieux à sa grâce naturelle.


Vains dieux ma Ness, mais où sont passées tes formes ? Quand je pense que tu tenais à peine derrière ton comptoir avec tout ce que tu t'empiffrais... Que les furoncles de ton duc explosent sur sa face de benêt, si ton postérieur n'a pas rétréci lui aussi... C'est pas plus mal remarque hein ? C'est ton cheval qui doit être heureux ! Ajouta le grand avec une pointe d'ironie.


Il porta deux doigts à sa bouche et siffla une note stridente. Aussitôt un hennissement lui répondit et son canasson trottina, s'arrêtant à deux pas de lui, le museau lui rentrant dans les côtes. D'un geste affable il lui passa la main sur les naseaux et vint à ses côtés pour farfouiller dans les fontes. Il poussa une exclamation de joie en retirant une bouteille de clairette, malheureusement un peu chaude. Tirant un lacet d'une des poches de ses braies, il fit nœud coulant autour du goulot et plongea la bouteille dans l'onde en l'amarrant au radeau.


Allons laissons la rafraîchir un moment, pendant que je te parle de mes voyages... La mer donc ! Ça c'était la première destination et puis y'en a eu tant et tant d'autres !


Il parla un moment de ses longues pérégrinations jusque dans les montagnes helvètes, en passant encore une fois par l'Auvergne, parsemant son discours de grands mouvements des mains comme à son habitude. Les tournois à Genève... Marchand ambulant pour les réformés... Les lions de Judas et la Noblesse noire... Théâtre itinérant dans les contreforts de la Provence, tout y passa. Tout ce qui pouvait être raconté à une vieille amie en tout cas. Il garda pour lui seulement la longue suite d'erreurs qui concernait ses conquêtes féminines, ne parlant uniquement que de celle qui l'accompagnait. La bouteille de clairette y passa forcément alors que les deux compagnons respectifs de leurs duos ne pipaient mot. L'une dormait toujours, et le gros ? Lui marmonnait toujours dans un coin sous le saule qui leur servait d'abri.
L'alcool aidant, le grand commençait à retrouver allant dans l'amitié avec celle perdue de vue. Il se pencha en avant vers elle et lui pinça la joue en lui demandant :



Mais toi qu'as tu fais tout ce temps ? Tu n'es pas restée à pleurer sur le sort du magicien en tout cas à ce que je vois ! Allez raconte un peu, et pi arrête de sortir des sornes à ton lourdeau... J'ai jamais été flicaillon de ma vie hein... Tu confonds avec ton bouffeur de noisettes...

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"Gnothi seauton"
Nessty
[Chez une grue, les maux sont hauts et y pô d'potins vains.]

Telle une sauterelle, la donzelle avait décollé les pieds de terre pour s'accrocher au cou du grand blond ou c'était lui qui l'avait soulevé ? Peu importe car la gueuse se retrouva dans les airs avec des bruits de SLURP sur les joues. Dès qu'elle retrouva l'appoint dans ses bottes, elle s'essuya les yeux du revers de la main avec un geste long pour chaque côté puis elle se frictionna les joues avec la paume de ses menottes. Larmes ou bave... tout humidité devait disparaître comme l'ordonnait le blondinet.

Mordiou, mais cesse donc de chouiner la drôlesse ... Entre ces foutus marais et les poitevins qui veulent donner leçons de savoir-vivre...

Nessty éclata de rire à ces mots, joie de le retrouver incarné en une réalité bien loin de ce qu'elle avait pris pour des hallucinations un peu plus tôt, plaisir de l'entendre à nouveau la taquiner avec cette familiarité qu'elle ne tolérait que de ses plus proches amis, heureuse de ces retrouvailles inopinées au moment même où elle s'en retournait sur les traces de son passé. Elle trouva entre deux gloussements de quoi imiter l'accent poitevin.

J'constôte que tu t'es d'jô fait une belle image sur les zoo-toc-tones, toi ! Et ben tu n'crois pas si ben dire...

Mais voilà que le bougre la reluquait de pied en cap, ce qui aurait pu en faire rougir plus d'une en s'imaginant exposée sur l'étale d'un boucher ou encore celui d'un maraicher quand on savait qu'il s'agissait là d'une courge (anachronisme volontaire). Et bien non, la gueuse, engoncée dans sa tenue favorite de voyageuse et chemise totalement débraillée en raison de la température estivale, ne prêtait aucune importance au regard que lui portait le Grand. De toute façon, cet ami ne faisait pas partie de cette noblesse qui pensait qu'un titre les lavait de la perversité humaine dont ils abusaient si souvent. C'est toute fois un peu couillonne qu'elle se retrouva plantée devant le blondinet, comme devant une cour de tribunal qui tardait à rendre son jugement. Quand...

Que les furoncles de ton duc explosent sur sa face de benêt, si ton postérieur n'a pas rétréci lui aussi... C'est pas plus mal remarque hein ? C'est ton cheval qui doit être heureux !

Avec le tact qu'elle reconnaissait bien là au bellâtre, elle se prit ses doux compliments en pleine figure. Il était vrai que ses rondeurs félines, comme les avait qualifiées son adorable sorcier de pacotille fut un temps, avaient fondu comme neige au soleil. L'élan d'une main claquée sur une croupe, comme lorsqu'on cherche à faire bouger une mule, résonna dans le marais. C'était Nessty sur son popotin pour mimer ses dires, quoi d'autre ou qui d'autres ?

Nous sommes bien à la fin de la saison la plus chaude et la plus ensoleillée de l'année. Aucun saindoux ne saurait résister à cela ! Reste bien quelques grumeaux stratégiques...

Deux mains sur sa poitrine pour la remonter un peu pendant la réponse explosive de l'impétueuse, sourire taquin, truffe arrogante en l'air, noisettes pétillantes du feu sacré de Vilaine, langue exercée aux vitupères et prête à trancher, voici ce à quoi on était habituée de la part de Nessty. Pourtant elle détourna rapidement le regard pour ne point accorder crédit à ces dires que trop vrais et principalement détourner la conversation de sa santé. Raaaaaaaa ce qu'il était loin le temps où elle usait de son balancier postérieur et de son corsage sans rembourrage pour appâter le manant à tout va.

A quoi cela servirait il encore aujourd'hui d'afficher un embonpoint en bons points ? Je ne suis plus alleutière en ces lieux mais altière avec les odieux et pour cela il est inutile de saucissonner l'boudin avant d'avoir mené l'cochon chez l'boucher ! Le prévôt du Poitou est une femme méconnue dans la contrée et, de toute façon, on n'a plus besoin de ses services pour une quelconque autorisation puisque j'ai fait cesser le travail des soliveaux appliquant une loi interdisant les lances, loi abrogée il y a bientôt 2 ans de cela. J'espère d'ailleurs que l'on n'est pas venu t'importuner avec des sottises dès ton arrivée ici.

Puis mon potron a été usé par des chevauchés endiablées au travers du Royaume et mes... hum... bah quoi ! La forme et non les formes...

Avec un sourire chatternite et une légère rougeur naissant sur ses paumettes qu'elle dissimula en plongeant sa truffe vers le bout de ses bottes, elle espérait avoir fait comprendre qu'il n'y avait plus aucun intérêt pour elle d'entretenir des arguments certains surtout quand elle se trouvait face à des crétins devins. Elle fit silence sur ses longs séjours dans un couvent ou encore plus sur l'état de sa fortune. Cette dernière avait été sacrifiée afin de mettre à prix la tête de cette teigne qu'elle avait pris sous sa protection au nom de la famille bretonne d'Artignac et qui se pavanait maintenant honteusement comme une Louvain. Rien que la vue de la bouteille extirpée du bardas fit passer l'envie à la gueuse de ruminer après une telle félonie et elle se retourna pour héler le gros rouquin qui venait d'ajuster l'harnachement des chevaux afin de poursuivre au plus vite la route.

Kram, on fait une halte ici. Au lieu de bavasser en avalant des moustiques, apporte nous un peu de ce myocastor fumé pour que le blondinet goûte à l'un des rares délices locaux. Et... si tu trouves dans les gamelles quelque chose de ressemblant à des godets, hein ? On pourra s'rincer le gosier autrement que des charretiers. M'ci mon tout gros.



[Radotage avec rat en otage sous forme de ragout sans âge.]

Nessty sourit en voyant l'ancien bourreau trancher sur une branche improvisée billot le sauciflard désiré. Les liens hypocoristiques avec les différentes espèces de rat était sans fin, bien antérieurs à ses passages en geôle et loin de toute similitude avec une quelconque turpitude. De la vesture à la francherepue, elle savait montrer comment les rats dînent cette greluche. A l'idée de faire avaler du rat d'eau à celui qui sortait à peine de son radeau, l'on aurait pu trouver l'habituelle enchignonnée un peu vache. Il ne fallait point s'arrêter à cela car, même si le blondinet avait insinué un peu plus tôt qu'elle avait été un jour une grosse ruminante ou encore une bonne laitière, elle voulait simplement lui faire découvrir le met ragoûtant de feu Collemund, éleveur de myocastors et amateur de calembours. Tournant le chignon dans tous les sens, elle chercha de quoi poser son séant dans un minimum de confort puisqu'en effet celui ci n'emportait plus avec lui le moelleux coussinet de gras qui absorbait les aspérités d'un siège improvisé. Son choix finit par s'arrêter sur le creux lové entre deux racines de ce saule qui méritait son nom de pleureur tant les déboires et les boires des deux compères furent parsemés d'éclats de rire. Qui a osé dire un jour qu'un saule pleureur était triste ? Et bien musclez vos pupilles afin admirer la magnificence de ses courbures venant caresser l'onde, certes saumâtre en Poitou. C'est donc sous la protection d'un rideau végétal joignant si gracieusement ciel, terre et eau que la clairette vécut ses dernières heures pour éponger le piquant d'un ragondin habillé dans un intestin de goret. Tout dans la poésie gustative et dans la courtoisie grivoise de deux vielles connaissances. Mais... mais... mais le sauciflard étant aussi perspicace que les bavards pouvaient être loquaces, il fallut l'achever en l'accompagnant de quelques bouteilles savamment mis au frais ! La jeune femme se croyait presque revenue sur les bords de ce lac, à Cosne, à ripailler en toute convivialité avec des amis. Cela changeait de certains bivouacs avec des rats tatouillant en express afin que chemin se trace en vitesse. En tout cas, Nessty dévorait mots et potins au rythme de sa mastication à peine interrompue pour laisser la clairette lui transmettre une risette de satisfaction ou recevoir une pichenette de dérision.

... Tu confonds avec ton bouffeur de noisettes...

Arf, il est vrai que seul l'affutiaux de Rince a été porté à ma connaissance en toute situation, hein... hum... Raaaaa, ce sacré sorcier de pacotille... Je l'ai cherché en Bretagne pour l'entrainer avec moi vers le sud, avec l'intention de passer les fêtes de la nativité dans la Soule. J'espérais d'ailleurs t'y revoir. Ce fut un périple sans nom avec ce couillon qui roupillait dès qu'il le pouvait au point que je passais mon temps à le chercher partout. Mais cela tu dois t'en douter, ce n'est pas une canaille comme lui qui changera et c'est peut être aussi pour cela que je le porte encore en mon coeur même si sa flemmardise légendaire me laisse sans nouvelle depuis des mois... T'en as peut être toi ?


Le traditionnel grattage de chignon de la gueuse vint agrémenter la conversation déjà fort animée. Des souvenirs, la Vilaine n'en avait que trop mais comment ne pas tomber dans la prolixité d'un vétéran de guerre et s'évaporer en détails comme le faisait les bouteilles préalablement callées dans la tourbière ? Ses yeux tombèrent sur le gros rouquin qui persistait à se tenir à l'écart pour claquer quelques morbacs entre ses ongles noirs. Nessty leva une commissure des lèvres en le désignant du menton.

Je ne t'ai pas présenté l'Kram du Kon, mon plus fidèle Vilain, celui qui me suit partout depuis le remous que nous avons causé en Périgord, l'an passé. En voulant jeter dans le fossé un certain Buchettes comme un vulgaire fagot, je m'suis fait embrocher lâchement. Lors de l'attaque de notre campement partagé avec quelques marauds conviés au feu de joie devant venger les voyageurs spoliés sur les chemins périgourdins, je n'ai pas eu le temps de grimper sur ma monture qu'une épée me transperçait littéralement le flan. Mais tu sais ce qu'on dit : les mauvaises herbes ne crèvent pas comme cela, sinon je ne serai plus là... Par après, je ne suis quasiment jamais restée en place plus d'une semaine que cela soit en Poitou ou dans les régions limitrophes. Quand tu as goûté à l'aventure, tu ne peux plus devenir casanier et encore moins penser à te marier avec un péquenaud pour élever sa marmaille. Et pourtant...

Un fin voile de nostalgie passa devant les yeux akènes et c'est dans un soupire qu'il se dissipa car la Vilaine cachée en une gueuse était de sortie là, au point que son minois perdit son sourire juvénile et que les fous rires furent remplacés par quelques grincements de dent. Une dentition toute fois suffisamment acérée pour dévorer les rondelles de sauciflard et largement lubrifiée par clairette et piquette. Sans un froncement de sourcils, elle surveillant le curieux. Il était vrai qu'il avait mis les voiles une jour avec la Curieuse mais il n'avait pas intérêt à venir soupçonner la gueuse de se faire boteculer dans le premier bosquet venu par un tel malotru à la toison aussi flamboyante et odorante qu'un bouc. Elle avait affection et confiance pour le Kram et celui ci prenait soin d'elle en bon père bougon mais quand même... Une question... non, jamais une seule avec l'impétueuse !... Plusieurs questions brûlaient les lèvres de la belle mais elle se les réservait en guise de répondant cinglant si le blond venait à aborder le sujet sentimental, notamment celle du nombre de chevaux qui l'intriguait depuis un temps. Elle savait Grandstef fort cavalier surtout en matière de robes mais de là à se balader avec plus de bestiaux qu'il ne pouvait en monter. Le blond n'allait tout de même pas afficher une vaillance exubrante de la sorte ! Elle compensa par quelques coups d'ongles à l'emplacement laissé libre par son ornement capillaire favori. Le chignon avait disparu mais les poux étaient toujours là et elle ne comptait ni se les laisser chercher et encore moins éveiller ceux des autres. En revanche, elle ne laisserait pas partir le blondinet sans avoir un état de son tableau de chasse, féminin et pas de parasites... comme dans un aut'âge.


[De la polémique endémique à la politique critique, c'est la fin du pique-nique !]

Bref, à battre la campagne en haranguant les bons penseurs de la petite heure sur la justesse de leurs actes et la robustesse de leurs pactes, j'ai fini par monter une liste comtale extraordinaire en revenant ici en mai. Je n'allais pas laisser tomber le Poitou entre les mains d'une seule liste bâtie sur des arrangements contractés sous couvert et grâce à des pressions illicites sur de potentiels concurrents ! Nan mais ! C'était mal connaître la grande Vilaine... Vain diù d'vin doux !

Un peu nerveuse dans son élocution, Nessty avait ponctué sa phrase en tapant le cul de son godet sur la racine lui servant d'accoudoir, éclaboussant ainsi main et alentours, attirant aussi fourmis affamées. La donzelle regarda ce qui causait les chatouillements sur sa mimine et s'poila allègrement en pensant que l'avidité n'avait décidément pas de limite et que dans toutes les races l'on trouvait une bande de rapaces ambitieux qui refusait de lâcher prise même quand une Vilaine brassait l'air. Après avoir vainement secoué sa main, elle se leva pour la plonger dans le marais. Les insectes partirent à la noyade sans qu'elle n'eut de pincement au coeur. Une Vilaine endurcie et sans coeur. Voilà ce qu'elle était pour certains. Une assoiffée à la recherche d'une autre bouteille planquée dans l'eau et retenue par un filin improvisé par un petit malin. Voilà ce qu'elle était en ce moment même. En se redressant avec la bouteille tenue fièrement en étendard, elle poursuivit.

Mouaip, je me suis lancée dans la politique avec le plus grand mépris pour l'infamie qu'on y pratiquait. Un peu dans l'esprit de ce que j'avais fait en Périgord sur une liste aristotélicienne...

Le grand blondin était il entre somnolence, achevé par le flot liquoreux de sa clairette ou par le ramponage de la gueuse, ou en admiration ? Ah ben non, il ne pipait pas grands mots puisque la belle ne lui en laissait guère l'occasion mais il dévisageait la garcelette avec un air incrédule ou peut être moqueur ou encore... enfin un drôle air relativement indescriptible qui donna envie à Nessty de lui planter le doigt entre les deux yeux à la façon de Rince à défaut de pouvoir lui catapulter une noisette à la tête.

Me regarde pas comme ça, hein ! Tu m'as demandé ce que j'ai fait, ben oui... j'ai prôné la Réforme sans trop savoir ce que c'était et bien avant qu'elle ne frappe dans le Sud avec surement certaines connaissances communes. J'ai pas dit que je m'étais fait nonne ! Nan mais ! L'a la vie sauve ton pote le 'Stote... Donc...

Cette fois ci pas de coup brusque de la main serrant son délice éthylique mais une envie irrépressible de tirer la langue qui émergea dans la caboche de l'impétueuse. Elle préféra se la mordre cette langue de gourgandine un peu taquine car le bougre s'était montré trop souvent vaincoeur à ce jeu là. Un autre petit sourire empli de malice fit office de liaison avec l'idée à laquelle elle voulait en venir.

J'ai monté une liste comtale extraordinaire tant dans sa dénomination que dans son objectif : les Doigts de Pied dans le Plat Poitevin, ça sonne bien hein ? le rassemblement des plus grands râleurs et des plus belles chieuses du coin, ça veut tout dire hein ? Tout un programme en soi où convivialité et animation devaient avant tout servir cette morne contrée.

Nessty fit la moue en repensant à ceux qui avaient été nommés au conseil avec elle et qui avaient fini par retourner leur veste pour bénéficier du prestige d'une fonction. Une fonction souvent octroyée sur un magnifique mensonge comme cette greluche simple logisticienne dont le père surveillait les moindres faits et geste tant elle s'était montré gourdasse dans l'armée Noire et qui était devenue Capitaine de toutes les armées poitevines. La Vilaine serra les dents et passa outre pour éviter de s'emporter et de vider à nouveau le précieux contenu de ces godets qu'elle venait de remplir à l'instant même. Elle en tendit un à Grandstef et invita le gros rouquin à venir chercher le sien, avant de retourner se vautrer dans son fauteuil naturel.

Au final, je me suis retrouvée dans un conseil comtal en tant que procureur jusqu'à ce que je mette en lumière l'incompétences d'une poignée de couards. Une révolte baptisée "grève" a été lancée pour faire fléchir le benêt qui gouvernait alors jusqu'à ce qu'il me destitue. L'espèce de baudet sans pices n'a pas manqué de baisser ses braies pour tendre son fion au plus offrant en invoquant ma seule insolence à son égard. L'avait qu'à me montrer ce qu'il était homme et j'aurai peut être changé d'avis. Quoi que...

Elle marmonna pour elle en scrutant le fond de son godet qui se profilait déjà tant les rasades se succédaient : Pas très affriolant le Ptit Hi-han pour moi... suis surement trop accoutumée à côtoyer des vrais mâles... Puis elle extirpa ses noisettes du vénéré breuvage pour les fixer à nouveau sur le blondinet. Toute la lassitude de sa vie poitevine pouvait se deviner à ce moment là dans ses yeux comme dans sa voix.

Aujourd'hui l'on voit des traitres gratifiés par l'hérauderie. Pour ma part, je sors d'un procès d'intention avec une relaxe car l'on a jamais su pour quelle raison j'ai été accusée. Je quitte donc ce jour le [/list]Poitou, dégoutée par les agissements d'une merdaille trémouilloise recrutant les plus grands crétins poitevins jusqu'à Saintes. Vlà pour le bourbier remué dans ce trou à moustiques auquel j'ai failli m'attacher corps et âme ! J'm'en retourne sur les terres qui m'ont vu naître, passant par là même par la Bourgogne voir si le Val Tordu n'a pas une nouvelle fois brûlé.


Maudit godet va ! S'vide plus vite qu'on ne le remplit !

Nessty jeta la tête en arrière pour gober la dernière goutte de vinasse puis elle scruta le fond du contenant dans l'éventualité d'y découvrir un trou par lequel Bacchus récupérerait son dû. Soupire car la dernière bouteille venait de rendre l'âme alors que le babillage était quant à lui intarissable.

J'crois que la jacqueline est morte là... Va falloir pourvoir au réapprovisionnement et poursuivre notre chemin avant la tombée de la nuit. J'sais pas dans quelle direction tu vas poser tes semelles mais c'est avec plaisir que je te propose de te joindre à nous.
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On peut lire sur un mur : "La bisounoursite aigüe m'a achevée...".
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