[En route pour la joie, en route vers le trépas !]
Mais avec le noir désir de voir son sir...
Etrange missive reçue un petit matin alors que Nessty se réveillait difficilement, après avoir festoyé toute la nuit à la mairie de Poitiers. La mairie de la capitale était à elle et à cette poignée d'ivrognes qui l'avait accompagnée, au grand damne d'un comte n'ayant pas prévu cet évènement qui allait grandement entacher son prestige. La belle lut et relut cette écriture dansante qui lui inspirait tant de choses et, quand elle ne relisait pas ces lignes pour s'y ressourcer en sourires et soupires, elle serrait au plus près de son coeur ce parchemin : plié avec grand soin, il logeait dans son corsage avec quelques noisettes comme toute chose précieuse dont elle ne voulait se défaire. Non, elle ne l'avait pas oublié, loin de là... loin de là...
Citation:Expéditeur : Hijikata
Date d'envoi : 2009-09-25 07:11:10
Le plus beau chignon du royaume alias Nessty,
J'irai droit au but! C'est quoi ce bordel? Hop moi j'passe vous voir, vous faites un bout de route avec moi et ensuite... aucune nouvelle?
Vous m'oubliez si vite? Vous allez finir par m'entendre grogner jusqu'à votre comté tant aimé... Puis en plus vous avez une somme de chose à me dire ne l'oubliez pas! Moi j'oublie jamais... héhé... ça d'etre un vieux con... la mémoire ne fait jamais defaut! Ha ben sont sympa les poitevines... entre vous et votre tendre copine qui devait donner des nouvelles... j'dois t'avouer que j'suis deçu... 'fin bref...
Maintenant que je me suis passé les nerfs j'peux vous demander si tout va bien pour vous. votre decoletté plait toujours autant? Vous l'avez relacé ou pas depuis la derniere fois? J'vais quand meme vous dire un truc meme vous le meritez... si j'pouvais j'passerai bien un moment a me rincer le gosier avec de la tisane en votre compagnie. Votre compagnie étant secondaire comme vous pouvez fort bien l'imaginer hein...
Moi... ben entre bibliotheque et donner quelques cours a des etudiantes rien qui bouge trop... ha si... ma fille, j'me souviens plus si je vous en avais parlé ou pas, donc ma fille que j'avais laissé dans un couvent, ben... l'est de retour... comme si j'allais pouvoir m'occuper d'elle... me voila fort bien mouarf...
En attendant d'avoir de vos nouvelles ou meme vous voir debarquer pour redevenir l'enchignonée de chinon.... je vous embrasse... ou vous le voulez j'vous laisse choisir...
Celui que vous avez oublié...
Hijikata
publié avec l'autorisation de l'auteur
Lui répondre ? Mais quoi ? Entrer dans son jeu ? Non, surement pas ! Ce serait lui faire trop plaisir et accorder trop de crédit à l'attachement qu'elle pouvait avoir pour lui. Lui mentir ? Non, là n'était pas la volonté de la Vilaine, que trop engoncée dans sa fierté et son honnêteté. Lui répondre ? Mais comment ? En le taquinant comme il le méritait et le faisait là avec elle ? Non, elle n'en avait pas envie ! Ce serait avouer qu'elle même avait été piqué à vif par cette missive et qu'elle perpétuait la chamaillerie qui les émoustillait quand ils se retrouvaient. Toujours autant déchirée entre ses sentiments et son incapacité à les exprimer, la gueuse ne fit rien.
Nessty prit son temps pour répondre.
Citation:Mon cher et tendre Vénérable Vieux con,
Tous ces beaux jeux inventés
Pour passer devant les premiers,
Pour que chacun soit écrasé
S'il refuse encore de plier
Les dégâts, les excès,
Ils vont vous les faire payer
Les cendres qui resteront,
C'est pas eux qui les ramasseront
Mais les esclaves et les cons
Qui n'auront pas su dire non
Nous on n' veut pas être des gagnants
Mais on n'acceptera jamais d'être des perdants (*)
...
(*) Noir Désir - Gagnant-Perdant
Elle ne répondit pas tout de suite, des heures et des jours entiers à se mentir, ne sachant que penser, constuisant peu à peu une missive fictive, espérant surtout trouver un moment propice pour donner la forme souhaitée et comme elle se l'entendait réellement exposer à ce Vénérable Vieux Con. Peut être quelques instants avant de monter sur l'échafaud en direction de cette corde comme le Chian avait lui promis en grnade pamoison, enfin le jour où il arriverait à mettre la main sur elle et non pas de la façon dont il l'avait fait dans une taverne de Thouars. La Vilaine avait affirmé lors de l'assaut de la capitale du Poitou et les jours qui suivirent qu'elle assumerait devant Aristote et le Sans Nom ses agissements et elle l'aurait fait si... si la fourberie humaine ne s'était pas transformée en incantations magiques venant s'abattre pernicieusement sur cette gueuse en plein élan. Il était déjà connu dans tout le royaume que le comte Chuichian avait de grands pouvoirs de sorcellerie au point d'être devin et qu'il ne manquait pas de s'entourer d'histoires sordides et fallacieuses peuplées magiciens, trolls et dragons pour construire la légende de sa propre personne. Malheureusement, se sentant probablement bafoué dans son prestige par cette Vilaine que trop malicieuse et plus que
volontaire, il ne fut pas surprenant de voir le manant couronné se comporter comme un véritable roc perfide et plus que lâche. Il s'en prit à la Vilaine et à ses paires, sans jamais oser les affronter directement mais en intriguant dans des sphères que la décence interdit de citer sous peine d'en susciter les foudres machiavéliques et que seul Juvénal su décrire avec justesse dans ses satires (II-63).
Citation:...
Ô la peur, ô le vide,
Ô la victoire des avides
Faut pas bouger une oreille
Toutes sortes de chiens nous surveillent
Pas un geste, une esquisse
Sinon on tourne la vis
Nous, on n'a rien à gagner
Mais on ne peut plus perdre puisque c'est déjà fait(*)
...
(*) Noir Désir - Gagnant-Perdant
Devant les portes de l'enfer, la chienne au mordant d'acier continuerait à broyer sarcastiquement ses akènes tant appréciées contre cerbères et commères car aux liesses de l'hadès elle était vouée. Qu'on en veuille ou non, il y aurait toujours en plein milieu du néant un Géant, un Malin ou un Sans Nom qui de la diablesse condamnée saurait en faire une déesse confirmée.
Ainsi l'on entendit dans tout le marais poitevin que les breuvages servis dans les tavernes pictaves étaient tous empoisonnés. Ainsi apprit-on un matin que le comte avait fait assassiner sa propre fille de 5 ans ainsi que sa compagne et celui qui fut l'un de ses amis. Ainsi les poitevins, nobles ou non, eurent-ils la surprise de découvrir un jour qu'ils avaient un Archontat, une espèce de sommité comtale supérieure à toutes décisions collégiales et dont la toute puissance était sans conteste même face à la voix électorale du peuple. Ainsi fit on silence sur la disparition plus que mystérieuse en ce dernier jour de septembre 1457 de cette gueuse impétueuse qui avait tout fait pour entraver le chemin de trop de fous de pouvoir.
Oui, Nessty disparut de toute vie publique poitevine, fort subitement, laissant mourir dans une forge pictave après les avoir sauvés un valeureux guerrier, une chieuse détestée et une gamine adulée.
Citation:...
Toi qui viens de loin d'ici
Avec ta peau et tes os
On t'a parlé du paradis
On t'a menti, tout est faux
...
Oh, t'auras rien, c'est ainsi
C'est pas fait pour les perdants, le paradis(*)
...
(*) Noir Désir - Gagnant-Perdant
Mise aux arrêts ? Non, cela aurait été lui donner une dernière fois la possibilité de s'exprimer devant une justice en qui elle avait plus que foi pour l'avoir servie tant de fois. Et puis vouloir tenter d'intercepter une telle impétueuse sans croiser armes et vacarme n'était qu'utopie. Empoisonnée ? Non, car l'on aurait trouvé plusieurs corps dans le caniveau pictave, bave aux lèvres après avoir régurgité toutes les chopines frelatées jetées dans des gosiers insatiables. Puis la moitié de la population locale n'aurait pas survécue non plus. Assassinée sur une route ? Non, bien que le comte ait mis toutes les armées en alerte pour que la gueuse soit hachée menu dès qu'elle fuirait comme n'importe quelle maraude, une fois les poches pleines. Nessty avait pourtant clamé qu'elle ne quitterait point Poitiers tant qu'elle n'aurait pas les clés du château en main et qu'elle ne s'était pas emparé de la capitale pour faire fortune, surtout une capitale que l'on savait fort mal gérée depuis des mois. Complice dont le silence est acheté à prix d'or ? Non ! Ce n'était point connaitre la gueuse qui refusait intrigues et manigances allant contre le bien des poitevins. Elle n'était pas de ceux qui se pliaient devant quelqu'un, ami ou puissant fut il, comme l'avaient fait un certain Conte_de_Balmora ou encore cet oiseau de mauvais augure qu'était Falco, sans oublier cette Fourmi insignifiante qu'elle avait tenue à ses côtés pour diriger les Vilains. Tous s'étaient parait il détournés de leur objectif initial pour se mettre d'une façon ou d'une autre au service de ce comte Chian. Connivence ou sorcellerie, allez savoir car la gueuse, elle, n'avait pas le droit de savoir, de peur de la voir déballer au grand jour la vérité sur les agissements de Chuichian, l'Auguste clown d'un Poitou en plein déchéance.
Une Vilaine vouée au silence, chose inconcevable mais véridique.
Citation:...
On a tous tendance à voir dans la force un coupable et dans la faiblesse une innocente victime."(**)
...
(**) Milan Kundera dans "L'insoutenable légèreté de l'être"
Assaillie lâchement, au coin d'une rue, alors qu'elle s'apprêtait à monter en selle, attaque de dos bien sur, encore et toujours, plusieurs bouffons sur une brindille, une main glaciale sur une bouche, des regards froids, un poignard qui étincelle dans la pénombre, le silence et encore le silence, un coup dans les entrailles, un autre dans les côtes, et un dernier pour sceller le contrat mortel, un simple gémissement de douleur, le choc d'un corps au sol, le néant pendant que les pas s'éloignent. Pourquoi ne pas lui avoir tranché la gorge afin que la sanction soit radicale ? Volonté d'infliger le sadisme d'une sentence aussi vindicative que lâche ? Incompréhension d'une tornade collective soudoyant jusqu'à l'hérétique ? Le gouffre de l'infamie était aussi béant que grande était la rage de ces assasins gagnant à faire perdre la vie insignifiante d'une insoumise.
La Vilaine s'était effondrée en silence, poignardée sans droit de réponse.
Citation:...
Vous et moi, on le sait,
Le spectacle est terminé
Pourtant, c'était presque idéal
C'était loin du féodal
Oh ! Maintenant, c'est foutu
Ça fait joli dans ton...
Fort intérieur. C'est gênant
De rejoindre comme ça la cohorte des perdants(*)
...
(*) Noir Désir - Gagnant-Perdant
Avaient ils escompté avec la détermination de cette gueuse ? A croire que non. Le Stote et le Malin ne voulaient pas encore de cette âme torturée et laissèrent Nessty se vider de son sang sur le pavé de Poitiers mais pas suffisamment pour lui offrir le repos qu'elle cherchait depuis un certain temps. Le premier frima de la saison la sortit de son évanouissement. Elle rampa et réussi à se redresser, tenant d'une main ses flans et de l'autre enfonçant ses griffes dans la pierre d'un mur pour se tenir sur ses jambes. Un cheval, elle voulait un cheval ! Consciente de son état sans avoir à regarder ses blessures, elle ne voulait plus qu'une chose : revoir ce Vénérable Vieux Con, le seul à être en mesure de sauver son âme et peut être ce corps qui l'abandonnait peu à peu. Un cheval... Rien qu'un cheval et au diable tous ces chacals. Elle trouva son vieux canasson là où elle l'avait laissé, à quelques pas c'est à dire à l'autre bout du monde pour elle maintenant. Se hisser sur lui fut un miracle tant ses tempes battaient déjà la débacle. La Vilaine se colla de tout son long contre l'encolure de son destrier en le suppliant de la mener en Touraine, auprès de Lui. Increvable la crevarde qui n'avait déjà plus ni tête ni d'épithète.
Citation:...
Faut pas se faire d'illusions
Mais c'est mieux debout, pour l'action
Et pour nos âmes, c'est égal,
Dieu n'est pas dans la bataille
Ô Messieurs les décideurs
De toutes parts, de tous côtés
Sachez que profond dans nos curs
...
On pourra toujours refuser
De devenir les premiers ou les derniers(*)
...
(*) Noir Désir - Gagnant-Perdant
Aucun coup de talon, aucun coup de genoux, aucun semonce de départ, aucune caresse d'encouragement. De simples larmes de douleur à chaque coup de sabot sur le sol et un coeur sonnant le ralenti avant de sombrer dans les ténèbres de l'inconscience. Un corps balloté par un cheval, une fièvre rongeant un corps plus qu'affaiblit, un chignon défait dont les mèches se mélangeaient à la crinière de l'animal, des heures de progression vers l'est, une ombre silencieuse et solitaire dans la nuit comme dans le jour cherchant un ultime abri.
Dis-toi qu'il n'est pas loin... Dis-toi qu'il n'est pas loin... Dis-toi qu'il n'est pas loin... répétait elle sans fin.
Avec douleurs et fièvres pour seuls compagnons, Nessty se retrouva devant la porte de la résidence du seigneur de Lemere. Tombant plus que descendant de son canasson, elle se traina jusqu'à la porte, close. Poings serrés en ultime combat contre le bois de l'huis, elle tambourina en appelant le propriétaire des lieux. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. Ses mains étaient en effet recroquevillées sur la porte, ce n'était pas par poings qu'elle s'y attaquait mais, encore une fois, de ses griffes qui s'enfonçaient pour s'y maintenir jusqu'à laisser ses mains en sang. Elle glissait le long du dernier obstacle qui la séparait de Lui, silencieuse et pourtant persuadée de l'appeler au secours. Elle avait quasiment atteint son but et se laissait doucement aller, à bout de forces mais heureuse d'être arrivée jusqu'ici. Elle avait réussi à tenir jusque là. Rien que le fait de le savoir de l'autre côté de ce pan la soulageait. Il était plus prêt qu'il ne l'avait jamais été ces dernières semaines. Et elle l'appelait d'une voix muette, en plein délire de son esprit qui continuait coute que coute son combat alors que son corps passait à trépas, épuisé, vidé, blessé... Elle glissait le long du bois jusqu'à se retrouver à assise à même le sol, la joue en appui contre la porte comme si elle cherchait à écouter les bruits de pas qui venaient vers elle. Sourire de soulagement, sourire de libération et surtout le simple sourire du bonheur d'être si près de lui. Un souffle douloureux, une gorge qui se noue, une tête qui se jette en arrière, des paupières qui se ferment sous la douleur mais qui ne peuvent plus retenir ces larmes de joie, un cri au bord des lèvres et un sourire qui se fige pour l'Eternel... Vénérable Vieux Con qui détenait tous ses mots secrets.
Hiji...
Citation:...
Pas de leaders triomphants
On s'ra jamais des gagnants ni des perdants.(*)
(*) Noir Désir - Gagnant-Perdant
La vie et la mort de la Vilaine n'appartiendraient jamais à ces crétins qu'elle débectait plus que tout. Elle les offrait au seul qui avait peut être cru un jour en elle et le seul devant qui elle n'aura jamais eu le courage de déballer sa vérité, sans jamais l'oublier... Contre elle, elle tenait serrés au plus près de son coeur, dans une main ensanglantée, cet étrange pli reçu et sa réponse inachevée tout aussi soigneusement pliée sur laquelle on pouvait à peine lire, sang et encre mêlés :
A Hijikata
"A la joie
A la beauté des rêves
A la mélancolie
A l'espoir qui nous tient
A la santé du feu
Et de la flamme"(*)
(*) Noir Désir - A ton étoile_________________
"Gueuse in life" pour des raisons non ludiques...