Vaxilart
Sil vous arrive un jour de passer par la Saône. Regardez bien au fond, entre les remous. Vous y verrez sans doute quelques algues bruissant sous leffet du courant. La constatation serait assez simple et pourrait paraitre anodine, mais regardez-y à deux fois, car ces algues bruissant ne sont autres que quelques antiques cheveux gardant en leurs courbes le souvenir dune main qui ne sy glissa quune fois, une seule fois.
En Bourgogne, la période chaude tirait à sa fin, déjà les nuits se faisaient plus fraiches, et lon sentait dans le vent et à travers le feuillage que lautomne arriverait bien assez tôt. Sur les chemins, à travers les premiers rayons du soleil qui se levaient, plusieurs charrettes circulaient tirés par de vieilles biquettes. La saison des récoltes sachevait et les paysans safféraient à longueur de journée à la coupe de leurs dernières pousses afin dengranger le tout pour lhiver. Sous le soleil qui perdait de sa chaleur, un peu avant midi, le simili calme des cailloux parsemant la route fut assez brusquement poussé dun coup de sabot. Un cheval galopait en direction de Sémur, sur la scelle, nul autre que le Duc Vaxilart.
Ce dernier avait été appelé à Nevers afin de parrainer le baptême de Felipe. Ayant été retenu à Dijon pour quelques questions de sécurité, lhomme avait dû laisser de côté son coche et faire le chemin à cheval pour arriver à lheure. À lallée, il navait pas hésité à couper à travers champs et bois, il avait pris une journée de retard, et son départ eut été retardé suite à quelques fâcheux évènements avec la jeune Aelyce Dénéré, concubine du Baron Theognis. Ceux-ci sétaient brouillés en taverne pour quelques questions de bâtards, de vices, et de vertus. La dame, bien que ses courbes fussent des plus attirantes et son regard des plus hypnotisant, ne pouvait être nul autre quune tentation de la bête sans nom à laquelle le pauvre Baron eut succombé De fait, elle navait de la douceur habituellement déléguée à la femme que lapparence. Celle-ci lavait attendu à lextérieur, et aussitôt fut-il sorti de taverne, elle lui envoya le gant à la figure précisant quun duel ne pouvais être évité. Le Duc devait quitter la ville, la dame ly attendrait le temps quil faudrait.
Lempressement de lallée fut bien moindre au retour, et le cavalier se contenta des routes habituellement utilisés, nhésitant point à sarrêter déjeuner sur le bord de la route, ou de sétendre quelques heures pour quelques lectures. Nous aurons sans doute loccasion de revenir sur ses motivations dans quelquautres histoires, mais limportant, cest le fait quune conjoncture particulièrement étrange dévènements aussi diverses que variés avait rouvert une plaie que le Duc avait dissimulée, mais que lhomme navait réussit à totalement refermer. Celle-ci saignait au même rythme que la Saône, et le déchirait tout comme celle-ci déchirait la Bourgogne. Cette plaie, elle prenait naissance à Sémur.
Un peu avant la ville, le cheval bifurqua et sortit de route. Il entreprit de suivre un vieux sentier lequel avait déjà commencé à se couvrir de ronces et déboucha sur une rive de la dite rivière. Au loin, on apercevait vaguement le sillage de la ville, cependant, une seule forme se détachait de lombre, cétait le clocher de léglise. Ce même clocher qui 3 ans auparavant avait vu, avait vu cent fois même, avait vu, sans un mot, sans un bruissement, sans un appel. Il avait vu, et il avait laissé couler Comme la Saône. Vaxilart, une fois le pied à terre laurait envoyé paitre chez le diable, ce clocher de ses peines, mais à quoi bon, il y a longtemps que son regard sétait détourné de son malheur.
Lhomme savança vers leau. Il ne savait trop comment lappréhender, comment lapprocher, laborder. Fallait-il la frapper? La tuer, la trainer dans les profondeurs. Devait-il lui pardonner? Héraclite ne disait-il pas : « on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière? » Il ne savait, réellement, la Saône aurait-elle jamais un cur pour partager sa souffrance?
Il se rappelait, voilà 3 ans déjà, il était débarqué ici, à ce lieu exact, à ce lieu désormais honni, ignoré, évité des villageois, de ceux qui savaient. Il y était débarqué, armée. Il avait frappé, frappé milles fois, frappé jusquà en tomber dépuisement. À chaque coup, leau navait fait quéviter sa lame, continuer sa route. En vain, elle navait pas saigné. Elle navait pas pleuré en ce jour, lui oui. Il avait pleuré en ce jour, la nuit suivante, également. Peu à peu, il avait oublié la chaleur de son sourire, le réconfort de son regard, la douceur de ses mains, la bonté de son cur. Delle, il ne lui restait rien, rien dautre que la peine, seul souvenir du temps où le rêve lui était encore permis.
Vaxilart savança vers son Styx. Il y pénétra sans se déchausser. Leau froide venant peu à peu flatter ses pieds le fit frissonner. Levant les bras, tel un crucifié, il y tomba, face première. Peu à peu, leau pénétrait ses narines, peu à peu, elle pénétrait ses oreilles, ils se fusionnaient. Ses courbes embrassaient les siennes, ses baisés, langoureux, létouffaient doucement. Enfin, ils se retrouvaient face à face, main dans la main. Sur son fond de glaise à lapparence du marbre, chacun de ses cheveux oscillait entre ses doigts, suivant le courant du temps. Les pactes navaient pas encore rompu sa vie, mais, sans pitié, elles avaient coupé le fil dAriane le liant à lamour, il y a trois ans déjà.
Ainsi bercée par sa mythique prophétesse, lhomme y serait resté éternellement. Maintenant, il le savait, lamour, la mort, ça prend son plie sur le même support. Et, si ce nétait de la contre-volonté de son corps, lâme y serait pour de bon restée. Luttant pour la rejoindre, ses forces ne furent suffisantes et son noble vaisseau le ramena à la surface
Toussant, crachant leau de ses poumons, il sétendit de son long sur la berge. La tête en lair, vers les nuages, son heure nétait pas encore venue. Encore une fois, elle lavait rejeté, elle lui avait, comme leau, glissé des mains. Encore, elle lui était insaisissable Quand? Quand, se demandait-il, quand serons-nous finalement rassemblés?
Elle sétait perdue entre deux rives, des algues autour des chevilles. Il lavait recherché, en vain. Sur ses lèvres, quun nom. Devak.
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En Bourgogne, la période chaude tirait à sa fin, déjà les nuits se faisaient plus fraiches, et lon sentait dans le vent et à travers le feuillage que lautomne arriverait bien assez tôt. Sur les chemins, à travers les premiers rayons du soleil qui se levaient, plusieurs charrettes circulaient tirés par de vieilles biquettes. La saison des récoltes sachevait et les paysans safféraient à longueur de journée à la coupe de leurs dernières pousses afin dengranger le tout pour lhiver. Sous le soleil qui perdait de sa chaleur, un peu avant midi, le simili calme des cailloux parsemant la route fut assez brusquement poussé dun coup de sabot. Un cheval galopait en direction de Sémur, sur la scelle, nul autre que le Duc Vaxilart.
Ce dernier avait été appelé à Nevers afin de parrainer le baptême de Felipe. Ayant été retenu à Dijon pour quelques questions de sécurité, lhomme avait dû laisser de côté son coche et faire le chemin à cheval pour arriver à lheure. À lallée, il navait pas hésité à couper à travers champs et bois, il avait pris une journée de retard, et son départ eut été retardé suite à quelques fâcheux évènements avec la jeune Aelyce Dénéré, concubine du Baron Theognis. Ceux-ci sétaient brouillés en taverne pour quelques questions de bâtards, de vices, et de vertus. La dame, bien que ses courbes fussent des plus attirantes et son regard des plus hypnotisant, ne pouvait être nul autre quune tentation de la bête sans nom à laquelle le pauvre Baron eut succombé De fait, elle navait de la douceur habituellement déléguée à la femme que lapparence. Celle-ci lavait attendu à lextérieur, et aussitôt fut-il sorti de taverne, elle lui envoya le gant à la figure précisant quun duel ne pouvais être évité. Le Duc devait quitter la ville, la dame ly attendrait le temps quil faudrait.
Lempressement de lallée fut bien moindre au retour, et le cavalier se contenta des routes habituellement utilisés, nhésitant point à sarrêter déjeuner sur le bord de la route, ou de sétendre quelques heures pour quelques lectures. Nous aurons sans doute loccasion de revenir sur ses motivations dans quelquautres histoires, mais limportant, cest le fait quune conjoncture particulièrement étrange dévènements aussi diverses que variés avait rouvert une plaie que le Duc avait dissimulée, mais que lhomme navait réussit à totalement refermer. Celle-ci saignait au même rythme que la Saône, et le déchirait tout comme celle-ci déchirait la Bourgogne. Cette plaie, elle prenait naissance à Sémur.
Un peu avant la ville, le cheval bifurqua et sortit de route. Il entreprit de suivre un vieux sentier lequel avait déjà commencé à se couvrir de ronces et déboucha sur une rive de la dite rivière. Au loin, on apercevait vaguement le sillage de la ville, cependant, une seule forme se détachait de lombre, cétait le clocher de léglise. Ce même clocher qui 3 ans auparavant avait vu, avait vu cent fois même, avait vu, sans un mot, sans un bruissement, sans un appel. Il avait vu, et il avait laissé couler Comme la Saône. Vaxilart, une fois le pied à terre laurait envoyé paitre chez le diable, ce clocher de ses peines, mais à quoi bon, il y a longtemps que son regard sétait détourné de son malheur.
Lhomme savança vers leau. Il ne savait trop comment lappréhender, comment lapprocher, laborder. Fallait-il la frapper? La tuer, la trainer dans les profondeurs. Devait-il lui pardonner? Héraclite ne disait-il pas : « on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière? » Il ne savait, réellement, la Saône aurait-elle jamais un cur pour partager sa souffrance?
Il se rappelait, voilà 3 ans déjà, il était débarqué ici, à ce lieu exact, à ce lieu désormais honni, ignoré, évité des villageois, de ceux qui savaient. Il y était débarqué, armée. Il avait frappé, frappé milles fois, frappé jusquà en tomber dépuisement. À chaque coup, leau navait fait quéviter sa lame, continuer sa route. En vain, elle navait pas saigné. Elle navait pas pleuré en ce jour, lui oui. Il avait pleuré en ce jour, la nuit suivante, également. Peu à peu, il avait oublié la chaleur de son sourire, le réconfort de son regard, la douceur de ses mains, la bonté de son cur. Delle, il ne lui restait rien, rien dautre que la peine, seul souvenir du temps où le rêve lui était encore permis.
Vaxilart savança vers son Styx. Il y pénétra sans se déchausser. Leau froide venant peu à peu flatter ses pieds le fit frissonner. Levant les bras, tel un crucifié, il y tomba, face première. Peu à peu, leau pénétrait ses narines, peu à peu, elle pénétrait ses oreilles, ils se fusionnaient. Ses courbes embrassaient les siennes, ses baisés, langoureux, létouffaient doucement. Enfin, ils se retrouvaient face à face, main dans la main. Sur son fond de glaise à lapparence du marbre, chacun de ses cheveux oscillait entre ses doigts, suivant le courant du temps. Les pactes navaient pas encore rompu sa vie, mais, sans pitié, elles avaient coupé le fil dAriane le liant à lamour, il y a trois ans déjà.
Ainsi bercée par sa mythique prophétesse, lhomme y serait resté éternellement. Maintenant, il le savait, lamour, la mort, ça prend son plie sur le même support. Et, si ce nétait de la contre-volonté de son corps, lâme y serait pour de bon restée. Luttant pour la rejoindre, ses forces ne furent suffisantes et son noble vaisseau le ramena à la surface
Toussant, crachant leau de ses poumons, il sétendit de son long sur la berge. La tête en lair, vers les nuages, son heure nétait pas encore venue. Encore une fois, elle lavait rejeté, elle lui avait, comme leau, glissé des mains. Encore, elle lui était insaisissable Quand? Quand, se demandait-il, quand serons-nous finalement rassemblés?
Elle sétait perdue entre deux rives, des algues autour des chevilles. Il lavait recherché, en vain. Sur ses lèvres, quun nom. Devak.
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