Karyl
[Saumur, fin Aout 1457]
Une fois encore la nuit était tombée sur Saumur recouvrant le village de son manteau marine. Le ciel était dégagé laissant apparaitre des astérismes variés suspendus à de la voute céleste. Ainsi entouré, le soleil d'argent semblait veiller, de toute sa rondeur, sur la contrée endormie. La surface du lac aux abords du village était à peine troublée par la brise apportée par la fin de l'été. Une brise trop légère pour venir perturber la quiétude des grands chênes jouxtant Saumur. Dans le clair-obscur de ce décor nocturne, un petit sentier à peine éclairé semblait courir à travers champs pour relier la place du village aux fermes les plus reculées. De celui-ci se détacha bientôt une petite silhouette avançant d'un pas lent vers l'une des grandes battisses agricoles. La silhouette appartenait à Karyl, un petit va-nu-pieds haut comme trois pommes, aux cheveux blonds et à la trogne crasseuse, qui vivait dans la ferme du vieux Georges, un paysan grincheux qui avait recueillit l'enfant quelques mois auparavant.
Le gamin semblait songeur en longeant le chemin qui le ramenait chez lui. Son visage était fermé et un étrange éclat, brillant dans l'onyx de ses yeux, tranchait avec la douceur de ses traits juvéniles. La lame d'une dague fermement arnachée à sa ceinture brillait suivant le mouvement régulier de ses pas. Soudain, il s'arrêta et fit volte-face. Immobile, il laissa un instant son regard caresser la cyme des arbres, le toit des maisons, le clocher de l'église comme pour graver en sa mémoire chaque détail de ce village d'Anjou qu'à l'aube il allait quitter.
[A l'aube venue, le départ se profila]
Une couverture, des morceaux de pain, la dague, le casque, un bâton...Ne surtout pas oublier le bâton... Une veste pour quand il fait froid ... le parchemin?! ha ouf, il est là...
Dernière vérification de matériel, dernier tour d'horizon du cabanon et Karyl était fin prêt pour le grand départ vers la Bourgogne. La veille, il avait pris soin de laisser au vieux Georges quelques mots vaguement griffonnés sur la table de cuisine pour lui expliquer que Louis viendrait l'aider le temps de son absence. Quittant son gîte, il balaya d'un haussement d'épaules les arguments d'Aurile lui revenant soudainement en tête et qui avaient presque réussi à le dissuader de partir. C'était une fille, que pouvait-elle comprendre aux devoirs d'un homme? Résolu et sure de lui, Karyl quitta ainsi Saumur sans se retourner. Les hommes vont de l'avant et ne se retournent pas. Les hommes ne montrent jamais leur tristesse, ils sont fort et courageux. Et karyl était décidé à prouver qu'il était de cette trempe.
Un sourire au bord des lèvres et toujours cet éclat dans les onyx, il imaginait déjà ses retrouvailles avec la troupe. Nul doute que Crok et Maleus seraient impressionnés. Peut-être que Félina grommellerait pour la forme parce qu'il était parti seul mais quand elle verrait tout ses progrès de dagueur elle oublierait surement le reste. Et puis s'ils avaient des ennuis à Joinville ou sur le chemin du retour comme disait Isatan il serait là pour les aider. Tout en marchant, l'enfant sorti une bague de dessous sa chemise. "Tu vas voir que je suis fort" Dit-il tout en la fixant. Lui qui, sur les bords de Seine, avait toujours regardé d'un air rêveur les grands chevaliers de la Licorne avait finalement trouvé en Eikorc un modèle. Loin de voir la noirceur qui pouvait se dégager de l'homme, le petit blond voulait simplement lui ressembler, être aussi fort que lui et se battre pour ce qu'il pensait juste. Et dans son esprit d'enfant il ne faisait aucun doute que son modèle lui apprendrait tout cela, autant surement que ses futurs voyages à travers le monde.
[Sur la route, les jours et les nuits passent]
Saumur, Angers, La Flèche... l'Anjou, le Maine....
La route défilait sous les pas de l'enfant, identique à chaque pas, à chaque seconde. Partout les mêmes sentiers, la même verdure, les mêmes villages au loin. Par mesure de sécurité Karyl avait choisi d'éviter les villes, hors de question de risquer la prison comme la dernière fois. Alors il marchait simplement le long des routes, traversant les campagnes discrètement avec l'espoir à chaque nouveau pas de voir les silhouettes de la troupe de détacher de l'horizon devant lui. Il ne s'autorisait que peu de sommeil. Arriver, arriver le plus vite possible, voilà tout ce qui lui importait. Et peu importe la fatigue accumulée ou les suppliques de son ventre criant famine, le petit homme avançait sure de sa destination.
Il était bien loin de se douter qu'il n'était pas sur le chemin de la Bourgogne, que les indications que lui avait donné Louis n'allaient que l'éloigner à chaque davantage du rêve qu'il pensait à portée de main. Et ce n'est qu'après des jours et des jours de marche à travers la campagne sans avoir croisé âme qui vive, affaiblit et le sac vide de provisions que Karyl fut contraint d'admettre qu'il devrait s'arrêter. Mais bon, même les plus grands aventuriers ont besoin d'un peu de repos et couper un peu avec la solitude qui l'entourait depuis son départ n'était pas pour lui déplaire.
Quelques heures plus tard, Alors qu'il venait de Franchir la Frontière du duché d'Alençon, continuant son chemin toujours tout droit, Karyl vit enfin se profiler à l'horizon les défenses d'un village. Un large sourire fendit alors ses lèvres alors qu'il se sentit pousser des ailes. Il rêvait d'un lit douillet d'une bonne soupe, de rires et de bêtises à raconter à qui l'écouterait. Fourrant sa main dans sa poche il sortit le parchemin de félina et se mit à le relire encore une fois.
- J'm'arrête pas longtemps, j'te promets.. t'vas voir je serai là bientôt, Fit-il sure de lui avant de se remettre en route en replaçant le parchemin à sa place au fond de sa poche.
Oui mais voilà...
Se dirigeant vers Mortagne, Karyl était loin d'imaginer qu'il ne franchirait jamais les portes de la ville, que ses rêves de sauver la zoko allaient s'évanouir au détour d'un bosquet. Il était loin de penser, le petit blond au large sourire, qu'au lieu d'un bon lit chaud, il ne trouverait qu'un sol froid et caillouteux pour seule paillasse.
La nuit n'était pas encore tombée sur le village tout proche quand trois hommes se dressèrent sur sa route. " La bourse ou la vie". Il en aurait rit le petit karyl en d'autres circonstances mais là, fatigué par des jours de marche, affaiblit par le manque de nourriture, seul au milieu d'un duché dont il ne connaissait rien, il comprit que sa situation était délicate.
Fuir? Hors de question.
Donner sa bourse? Pas sans se battre.
Alors, fixant avec fierté les hommes face à lui, Karyl sorti sa dague d'un air déterminé. Il était temps pour lui de prouver qu'il était bon dagueur, que les enseignements de Félina avaient porté leurs fruits. Le temps était venu de prouver qu'il était digne de la Zoko. " J'ai pas peur", leur siffla t-il simplement. il voulait être courageux, mais lorsque les coups se mirent à pleuvoir, lorsque le sol râpeux vint cogner contre sa figure, que ses os, les uns après les autres, se brisèrent sous le poids de l'ennemi, il ne put retenir un cri. Il n'était pas assez fort pour rivaliser contre ses assaillants, pas assez fort pour les empêcher d'abattre leur fureur sur lui, pas assez fort tout simplement...
Leur besogne terminée, les hommes le laissèrent finalement là, dépouillé, jeté dans un fossé à quelques centaines de mètres à peine de Mortagne. Karyl, à peine conscient, ne put s'empêcher de penser à ceux qu'il ne pourrait pas sauver et avant que Morphée ne fasse son office il murmura un "pardon" qu'il espérait voir s'envoler vers ceux qu'il ne reverrait sans doute plus.
Et puis...
A des centaines de lieux de là, quelle ironie de savoir que la Zoko était finalement rentrée seine et sauve à Saumur et que dans ses rangs, une Féline avait cherché le petit blond. Celui-ci aurait surement sauté de joie et fait demi-tour s'il avait reçu la lettre de cette dernière, jetée au feu par le vieux Georges, lui demandant de rentrer. Oui, surement que Karyl aurait été heureux de savoir que ses amis s'en était sorti et c'est surement serein qu'il aurait alors fermé les yeux sur cette route de campagne...
_________________
un simple gamin des rues...
Une fois encore la nuit était tombée sur Saumur recouvrant le village de son manteau marine. Le ciel était dégagé laissant apparaitre des astérismes variés suspendus à de la voute céleste. Ainsi entouré, le soleil d'argent semblait veiller, de toute sa rondeur, sur la contrée endormie. La surface du lac aux abords du village était à peine troublée par la brise apportée par la fin de l'été. Une brise trop légère pour venir perturber la quiétude des grands chênes jouxtant Saumur. Dans le clair-obscur de ce décor nocturne, un petit sentier à peine éclairé semblait courir à travers champs pour relier la place du village aux fermes les plus reculées. De celui-ci se détacha bientôt une petite silhouette avançant d'un pas lent vers l'une des grandes battisses agricoles. La silhouette appartenait à Karyl, un petit va-nu-pieds haut comme trois pommes, aux cheveux blonds et à la trogne crasseuse, qui vivait dans la ferme du vieux Georges, un paysan grincheux qui avait recueillit l'enfant quelques mois auparavant.
Le gamin semblait songeur en longeant le chemin qui le ramenait chez lui. Son visage était fermé et un étrange éclat, brillant dans l'onyx de ses yeux, tranchait avec la douceur de ses traits juvéniles. La lame d'une dague fermement arnachée à sa ceinture brillait suivant le mouvement régulier de ses pas. Soudain, il s'arrêta et fit volte-face. Immobile, il laissa un instant son regard caresser la cyme des arbres, le toit des maisons, le clocher de l'église comme pour graver en sa mémoire chaque détail de ce village d'Anjou qu'à l'aube il allait quitter.
[A l'aube venue, le départ se profila]
Une couverture, des morceaux de pain, la dague, le casque, un bâton...Ne surtout pas oublier le bâton... Une veste pour quand il fait froid ... le parchemin?! ha ouf, il est là...
Dernière vérification de matériel, dernier tour d'horizon du cabanon et Karyl était fin prêt pour le grand départ vers la Bourgogne. La veille, il avait pris soin de laisser au vieux Georges quelques mots vaguement griffonnés sur la table de cuisine pour lui expliquer que Louis viendrait l'aider le temps de son absence. Quittant son gîte, il balaya d'un haussement d'épaules les arguments d'Aurile lui revenant soudainement en tête et qui avaient presque réussi à le dissuader de partir. C'était une fille, que pouvait-elle comprendre aux devoirs d'un homme? Résolu et sure de lui, Karyl quitta ainsi Saumur sans se retourner. Les hommes vont de l'avant et ne se retournent pas. Les hommes ne montrent jamais leur tristesse, ils sont fort et courageux. Et karyl était décidé à prouver qu'il était de cette trempe.
Un sourire au bord des lèvres et toujours cet éclat dans les onyx, il imaginait déjà ses retrouvailles avec la troupe. Nul doute que Crok et Maleus seraient impressionnés. Peut-être que Félina grommellerait pour la forme parce qu'il était parti seul mais quand elle verrait tout ses progrès de dagueur elle oublierait surement le reste. Et puis s'ils avaient des ennuis à Joinville ou sur le chemin du retour comme disait Isatan il serait là pour les aider. Tout en marchant, l'enfant sorti une bague de dessous sa chemise. "Tu vas voir que je suis fort" Dit-il tout en la fixant. Lui qui, sur les bords de Seine, avait toujours regardé d'un air rêveur les grands chevaliers de la Licorne avait finalement trouvé en Eikorc un modèle. Loin de voir la noirceur qui pouvait se dégager de l'homme, le petit blond voulait simplement lui ressembler, être aussi fort que lui et se battre pour ce qu'il pensait juste. Et dans son esprit d'enfant il ne faisait aucun doute que son modèle lui apprendrait tout cela, autant surement que ses futurs voyages à travers le monde.
[Sur la route, les jours et les nuits passent]
Saumur, Angers, La Flèche... l'Anjou, le Maine....
La route défilait sous les pas de l'enfant, identique à chaque pas, à chaque seconde. Partout les mêmes sentiers, la même verdure, les mêmes villages au loin. Par mesure de sécurité Karyl avait choisi d'éviter les villes, hors de question de risquer la prison comme la dernière fois. Alors il marchait simplement le long des routes, traversant les campagnes discrètement avec l'espoir à chaque nouveau pas de voir les silhouettes de la troupe de détacher de l'horizon devant lui. Il ne s'autorisait que peu de sommeil. Arriver, arriver le plus vite possible, voilà tout ce qui lui importait. Et peu importe la fatigue accumulée ou les suppliques de son ventre criant famine, le petit homme avançait sure de sa destination.
Il était bien loin de se douter qu'il n'était pas sur le chemin de la Bourgogne, que les indications que lui avait donné Louis n'allaient que l'éloigner à chaque davantage du rêve qu'il pensait à portée de main. Et ce n'est qu'après des jours et des jours de marche à travers la campagne sans avoir croisé âme qui vive, affaiblit et le sac vide de provisions que Karyl fut contraint d'admettre qu'il devrait s'arrêter. Mais bon, même les plus grands aventuriers ont besoin d'un peu de repos et couper un peu avec la solitude qui l'entourait depuis son départ n'était pas pour lui déplaire.
Quelques heures plus tard, Alors qu'il venait de Franchir la Frontière du duché d'Alençon, continuant son chemin toujours tout droit, Karyl vit enfin se profiler à l'horizon les défenses d'un village. Un large sourire fendit alors ses lèvres alors qu'il se sentit pousser des ailes. Il rêvait d'un lit douillet d'une bonne soupe, de rires et de bêtises à raconter à qui l'écouterait. Fourrant sa main dans sa poche il sortit le parchemin de félina et se mit à le relire encore une fois.
- J'm'arrête pas longtemps, j'te promets.. t'vas voir je serai là bientôt, Fit-il sure de lui avant de se remettre en route en replaçant le parchemin à sa place au fond de sa poche.
Oui mais voilà...
Se dirigeant vers Mortagne, Karyl était loin d'imaginer qu'il ne franchirait jamais les portes de la ville, que ses rêves de sauver la zoko allaient s'évanouir au détour d'un bosquet. Il était loin de penser, le petit blond au large sourire, qu'au lieu d'un bon lit chaud, il ne trouverait qu'un sol froid et caillouteux pour seule paillasse.
La nuit n'était pas encore tombée sur le village tout proche quand trois hommes se dressèrent sur sa route. " La bourse ou la vie". Il en aurait rit le petit karyl en d'autres circonstances mais là, fatigué par des jours de marche, affaiblit par le manque de nourriture, seul au milieu d'un duché dont il ne connaissait rien, il comprit que sa situation était délicate.
Fuir? Hors de question.
Donner sa bourse? Pas sans se battre.
Alors, fixant avec fierté les hommes face à lui, Karyl sorti sa dague d'un air déterminé. Il était temps pour lui de prouver qu'il était bon dagueur, que les enseignements de Félina avaient porté leurs fruits. Le temps était venu de prouver qu'il était digne de la Zoko. " J'ai pas peur", leur siffla t-il simplement. il voulait être courageux, mais lorsque les coups se mirent à pleuvoir, lorsque le sol râpeux vint cogner contre sa figure, que ses os, les uns après les autres, se brisèrent sous le poids de l'ennemi, il ne put retenir un cri. Il n'était pas assez fort pour rivaliser contre ses assaillants, pas assez fort pour les empêcher d'abattre leur fureur sur lui, pas assez fort tout simplement...
Leur besogne terminée, les hommes le laissèrent finalement là, dépouillé, jeté dans un fossé à quelques centaines de mètres à peine de Mortagne. Karyl, à peine conscient, ne put s'empêcher de penser à ceux qu'il ne pourrait pas sauver et avant que Morphée ne fasse son office il murmura un "pardon" qu'il espérait voir s'envoler vers ceux qu'il ne reverrait sans doute plus.
Et puis...
A des centaines de lieux de là, quelle ironie de savoir que la Zoko était finalement rentrée seine et sauve à Saumur et que dans ses rangs, une Féline avait cherché le petit blond. Celui-ci aurait surement sauté de joie et fait demi-tour s'il avait reçu la lettre de cette dernière, jetée au feu par le vieux Georges, lui demandant de rentrer. Oui, surement que Karyl aurait été heureux de savoir que ses amis s'en était sorti et c'est surement serein qu'il aurait alors fermé les yeux sur cette route de campagne...
_________________
un simple gamin des rues...