Theognis
La question.
Le visage insondable et pourtant, des yeux légèrement rétrécis qui le scrutaient avec curiosité. Une économie de gestes, immobile comme le roc, noir et brillant, face aux vagues.
Théo apprécia cette image: l'océan, la liberté, rêveries du Baron, et la falaise, la citadelle, hérissée de remparts, la longue traine de titres derrière Son Altesse. Il devinait bien qu'elle ne le comprenait pas, et Théo doutait qu'elle ne le comprenne jamais. Lui-même, souvent, se laissait porter par le courant, amoureux des tempêtes, rêveur des grandes houles.
Attendu, il s'ennuyait très vite. Son plaisir était dans la surprise et la confusion. Aux grandes architectures, il préférait les forêts aux chemins secrets. Sa vie publique, en Bourgogne, il l'avait consacrée à l'union de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Cet idéal désormais lui paraissait vain, il n'avait ni le caractère ni les épaules pour le porter à bien. Sous le coup de la déception, il s'échappa, il fuit son pays, pour nouer autour de son cou les lacets des chemins.
Très vite, sous le soleil brûlant ou la pluie froide, l'horizon, ces virages cachés, ces arbres à l'épaisse futaie, ces villages blottis au creux des vallons ou perchés au sommet des collines, ces villageois à l'accueil incertain, le danger aux aguets, derrière chaque virage, arbre ou villageois, tout cela le ragaillardit.
Il se sentit vivre, à nouveau. Prêt à mener la vie aventureuse qu'il avait rêvé. Loin de son esprit, les problèmes bourguignons.
Mais, à nouveau, la déception. Moins amère mais plus cruelle, car mêlée de désabusement. Ce n'était pas l'échec de son élection à la Teste de Busch, qu'il voulait tranquillement piller, qui le marqua. La frilosité des dirigeants de la Gascogne, incapables de se saisir du fruit mûr de la Guyenne, le déçut davantage.
Remontant vers le Limousin, le pas d'armes fut un échec. Les nobles du Limousin, plus à l'aise dans leur bain que sur un terrain de lices, ne vinrent pas relever le gant jeté à leur visage poupon. Ainsi, la petite troupe du Cartel se dispersa.
Revenu en Bourgogne, Théo avait au moins appris une chose.
Hé bien, j'attends que tu m'accordes le droit de vivre comme ma noblesse l'exige. Je ne suis pas destiné à devenir professeur d'université: sitôt mes études militaires finies, je m'éloignerai des bâtiments universitaires.
Je ne suis pas non plus fait pour vivre comme un paysan: travailler dans les champs, ou égorger des cochons et des moutons, très peu pour moi.
J'avais à l'époque une petite forge, j'aimais bien ce métier. Mais un noble ne peut travailler de ces mains, n'est ce pas? Avant de partir, j'ai donc tout vendu: mon auberge et mon échoppe. Ainsi, je me suis rapproché de l'idéal de la noblesse.
Maintenant, je voudrai que tu m'accordes le droit de percevoir des taxes. Sur les routes du duché de Bourgogne, comme une sorte de droit d'octroi que tu m'attribuerai par un édit spécial. Ainsi, je pourrai vivre, non point comme un gueux, mais comme un homme fier de sa noblesse.
Il prononça les derniers mots comme un défi à l'éducation policée d'Ingeburge. Certes, malgré toute l'affection qu'il lui portait, il n'estimait pas à grand chose ses chances de réussir. Elle était, son plus grand défaut songea Théo, bien trop conformiste. Mais, aux poignets, les franges de son habit le grattaient.
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Partage des RP
Les Terres d'Arquian
Le visage insondable et pourtant, des yeux légèrement rétrécis qui le scrutaient avec curiosité. Une économie de gestes, immobile comme le roc, noir et brillant, face aux vagues.
Théo apprécia cette image: l'océan, la liberté, rêveries du Baron, et la falaise, la citadelle, hérissée de remparts, la longue traine de titres derrière Son Altesse. Il devinait bien qu'elle ne le comprenait pas, et Théo doutait qu'elle ne le comprenne jamais. Lui-même, souvent, se laissait porter par le courant, amoureux des tempêtes, rêveur des grandes houles.
Attendu, il s'ennuyait très vite. Son plaisir était dans la surprise et la confusion. Aux grandes architectures, il préférait les forêts aux chemins secrets. Sa vie publique, en Bourgogne, il l'avait consacrée à l'union de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Cet idéal désormais lui paraissait vain, il n'avait ni le caractère ni les épaules pour le porter à bien. Sous le coup de la déception, il s'échappa, il fuit son pays, pour nouer autour de son cou les lacets des chemins.
Très vite, sous le soleil brûlant ou la pluie froide, l'horizon, ces virages cachés, ces arbres à l'épaisse futaie, ces villages blottis au creux des vallons ou perchés au sommet des collines, ces villageois à l'accueil incertain, le danger aux aguets, derrière chaque virage, arbre ou villageois, tout cela le ragaillardit.
Il se sentit vivre, à nouveau. Prêt à mener la vie aventureuse qu'il avait rêvé. Loin de son esprit, les problèmes bourguignons.
Mais, à nouveau, la déception. Moins amère mais plus cruelle, car mêlée de désabusement. Ce n'était pas l'échec de son élection à la Teste de Busch, qu'il voulait tranquillement piller, qui le marqua. La frilosité des dirigeants de la Gascogne, incapables de se saisir du fruit mûr de la Guyenne, le déçut davantage.
Remontant vers le Limousin, le pas d'armes fut un échec. Les nobles du Limousin, plus à l'aise dans leur bain que sur un terrain de lices, ne vinrent pas relever le gant jeté à leur visage poupon. Ainsi, la petite troupe du Cartel se dispersa.
Revenu en Bourgogne, Théo avait au moins appris une chose.
Hé bien, j'attends que tu m'accordes le droit de vivre comme ma noblesse l'exige. Je ne suis pas destiné à devenir professeur d'université: sitôt mes études militaires finies, je m'éloignerai des bâtiments universitaires.
Je ne suis pas non plus fait pour vivre comme un paysan: travailler dans les champs, ou égorger des cochons et des moutons, très peu pour moi.
J'avais à l'époque une petite forge, j'aimais bien ce métier. Mais un noble ne peut travailler de ces mains, n'est ce pas? Avant de partir, j'ai donc tout vendu: mon auberge et mon échoppe. Ainsi, je me suis rapproché de l'idéal de la noblesse.
Maintenant, je voudrai que tu m'accordes le droit de percevoir des taxes. Sur les routes du duché de Bourgogne, comme une sorte de droit d'octroi que tu m'attribuerai par un édit spécial. Ainsi, je pourrai vivre, non point comme un gueux, mais comme un homme fier de sa noblesse.
Il prononça les derniers mots comme un défi à l'éducation policée d'Ingeburge. Certes, malgré toute l'affection qu'il lui portait, il n'estimait pas à grand chose ses chances de réussir. Elle était, son plus grand défaut songea Théo, bien trop conformiste. Mais, aux poignets, les franges de son habit le grattaient.
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