Aldoncine
Jemménage aujourdhui dans ma nouvelle demeure achetée à prix dor à cet escroc de Sinbad délaissant sans regret mon ancienne bicoque du bord de mer, qui devenait de plus en plus insalubre. Ici, jai un terrain à moi, et je compte bien larranger à ma guise. Je vais toutefois conserver mon champ de blé en dehors de la ville ; mais jengagerai des journaliers pour le cultiver.
Ayant déposé mes deux malles contenant mes quelques vêtements et les tissus que jutilise pour confectionner les habits que je vends, je décide daménager un peu cette grande maison. Dans la cuisine au rez-de-chaussée, jinstalle ma vaisselle et ma précieuse réserve de calva penser à fermer la cuisine à double tour si jamais Sin et Men passent par ici et dans la grande pièce au bout du couloir, mon atelier de tissage, mes aiguilles, ciseaux, rubans et dentelles en tout genre.
A létage, jaurai ma chambre, claire et pleine de lumière en ce beau matin de printemps. Il y a même un petit réduit qui pourra me servir à faire ma toilette. Cette autre pièce pourra faire office de chambre damis, le cas échéant. Je me sens toute heureuse à lidée dhabiter un endroit si vaste et si agréable, et je redescends en sautillant, manquant de me rompre le cou. Cet escalier est raide !
Et le mieux, cest mon jardin. Mon verger !
Des pommiers à perte de vue (ou presque), des poiriers, de jeunes pruniers, des cognassiers et un grand cerisier encore en fleurs. Vivement lété ! Je sens que je vais adorer passer de longues heures parmi les arbres à rêvasser, chanter et jouer de la flûte. Dailleurs...
Je retourne à la maison et farfouille dans mes malles à la recherche de mon instrument. Cest un musicien ambulant de passage dans mon village du Trégor qui me la offerte, et men a appris les rudiments, lorsque javais une dizaine dannées. Seul bien que je possédais en propre, je lai conservée précieusement, et cest aujourdhui, avec ma médaille, le seul souvenir tangible qui me reste de mon enfance bretonne. Exceptées les chansons que me chantait ma nourrice, et que je me fredonne à moi-même lorsque je suis toute seule, sur la mer ou dans la nuit...
Luskell va bagig war gribell an dour
Dispak da ouel a red,
Luskell bepred 'raog an aveliou flour,
Sent ouzh ar stur bepred.
A dal ar beure, beteg an noz,
Pesketa eo va lod,
Kuitet am eus va ziig kloz,
Kluchet etal an aod.
Luskell va bagig war gribell an dour
Dispak da ouel a red,
Luskell bepred 'raog an aveliou flour,
Sent ouzh ar stur bepred.
Arne oa bet, gleib-teil e oan,
Kounnaret oa ar mor,
Me ne ran van, red eo kaoud poan,
Trec'h omp d'an avel-vor!
Luskell va bagig war gribell an dour
Dispak da ouel a red,
Luskell bepred 'raog an aveliou flour,
Sent ouzh ar stur bepred.
Breman eo brao, seder ez on,
Gwennerc'h e nij ar spoum,
Beg lemm va bag e sko en doun,
Kaset omp dreist ar c'houm.
Luskell va bagig war gribell an dour
Dispak da ouel a red,
Luskell bepred 'raog an aveliou flour,
Sent ouzh ar stur bepred.
Setu an heol o vond da guzh,
Pesked eleiz am-eus;
Tro-war-dro d'in, bizinou druz,
Va bag o zroc'h heb reuz