Felina
« Je tapprendrai à faire de cette main blessée un atout
Fais moi confiance. »
Des jours, des semaines quelle se remémore ces quelques mots, inlassablement.
Des jours, des semaines quelle ne pense plus quà cela.
Des jours, des semaines quelle ne survit que dans ce but : renaître.
La Bourgogne et ses tourments sont désormais loin derrière, la Zoko presquau complet a regagné son camp de base : Saumur. Les habitudes ont lentement repris, mais la Féline na plus quune idée, qui tourne à lobsession, et ce depuis son départ de Joinville.
Alors elle est là, dans la cour dentraînement de la forteresse Adossée contre le mur, le visage relevé vers le ciel alors que le soleil se lève à peine, caressant de ses pâles rayons les noires murailles de lenceinte.
Attente
Elle lattend oui. Lui en qui elle place tant despoir, son « maître » selon les grades en usage dans la compagnie, mais pas seulement. Celui en qui elle croît, celui entre les mains de qui elle place de nouveau son destin. Celui qui doit lui apprendre à se battre. Va-t-il seulement venir ? Aura-t-il oublié ? Le doute subsiste, malgré la confiance quelle a placé en lui, prête à le suivre jusquen Enfer sil lui demandait.
Espoir
Elle a changé, tant mentalement que physiquement. Le corps est plus malingre, et les formes féminines moins rondes quil y a quelques mois, résultat dun séjour forcé en prison. Le visage est marqué, des fines ridules aux coins des yeux et des cernes creusant son regard, témoignages indélébiles des épreuves affrontées. Une cicatrice à peine visible sur la joue et descendant vers la gorge, qui fait échos à quelques autres, invisibles sous le corsage noir et le jupon blanc. Machinalement elle porte sa main à son épaule, pouvant ressentir sous la finesse du tissu le B infamant incrusté dans sa chair, la brûlure commençant à peine à cicatriser.
Vengeance
Elle craignait la mort, maintenant quelle la affrontée les yeux dans les yeux, elle sait quelle passera sa vie à danser avec elle, et peu importe qui lemportera sur lautre, elle acceptera la fin comme une délivrance.
Dans sa main valide, un vélin froissé et usé. Le visage se baisse et son regard se pose pour la énième fois sur une esquisse au fusain, la représentant de trois quarts alors quelle sapprête à lancer une dague, souvenir dune leçon dans une forêt béarnaise. Le regard se fait plus froid, le corps se crispe alors que les doigts se referment avec force sur le morceau de parchemin, le froissant jusquà nen faire quune boule quelle lance avec rage vers le mur qui lui fait face.
Colère
Toute sa détermination et son envie de réussir ne pourront rien faire face à linéluctable vérité, elle na désormais plus quune seule main, et bien long sera le chemin pour retrouver lhabileté et la précision dont elle était si fière, redevenir « la Dagueuse ». Elle le sait, et elle est prête à affronter les épreuves qui ne manqueront pas de lui barrer la route. Les iris noirs, dans lesquels brûle une flamme qui ne les a plus quittés depuis la Bourgogne, sinuent lentement vers lautre main, le membre fantôme comme elle le nomme. Gauchement, elle entame, et ce pour la première fois depuis des semaines, dôter le foulard crasseux qui dissimule les doigts brisés et définitivement immobiles.
Courage
Elle a besoin de voir, daffronter lampleur du désastre. La peau est très pâle, les phalanges ont gardé cette teinte bleu noir quelle avait pu constater quelques jours après que le Bourreau lui est broyé la main. Les cinq doigts sont collés les uns autres, comme ne formant plus quun seul. Seul le pouce peut encore bouger très légèrement, non sans faire grimacer la Rastignac de douleur. Comme pour conjurer le sort, elle tente, en vain, de faire se mouvoir les doigts qui ne répondent plus, alors que sa main valide glisse jusquà lanneau encore présent sur lannulaire droit. Étonnamment le bourrel ne le lui a pas enlevé. Les doigts en redessinent chaque contour, effleurant à peine le serpent qui lornemente avant de sen saisir et de la lui ôter dun geste rapide, accompagné dun rictus de douleur. La bague est alors portée devant son visage, et la Féline sabandonne un long moment à sa contemplation, un léger sourire au coin des lèvres. Étrange comme ce simple bijou peut tant représenter à ses yeux.
Avenir
Enfin elle passe lanneau à sa main gauche, cette main si malhabile et imprécise. Il va pourtant lui falloir apprendre le maniement des épées et autres lames de cette main là, plus guère dautre choix. Fini le temps de l'insouciance et de la légèreté. Une page se tourne, ne reste plus désormais quà remplir la suivante; encore vierge et immaculée.
Renaîssance
Ne manque plus lui et le bal pourra commencer. Entre et dans avec moi El Diablo Laisse moi apprendre avec toi, apprendre de toi et entrer pour de bon dans ton Royaume.
Murmure à peine audible, auquel seul le silence de la courette fait écho.
_________________
La Liberté existe, il suffit d'en payer le prix.
Des jours, des semaines quelle se remémore ces quelques mots, inlassablement.
Des jours, des semaines quelle ne pense plus quà cela.
Des jours, des semaines quelle ne survit que dans ce but : renaître.
La Bourgogne et ses tourments sont désormais loin derrière, la Zoko presquau complet a regagné son camp de base : Saumur. Les habitudes ont lentement repris, mais la Féline na plus quune idée, qui tourne à lobsession, et ce depuis son départ de Joinville.
Alors elle est là, dans la cour dentraînement de la forteresse Adossée contre le mur, le visage relevé vers le ciel alors que le soleil se lève à peine, caressant de ses pâles rayons les noires murailles de lenceinte.
Attente
Elle lattend oui. Lui en qui elle place tant despoir, son « maître » selon les grades en usage dans la compagnie, mais pas seulement. Celui en qui elle croît, celui entre les mains de qui elle place de nouveau son destin. Celui qui doit lui apprendre à se battre. Va-t-il seulement venir ? Aura-t-il oublié ? Le doute subsiste, malgré la confiance quelle a placé en lui, prête à le suivre jusquen Enfer sil lui demandait.
Espoir
Elle a changé, tant mentalement que physiquement. Le corps est plus malingre, et les formes féminines moins rondes quil y a quelques mois, résultat dun séjour forcé en prison. Le visage est marqué, des fines ridules aux coins des yeux et des cernes creusant son regard, témoignages indélébiles des épreuves affrontées. Une cicatrice à peine visible sur la joue et descendant vers la gorge, qui fait échos à quelques autres, invisibles sous le corsage noir et le jupon blanc. Machinalement elle porte sa main à son épaule, pouvant ressentir sous la finesse du tissu le B infamant incrusté dans sa chair, la brûlure commençant à peine à cicatriser.
Vengeance
Elle craignait la mort, maintenant quelle la affrontée les yeux dans les yeux, elle sait quelle passera sa vie à danser avec elle, et peu importe qui lemportera sur lautre, elle acceptera la fin comme une délivrance.
Dans sa main valide, un vélin froissé et usé. Le visage se baisse et son regard se pose pour la énième fois sur une esquisse au fusain, la représentant de trois quarts alors quelle sapprête à lancer une dague, souvenir dune leçon dans une forêt béarnaise. Le regard se fait plus froid, le corps se crispe alors que les doigts se referment avec force sur le morceau de parchemin, le froissant jusquà nen faire quune boule quelle lance avec rage vers le mur qui lui fait face.
Colère
Toute sa détermination et son envie de réussir ne pourront rien faire face à linéluctable vérité, elle na désormais plus quune seule main, et bien long sera le chemin pour retrouver lhabileté et la précision dont elle était si fière, redevenir « la Dagueuse ». Elle le sait, et elle est prête à affronter les épreuves qui ne manqueront pas de lui barrer la route. Les iris noirs, dans lesquels brûle une flamme qui ne les a plus quittés depuis la Bourgogne, sinuent lentement vers lautre main, le membre fantôme comme elle le nomme. Gauchement, elle entame, et ce pour la première fois depuis des semaines, dôter le foulard crasseux qui dissimule les doigts brisés et définitivement immobiles.
Courage
Elle a besoin de voir, daffronter lampleur du désastre. La peau est très pâle, les phalanges ont gardé cette teinte bleu noir quelle avait pu constater quelques jours après que le Bourreau lui est broyé la main. Les cinq doigts sont collés les uns autres, comme ne formant plus quun seul. Seul le pouce peut encore bouger très légèrement, non sans faire grimacer la Rastignac de douleur. Comme pour conjurer le sort, elle tente, en vain, de faire se mouvoir les doigts qui ne répondent plus, alors que sa main valide glisse jusquà lanneau encore présent sur lannulaire droit. Étonnamment le bourrel ne le lui a pas enlevé. Les doigts en redessinent chaque contour, effleurant à peine le serpent qui lornemente avant de sen saisir et de la lui ôter dun geste rapide, accompagné dun rictus de douleur. La bague est alors portée devant son visage, et la Féline sabandonne un long moment à sa contemplation, un léger sourire au coin des lèvres. Étrange comme ce simple bijou peut tant représenter à ses yeux.
Avenir
Enfin elle passe lanneau à sa main gauche, cette main si malhabile et imprécise. Il va pourtant lui falloir apprendre le maniement des épées et autres lames de cette main là, plus guère dautre choix. Fini le temps de l'insouciance et de la légèreté. Une page se tourne, ne reste plus désormais quà remplir la suivante; encore vierge et immaculée.
Renaîssance
Ne manque plus lui et le bal pourra commencer. Entre et dans avec moi El Diablo Laisse moi apprendre avec toi, apprendre de toi et entrer pour de bon dans ton Royaume.
Murmure à peine audible, auquel seul le silence de la courette fait écho.
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La Liberté existe, il suffit d'en payer le prix.