Le silence sur les rives du Chéran est peuplé de bruissements, de craquements de branches, du frémissement fuyants des petites bêtes qui rampent..
Ce silence parfoy l'effraie , cette solitude si complète et si nue au milieu de le nuit.
Alors que la lune jette un halo livide sur les choses et les esprits qui dansent comme des ombres avec une joie barbare, tout est silencieux et elle n'entend plus que son cur.
Dans quelques heures, elle retrouvera les autres escuyers et leur Maistre, pour une initiation, qui n'aurait rien d'un jeu.
Elle est arrivée sur les rives du Chéran, lorsque la lune s'est levée, ronde et presque pleine, si froide sur la chaleur du feu qui crépite a ses pieds.
Lumière glacée, étrange amie qui seule partagera cette nuit de réflexion avant demain et l'initiation.
Longtemps jusqu'au lever du soleil, elle reste assise prêt du feu, contemplation nécessaire, d'une histoire qui commence, d'une page qui se tourne.
Elle la paysanne qui voulait rentrer en chevalerie depuis son enfance, et qui bien souvent s'est heurtée aux désillusions des réflexions masculines, qui par protection ou suffisance lui ont entaillé l'espoir qu'une femme ne devait pas se retrouver sur un champ de bataille, ni mesme manier l'épée!
Il est temps.
Elle rentre dans la rivière, alors que le soleil levant brasille sur la surface de l'eau et jette des étincelles d'or dans les éclaboussures.
Elle barbote dans le torrent et laisse dans l'eau la poussière et ses réflexions, nocturnes.
Son corps jeune et sain est intact, et ne porte pas encore les stigmates de l'entrainement ou des guerres tant redoutées.
Comment supporter, pour une femme que ce corps se couvre de bleu et de cicatrices?
Que les boursouflures, de la vie chaotique de la chevalerie, arrachent un pincements aux hommes sous leurs caresses, sans qu'elle ne puisse rien y faire?
Au sortir de l'eau elle grimpe sur le talus et s'assoie sur l'herbe tendre du printemps, les rives s'étendent sous ses yeux, immobiles et sereines, le Chéran, doré et verdoyant, couronné d'un ruban de couleur violette que le début du jour peint sur l'horizon.
Elle arrache une poignée d'herbe, le suc parfumé lui colle aux doigts et elle sourit.
Elle s'allonge et laisse la brise sécher son corps glacé d'avoir trempé dans une eau trop froide, elle frisonne, et elle adore ça.
Elle n'est jamais aussi bien que maintenant, offerte a la Savoy sa mère, communion du corps débarrassé des futilités vestimentaires, entre nuit et jour, lune et soleil, feu et glace, terre et ciel.
Il est la le vrai bonheur.
Un hennissement, il est temps.
Elle se lève et se rhabille sans hâte, sous l'il du Frison, qui l'accompagne.
Seul véritable luxe qu'elle s'est permis dans cette vie qui la ballotte dans un monde ou elle ne trouve pas sa place... Entre la terre des champs et le Ban ou la noblesse est décadente.
Magnifique cheval noir au port de tête hors du commun.
Sa longue crinière légèrement ondulée qui suit l'encolure incurvée, lui donne une allure de Reyne.
Des paturons bien fournis et une queue longue et épaisse, font du cheval un tableau que l'on aimerait contempler a volonté.
Seront ils deja la?
Sereinement, elle descend jusqu'au point de rendez vous, entre presles, aulnes et vernes, les chandelles rocheuses des Tours Saint-Jacques l'accompagnent, et semblent lui dire combien elle peut être fière d'elle.
Après ça, elle ne sera peut être pas Chevalier, mais elle aura touché du bout des doigts, l'excellence et l'humilité.
Déjà les silhouettes des des hommes les plus grands qu'elle connaisse se découpent au loin.
Elle s'approche...Silence religieux, qui se voudrait pesant, mais qui se veut respectable.