Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Isaure, croyant avoir de Rodez pris le chemin de la Gascogne, se rend compte qu'on l'a trompée et qu'elle se trouve en fait dans le Comté du Limousin et de la Marche. Fraichement échappée du couvent Notre-Dame de la Providence, la demoiselle de Morvilliers se retrouve sans ressource, seule et sale, à demander la charité pour un cheval. C'est à Limoges, donc, que Clémence de l'Epine surprend Isaure. La demoiselle de Villorceau, séjournant pour quelques temps auprès du Vicomte de Saint-Germain, grand ami de la Marquise sa mère, souhaite en savoir plus sur la fillette dont les mots l'ont interpellée. S'en suivront surprises et découvertes.

[RP] Quand la ressemblance l'emporte sur les différences...

Isaure.beaumont
« Lâchez-moi ! Lâchez-moi vous dis-je ! Vous ne savez pas à qui vous avez affaire ! Enfin si… Puisque je viens de vous le dire ! Lâchez-moi ! Ou je vous ferai trancher la tête !!! Que ma chère Champagne en soit témoin ! »

Qui ne put entendre ce jour-là cette voix stridente s’élever dans les rues de Limoges. Celle-ci appartenait à une fillette de onze ans aux grands yeux bleus, dont la limpidité contrastait avec sa peau hâlée et ses cheveux de jais. Sa robe de toile,- depuis sa fuite du couvent de Notre-Dame de providence, elle n’avait pu changer de vêtements -, était passée et boueuse ; ses cheveux défaits et poussiéreux. Qui pourrait croire que la vérité sortait de sa bouche ?

« Me prenez-vous donc pour une ribaude ? »

« - Pour une fille de ribaude, oui ! » grogna le maquignon. Cependant l’enfant ne l’entendit pas et continua sa scène.

« Ma parole n’a-t-elle donc aucune valeur pour que vous refusiez de me louer ne serait-ce qu’un canasson ? Pour l’amour de Dieu ! Je vous ai promis le double de la somme si vous me faisiez crédit ! Par pitié ! Prêtez-moi au moins une rosse ! Aussi décharnée soit-elle j’en paierai le prix d’un vigoureux étalon ! »

L’homme ne répondit pas et la jeta hors de son commerce et repartit sans un regard pour elle. L’enfant, plus têtue qu’une bourrique, ne comptait pas en rester là. Il lui fallait coûte que coûte trouver une monture pour rejoindre la Gascogne ! Pour se redonner du courage, la jeune damoiselle sortit un bout de parchemin froissé pour en parcourir une nouvelle fois chaque boucle penchée.

Citation:
A ma tendre filleule,

Nulle violence dans mes mots ne saurait traduire la colère qui m'empreint de vous savoir enfuie seule des soins du couvent auxquels vos frères et moi même avions décidé de vous confier.

Pour une fois que nous étions tombés d'accord !

Mais ma colère ne vient pas du fait de votre départ précipité de ce lieu de recueillement et de foi, non ma colère vient du fait que vous devez être désormais déambulant sur les chemins rouergats, sujets à la guerre la plus ignoble de leur histoire, et ce, seule !

Ainsi donc, vous, jeune demoiselle à l'éducation du monde aussi avancée que l'est votre âge, vous retrouvez proie de vils mercenaires et autres mécréants de basses-fosses.

Je ne peux supporter plus avant de vous savoir en danger, et je vous invite, si vous recevez cette missive à temps de tenter de rejoindre Labrit, en Gascogne où vous trouverez toit sûr et amis de longue date.

J'y serai également, et vous reprendrai avec moi ainsi qu'il aurait du toujours être.

Qu'Aristote veille sur vos pas et votre vie, chacun qui me connait sait qu'elle m'est plus précieuse que la mienne.

Avec tout mon amour,

Votre dévoué parrain,

Valère d'Arezac.


Une fois sa relecture terminée et sa volonté fortifiée, l’enfant repartit à l’assaut ! Elle courut jusqu’au marchand et s’agrippa à sa manche jusqu’à ce que ce dernier se retourne exaspéré !

« Monsieur ! Combien de fois devrais-je vous expliquer ce qui m’arrive ? J’ai besoin de gagner Labrit, où mon Parrain m’attend ! Je sais, mon allure ne vous remplie pas de confiance, mais croyez-moi, je suis Isaure Beaumont-Wagner, Damoiselle de MOrvilliers ! Mon Parrain est le Comte d'Ossau ainsi que le vicomte de la Ferté-Sur-Aube ! Je n’ai plus un sou en poche, des marauds m’ont indiqué cette route quand je leur demandais la route de la Gascogne ! Je vous promets que mon bien-aimé Parrain saura vous récompenser généreusement pour avoir aidé sa filleule à le rejoindre ! »

Edit: Correction orthographe + titre du Parrain
_________________
Clemence.de.lepine
Clémence avait pris pour habitude, depuis son arrivée en terres limousines, de parcourir les rues de la capitale. Souvent ses pas la menaient vers la place centrale de la ville, place de marché, où les langues souvent se déliaient et où l'on pouvait apprendre quantité de choses que l'on n'aurait pu découvrir du fond de son lit. Clémence n'était pas indiscrète, elle était simplement curieuse, et elle aimait retrouver ces simplicités de la vie quotidienne qui consistaient à flâner, à humer, des odeurs parfois plus agréables que d'autres, à écouter, des discussions parfois plus intéressantes que d'autres, et à se sentir bousculée par la cohue, parfois plus brutalement que d'autres. Il n'y avait aucun mal à vouloir s'échapper de temps en temps afin de goûter à ce que l'on n'a pas l'habitude de vivre. Seule, encore, parce qu'il y a des manières que l'on oublie plus facilement que d'autres et que celle-ci ne faisait pas particulièrement partie de ses priorités, la demoiselle ouvrait l'oeil et ne perdait pas une miette des diverses scènes se déroulant devant elle. Aussi, quand une voix perçante fendit le tumulte de la foule, Clémence dressa l'oreille, comme beaucoup autour d'elle.

La voix appartenait de toute évidence à une enfant, mais il n'était pas possible de discerner sa silhouette. Inquiétée, d'abord, par les cris de suppliques, la demoiselle se rassura en comprenant la teneur des propos. Rien de plus qu'une querelle entre une enfant des rues n'obtenant pas ce qu'elle convoitait, et sa pauvre victime.

Derrière elle, pourtant, un mouvement attira son attention. On fulminait, on protestait vigoureusement. Se retournant, Clémence distingua parfaitement la cause de cette soudaine clameur. Une fillette, ou plutôt un épouvantail aux traits rappelant difficilement ceux d'une fillette, se frayait férocement un chemin au milieu de la populace. Lorsque celle-ci atteint finalement son but, - un homme rond et haut en couleur, un de ces commerçants ayant très bien réussi dans la vie, de façon honnête ou non, et aimant à l'afficher par des costumes extravagants -, elle se trouvait à deux pas de la demoiselle de Villorceau. Si proche, que cette dernière put saisir chaque mot du débat. Un seul suffit à l'interpeller.

Mue par une brusque impulsion, - émotion à laquelle elle cédait parfois bien trop volontiers -, Clémence saisit la fillette par le bras.


« Monsieur, je vous emprunte cette enfant quelques instants. Je suppose que par là je vous fais une faveur... »


La fillette était une souillon, sale et de toute évidence élevée à la va-vite. Mais elle parlait d'une façon qui inspirait le doute quant à sa véritable condition. Était-elle une menteuse et une comédienne bien entraînée, ou disait-elle vrai ? Tant bien que mal, Clémence la mena dans une ruelle plus calme.


« Qui es-tu ? »
lui demanda-t-elle simplement, les yeux empreints d'une lumière fébrile.
Isaure.beaumont
Le gros bonhomme soupira. Quand parviendra-t-il donc à se débarrasser de cette hâbleuse qui menaçait ses affaires du jour? Comment pourrait-on croire que cette jeune souillonne puisse être une damoiselle ? L’homme ricassa nerveusement et, sans une once de pitié, se détourna de l’enfant pour s’en courir, du mieux que lui permettait sa bedaine proéminente, vers un potentiel client aux bourses bien remplies. Alors que l’enfant s’apprêtait à reprendre son offensive, il fut soulagé de la voir happer par une main frêle et blanche et enfin disparaître dans la foule compacte.

Isaure mit quelques secondes avant de comprendre ce qu’il lui arrivait.


« Qui es-tu ? »

Qui était-elle ? Qui était-elle ?? Comment cela qui était-elle ? Ne venait-elle pas de le crier par-dessus les toits de Limoges ? La fillette respira un bon coup. La jeune fille qui se trouvait devant elle semblait distinguée, elle se devait de lui répondre avec le respect qui était dû à son rang. Et puis, peut-être que finalement, celle-ci lui viendrait en aide ! Peut-être connaissait-elle son cher Comte d’Ossau ! Ah qu’il lui tardait de retrouver son généreux Parrain ! « Et bien, ne savez-vous donc pas qui je suis ? »

Plus difficile à faire qu’à dire… Avec cette tension grandissante, elle avait bien du mal à se contenir. IL fallait qu’elle se reprenne !

« Je me présente donc à vous ! Isaure Beaumont-Wagner, Damoiselle de MOrvilliers ! »

L’enfant s’essaya, comme elle aimait souvent à le faire en présence de personnes importantes, à une petite révérence qui se voulait gracieuse. Et son regard s’attarda sur le visage gracile de la jeune fille. Ne la connaissait-elle donc pas ? Son visage… Ce visage…Il lui disait vaguement quelque chose ! Mais d’où la connaissait-elle ? Qui était-elle ? Peu importe ! Son imagination devait lui jouer des tours ; car si elle la connaissait, elle saurait son nom ! Or aucun nom ne lui revenait en mémoire.

« Ecoutez, maintenant que vous savez qui je suis, ne pouvez-vous donc pas le convaincre de me faire confiance ? Il faut vraiment que je rejoigne mon Parrain. Je n’ai plus un sous en poche, je ne peux même pas lui envoyer un billet pour qu’il me fasse chercher ! Je lui ai déjà donné bien des inquiétudes ! Regardez ! Tenez ! Lisez cette lettre ! Je sais bien que mon allure ne convainc pas, mais il faut me croire ! »

L’enfant lui tendit le parchemin un peu plus chiffonné que précédemment. L’espoir plein les yeux, elle attendait que la jeune fille lui réponde.
_________________
Clemence.de.lepine
Ainsi, Clémence avait bien entendu la façon dont la petite s'était présentée au maquignon. Ce nom... Wagner. Pourquoi ? Y avait-il une coïncidence ? Peut-être...

En observant de plus près le visage qui se tendait vers elle, noir de crasse, mais dont les yeux bleus semblaient la transpercer de part en part , Clémence eut la vague impression que celui-ci lui était familier. Cherchant au fond de ses souvenirs, la demoiselle ne parvenait toutefois pas à trouver où elle aurait bien pu rencontrer cette... enfant particulière. Et pourtant, cela faisait maintenant trop de coïncidences.

Elle parcourut rapidement le bout de parchemin dont le nom utilisé en signature ne lui était pas inconnu, lui non plus.

« Tu es... de Champagne ? »
questionna-t-elle, le souffle court. « Ce Valère d'Arezac, c'est bien cet homme qui fut autrefois Duc de Champagne ? Celui que l'on nommait Varden ? »

C'était au tour de Clémence, de darder ses yeux clairs dans ceux de la demoiselle. Elle voulait en savoir plus.

« Et bien, Damoiselle de Morvilliers, je suis bien tentée de vous croire », enchaîna-t-elle alors, passant volontairement du tutoiement au vouvoiement afin de faire comprendre à la petite l'importance de la conversation. « Cependant, il me semble qu'en tant que jeune fille issue de la noblesse, vous faites preuve de beaucoup d'irresponsabilité. Cette lettre vous accuse d'évasion, vous n'avez donc pas obéi à une directive émanant de personnes vous ayant sous leur tutelle. Une vraie damoiselle respecte ceux qui se chargent de son éducation. Or, vous êtes bien loin d'en avoir fini avec votre éducation. Quelle damoiselle irait se pavaner dans un tel accoutrement dans une ville d'une telle importance ? Quelle damoiselle irait déshonorer son nom en s'affichant de cette façon, en réclamant, en mendiant un cheval auprès d'un inconnu ? Et vous vous étonnez que l'on ne vous croie pas ? Moi, je comprends que l'on puisse vous prendre pour une menteuse, je comprendrais que l'on vous accuse d'imposture. »

Clémence reprit son souffle. Les mots lui venaient tous seuls. Son élan était sans doute nourri par un sentiment de plus en plus tenace : la sensation qu'Isaure avait quelque chose à voir avec elle, de loin ou de plus prêt. De toute évidence, et si les coïncidences qui tendaient à s'accordaient se révélaient fondées, la petite était Champenoise. Ce qui était assez pour que Clémence se préoccupe de son sort. Si les liens familiaux étaient ce qui primait à ses yeux, non loin derrière venait les liens qui l'unissaient à sa terre d'origine. En lieux inconnus, hostiles, apparemment, pour la jeune Isaure, il revenait à Clémence de s'intéresser à celle-ci et d'assurer, peut-être, sa protection.

Enfin vint la question qui tenaillait la demoiselle de Villorceau.


« Pourquoi vous faites-vous appeler Isaure Beaumont-Wagner ? »
Isaure.beaumont
Valère d’Arezac… Varden ! Duc de Champagne ! C'était bien lui !Ainsi elle ne s’était pas trompée ! Cette fille… Elle la connaissait très certainement ! Ou plutôt, cette fille la connaissait ! Ou du moins son Parrain ! C’était toujours cela de gagné ! La fillette acquiesça et la jeune fille continua.

Passant du « tu » au « vous », elle sut flatter l’ego de l’enfant ! Enfin on la croyait ! Enfin, on lui parlait comme à une adulte ! Le visage rayonnant de la jeune damoiselle ne tarda cependant pas à se rembrunir : la jeune fille que voilà lui faisait la leçon ! Pour qui se prenait-elle ? Elle sentait son sang bouillonner et frapper ses tempes. Elle sentait la tempête se lever ! Il fallait qu’elle se calme ! Mais trop c’en était trop ! Elle errait depuis des jours, se faisant allègrement tromper et se faisant dépouiller pas des coquins sans scrupule ! Et quand elle pensait voir enfin une main tendue, c’était pour s’entendre faire la morale ! Une fois le monologue de la moralisatrice terminée, elle prit la parole le plus calmement possible !


« Ecoutez, avec tout le respect que je vous dois, je n’ai à recevoir de vous aucun sermon. Je ne sais même pas qui vous êtes ! Et surtout, vous ne connaissez pas l’histoire ! Vous a-t-on déjà enfermée ? Savez-vous ce que cela fait d’être captive ? Non ! Alors je ne peux pas vous laisser me juger ! Je pensais arriver en Gascogne ! Et j’en suis bien loin ! On m’a trompée contre le reste de mes économies ! J’ai tout perdu ! Je n’ai pas pu changer d’habits depuis plus d’une semaine ! J’ai grand faim ! J’ai sommeil ! J’ai…peur la nuit ! Alors vos bonnes paroles, gardez-les pour vous, noble petit agneau immaculé ! »

Elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle.

« Quand à l’épisode de tout à l’heure, je ne mendiais pas ! Je demandais juste un délai de paiement ! Je ne suis pas une fripouille ! J’ai de quoi payer ! Enfin pas là, tout de suite ! Mais je lui en aurais payé le double ! Voire le triple ! C’est juste que je ne me sens plus capable de faire des jours de marche ! Regardez mes souliers ! Usés ! Regardez mon habit ! Râpé ! J’ai froid le soir venu ! Mes pieds souffrent dès que je reprends la route ! Il me tarde de retrouver mon Parrain ! Pouvez-vous seulement le comprendre ?
Quant à Isaure Beaumont-Wagner, je me fais appeler ainsi car c’est mon nom ! Comment voulez-vous que l’on m’appelle si ce n’est par mon nom ? Beaumont est le nom qu’il me reste de ma défunte mère ! Quand à Wagner, c’est le nom que portait mon père et que porte encore aujourd’hui mes demi-frères. Je ne suis peut-être pas de sang pur, mais mon père voulait que je porte son nom, c’est aussi pourquoi, il comptait faire de ma mère la Dame de Morvilliers ! J’espère que cette réponse vous convient, car c’est la seule que je puisse vous fournir ! Vu qu’il n’y a qu’une seule vérité !
Et vous ? Comment vous nomme-t-on ? Puis-je donc vous faire un sermon sur quelque sujet ?
»

La fillette posa son regard froid et perçant sur la jeune fille.
_________________
Clemence.de.lepine
Effarement et colère se disputaient la première place sur le visage de Clémence. Elle avait déjà connu ce genre de situation, où elle ne savait pas comment réagir aux conséquences qu'elle avait provoquées sans les rechercher. Elle ne s'attendait pas à ça. Isaure ne l'avait pas comprise, ou peut-être n'avait-elle pas voulu la comprendre. Le résultat était le même : la petite avait employé des mots et un ton qui étreignaient le cœur de Clémence dans un étau d'indignation. Ça aussi, elle l'avait déjà vécu. Une femme, qui lui avait manqué de respect et qui n'avait même pas vu en quoi son attitude pouvait choquer. Elle n'avait rien vu de mal. Mais ici, c'était un peu différent.

Isaure était censée être éduquée. Bon, éduquée ne signifie pas forcément intelligente, et l'inverse était tout aussi vrai. Mais de l'intelligence, elle en possédait certainement un peu, pour avoir réussi à parcourir autant de chemin toute seule. Intelligente, sans doute, mais irréfléchie, bien plus. C'est sans doute cette conclusion qui retint la main de Clémence, prête, déjà, à venir rougir la joue de l'enfant d'un léger soufflet. Isaure était jeune, de toute évidence elle avait elle aussi sa fierté. Se faire sermonner par une inconnue avait dû réveiller son amour propre. Il suffisait de se mettre à sa place pour comprendre les raisons de son emportement. Elle n'était ni méchante, ni idiote et peut-être même n'était-elle pas si mal éduquée que ça. Elle avait conscience de ce qu'il fallait faire ou au contraire de ce qu'il valait mieux éviter de faire, mais elle n'était tout simplement pas d'accord. Pas d'accord avec ce qu'on lui imposait. Sans doute avait-elle une notion très forte de ce qu'était la justice et l'injustice. A ses yeux.

Clémence ne haussa pas la voix. Il fallait se montrer plus adroite. Surtout si elle voulait en apprendre plus sur le sujet qui l'intéressait.

Je ne disais pas ça pour vous blesser. Vous savez, tout le monde vit des moments difficiles, que ce soit dans un couvent ou non. Le port d'un titre exige que l'on se comporte de façon correcte et que l'on obéisse à certaines règles. C'est parfois injuste, je vous l'accorde, mais c'est ainsi. Vos tuteurs savent mieux que vous comment gérer cela et ils essaient de vous faire entrer dans un monde que vous ne connaissez pas, de la manière qu'ils trouveront la plus adéquate. Et puis, il y a aussi le Très-Haut, ne l'oubliez pas. De temps en temps, il impose des épreuves, mais dans un seul et unique but : celui de tester notre résistance et notre foi. Et si l'on surpasse la douleur de l'épreuve, on se sent alors plus fort et mieux armé. Il ne faut pas toujours fuir face à la difficulté. Il faut savoir démontrer sa force et sa motivation. C'est ainsi que l'on grandit.

La demoiselle de Villorceau s'arrêta un instant. Son monologue ne lui semblait pas dénué de sens. En fait, elle trouvait même qu'elle savait de quoi elle parlait et cela la surprenait. Elle n'avait jusque là jamais vu les choses de cette façon, ou plutôt n'avait-elle jamais mis ces mots sur ses sentiments.

A votre discours, je ressens une grande fierté pour vous de porter votre titre de damoiselle de Morvilliers. Vous avez raison. Et plus que tout, je crois deviner la fierté que vous avez pour votre nom. C'est encore mieux. Il faut être fier de son sang et faire en sorte de lui faire honneur chaque jour. C'est de ça dont je vous parlais, et en aucune façon je ne voulais passer pour une moralisatrice à vos yeux. Ça ne va peut-être pas vous plaire, mais j'ai aussi l'impression que cette fierté peut facilement se transformer en arrogance, ce qui est complètement différent. Vous savez, damoiselle, vous ne pourrez pas toujours faire ce que vous voudrez, même si je souhaite que tout ce qui vous arrive soit le fruit de votre volonté. Il faudra apprendre à maîtriser vos sentiments et à ne pas faire fi de toutes les embûches que le Très-Haut mettra sur votre chemin ! Il faut souvent souffrir pour se trouver ensuite heureux de ne pas souffrir. Vous le savez sans doute : vous avez perdu une mère. C'est très regrettable, mais encore une fois, nous n'y pouvons rien. Notre but, je crois, est d'accéder au bonheur. Parfois, cela passe par des sacrifices ou par des soumissions. C'est mon opinion.

Après un soupir exprimant tout l'espoir qu'elle avait de se faire comprendre enfin, Clémence termina :

Donc, Isaure Beaumont-Wagner, Damoiselle de Morvilliers, je vous dirai mon nom et je vous aiderai à retrouver ce que vous cherchez si vous m'apprenez le nom de vos demi-frères. Et si vous arrêtez de me fixer ainsi : je ne suis pas votre ennemie.
Isaure.beaumont
L’enfant écouta sans broncher l’adolescente. Peut-être disait-elle vrai… Oui, il y avait des choses vraies dans ce qu’elle racontait. D’autres, comme cette histoire d’arrogance, l’étaient moins ! Selon elle… Quant à cette fable sur les obstacles, elle n’y croyait que trop peu ; ou plutôt, elle voyait les choses différemment. Le Très-Haut parsemait sa vie d’embûches et elle se devait, pour lui montrer sa force, de les surmonter. On l’avait placée contre son gré dans ce couvent, elle en était sortie par ses propres moyens ! Elle savait si bien se dépêtrer de ces situations indésirables. Elle aurait bien voulu expliquer, ou plutôt imposer, son point de vue à cette jeune fille, mais quelque chose lui disait de se taire et de faire mine de consentir à tout ce qu’elle disait. Un petit sourire ne serait peut-être pas superflu pour entériner une fois pour toute l’affaire.
La jeune inconnue se tut avant de reprendre la parole. Son identité intéressait, de façon plus que suspecte, la jeune fille. Pourquoi donc l’interrogeait-elle ainsi ? Il fut un temps, quelques jours plus tôt en fait, où elle aurait été flattée de tant d’intérêt. Mais pas en ce jour, ni à cet endroit. Ses frères ? Devait-elle répondre ou non ? Ce fut la curiosité qui eut raison d’elle. Tout de cette fille la troublait. Elle voulait en savoir plus. La faire parler, elle aussi !


« Bien, je vous dirai tout ce que vous voulez savoir de moi, ou presque… à la seule condition que vous en fassiez de même ! »

Et sans attendre réponse, la fillette continua.

« Mes frères ne sont autres que le Richard Wagner, le Duc de Brienne et de son besson, Gabriel Wagner ! Mon père était le Duc de Brienne avant Richard ! C’était le Grand Bleu de Champagne ! Vous avez déjà dû en entendre parler ! Il est mort avant ma naissance. Il a été assassiné je crois ! En fait je ne sais pas vraiment. On ne m’en a jamais réellement parlé ! Richard était souvent occupé à gérer son image ; quant à Gabriel s’était le domaine qu’il gérait ! Et moi j’étais à Morvilliers le plus clair de mon temps ou dans le Béarn chez mon Parrain. J’y ai vécu un an après la mort de ma Marraine! »

Soudain, le silence se fit. N’en avait-elle pas trop dit ? L’étrangère n’en demandait pas tant ! Elle désirait seulement les noms de ses frères et elle, elle lui racontait sa vie. Elle se surprenait elle-même ! Jamais elle n’en avait tant dit à une inconnue.
_________________
Clemence.de.lepine
Et bien, son intuition, ou plutôt ses conclusions, se révélaient exactes. Il y avait dans leurs veines un peu de sang commun qui coulait. Ça n'était pas beaucoup, mais cela suffisait à Clémence pour voir en Isaure un membre de sa famille.

Les demi-frères de la demoiselle de Morvilliers étaient en fait les cousins de Clémence. Cela lui semblait plutôt amusant, car il n'y avait qu'à les comparer toutes deux pour que n'importe qui se rende compte de leur complet antagonisme. L'une était blonde, l'autre était brune. L'une avait le teint clair et l'autre plus foncé. Il n'y avait que leurs yeux, pour les rapprocher. Mais même le bleu de leurs iris se distinguaient.

En ce qui concernait leur caractère... Peut-être pourrait-on leur trouver une ressemblance, peut-être qu'à son âge Clémence aurait pu avoir des réactions similaires si elle n'avait pas eu l'éducation qu'on lui avait offerte. Cette impulsivité clairement dévoilée chez Isaure était beaucoup plus refoulée chez Clémence. Les mots parfois violents mais surtout directs de la petite étaient bien plus nuancés chez son aînée. Il fallait lui reconnaître un manque de diplomatie, qualité que Clémence avait su apprendre à maîtriser. Tant bien que mal, il est vrai. En cherchant, il était donc peut-être possible de trouver quelques correspondances de caractère. Mais en cherchant. L'évidence, elle, n'existait pas.

La demoiselle de Villorceau avait devant elle la preuve de la réputation controversée de son oncle, celui que l'on appelait "le Bleu". Elle avait déjà surpris des racontars, concernant ses frasques à travers la Champagne et parfois ailleurs. Cette jeune fille, Isaure Beaumont-Wagner, venait confirmer ces dires. Une petite bâtarde... songea Clémence. Cela n'enlevait pas le sang...


Je m'appelle Clémence de l'Epine. Je viens de Champagne, comme vous damoiselle. Je connais fort bien vos demi-frères.

Un temps, pour sonder les pupilles de l'enfant, pour s'assurer qu'elle écoutait bien ce qu'elle s'apprêtait à lui révéler.

Richard et Gabriel sont mes cousins. D'après ce que vous m'avez raconté, je peux retracer l'histoire qui nous unit un peu.


Ses sourcils froncés et la bouche pincée par l'effort de réflexion, Clémence continua.

Kurt Wagner avait une mère, Blanche de Castille. Il se trouve que ma propre mère avait la même. Cependant, ils sont nés de deux pères différents. Le père de ma mère a pour nom Raffaello de la Francesca, qu'on appelait aussi Caedes. Je suis désolée, je ne connais pas celui de votre grand père. Mais peut-être ne vous est-il pas inconnu.

Clémence s'autorisa un léger sourire de circonstance.

Ce qui signifie que votre père est en fait mon oncle. Nous avons en commun le sang qui coulait dans les veines de Blanche de Castille. Certes, ce n'est pas énorme mais...
La demoiselle s'interrompit brièvement. Mais ça n'est pas rien non plus. Vous êtes la fille de mon oncle, qui était le demi-frère de ma mère. Nous sommes donc plus ou moins cousines. C'est plutôt étonnant, n'est-ce pas ?
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)