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[RP] Galimafrée brune.

Saorii
[... ou comment accommoder les restes.]

A défaut de comprendre, il avait bien fallu que la brune se relève. Et pas que littéralement. Pris dans les mailles du filet végétal, le ciel s'était fait plus sombre, comme si, privé de sa liberté, il s'était résolu à calancher à petit feu. L'arbre noueux, qui depuis quelques heures abritait une fauve léchant ses plaies, assistait à une étrange métamorphose. Dans l'obscurité naissante, Saorii revêtait, une à une, les pièces d'une seconde peau familière, forgée depuis l'enfance, à laquelle elle avait renoncé par amour pour un trimardeur. Ne pouvait que constater qu'elle était toujours aussi bien ajustée, cette foutue armure. Pas pour autant qu'elle s'apprêtait à livrer un combat - il y en avait bien eu un, mais il était fini, et elle l'avait perdu. Lever douloureux, après ces heures immobiles à contempler un plafond feuillu, et sourire au témoin silencieux de l'étrange apocatastase - moins étrange que le mot quand même. Moins laide, aussi. Quoique.

Un viol, quelques mots, et de nombreux verres plus tard, pas forcément dans cet ordre-ci d'ailleurs, deux bruns cheminaient en silence, direction Carcassonne. Humant l'air lourd de la nuit languedocienne, la plus petite des silhouettes, grande tout de même, ruminait du long en bouche, du plein, de l'intense. Huit mois d'existence, plus précisément, depuis une taverne castelroussine et trois miettes alignées. Ils avaient été libres, sans attaches, unis par une gémellité troublante, une évidence, un désir insatiable. C'était tout. De l'indélébile, mais pas de laisse. Puis, insidieusement, ses mots avaient changé, d'allusions posées l'air de rien en points de suspension, il avait été question d'aller dans une église pour autre chose que de piquer un fou rire, et d'être trois. Et si la brune avait la résistance farouche et le sarcasme élusif, elle avait aussi le slave dans la peau. Gravement.

Ses réticences avaient cédé en même temps que sa prudence chronique et sa trouille salutaire, et voilà comment on se retrouvait à morfler salement parce que le chemineau tenait mieux sa langue que ce qu'il avait dans les braies. Corrosive, rétive, lascive... la vagabonde avait rajouté possessive à sa collection, et se faisait horreur. A mesure que Narbonne derrière eux s'éloignait, elle prenait également de la distance avec ce qu'elle ne voulait plus considérer que comme un mauvais souvenir, avec lui, avec elle-même. Envoyait aux gémonies des curés et des têtes blondes à bonnet rouge qui n'avaient rien demandé, respirait à pleins poumons un air qu'il lui semblait redécouvrir. Armure, peut-être, mais ailée, palingénésiaque, libératrice. La brune n'en était plus à un paradoxe près.

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SAO.
Saorii
[On peut aussi les jeter, remarque.]

Elle demeura longtemps à contempler les restes calcinés de la lettre. C'était furieusement cliché, et cela la fit rire. De toute façon, elle n'avait plus de larmes.

Des mensonges brûlés. Quand on a quelqu'un dans les tripes, on ne lui arrache pas sa raison de vivre pour aller planter des navets dans le nord, Saens. Pas assez égoïste pour ne pas me laisser ma liberté ? Foutaises. Tu l'as été suffisamment pour ne pas me laisser le choix.

Des mots de poète. Des chimères littéraires qui sonnent bien sous la plume. La vérité est tout autre.

La vérité, c'est que je n'ai jamais eu de chez moi. Chez moi, c'était toi. La vérité, c'est que je n'ai jamais eu besoin d'être sur les chemins pour me sentir libre. Si tu m'avais parlé de ton envie de te poser, je t'aurais suivi, sans même y réfléchir. Je n'aurais pas dépéri, dans ton antre jonché de livres, j'aurais juste navigué, et tu aurais été mon port d'attache. La vérité, c'est que je ne vis pas dans un monde de phrases, moi, et dans le monde réel, on a besoin d'avoir à ses côtés l'homme qu'on aime.

Mais tout cela, tu ne le sauras jamais. Parce que tu as préféré partir en décidant seul de ce qui était le mieux pour moi, et en te plantant en beauté, comme d'habitude. Parce que tu m'as apporté une dernière preuve - une fois n'est pas coutume, la preuve défait l'évidence - que ce besoin viscéral que j'ai de toi est à sens unique.


Fait assez prévisible, les braises ne répondirent rien à la brune aux yeux rougis. Elles restaient là, vestiges immobiles et silencieux, à n'avoir pour seule ambition que de se consumer lentement et disparaitre.

Lorsque la nuit fut tombée, à son tour, elle partit.

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SAO.
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