Chapelle St Ethic... tic ..tiques...

En train de réciter le crédo, le Baron accueillit dans un sourire sans équivoque, sa belle Vicomtesse. Sans cesser cet hommage au très haut, il lui prit la main, laissant leurs doigts s'entrecroiser et lui montra son plaisir de la voir à ses cotés d'une simple pression.

Regard mi-furieux mi-désespéré en direction de Stefanov : cet incorrigible énergumène prenait toujours un malin plaisir à hausser la voix à la fin du credo de la diaconesse, afin de rajouter un verset sortant on ne sait d'où. Le plus exaspérant, c'était que toute la foule le suivait docilement ! Tout à coup, alors qu'Amélie terminait sa lecture, la porte de la chapelle s'ouvrit en grand, et deux têtes bien connues firent leur apparition dans une discrétion plus que douteuse : Sinbad et Mel avaient fini par arriver, finalement. Lorsque le marin laissa tomber ses baluchons dans un vacarme retentissant, avant de déranger tout le monde pour s'asseoir, la diaconesse faillit se lever d'un bond, pour lui crier de quitter les lieux immédiatement ; heureusement, elle croisa le regard de Kerdwin et se mordit la lèvre pour rester en place. Elle ne pouvait pas gâcher ce si joli mariage... Dieu merci, ce gredin avait laissé son âne dehors.
Amélie retourna se rasseoir et le silence se fit dans la chapelle. Quelques minutes de méditation ne seraient pas de trop, mais qu'est-ce qui venait donc après ? Aldoncine eut un instant de panique. Elle aurait dû emporter ses notes, elle le savait ! Fermant les yeux, elle tenta de se souvenir... Accueil, credo, lecture... cantique ! Le Cantique normand qu'avaient choisi la Bretonne et le Slave pour leurs épousailles. Mais que faisaient les chanteuses ?! La diaconesse chercha du regard les quatre heureuses élues : Amélie au premier rang, d'accord, Lyra, avec son fils, Farandole, là-bas aux côtés de Corby... Mais Salvaressa ? Dans la pénombre, elle ne parvenait pas à distinguer si elle était aux côtés de son époux.
Voyant que personne ne bougeait, la diaconesse décida de faire son sermon d'abord, ce serait du temps de gagné, puisque les chœurs n'étaient pas tout à fait prêts... Elle se leva, et dit :

Les paroles de Christos que vous venez d'entendre doivent être pour vous un guide et une référence constante. La vie conjugale n'est pas chose à prendre à la légère. Kerdwin, Stefanov, il peut arriver, il arrivera même certainement, que des disputes naissent entre vous, que des obstacles se dressent devant vous, mais l'engagement que vous prenez aujourd'hui doit vous inciter à vous soutenir mutuellement dans ces épreuves, et non briser l'amitié qui est la vôtre aujourd'hui.
Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance en toute circonstance et tout au long de leur vie. Ensemble vous devrez assurer la direction morale et matérielle de la famille au sein d’une vie commune, et protéger et éduquer du mieux que vous le pourrez votre progéniture. Puisse le Très-Haut vous soutenir et vous encourager dans cette noble tâche.

Elle avait finalement choisi de faire bref, et de ne pas mentionner le fait qu'ils vivaient tous deux dans le péché depuis un temps bien trop long à son goût. Après tout, s'ils avaient pris la décision de s'unir devant Dieu, c'était qu'ils se repentaient sincèrement de leur vie passée et de leurs erreurs de jeunesse... Enfin, c'est ce dont la bonne diaconesse essayait de se persuader. Lançant un regard lourd de sens à Amélie, elle ajouta :

Nous allons maintenant chanter le Cantique Normand, entraînés par les plus jolies voix du village. Mes dames, approchez donc.

Se plaçant sur le côté, elle laissa de nouveau la place à Amélie et ses choristes. Fixant Kerdwin, elle se souvint tout à coup que, très prise par ses études cette semaine, elle avait complètement oublié de faire passer les mariés à la confession. Elle secoua la tête. Ils n'y échapperaient pas si facilement, nom d'un hareng !

Ils eurent la chance de trouver une place pas trop loin, pouvant ainsi admirer les futurs mariés tout à loisir. Kerdwin était resplendissante mais un pli barré son front, elle était préoccupée et Matou sentit son coeur de serrer. Stef allait partir pour combien de temps? Seul Aristote le savait.
Dans un joyeux brouhaha, les gens arrivaient. Elle vit Messire Asticot la belle Farandole et même Corby, croisé plusieurs fois en taverne. Elle aperçut Jamie et Sirclavel et toute leur tribu, Sissou, Amélie-Rose et des personnes qu'elle ne connaissait pas. Num et Tuck ne tardèrent pas à les rejoindre. Tuck avait mis une splendide toge en soie qui lui allait comme un gant, épousant merveilleusement ses formes. Quant à Num, elle se demanda s'il s'était coiffé.

Aldoncine entra et regarda l'assemblée. Elle semblait très émue.
Elle attendit que le silence se fit et d'une voix douce et chaleureuse, elle souhaita à tous la bienvenue. Puis, elle rendit un hommage poignant à Antiope, victime d'un terrible accident. Matou baissa la tête et fit une courte prière pour cette jeune femme qu'elle avait croisée une fois ou l'autre et qu'elle avait appréciée pour sa gentillesse et son écoute. les invitant à se lever pour réciter le crédo.
Matou joignit sa voix à celle des autres:

Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyre pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.

Je crois en l'Action Divine,
En la Sainte Église Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible,
En la communion des Saints,
En la rémission des péchés,
En la Vie Éternelle.

AMEN

Amelie s'avança sur un geste de la diaconesse et lut un extrait du livre des vertus. Alors qu'elle terminait sa lecture, un bruit se fit entendre à l'entrée de la chapelle, Matou se retourna et vit avec stupeur Sinbad s'avancer dans l'allée, chargé de sacs qu'il trainait avec peine sur le sol. Le bruit était épouvantable. Le marin arborait un sourire triomphal et goguenard sur le visage. Mahaut ne put s'empêcher de s'esclaffer en le reconnaissant:

Il est où son tit âne?

Matou lui fit les gros yeux, mais le marin faisait un tel boucan qu'il ne servait à rien de la remettre en place. Du reste sa remarque passa inaperçue.
Aldoncine lui lança un regard furieux et attendit qu'il soit installé puis, elle continua la cérémonie avec le sermon qu'elle trouva fort bien choisi. Matou se tourna vers Horloger et ils échangèrent un regard complice plein de douceur.
La jeune diaconesse se tut un bref instant puis, elle annonça le cantique Normand.
Matou trouvait qu'elle se débrouillait fort bien, menant avec simplicité et beaucoup de chaleur cette cérémonie. Elle attendit que les choeurs s'élèvent...

Le Baron se mordait la langue pour ne pas rire. Une vieille blague qu'ils faisaient dans le temps avec sa Vicomtesse. Antiope d'ailleurs n'y avait pas échappé lors de sa première cérémonie. La Vicomtesse avait toujours avec elle quelques crédo "non officiels" qu'ils chantaient alors à voix haute et que la foule reprenait immanquablement.

Une fois de plus, le subterfuge avait marché, et dans un sourire complice la Vicomtesse et lui étaient au bord du fou rire.

Il lui chuchota à l'oreille...

Je crois mon Ange que tu as fait quelques émules ... la blague ne vieillit pas, vois comme la jeune génération fait les même farces que nous faisions alors.

Déjà qu'elle avait raté le credo, mais là, elle ne pouvait pas rater le cantique, alors elle s'installa à coté de Lyra et chanta d'une voix toute timide ...

Sur toi, ô Très Haut, je m'appuie,
Ne laisse pas triompher notre ennemi,
Cette créature sans Nom qui veut notre malheur,
Malgré le péché qui est au fond de nos cœurs ,

Épargne-moi,
Je suis prêt à suivre tes voies.
Fais moi connaitre la route
Qui fera disparaître mes doutes.

Rappelle ta tendresse.
Oublie les péchés de ma jeunesse,
Ne m'oublie pas dans ton amitié,
Aie pitié.

Ne me laisse pas orphelin,
Toi qui montre le chemin,
Aux pauvres l'amour et la vérité,
La justice à ceux qui ont péché.

En Toi nous avons un défenseur,
Dans l'attente du soleil radieux.
Moi qui ne suis qu'un misérable,
Que ton soutien me soit agréable.

Vois ta création qui est en guerre
Protège moi ainsi que mes sœurs et frères,
Aide-nous dans la détresse
Supprime de nos cœurs toute faiblesse.

Mais délivre nous de la haine,
Donne nous des pensées saines
De toutes angoisses libère-nous.
Ô Très-Haut, veille sur nous.

Amen

Shawenn avait accompagné ses parents et ses frères et sa soeur.
Elle n'avait pas vraiment le coeur à la fête.
Sa fille se reposait après que son père lui ait donné des soins.
L'atmosphère qui se dégageait était apaisante.
La jeune femme regarda tous les gens, tout le monde était habillé avec goût.
Les futurs époux étaient superbes.
Shawenn avait appris pour dame Antiope. Elle ferma les yeux et elle se recueillit oubliant tout autour d'elle.

Le Baron avait l'air de fort plaisante humeur, et bavardait joyeusement avec la Vicomtesse. Ce n'était tout de même pas la voix d'Amélie qui pouvait provoquer une telle hilarité, tout de même ! Décidément, la diaconesse aurait besoin de causer de plusieurs choses avec son recteur, après l'office...
Interrompant brutalement le silence méditatif et un peu interloqué qui avait suivi l'intervention musicale musclée de sa marraine, elle éleva la voix et fusilla du regard Stefanov, encore ravi de sa plaisanterie, le regard - toujours furieux - passant accidentellement sur Asticot dont les épaules tressautaient encore :

Bien ! Je demande maintenant aux futurs époux et à leurs respectables témoins de se lever et de s'approcher de l'autel. Si quelqu'un a quelque chose à dire contre ce mariage, qu'il parle, ou se taise à jamais !

Il était temps de finir cette cérémonie, avant que ça vire à l'office sinbadien. Elle était une diaconesse sérieuse, pas un saltimbanque qui cherchait à faire rire les gens ! Elle ne put s'empêcher de lancer un dernier regard noir au baron.

Le moment semblait arrivé… le Baron se leva, invitant en même temps la Duchesse à faire de même et s’avança vers l’autel. La question de la diaconesse laissa l’assistance quelques minutes dans un silence pesant, mais les mines réjouies et sereines des mariés ne laissaient planer aucun doute.

Les doigts refermés sur la main de son épouse Jobas avait silencieusement récité le crédo, honorant les courageux qui dans ses sombres heures préparaient leurs bagages ou étaient déjà sur la route, priant pour ses Frères et Sœurs Templiers, suppliant le Tout-Haut d’éclairer aujourd’hui encore le chemin des hommes par les lumières de son amour, implorant d’épargner trop d’innocents.

Jobas avait sourit, la vie l’emportant malgré tout, en reconnaissant la voix nasillarde du marin d’eau douce toujours aussi vert.. Ou verre.. Ouvert…

Il avait presque rit en comprenant l'air si goguenard du sage baron, lui d’habitude si discret.

Les voix du sublime cœur résonnaient encore lorsque les témoins furent demandés, Jobas lâchât la main de son épouse, l’embrassa du regard et se présenta humblement devant l’autel aux côtés de sa filleule.

Elle était sublime et radieuse, débordait de bonheur et c’est non sans fierté, entouré de tant d’amis, qu’il lui tendit le bras….
_________________

Droite comme un I la Sage avec son Barbu d'un coté et sa filleule de l'autre .. Le Jobas qui couvait des yeux la belle Salvaressa .. souvenirs sans aucun doute de son propre mariage .. elle les enviait ces deux là .. bien qu'elle fut la plus heureuse des femmes auprès de son Aimé .. la Dun savait que leur amour ne serait jamais reconnu par Aristote .. du moins elle le pensait .. qui sait si un jour .. une graine venait à germer dans ce ventre vide ..
Perdue dans ses pensées ..une envie de tartes aux pommes .. vint lui rappeler qu'elle avait faim

Regards échangés avec sa Sirène... Des oppositions ? Pas pour lui en tout cas… Dans l’assistance, mis à part Sinbad pour blaguer… Non, tout de même pas… Les témoins s’avancèrent, et le Slave comprit qu’il lui fallait faire de même… En quelques pas (un seul aurait suffit, mais faire un grand pas ne lui aurait pas forcément donné l’air très fin…) il arriva devant l’autel… Coup d’œil de droite et de gauche… Tout le monde avait l’air d’être là… Enfin, les deux parrains du moins…
La diaconesse, qui semblait décidée à en finir, regardait la fameuse brochette que formaient devant elle les mariés, témoins « Et alii* » d’un air qui se voulait sévère…

*Et les autres

Les choristes venaient de terminer... Elles n'imagineraient jamais tout le plaisir qu'elles avaient pu faire à leur amie...

Elle sursauta si fort, qu’entraînant le bras du Salve vers elle, elle manqua d’en perdre l’équilibre…
Le tintamarre et la voix gouailleuse, de l’homme qui venait de pénétrer dans la chapelle, ne pouvaient appartenir qu'au marin... "le frangin" … Car si les futurs époux n'étaient pas un couple comme les autres… le Sinbad faisait bien partie de la même famille…
Lui… il n’était pas un individu comme les autres…
Pour saluer le mariage de " la frangine ", il n'allait pas changer ses habitudes !
« Me voici, me voilà, c’est moi ! »
Kerd ne put s’empêcher de rire… Le regard courroucé et le ton mordant de la diaconesse la ramenèrent au sérieux du moment…

Bien ! Je demande maintenant aux futurs époux et à leurs RESPECTABLES témoins de se lever et de s'approcher de l'autel. Si quelqu'un a quelque chose à dire contre ce mariage, qu'il parle, ou se taise à jamais !


Un beau sourire aux lèvres, elle tourna un regard brillant vers Stefanov… Plongeant ses yeux dans le bleu intense des siens… Au centre de chaque œil, il avait juste une petite pointe d’acier étincelante comme un diamant…
De ses doigts elle délia les siens et le prit simplement par la main.
Les yeux dans les yeux… Heureuse… Elle se sentit belle… belle dans cette houppelande blanche que l’homme de son coeur lui avait offerte pour l’occasion…
Quand parrains et marraines, vinrent se tenir à leurs côtés et qu'elle posa sa main libre sur le bras de Jobas, elle était resplendissante…