--L_oiseleur
[Le 25 d'octobre de l'an de grâce 1457]
Loiseleur avait daigné descendre en ville, ce dimanche. Plus quà contrecoeur, il fallait le reconnaître Mais lhiver approchait, et il lui fallait acheter certaines denrées. Du sel car il nen avait presque plus, des lainages, quelques mètres de ficelle pour les filets, un couteau de chasse, des rations de nourriture séchée en cas de disette Toutes ces petites choses qui amélioraient la vie durant la période difficile. En hiver, il fallait se serrer la ceinture. Les oiseaux y étaient plus que rares.
Mais avant tout, il lui fallait des sous. Sans quoi on lui refuserait tout et on le laisserait mourir de faim sans vergogne cet hiver. Les hommes, et à plus forte raison les citadins, avaient lesprit étriqué, tout entier tourné vers ces petits disques de métal jaunâtre. Lhomme ne valait rien. Loiseleur avait bien plus destime pour les oiseaux, pourtant écervelés, que pour ses semblables.
Des oiseaux, pour lheure, il en avait. Tête en bas pour les plus gros, pattes suspendues à sa ceinture, dans les mains pour les plus petits, lovés dans de petites cages dosier.
Achetez, achetez mes oiseaux ! Lançait loiseleur à la cantonade, arpentant les allées puantes et grouillantes du marché. Bientôt lhiver et leurs chants vous manqueront ! Achetez ! Grive, alouette, bouvreuil, loriot, roitelet, rossignol ! Apportez vie à la maisonnée ! Colvert, bécasse, caille, faisan ! De la volaille à la tablée ! Achetez mes oiseaux !
Brader ses trésors à cette stupide populace ne lui seyait guère, mais lhomme aux oiseaux navait guère le choix. Soupirant, essayant de ne pas se faire bousculer par la masse crasseuse du petit peuple, il continua sa ronde.
Achetez, achetez
Il jurait mentalement et souhaitait tout le malheur du monde à ses clients.