Trivia
En ce beau dimanche de septembre, entre l'Église et la place de Claustres, s'élève un stand bancal et un magnifique panneau sur lequel on peut voir écrit
Citation:"Faites du printemps! Banquez gratuit!"
Et juste en dessous, une jouvencelle affairée sur un étal jonché d'ingrédients à la fraîcheur douteuse.
En fait, elle avait réfléchi. Les gens par ici, ils avaient l'air tout triste et tout, à cause d'une morte, à ce qu'il paraît. Et puis, faudrait essayer de les rassembler, quand même, dans un truc joyeux, et tout. Or, fouillant dans ses souvenirs, Trivia s'était souvenue d'un évènement qui avait pas mal marché dans sa ville natale : un espèce de bal du printemps, et tout. Donc voilà, y avait qu'à recommencer, hein.
Mais pour l'heure, passons à la recette. Elle avait écumé le marché pendant la messe, comptant sur la foi des ouailles pour avoir la paix et pouvoir faire ses courses tranquillement. Tant pis pour le spectacle hebdomadaire, elle ira une prochaine fois.
Là, l'important, c'est surtout de déchiffrer la recette qu'elle avait réussi à extorquer à une vieille grand-mère qui la tenait elle-même de sa grand-mère qui l'avait piqué à un descendant de bourgeois : "sachez que nulle autre gresse que de porc n'y est bonne. Et premièrement l'en eslit, lave , mince et esverde les poreaux, c'est assavoir en esté, quand iceulx poreaux sont jeunes "
Hum... elle pige rien... Bon, y a de la graisse de porc, et des poireaux jaunes. Bon ben y a qu'à faire bouillir le tout et arroser allègrement de picrate, ça devrait le faire... Puis en plus il lui reste du menu n°3 de Mahaut, pour accompagner, tout ira bien!
Le temps que la mixture graisseuse se réchauffe, notre vaillante cuisinière commence à clamer aux alentours, à la manière des poissonnières :
Elle est bonne ma recette, elle est bonne! Venez participer à la fête du printemps, et même que j'ai des surprises enfin j'espère pour vous!!_________________
Siska
Mouarf, y'en avait une qui avait grande faim. Elle serait prête à manger n'importe quoi, même des champipis hallucilogènes ! Si c'est pas avoir faim ça... A force de rester chez les nonnes et de pouvoir manger à sa guise, quand elle sortait en fin de semaine pour prendre l'air, elle avait le ventre qui lui réclamer à manger. Mais bon, c'était juste aussi et surtout de la gourmandise.
Siska partit donc en quête d'une table où elle pourrait s'inviter. Elle l'avait toujours fait. Il suffisait de trouver les bonnes personnes, et de tomber au bon moment du repas. En général quand les gens commencent de manger, ils n'ont pas encore le ventre plein, c'est facile de les embobiner et de s'incruster.
La jeune femme marchait, marchait, marchait... quand parvint à ses oreilles Elle est bonne ma recette, elle est bonne! Venez participer à la fête du printemps, et même que j'ai des surprises.... pour vous!!
Tout ses sens se réveillerent, surtout aux mots fête et surprise. Siska suivit grâce à son flair aiguisé l'odeur de la nourriture et aussi grâce à son ouïe de lynx.
Un pâté de maison plus loin, elle se retrouva face à une sorte de banquet avec une bonne dame qui touillait on se sait pas trop quoi dans une marmite.
Citation: "Faites du printemps! Banquez gratuit!"
Ah même pas besoin de s'inviter dans une famille, il y' avait un banquet gratuit !
Siska s'approcha du banquet et se pencha au dessus de la marmitte pour en humer l'odeur. Mhmmm drôle d'odeur...
Puis relevant les yeux vers la dame qui continuait de hurler comme une oie.
Huuum bien l'bonjour dame ! Qu'est ce que c'est que vous nous préparez ? Un ragoût ? Ca m'a l'air... dé-li-cieux.
Siska
Vraiment, elle aurait besoin de loupe la vagabonde ! Pas une dame, un messire. Cloche soit elle ! Mais ce n'est pas bien de se traverstir de nos jours.
C'est d'un oeil septique que la jeune femme se présenta.
Moi c'est Siska, j'viens de Bergerac. Mais là en fait je viens pas tout de suite de Bergerac parce qu'avant j'étais en vouyage alors je suis revenue ici, chez les nonnes. Un poil ironique : J'dois dire que ça m'a l'air succulent ce que vous me faites là ! En plus les poireaux mmm c'est bon pour la santé et la graisse ben... Se regardant... Sans commentaire.
Siska se renfrogna. Elle n'était pas grosse, elle ne ressemblait pas à un hérisson obèse, c'est juste que de ne rien faire de ses journées au bout d'un moment et bien, on prend quelques grammes.
Oui, j'ai aussi entendu que quelqu'un était mort, mais je ne connais pas la personne. J'connais pas grand monde ici, en fait.
Siska huma l'alcool qu'on lui tendait, l'odeur lui prit par les narines. C'était drôlement fort ! La jeune femme chercha une cuiller ou un bout de bois pour pouvoir manger ce qu'on lui offrait, mais n'en trouvant pas, se décida de manger avec les doigts.
Du bout des doigts, elle pinça un bout de poireau qui dépassait de l'espèce de gélatine-soupe et le porta à sa bouche. A peine le légume lui avait touché les papilles que sa bouche s'assécha, son teint devint presque vert et elle crut qu'elle allait se vider de son estomac. Le visage tout crispé, elle adressa un sourire mi-figue mi-raisin à Trivia.
C'est... dé-li-cieux.
Par Aristote, on voulait l'empoisoner. Elle prit une grande rasade de l'alcool qu'elle avait dans les mains, mais manque de pot, dans la précipitation, le liquide traversa un mauvais tunnel et la jeune femme fût prise d'une quinte de toux.
Une fois la crise passée, les yeux qui pleuraient, et voyant le visage moitié inquiet de Trivia, Siska leva les pouces en l'air avec un sourire plus que forcé pour lui montrer que tout roulait comme sur des roulettes.
Je dois dire que je n'ai... hum hum jamais vu...hum meilleur cuisinier que vous ! C'est un plat typique que vous venez de me servir ou c'est une pure invention de votre imagination?
Puis, écarquillant les yeux sur ce que lui montrait Trivia.
Mais qu'est ce que vous me sortez là ? Pauvre petit blondinet, vous avez essayer de l'empoisonner lui aussi ?Oups.Où vous l'avez trouvé ? Il est... mort lui aussi ? Ne me dîtes pas qu'il est mort d'une indigestion! Ou je file tout de suite voir un médecin... Un comédien avec un grand talent ? Je n'ai jamais connu quelqu'un avec des talents de comédien... Paix à son âme. On devrait l'ammener à la morgue, avant que ça fasse trop de bruit.
Siska
Mais.. mais arrêtez de le frappez comme ça, il va être doublement mort après !! Et si sa famille vient le voir, et qu'il est tout cabossé de partout hein, ils vont dire quoi les gens d'la famille ? Non non non laissez moi faire ! Il doit être en crise d'hipso-glissez-mi !
Grâce à ce mort, la vagabonde avait trouvée une excuse pour se débarrassez de la recette qui venait d'une arrière-arrière-arrière grand-mère d'une grand mère qui l'a vendu à une autre grand-mère qui avait couché avec la fille de son cousin. Elle promit intérieurement que chaque jour elle viendrait sur la tombe du blondinet pour le remercier d'être mort ce jour là. Mais c'était bien triste, quand même. Elle fit quand même semblant de donner tout son possible pour réssuciter le blondinet.
Sûre d'elle, Siska pinça le nez de l'éféminé pour qu'il ouvre la bouche et versa la soupe de gélatine dans sa gorge.
z'allez voir, sa réveillerait un mort, c'te recette ! Faudrait dire merci à la grand mère qui a couché avec la fille de son cousin!
Tic..tac..tic...tac... Rien. Le bonhomme ne bougeait pas d'un poil.
Siska tapôta un peu la joue du jeune homme, ou cas où le liquide serait mal passé, mais toujours aucune réaction.
Levant les yeux vers Trivia, émue.
Je crois que c'est la fin... Que Artistote veille sur son âme. Amen.
Bon, Siska ne connaissait pas vraiment les rites religieux pour accompagner les âmes des morts, mais il fallait donner un peu de chance à l'âme pour atteindre le paradis des blonds. La jeune femme garda le silence pendant environ une minute, et but une longue rasade d'alcool pour faire passer l' émotion.
Mais, hum sinon j'vais vous aider à creuser un trou décent pour son corps, attendez faut juste faire attention que personne ne le voit.
La jeune femme tira la nappe quelques peu tâchées et recouvrit soigneusement le corps inerte avec.
Oui, j'arrive j'arrive j'vous aide... J'vous suis.
La brunette attrapa les poignets du blondinet, le soulevant comme un sac à patate et accompagna Trivia jusqu'aux cimetières, souriant aux mégères qui les regardaient d'un drôle d'oeil. Oh ce n'est rien, juste un cochon qu'on va enterrer ! les rassura-t'elles.
Dites, il a un nom ce petiot au moins ?
Siska
Et il est bon notre cochon ! Du bon, du vrai, du pooooorc ! C'est le cochon de Périgueux bien sûr ! Bon là, elle en faisait peut être un peu trop. Mais elle avait toujours eut envie de crier ça un jour dans la rue. Elle savait se saisir des occasions en or !
Oui-da, je ne bouge pas. N'empêche que j'ai vraiment besoin de loupe, j'croyais que c'était un homme éfininimé.
Siska resta à côté du corps, se rongeant les ongles d'angoisse. Si quelqu'un la voyait ! Elle était dans de beaux draps ! Oh la la si sa soeur apprenait ça... non non, il ne fallait rien lui dire on elle se ferait enguirlander. Elle qui croyait que la bêtise l'avait quitté! C'était tout le contraire. Et puis zut, c'était un bon service qu'elle rendait aux Périgourdins de se débarassez d'un corps GRATUITEMENT.
Un CHTONK évocateur et Trivia se ramena toute fière avec deux grosses pelles à la main.
Sa m'rappel mon enfance... dit-elle d'un ton nostalgique.
Siska prit la pelle et commença à creuser, creuser, creuser, envoyant valser la terre de partout autour d'elle, si bien que derrière les deux femmes s'élevait une casi colline de terre aux vers de terre grouillants.
Fière d'elle, Siska planta la pelle dans le sol et claqua dans les mains.
N'est ce pas magnifique ? Allez, manque plus qu'à mettre le sac à papate là dedans !
Du bout du pieds elle poussa le jeunot dans le trou toujours recouvert du drap, et reprit en sens inverse la manoeuvre de recouvrement.
Attendez, je reviens.
La vagabonde s'éclipsa un peu plus loin puis revint avec deux brindilles à la main.
Un coup de ficelle par là, croisement des brindilles par ici, cassages de brindille, retourner chercher d'autres brindilles plus épaisses, autre coup de ficelle, emmêlage de doigts, grommellemant et la croix était faite !
Pas mal hein ?