Voler de ses propres ailes

[RP halle de Montargis - *la visite*]

*A quelques kilomètres de Montargis... *

Tessa marchait depuis un bon moment, lorsqu'elle aperçut les grands peupliers; elle était bientôt arrivée. Cela faisait bien un mois maintenant qu'elle avait quitté la maison familliale, aujourd'hui elle venait prendre des nouvelles. 

Elle passa à côté de la rivière de son enfance, où le curé du coin lui avait jadis appris à nager et distingua enfin la maison de ses parents. La masure n'avait rien d'un palace, un toit , quatre murs une porte et quelques fenêtres, un élevage de cochon , quelques poules et un potager, rien que le strict minimum. 

Elle jeta un coup d'oeil au potager et s'étonna de ne voir presque aucun légume et de ne pas apercevoir son père occupé à nourrir les bêtes. " 'surement parti tailler du bois ", se dit-elle, tout en se dirigeant vers la porte d'entrée. 

Elle frappa trois coups, lents. Et attendit. 

Sa mère finit par lui ouvrir, au bout de quelques minutes. Elle avait les traits tirés et paraissait avoir pris dix ans en un mois. Elle toisa Tessa du regard, et fronça les sourcils , mais elle n'avait pas l'air fachée, elle ne semblait pas en avoir la force. 

- Entre. Lui dit-elle simplement

Les deux femmes prirent place à table,au centre de l'unique pièce du bas. Tessa observait attentivement sa mère, alors que celle-ci préparait de la tisane, si bien qu'elle finit presque par la dévisager lorsque celle-ci lui tendit sa tasse. Elle bu quelques gorgées, sachant pertinemment que quelque chose n'allait pas, elle le voyait dans ces deux grands yeux verts fatigués qui lui faisaient face, ces deux yeux dont elle avait hérité. 

Alors que Tess s'apprêtait à rompre le silence, sa mère prit la parole:

- Il est mort. 

Elle arqua un sourcil continuant de dévisager cette femme qui lui avait donné la vie. 

- Et c'est arrivé comment? Finit-elle par souffler, tentant de cacher son désarroi. 

- Il est parti couper du bois, quequ'jours après qu'tu sois partie, mais l'arbre lui ai tombé d'ssus, y s'est évanouit, et l'est tombé dans la rivière. On l'a r'trouvé le lendemain. 

Tessa ne bougeait pas, ne disait rien , interdite. 

- Tu sais Tess... continua sa mère , quand t'es partie, l'père et moi on a bien eu du mal à joindre les deux bouts , et maint'nant qu'l'est plus là...'fin t'vois... 

Tess ne prononça pas un mot. 

- L'vieux Georges, qu'habite près du moulin,il possède pas mal d'champs...et il m'a proposé... 

- Tu vas t'marier? 

Elle hocha la tête. Et un grand silence se fit. 

Tess ne reconnaissait plus sa mère, elle d'habitude si autoritaire, c'était elle qui dirigeait les affaires et qui s'occupait de la famille,qui commandait, qui décidait, qui ordonnait, tandis que les autres exécutaient. Le père n'avait toujours été qu'un sous fifre, qui s'effaçait derrière la maîtresse de maison. Elle n'avait jamais vu ne serait-ce qu'une seule marque de tendresse entre ses deux parents, sa mère avait toujours été froide. D'ailleurs, elle avait toujours été persuadée que sa mère n'aimait pas son père. Or, aujourd'hui, en voyant sa génitrice dans cet état,fatiguée et si...vulnérable, faible, chétive,désemparée, elle se disait que la maîtresse de maison avait surement aimé cet homme. 

- Oui, je vais me marier, Tess, c'est un bon parti. Mais c'pas tout. L'Georges a un fils , encore dans la fleur de l'âge que tu épouseras. 

Et ça y est , elle était partie dans ses sermons, de "j'espère que tu comprendras" [...] "le seul moyen de s'en sortir" [...] "bon parti". 

- Non.

Finit par répondre Tessa. Elle fuliminait, elle bouillonnait, mais s'efforça de rester impassible. 

- Je préférerai encore me marier avec un d'nos porcs qu'avec ce gueux. Si vous voulez vous mariez avec ce vieux crouton, faites, mais ce sera sans moi, je ne veux pas être témoin de ça, père est mort il y a peu et vous prenez délà un nouvel homme dans votre couche! Je ne serai pas là pour voir baffouer l'honneur du seul homme qui vous ait jamais aimé. 

Tout ça , c'est pas pour NOUS mère, c'est pour VOUS. Et il en a toujours été ainsi. Je suis partie car je ne supportais plus cette tyrannie permanente, ces ordres que vous hurliez à tout bout de champ, ça marchait 'têtre sur mon père, mais pour moi c'est terminé. J'ai une petite masure , et j'ai commencé à construire ma vie à Montargis, à vous de continuez la votre sans moi, je sais que je ne vous manquerai pas, votre coeur est bien trop petit pour aimer une autre personne que vous. Sur ces mots je vous dis adieu. 

Elle prit sa besace , et sortit de la la masure sur ces mots, n'écoutant pas sa mère qui rétorquait avec colère, n'écoutant plus rien , elle se mit à courir, sans réfléchir, sans but, plus rien n'avait d'importance.

Elle courra , sans s'arrêter, l'esprit embué , et finit par stoper sa course devant un lac,non loin de Montargis-surement un de ceux dont Atanorth lui avait parlé- Et, sans réfléchir, elle jeta toutes ses affaires sur la rive et plongea tête la première dans le lac... 

Elle nagea de toutes ses forces, le plus loin qu'elle pu, et , lorsqu'elle fut épuisée, elle revint vers le bord et se laissa dériver, à la surface de l'eau... 

Son père était mort. ça y est, elle le réalisait enfin, et quelques larmes coulèrent, se fondant dans l'eau du lac. Son père était doux, gentil et dévoué, tout le contraire de sa mère...Mais c'était ainsi. Elle pleura peu. Dorénavant elle n'était plus une enfant, elle était une femme, en devenir, certes, mais plus une enfant. Et maintenant qu'elle avait énoncé clairement le fond de sa pensée devant sa mère, elle savait qu'elle ne pourrait jamais plus remettre les pieds dans la maison familliale. Ses longs cheveux noir ébène flottaient autour d'elle , elle ferma les yeux, un instant , réfléchissant. 

Montargis ne lui convenait pas, elle ne se voyait pas construire quelque chose ici et elle avait peu d'ami, mise à part Gwennan. Elle devait partir, quitter Montargis, partir n'importe où...