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Je ne me souviens que très peu de mon enfance.
Jusqu'en l'an de grâce 1450, où je n'étais âgée que de sept ans, j'avais toujours pensé que j'étais née dans ce couvent près d'Arles, que j'y grandirais encore davantage et que j'embrasserais la Foy dès qu'il me serait donné l'opportunité de le faire.
Toutefois, la peste, qui toucha le Comté de Provence, me fit connaître la vérité.
Un jour, alors que le couvent avait été fortement touché par l'épidémie et que je tâchais de m'occuper du mieux que je le pouvais de mes futurs sœurs, la mère supérieure me compta une histoire.
Elle m'informa que j'étais née durant un hiver rude de l'an de grâce 1443. Elle m'avait trouvé au beau milieu d'un champs gelé, recouverte d'une épaisse étoffe rouge, le nez rougie par le froid, les lèvres bleutées. J'étais alors un nourrisson frigorifié, avec pour seul signe distinctif, une marque étrange au bas du dos.
J'avais été abandonnée et recueillie par elle, par la volonté du Très-Haut.
Toutefois, ce fut alors que j'avais 15 ans, lorsque la mère supérieure mourut de vieillesse que mon cœur se disloqua.
J'avais perdu celle qui m'avait trouvé, l'âme extraordinaire qui avait guidé ma vie par toute sa douceur et avec tout son amour.
Anéantie par la cruauté divine - alors même qu'il ne pouvait en être autrement - je perdis ma foy en le Très-Haut très rapidement et décidais de m'enfuir et parcourir le monde pour découvrir mon passé, avec pour seul indice cette étoffe rouge sang.
Je vis ainsi tout ce que l'on pouvait voir en l'espace de six mois et demi.
Et je resta avec des vagabonds pendant quelques temps, qui m'aidèrent à comprendre les dures choses de la vie.
Je finis cependant par continuer ma route seule, parcourant le Royaume de France des années durant à la recherche de réponses à mes questions, d'un moyen de chasser mes doutes envers le Très-Haut et recouvrer la paix de mon âme et de mon cœur.
Et c'est ainsi qu'en mai de l'an de grâce 1463 je pris la décision de poser mes maigres bagages dans cette ville du nom de Foix.
Je n'ai jamais trouvé de réponses à mes questions, ni ne suis retournée dans ce couvent où j'ai tant de souvenirs. Les soucis de la vie m'ont vieilli prématurément, ont forgé ce que je suis devenue et j'espère pouvoir, ici, me construire un semblant de vie agréable.