Lucky
Tout au long de la majestueuse allée qui traversait le parc pour se rendre au Manoir, les yeux verts de Lucky n'avaient cessé d'être émerveillé par tout ce qu'elle voyait.
Elle qui aimait le luxe, le calme et la douceur d'une maison richement décorée, avec floppée de larbins à diriger, elle se sentait déjà à son aise, comme un poisson dans l'eau !
Aux marches de la résidence, elle avait sauté au bas de Caprice, réajusté sa tenue et discipliné quelques mèches rebelles détachées du savant chignon. Se mordant les lèvres afin de les rendre plus rouges et sensuelles que jamais, elle avait grimpé les marches.
Se retournant sur Staron et Eloa, à qui elle lança un regard mêlant complicité et amour fou, elle toisa une nouvelle fois l'étendue du domaine.
Un demi tour plus tard, se raidissant dans une position qu'elle estimait noble : port de tête impeccable, cambrure parfaite et étudiée, parfum suave embaûmant son sillon, elle se saisit du heurtoir et le fit rebondir plusieurs fois sur la lourde porte en chêne massif.
Voix calme, sereine mais déterminée :
Lucky, Duchesse d'Ynis Pryden, je souhaiterai que l'on m'annonce à Pyrotess, Dame de Genté.
Ses émeraudes, alors qu'elle attendait réponse, vinrent étudier le heurtoir : la main d'homme, recroquevillée sur elle même, comme celle de son Staron, quand il épousait ses formes généreuses. Un sourire espiègle, voir grivois s'installa sur son visage, dévoilant le nacre de ses dents.
Adélaïde
Une vielle toque de dentelle sur la tête, Adélaïde mâchouillait ses deux trois chicots branlants dans sa bouche quand elle entendit qu'on frappait à l'huis de la grosse porte interminable et épaisse du Castel. Cette grosse porte en bois, pensait-elle, l'aurait pas pu la faire changer la Genté ! Ondulant à gros pas lourd, car elle avait un embonpoint considérable elle plissa ses yeux sans cils et de fouine et ouvrit lentement la porte qui grinça ou du moins qu'elle prit plaisir à faire grincer. Dans le contre-jour qui contrastait entre les beautés des jardins et la pénombre de l'entrée, la vieille et méchante femme apparaissait tel un mauvais génie aux yeux des visiteurs. Sa robe était noire, son visage émacié et gris et le trait qui formait sa bouche édentée tentait sans y parvenir de faire un rictus aimable car elle avait tout de même entendu :
Lucky, Duchesse d'Ynis Pryden, je souhaiterai que l'on m'annonce à Pyrotess, Dame de Genté.
Elle posa une main sur sa hanche démesurée et toisa la femme, qui était bien trop belle, et elle soupira :
Votre grâce, vous n'étiez point attendue, et d'abord d'où venez vous, que voulez vous, une duchesse sans équipage on aura tout vu !
Elle formait comme un obstacle à Genté et se gonflait telle une vieille harpie à mesure que son ton fort peu bienveillant, sortait de sa bouche mielleuse. Elle vit un homme légérement en retrait ainsi qu'une enfant fort jeune.
Sont ce là vos uniques domestiques ? lui dit-elle en la raillant. Ma pauvre dame vous voilà bien lotie !
Lucky
Quand la porte s'ouvrit sur les formes difformes de la vieille femme, Lucky recula d'un pas.
Et le sourire de nacre qu'elle avait méticuleusement mis en place s'estompa très vite.
Déjà la gouvernante se mit à jacter.
Votre grâce, vous n'étiez point attendue, et d'abord d'où venez vous, que voulez vous, une duchesse sans équipage on aura tout vu !
La brune Duchesse refit un pas en avant et fixa les yeux perçants, lui faisant face.
Sachez ma brave, que je suis bel et bien attendue par mon amie, Dame Pyrotess, qui nous a invités, mon compagnon et ma fille à séjourner dans sa demeure quelques temps.
Elle marqua un temps, qu'elle mit à profit pour toiser la vieille femme, de la tête au pied, se demandant comment Tess, sa Tess, pouvait laisser à cette harpie le loisir d'aborder les visiteurs avec cette gouaille populaire.
Elle poursuivit donc.
D'autre part, je n'ai aucune confession à faire au domestique sur ma provenance, le but de ma visite ou autre ...
Restez donc à votre place ma fille, je vous prie.
Elle se retourna posément, souriant à Staron et Eloa, les invitant à la rejoindre sur le perron, ignorant dans une superbe magistrale, la nouvelle attaque de la bonniche sur ses potentiels domestiques.
Ayant décidé de ne plus la regarder, elle balança, désirant mettre un terme à cette conversation qui n'avait que trop durer :
Nous sommes fourbus par notre voyage. J'exige de voir Dame Pyrotess immédiatement ...
Se lovant contre le corps de l'homme, et prenant la main de la fillette :
Hâtez-vous, je vous prie !
Adélaïde
Seule l'expression de la nervosité d'une de ses paupières qui se mit à osciller dangereusement pouvait montrer à quel point la vielle revêche accusait mal le ton employé par la duchesse. ELLE, Adélaïde, qui avait élevé comme un prince le Comte de Cognac, elle qui avait tout sacrifié jusqu'à se retrouver ici à faire les basses besognes, elle, qui avait dominé un temps tout le comté d'une poigne de fer... Tandis que déjà sa bouche tordue sans lèvres s'apprêtait à vociférer de cruelles paroles à l'encontre de la dame elle parvint à se maîtriser et à agir tout autrement. Oh non, pas question de s'énerver, pas question de perdre sa place, il fallait qu'elle se venge et pour cela se radoucisse, aussi vieille était-elle que sa rancune tenace.
Mais cela n'aurait point été Adélaïde si par quelques manières elle ne se montra pas encore plus acide que dans son habitude. Sans répondre, lentement, très lentement, faisant toujours obstacle à l'entrée de Genté, elle tendit une main vers un large panier d'osier rempli de belles poires fraîchement cueillies. Il faisait chaud, très chaud, et elle s'enquit donc de regarder cette famille sur le perron brûlant tandis qu'elle, elle était à l'ombre, mit un temps interminable à essuyer la poire et de finalement croquer dedans, si tant est qu'elle puisse le faire correctement, faisant ressortir un jus qui dégoulina sur son menton prognathe.
Hum, vous m'avez parlé ma bonne dame ? C'est que voyez vous, je n'entend que fort mal, je suis une veille femme vous savez ? Pour vos gens, quelle que soient les relations que vous entretenez avec votre palefrenier, l'entrée du personnel c'est vert l'étable là bas ...
Elle fit mine de tendre l'oreille, devant l'assemblée perplexe qui se trouvait devant elle.
Lucky
Hum, vous m'avez parlé ma bonne dame ? C'est que voyez vous, je n'entend que fort mal, je suis une veille femme vous savez ? Pour vos gens, quelle que soient les relations que vous entretenez avec votre palefrenier, l'entrée du personnel c'est vert l'étable là bas ...
A ces mots et sans doute aussi un peu à cause du soleil de plomb qui couvait l'entrée du Manoir, la sueur perla sur le front de la brune. Sa main droite se mit à trembler dangereusement, laissant présager le sort qu'elle réservait habituellement aux gens lui tenant tête.
Cependant, elle garda la maitrise de son être et, en se détachant du corps masculin et lâchant la main de la fillette dubitative, elle fit à nouveau face à la matrone, tout occupée à mordre de ses dents branlantes une poire juteuse.
Un haut le coeur la saisit quand elle vit le jus du fruit, dégouliner sur le menton pour venir se perdre dans les affres de la mâchoire caricaturale de la vieille femme.
Elle se reprit bien vite et vint faire front, droite comme un "i", face à la masse graisseuse lui obstruant le passage.
Les émeraudes scrutaient ce visage adipeux, à la recherche d'une faille, qu'elle ne trouva hélas pas.
Provocante et la toisant intensément, elle laissa sa main gantée rejoindre l'anse du panier, la poussa délicatement jusqu'à ce que l'osier vienne toucher le sol dans un bruit sourd. Les poires s'écrasèrent, maculant le sol jusqu'alors impeccable.
La voix, dont la sonorité suave avait été boutée hors de sa bouche par un ton glacial et tranchant, se fit entendre :
Oh ... Quelle maladroite je fais ! Et dire que vos vieux os vont encore devoir se tordre pour récurer le sol ... Je suis confuse, véritablement ...
Sourire narquois.
Staron Chéri, peux tu aller détacher Caprice afin qu'il gambade à son aise dans les massifs ... Le temps passe, je m'impatiente tout comme lui ...
Et dire, fusillant la harpie du regard, que tout cela va vous retomber dessus dès que je vais voir Tess !
Haussant le ton brutalement.
Pour la dernière fois : J'EXIGE que vous nous annonciez auprès de votre maîtresse !
Adélaïde
La bouche tordue pleine de jus de poire, et l'air de plus en belliqueux Adélaïde l'octogénaire qui en avait pourtant vu d'autre commençait à voire rouge. Quand bien même au fond d'elle, elle commençait à admirer le courage de cette femme qui lui tenait tête elle ne supporterait pas plus longtemps ses affronts. Pour commencer, elle fit une grimace épouvantable à la petite fille qui se cachait derrière ce qui semblait être finalement sa mère, et déjà qu'elle était affreuse, cela tournait au cauchemar !
Mes poires !! Mes bonnes poires !! MALADROITE QUE VOUS ETES !!! Et cela devait être une tarte pour la bonne Genté !!
Elle eut un rire sarcastique.
Je vous conseil de nettoyer et vite ! Si vous vous imaginez que je vais le faire ne rêvez pas ! Je ne suis pas une domestique MOI, je suis la gouvernante, et on m'obéit ! Tenez un seau, un balais et là bas le puits ! Je doute que ma maîtresse soit heureuse de votre maladresse...
Et elle jeta le balais devant la femme, assez violemment et avec une hardiesse incroyable.
Oh mes bonnes poires ...!!!
Pour la dernière fois : J'EXIGE que vous nous annonciez auprès de votre maîtresse !
Vous exigez ???!! Non mais je rêve, suppliez moi et on verra bien si je vais aller chercher ma maîtresse, allez !! Et au nettoyage plus vite que ça !! Tenez votre petite là, elle doit plus habile que vous pour ces besognes que vous n'avez jamais du faire de votre vie !! Vais vous mater moi vous allez voir !
Elle s'était rapprochée de toute sa masse corporelle, ventre, menton baveux et cornette en avant, mains sur les hanches de la duchesse, profitant de ce moment pour écraser quelques fruits de ses pieds lourds. Elle devenait menaçante la vieille.
Eloa
La petite, qui tenait alors la main de Lucky commença a perdre patiente en voyant l'imposante gouvernante qui ne voulait pas les laisser passer.
Elle regarde le visage de Lucky et remarqua qu'elle commença elle aussi à être agacer. Cette dernière finit même par lui lâcher la main.
Eloa regarda la femme mangeais sa poire avec dégout, elle fit une moue en se disant que ça ne lui ferais pas de mal de s'arrêter de manger à celle la...
La gamine commençait a avoir chaud, son front était sur le point de dégouliner et elle s'énervait de plus en plus.
Elle se pencha vers Staron elle lui dit a voix basse :
- Ché encore une groch dinde auchi celle la...surtout groch...
Elle la regarda, sans baisser les yeux, entendant dire de sa bouche qu'elle devrait faire le ménage à sa place :
-Tenez votre petite là, elle doit plus habile que vous pour ces besognes que vous n'avez jamais du faire de votre vie !! Vais vous mater moi vous allez voir !
La gamine pris aussitôt la parole, toujours en la regardant :
- Nah mais tu rêve la vieille !
Vraiment agacée, la petite perda patience et couru afin de se faufiler dans le manoir. Elle rentra rapidement et s'éloigna afin que la fameuse gouvernante ne puisse la rattraper.
S'arretant au milieu de la pièce la gamine se mit à hurler :
- Tech t'es ou ??? la groch devant la porte veut pas nous laicher rencrer !!!!!
Lucky
Oh que oui, elle savait qu'en mettant le panier d'osier à terre, elle risquait d'énerver la libidineuse, mais elle adorait les défis et finalement, mater cette vulgaire domestique n'en était qu'un de plus.
Elle ne broncha donc pas quand la masse s'avança sur elle, le visage déformé dans une grimace épouvantable.
Et voilà que la gouvernante se met à lui donner des ordres, à elle, Lucky d'Ynis Pryden, Duchesse imbuvable ...
Improbable utopie !
La vieille vociféra :
Vous exigez ???!! Non mais je rêve, suppliez moi et on verra bien si je vais aller chercher ma maîtresse, allez !! Et au nettoyage plus vite que ça !! Tenez votre petite là, elle doit plus habile que vous pour ces besognes que vous n'avez jamais du faire de votre vie !! Vais vous mater moi vous allez voir !
La brune, qui n'avait pas bougé d'un pouce depuis un moment, fit même un pas en avant pour venir coller son corps frêle à la masse gélatineuse qui vibrait sous les vêtements de bonniche.
Elle l'agressa cette fois, beaucoup plus directement.
Et en plus de ça, vous vous permettez de me dicter des ordres ! Pire encore, oser porter un jugement sur ce que j'ai fait ou pas dans mon passé ! Me mater ... encore mieux, personne ne me mate, si ce n'est mon compagnon lors de jeu particulier, que je n'évoquerai pas en détail, par respect de votre ancienne vie, sans doute monacale de femme sans homme.
Sachez que cette fois vous avez vraiment dépassé les limites très minces de ma patien ....
Elle coupa net.
Un sourire divin vint s'afficher sur son visage quand elle vit la petite Eloa, profitant du mouvement de la grosse, s'infiltrer enfin dans le manoir et se mettre à hurler après Tess.
Très arrogante, elle annonça, d'un ton victorieux à la gouvernante.
Là, ma fille, vous êtes très très mal !
Elle se recula, satisfaite, faisant un petit signe de la main à Eloa, lui signifiant de partir chercher Tess.
Elle tourna les talons pour rejoindre les bras de Staron, mais en plein élan, diaboliquement théâtrale, elle fit demi tour et cingla une dernière fois la vieillarde :
Voyez vous ma brave désormais, non pas une mais deux femmes de la lignée irlandaise d'Ynis Pryden sont dans la place, et je vous promets que notre séjour ici sera un cauchemar pour vous, je vais y veiller tout personnellement.
Elle attrapa un éventail dans sa besace, et le mit en action tout près de son visage légèrement humide.
Croyez moi ma fille .. Je ne déçois jamais ceux qui s'opposent à moi, absolument jamais !
Adélaïde
Épouvantée à l'idée que cette gamine allait alerter la Dame de Genté et lui faire perdre sa place la vieille femme, aux abois, écouta avec un air mi-figue mi-raisin la duchesse la contrer avec volupté. Décidément elle allait lui donner du fil à retordre. Pourtant sa colère prenait la pas sur ses facultés intellectuelles défaillantes. N'y réfléchissant plus à deux fois, observant à la fois le sol et la femme elle fit mine de glisser sur une poire un peu plus molle que les autres, attrapa le bras de la dame, l'entraîna dans sa chute et se mit à rouler avec elle sur le sol, dans ce qui ne ressemblait qu'à une vaste compote aux poires.
Dans son action elle s'était saisi de l'éventail, l'avait cassé alors que même que sa cornette était tombée, dévoilant un crâne chauve et pustuleux. Se débattant la vieille mégère après avoir chuchoté un "le cauchemar de fait que commencer pour vous !" à la duchesse se mit à hurler d'une voix à la fois nasillarde et aigüe au visage de son interlocutrice :
A LA GARDE A LA GARDE GENTE EST ASSAILLIE !!!
Face à elle la pauvre duchesse emprisonnée dans ses graisses et les fruits collants devait en outre supporter le spectacle terrible de son visage épouvantable et de son haleine fétide, car elle lui hurlait au visage.
Senzo
Senzo se promenait encore dans le domaine de Genté. Finalement, il n'y avait que là que quelque chose le tenait, que quelqu'un l'attendait désormais. Pyrotess était femme très gentille, et elle lui offrait son hospitalité sans retour, alors qu'ils ne se connaissaient pas depuis très longtemps... bien que cela paraissait des années aux yeux du jeune homme.
Il ne savait pas où elle se trouvait à l'heure actuelle, aussi avait-il réaménagé sa chambre, du moins reposé quelques affaires. Il déambula ensuite dans le manoir puis, percevant le soleil au travers des multiples vitres, il trouva idiot de ne pas en profiter. Il se dirigea donc vers le parvis, d'où les allées du jardin se dessinaient.
Son attention fut attirée par une petite fille. Il s'agissait d'Eloa, la petite fille qu'il avait croisée hier soir. Elle semblait chercher Pyrotess, comme beaucoup de monde ici sans doute. Cependant, dans ses oreilles résonnait encore davantage le son d'une dispute, dont deux voix féminines battaient le rythme. Il s'avança encore un peu et reconnu Lucky, la mère de la petite. Surpris, étonné, il voulu en savoir davantage, et apaiser les esprits :
Mais enfin Mesdames, un peu de calme que diantre ! Est-ce donc là une tenue à avoir en ce domaine ?
Pourquoi donc n'entrez-vous pas rejoindre votre fille, dame Lucky ?
Senzo aperçut Staron, impassible pour l'heure, et le salua d'un hochement de tête. Se tournant ensuite vers la gouvernante :
Et vous dame, vous ne laissez point entrer les duchesses maintenant, amie de Dame Pyrotess ?
Il resta prostré sur le parvis, déterminé à n'en bouger qu'une fois le quiproquo résolu.
Lucky
La chute l'avait surprise cette Duchesse pour qui une apparence physique parfaite était l'un des maîtres mots de sa vie ...
Poussée au sol par une vieille rombière, malodorante et chauve de surcroît, la voilà qui mangeait la poussière, mélangée au jus gluant des poires écrasées. Enfouie sous des monticules graisseux, elle commençait vraiment à regretter ...
Regretter ?
Mot volontairement banni de son vocabulaire depuis sa prime jeunesse, quand sans regret aucun, elle mentait effrontément à sa mère, pour se disculper de bêtises déjà grandioses, chargeant volontairement les autres de ses larçins.
C'est donc rageuse qu'elle gifla la bonniche à plusieurs reprises !
Vlannn ..
Ca c'est pour ma houppelande !
Vlannn ..
Et voilà pour mon éventail.
Vlannn ..
Celle-ci, juste pour mon plaisir personnel !
Elle allait s'attaquer au bras grassouillet qui pendouillait devant elle, en le mordant jusqu'au sang, quand une voix masculine se fit entendre. Elle reconnut de suite la voix de Messire Senzo, rencontré la veille.
Mais enfin Mesdames, un peu de calme que diantre ! Est-ce donc là une tenue à avoir en ce domaine ?
Pourquoi donc n'entrez-vous pas rejoindre votre fille, dame Lucky ?
Pourquoi .... A votre avis pourquoi ?
Faîtes ateler des chevaux de traits et faîtes soulever cette vache qui m'écrase ..
Je pourrais peut être enfin rejoindre ma fille chez mon amie.
Elle fit une contorsion savante et réussit enfin à se mettre à genoux, alors que Senzo poursuivait.
Et vous dame, vous ne laissez point entrer les duchesses maintenant, amie de Dame Pyrotess ?
Visiblement non ... Je suis ...
Elle finit de se relever, péniblement, tout en prenant le temps au passage de murmurer à la monstruosité qui gisait encore au sol :
Regardez et apprenez ! Vous comprendrez pourquoi vous, vous récurerez, torcherez toute votre vie alors que moi, on se bouscule pour me choyer ! Vieille dinde ...
S'ensuivit une crise de larmes, improvisée sur commande, mais tellement, tellement réaliste.
Je suis baffouée ...
Elle se dirigea vers Staron, s'accrocha à ses bras, des larmes de crocodile noyant ses yeux verts.
Messire Senzo, je veux qu'elle s'excuse, qu'elle me flatte immédiatement ...
Elle était faussement retournée, la pauvre Duchesse aux allures de fille de ferme, salie et presque anéantie.
Senzo
Pas amusé, mais un sourire presque naissant sur les lèvres, Senzo avait regardé toute la scène, stupéfait. La dame ne se laissait pas marcher sur les pieds, c'est le moins que l'on pouvait dire. Par ailleurs, il paraissait évident qu'elle avait été au-delà de la noblesse, car il n'avait pas connaissance que les femmes savaient se batailler ainsi.
Il n'osa pas aller aider Lucky à se relever, pas plus que la gouvernante d'ailleurs. Comment aurait-il pu, sachant qu'il connaissait davantage le couple ? Il se tourna donc vers les deux femmes, sans savoir vraiment quoi dire. Après tout, avait-il à intervenir ?
Dame Lucky, je comprends votre mépris naissant pour cette dame, et l'outrage qui vous a été fait. Cependant, j'ai bien peur de ne pouvoir vous aider, il n'est pas de mon ressort de pouvoir donner des ordres... surtout pas ici.
Il haussa les épaules, ne sachant que faire, balayant simplement le vide du bras pour inciter le couple à entrer au plus vite, d'un air suppliant.
staron
Une douce chevauché, presqu'une balade, qui, passée dans le parc du domaine de Genté, vient prendre fin à quelques encablures du manoir. Quelques pas plus loin, la lourde porte subira plusieurs coups portés au moyen du lourd heurtoir en forme de main avant que la porte ne s'ouvre sur une silhouette difforme.
Un face à face entre la Duchesse et la vieille rombière apparue s'engage. Les bons mots fusent et s'enchaînent sans que le pèlerin ne réagisse ; il préfère laisser glisser les attaques qu'il perçoit, ne serait-ce que pour ne pas donner appui aux agressions de la mégère.
Il se contente de faire apparaitre sur son visage un léger sourire, pendant que ses yeux, eux, commencent d'explorer le hall par les maigres interstices qui subsiste difficilement entre la gouvernante et l'encadrement de la porte.
Mais son visage se marque tout à coup d'incompréhension lorsqu'il voit la petite Eloa s'y glisser mieux que son propre regard n'y parvenait, et l'entendre s'égosiller :
- Tech t'es ou ??? la groch devant la porte veut pas nous laicher rencrer !!!!!
Le visage reprend consistance lorsque la bataille tourne au pugilat ... quelques coups sont encore portés, et Lucky vient se réfugier dans ses bras avant qu'il ne puisse réagir enfin ...
Le bras gauche enlace la Duchesse en un large mouvement protecteur, tandis que la main droite fond sur la mégère, la saisit au col pour la relever de force, et ...
... le tissus ne résiste pas ; écartelé entre la puissante musculature du pèlerin en plein effort et la poids exagéré de la gouvernante, les mailles craquent l'une après l'autre, les trois couches de tissus saisies s'ouvrant en cascade, laissant un épiderme blanchâtre apparaitre, un bourrelet adipeux se frayer un chemin, un sein difforme se déverser devant les yeux horrifiés d'un pèlerin pétrifié.
Eloa
Après avoir hurler dans le couloir, la gouvernante changea brusquement de comportement, invoquant une fausse chute en entrainant Lucky avec elle dans le coulis de poire sur le sol. La petite regarda la scène bouche ouverte en faisant de gros yeux.
Elle vit arriver Senzo qu'elle avait rencontrer veille en taverne. Elle sourit de le voir arriver même si elle aurait préférer voir Tess descendre afin de lui montrer le comportement de sa gouvernante.
- Viiiite !! L'va écraser Lucky la groch !!
La petite le regarda passer la porte :
-Mais enfin Mesdames, un peu de calme que diantre ! Est-ce donc là une tenue à avoir en ce domaine ?
Pourquoi donc n'entrez-vous pas rejoindre votre fille, dame Lucky ?
Enfin Lucky se releva, la houppelande était tachée avec le coulis de poire, son chignon était quasiment défait, et voila que Lucky se mit à pleurer.. Eloa ne l'avait jamais vu dans un pire état qu'aujourd'hui. Elle se colla au mur les regardant tous sans plus rien dire.
Tout à coup, l'habille de la mégère craque sous ses yeux , causé par deux forces opposé, laissant entrevoir à la fillette le corps difforme que cachait alors l'habille.. Horrifiée, la petite mis ses mains devant ses yeux pour ne plus voir l'horreur qui se présentait devant elle...
Adélaïde
Regardez et apprenez ! Vous comprendrez pourquoi vous, vous récurerez, torcherez toute votre vie alors que moi, on se bouscule pour me choyer ! Vieille dinde ...
Oh oui elle ne voyait que trop la vieille femme, elle ne savait que trop l'usage de ces charmes pour les avoir pratiqués toute sa longue vie durant. Oh certes elle n'était plus qu'une chose difforme et assaillie des gangréneuses maladies de la vieillesse, sa peau usée formait par endroit des plaques rouges toutes boutonneuses, quant au reste elle n'y prenait plus garde. Cette vieille mégère ... Qui ici aurait pu imaginer la jeune fille qu'elle était voilà plus d'une demi-siècles, belle et douce, blonde et pulpeuse, qui pouvait se souvenir qu'elle fut aimée, choyée, adulée par le père du Comte de Cognac avec qui elle eut une grande histoire d'amour secrète... Qui pouvait savoir que toute sa vie durant elle s'était battue contre les hommes et tous ceux généralement qui en voulait à son maître...Elle ne connaissait plus personne de son temps, l'usure avait eu raison d'elle et sa seule carapace était la méchanceté.
Elle reçut les gifles sans vraiment les sentir, comme des coups dans l'eau et des éclairs de lucidités faisaient remonter dans son esprit le beau visage du Plantagenêt et les éclairs de lueurs des printemps passés à chevaucher auprès de lui...
Alors elle se sentit tirer en avant et vit un visage si noiraud qu'elle en eut prit peur rapidement si ses vêtements ne supportant pas le propre poids de son corps flasque ne s'étaient pas déchirés laissant entrevoir à tout vent l'atroce réalité de son apparence intime.
Elle se redressa, ramassa sa cornette aplatie qu'elle remit sur son crâne dégarni, se redressa fièrement, toutes mamelles en avant et toisa cette noblesse avec fiérté ! Ah ca non elle ne départirait pas de ce qu'elle avait toujours été, une femme autoritaire et vindicative, jusque dans la mort.
Je me vengerai !! Et vous, la soi-disante duchesse à la triste mine, vous me le paierez !!
Elle hurla une dernière fois en bavant tant elle était haineuse, menaçant du poing, implorant les démons, avant de ramasser une derniere poire blette et de la lancer sur le couple devant elle. Puis elle se retourna, ondulant d'un seul coup sa croupe immense, et se retira sans même un autre regarde pour eux.