Débarrassé de la pesante armure, assis derrière un petit bureau, il saisit la plume fine et se mit à écrire. Deux lettres. Deux sceaux.
A Sa Grâce le Duc de Champagne Shauwdi,
Au Conseil ducal de Champagne,
Au peuple de Champagne,
Le duché de Bourgogne souhaite mettre au bon souvenir des autorités champenoises la dette contractée par eux lors de la guerre bretonne.
Nos officiers et nos soldats partirent loin de leur foyer pour combattre aux côtés des forces du Domaine Royal. Sans jeter un regard en arrière, ils s'élancèrent en nombre sur les mauvais chemins, la vaillance en bandoulière et le cur plein de courage. Ils n'avaient pas peur de rejoindre le royaume d'Aristote. Pourtant, leurs amis nouvellement désignés étaient des inconnus, et ils découvraient sur les champs de bataille leurs ennemis bretons. Mais ces hommes avaient la foi de leur pays chevillée au corps, persuadés de défendre les valeurs bourguignonnes jusqu'à la moindre fondrière des sentiers de l'Ouest.
Au Conseil ducal de Bourgogne, la fierté se mêlait à la crainte. Fierté de savoir ces belles bannières mouillées des brumes océaniques. Crainte de confier ces enfants à des officiers si éloignés de nos préoccupations. Face aux critiques, nous tenions toujours bon, car tel était notre devoir.
Hélas, la guerre fut perdue. Le traité de Saint-Michel l'a confirmé par des clauses sans appel. Aristote l'a voulu ainsi, nous devons respecter sa volonté toute-puissante et nous réjouir pour la paix et pour ceux qui survécurent à l'enfer des plaines de l'Ouest.
Mais comment pleinement nous réjouir pour eux, quand ils revinrent les mains vides, le teint gris, et les joues creuses? Comment les féliciter, quand nous avions à peine de quoi les nourrir? Comment les récompenser, quand nos caisses sonnaient vides?
Par un calcul juste et équitable, nous avions déduit que le montant des sommes avancées au Domaine Royal pour sa défense s'élevait à: 71 032 écus, chiffre auquel s'ajoute 28 épées, 30 boucliers et 4 bâtons. Ce total fut accepté par toutes les parties en présence lors des négociations successives.
6 mois après la fin du conflit, nous attendons toujours le premier écu de remboursement. Cette situation est parfaitement intolérable. Nos officiers et soldats n'en peuvent plus d'attendre. Maintenant que nous devons défendre notre capitale contre des factieux qui la menacent, les caisses sont vides pour payer le courage de nos défenseurs. Nous combattons le ventre vide en notre propre duché! Les soldats se plaignent, les officiers sont maussades, le Conseil ducal est furieux de son impuissance. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.
Nous avons eu de nouvelles et instructives réunions avec des fonctionnaires de l'administration royale. Selon leurs informations, votre duché dispose maintenant de la somme adéquate pour rembourser sa dette. Toujours selon les conseils de l'Intendant Royal aux Finances, je vous envoie ce courrier de mise en garde, pour vous alerter sur la situation présente. Si, dans le mois à venir, soit jusqu'au 15 Mars, une solution de remboursement rapide de notre dette n'était pas mise en uvre, le duché de Bourgogne se réserve toutes les options possibles pour recouvrer son argent.
Ultime précision: considérant que la mine de Tonnerre, parfois évoquée dans les tractations, nous appartient à moitié, malgré la spoliation que vous exercez depuis des années, le règlement de son statut devra se faire à part des sommes de la dette de guerre.
Bien à vous,
Theognis d'Arquian, régent du duché de Bourgogne,
A Son Eminence Ingeburge,
Moi, Theognis d'Arquian, régent du duché de Bourgogne, avoue craindre à chaque pas que la foudre ne me cloue sur place en punition de mon péché d'orgueil. Que j'avoue également, bien qu'il m'en coûte, que la surprenante beauté de Son Altesse fut la cause de mon inconséquent défi aux lois suprêmes du Très-Haut. Que je m'aperçois maintenant de la folie de mes présomptions, pauvre inconscient de l'humilité de ma personne face à la divine élégance de votre volonté, dans votre réponse couchée.
J'avoue encore que je voudrai pleurer des larmes de sang à la révélation de votre blessure par moi causée. Que mes frustrations, uvres démoniaques, auraient mérité le soin de vos habiles instruments théologiques, afin d'extraire de mon âme souillée les tourments qui m'affligent. Que je me sens comme le plus vilain des hommes et la plus infâme des bêtes, Charron à coups de rame me noyant dans le Styx glacé.
Si vos chiens, par la haine excités, se jettent sur moi lors de ma prochaine visite, plaise au Très-Haut que j'accours aussitôt me jeter à leurs pattes griffues, pour recevoir bonne punition de mes actes impurs. Si, par un bonheur très rare, que le blasphème interdit de prononcer "miracle", vos yeux s'abaisseraient alors à ma tache sanglante, que ne serai-je heureux de considérer cela comme un pardon de Votre Eminence. Si, enfin, vous ne souhaitez pas, malgré tout, accorder à mes pas le plaisir de cheminer vers vous, faites-donc couvrir les chemins aux alentours de votre sanctuaire de charbons ardents, que je puisse me rouler dessus jusqu'à vos pieds délicatement chaussés.
J'ai commencé à donner des directives sur la préparation des festivités en votre honneur, que j'espère grandiosement simples. Le Conseil aura bientôt son équipe de soule au complet. Le temps du défi approche, je m'en réjouis. Mais donnez-moi en l'ordre et j'y renoncerai pour le plaisir de vous donner la soule.
Votre serviteur,
Theognis d'Arquian.
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Les Terres d'Arquian