--Yseut
Les mains meurtries par le frottement de la lourde corde, l'enfant, pénétrée de son importance dans le bon déroulement de la cérémonie, tirait inlassablement. Enfin, à bout de forces, elle entendit Aldoncine lui crier que sans doute tous les Honfleurais étaient réveillés à présent, et qu'elle pouvait cesser. La petite fille rejoignit la diaconesse sur le parvis de la chapelle, un peu anxieuse à l'idée de voir surgir des inconnus, des ennemis en puissance ! Heureusement, la première personne qui se montra fut son unique amie au village, Farandole le feu follet, qui la complimenta sur sa bonne mine. Il était vrai que la jolie robe de toile blanche que lui avait confectionnée en hâte la diaconesse pour remplacer ses haillons l'emplissait de fierté. Elle répondit à Farandole d'un hochement de tête et d'un sourire timide.
A ce moment, un homme mûr, à la mine fière mais bienveillante, enveloppé dans une large cape blanche, apparut sur le chemin et salua Aldoncine et Farandole. Il fut immédiatement suivi d'un autre, dont l'apparence fit sourire la petite. La noblesse de sa prestance était quelque peu mise à mal par le bonnet de nuit qu'il avait visiblement omis de laisser chez lui. La diaconesse les salua avec un plaisir visible :
Bien le bonjour, messire recteur... Et sieur Jobas, comment allez-vous ? Vous êtes bien aimables tous deux de proposer votre aide. Ma foi je crois que tout est prêt. Si vous désirez vous rendre utiles, envoyez donc quelqu'un au Phare chercher les fiancés, je crains qu'ils n'aient oublié de se lever !
La diaconesse ponctua ces paroles d'un rire amusé. Yseut, cramponnée à la houppelande de sa protectrice, dévorait des yeux les deux nobles hommes, si bien mis, si pleins de santé malgré leur âge... Elle espérait, au fond d'elle-même, que le chevalier vînt aussi à la cérémonie. Elle avait entendu dire par la diaconesse qu'il était fort ami avec la mariée. Si elle pouvait le revoir avant son départ pour le front...