Karyaan
Alors que le crépuscule s'immisçait dans les ruelles de Limoges, une ombre trainait les pieds sur le pavé usé des trottoirs.
Une main pâle, tâchée de sang, glissant sur les murs, marchant fantômatique.
Les passants allaient et venaient, sans la voir, comme invisible à cette populasse affairée.
Tête baissée, yeux rivés sur le pavé, comme concentrée pour ne pas tomber, elle avançait, mue par on ne sait quel élan ou envie.
Ses cheveux d'ébène, barrant son visage, l'un de ses bras serrant son ventre comme en souffrance. Elle avançait alors que le jour déclinait.
Tel un pantin sans marionnettiste, perdu dans ses gestes, elle faisait un pas après l'autre dans une lenteur presque insupportable.
Elle avançait, alors que les derniers passants rentraient chez eux, attirés par la soupe qui les attendaient.
S'arrêtant un instant, sa main sur le mur, caressant la fraicheur du grain, elle leva la tête et regarda l'enseigne du bâtiment qui lui faisait face.
Ses yeux de brume, couleur de nuage chargé de pluie, bouffi de larmes.
Son visage à la pâleur peu commune, non plus diaphane, mais cette fois bien livide.
Cette couleur de fantôme faisait d'autant plus ressortir le rouge vif du sang encore frais qui séchait à sa lèvre fendue.
Et les quelques hématomes visibles sur son cou et ses épaules.
Elle regardait l'enseigne, restant immobile durant un temps infini.
Une goutte de pluie venant frapper son visage et glissant comme une larme, alla mourir sur ses lèvres meurtries.
Une petite averse s'installa doucement alors qu'elle reprit son chemin, attirée par l'enseigne.
Fièrement, le grand bâtiment arborait un écriteau aux lettres qui semblaient dorées.
Hôtel Lazare
Elle murmurait ces mots comme on psalmodie pour se donner du courage.
Elle murmurait ce nom comme pour se dire qu'elle était enfin arrivée.
Elle traina ses guêtres sales et détrempées à l'entrée du grand hôtel et s'arrêta alors pour retrouver son équilibre qui vacillait.
Posant doucement sa main sur le chambranle de la porte elle entra timidement et fut frappée par l'éclairage du hall.
Tellement de bougies...
Ça paraissait presque burlesque.
Un vieil homme s'avança alors vers elle. Fronçant les sourcils en la détaillant, ses rides entourant ses yeux s'approfondirent et lui donnèrent dix ans de plus.
Il avait l'habitude des vagabonds qui osaient franchir le seuil de l'hôtel.
Il avait l'habitude de ces voyageurs crottés qui arrivaient plus sales que des porcs.
Il avait l'habitude de les recevoir et de leur offrir bain, nourriture et gite.
Mais ce qu'il avait devant lui en cet instant, n'avait pas l'air d'une voyageuse, ni d'un vagabond.
Juste... hum... une poupée de chiffon passée au lavoir.
Que viens-tu faire ici ? Se n'est pas ta place. Retourne là d'où tu viens.
La chose en haillons détrempées reporta son attention sur le vieil intendant et plongea ses yeux délavés dans les siens.
Le fixant pendant un long moment, n'arrivant pas à articuler.
Une lourde fatigue s'empara d'elle, comme un poids énorme se posant sur ses épaules frêles.
Fermant les yeux, elle respira profondément, se crispant de douleur.
Murmurant alors, presque inaudible.
On... on m'a dit... qu'un Chevalier de l'Ordre de la Licorne... était ici... s'il vous plait...
Le vieil homme tendit l'oreille et fronça les sourcils.
Que dis-tu ? Allez ouste tu n'as rien à faire ici la gueuze, personne ne te donnera écus ou nourriture. Retourne d'où tu viens allé !
Des larmes coulèrent alors sur les joues déjà mouillées de la jeune fille.
Ouvrant ses yeux elle regarda l'intendant intensément et réuni ses dernières forces pour parler de manière plus audible.
S'il vous plait... j'ai besoin d'elle... un Chevalier de l'Ordre... on m'a dit ici... je vous en prie... allez la chercher... s'il vous plait...
Sentant ses jambes la lâcher elle essaya de se retenir à la porte mais s'agenouilla comme une poupée désarticulée.
Toussant en grimaçant de douleur, sa main s'étoila de sang.
Le vieil intendant ne sachant pas quoi faire, s'accroupit devant elle.
Passant sa main sous son menton, il lui leva le visage et murmura navré.
Je suis désolé... vous ne pouvez pas rester ici. Vous devez aller voir un médecin. Il n'y en a pas ici. Je vais vous aider à rejoindre la rue. Allé...
Passant son bras sous ceux de la jeune fille, il n'aurait jamais pensé qu'elle soit si légère.
Il l'a souleva comme un fétus de paille et entreprit de la faire sortir de l'hôtel.
Il ne se sentait pas bien de ne pouvoir lui venir plus en aide.
Mais se n'était pas son rôle. S'il devait aider tous les mendiants de la création, il n'en finirait plus.
Arrivés à la rue, il s'arrêta près du mur où elle prit appuie puis la regarda.
Vous devriez trouver un médecin qui vous aidera peut-être. Tenez...
Il lui prit une de ses mains qu'il ouvrit et y déposa un écu.
Refermant ses doigts sur la pièce, il se détourna sans la regarder et entra dans l'hôtel alors que la pluie redoublait d'intensité.
_________________
Plume...
Une main pâle, tâchée de sang, glissant sur les murs, marchant fantômatique.
Les passants allaient et venaient, sans la voir, comme invisible à cette populasse affairée.
Tête baissée, yeux rivés sur le pavé, comme concentrée pour ne pas tomber, elle avançait, mue par on ne sait quel élan ou envie.
Ses cheveux d'ébène, barrant son visage, l'un de ses bras serrant son ventre comme en souffrance. Elle avançait alors que le jour déclinait.
Tel un pantin sans marionnettiste, perdu dans ses gestes, elle faisait un pas après l'autre dans une lenteur presque insupportable.
Elle avançait, alors que les derniers passants rentraient chez eux, attirés par la soupe qui les attendaient.
S'arrêtant un instant, sa main sur le mur, caressant la fraicheur du grain, elle leva la tête et regarda l'enseigne du bâtiment qui lui faisait face.
Ses yeux de brume, couleur de nuage chargé de pluie, bouffi de larmes.
Son visage à la pâleur peu commune, non plus diaphane, mais cette fois bien livide.
Cette couleur de fantôme faisait d'autant plus ressortir le rouge vif du sang encore frais qui séchait à sa lèvre fendue.
Et les quelques hématomes visibles sur son cou et ses épaules.
Elle regardait l'enseigne, restant immobile durant un temps infini.
Une goutte de pluie venant frapper son visage et glissant comme une larme, alla mourir sur ses lèvres meurtries.
Une petite averse s'installa doucement alors qu'elle reprit son chemin, attirée par l'enseigne.
Fièrement, le grand bâtiment arborait un écriteau aux lettres qui semblaient dorées.
Hôtel Lazare
Elle murmurait ces mots comme on psalmodie pour se donner du courage.
Elle murmurait ce nom comme pour se dire qu'elle était enfin arrivée.
Elle traina ses guêtres sales et détrempées à l'entrée du grand hôtel et s'arrêta alors pour retrouver son équilibre qui vacillait.
Posant doucement sa main sur le chambranle de la porte elle entra timidement et fut frappée par l'éclairage du hall.
Tellement de bougies...
Ça paraissait presque burlesque.
Un vieil homme s'avança alors vers elle. Fronçant les sourcils en la détaillant, ses rides entourant ses yeux s'approfondirent et lui donnèrent dix ans de plus.
Il avait l'habitude des vagabonds qui osaient franchir le seuil de l'hôtel.
Il avait l'habitude de ces voyageurs crottés qui arrivaient plus sales que des porcs.
Il avait l'habitude de les recevoir et de leur offrir bain, nourriture et gite.
Mais ce qu'il avait devant lui en cet instant, n'avait pas l'air d'une voyageuse, ni d'un vagabond.
Juste... hum... une poupée de chiffon passée au lavoir.
Que viens-tu faire ici ? Se n'est pas ta place. Retourne là d'où tu viens.
La chose en haillons détrempées reporta son attention sur le vieil intendant et plongea ses yeux délavés dans les siens.
Le fixant pendant un long moment, n'arrivant pas à articuler.
Une lourde fatigue s'empara d'elle, comme un poids énorme se posant sur ses épaules frêles.
Fermant les yeux, elle respira profondément, se crispant de douleur.
Murmurant alors, presque inaudible.
On... on m'a dit... qu'un Chevalier de l'Ordre de la Licorne... était ici... s'il vous plait...
Le vieil homme tendit l'oreille et fronça les sourcils.
Que dis-tu ? Allez ouste tu n'as rien à faire ici la gueuze, personne ne te donnera écus ou nourriture. Retourne d'où tu viens allé !
Des larmes coulèrent alors sur les joues déjà mouillées de la jeune fille.
Ouvrant ses yeux elle regarda l'intendant intensément et réuni ses dernières forces pour parler de manière plus audible.
S'il vous plait... j'ai besoin d'elle... un Chevalier de l'Ordre... on m'a dit ici... je vous en prie... allez la chercher... s'il vous plait...
Sentant ses jambes la lâcher elle essaya de se retenir à la porte mais s'agenouilla comme une poupée désarticulée.
Toussant en grimaçant de douleur, sa main s'étoila de sang.
Le vieil intendant ne sachant pas quoi faire, s'accroupit devant elle.
Passant sa main sous son menton, il lui leva le visage et murmura navré.
Je suis désolé... vous ne pouvez pas rester ici. Vous devez aller voir un médecin. Il n'y en a pas ici. Je vais vous aider à rejoindre la rue. Allé...
Passant son bras sous ceux de la jeune fille, il n'aurait jamais pensé qu'elle soit si légère.
Il l'a souleva comme un fétus de paille et entreprit de la faire sortir de l'hôtel.
Il ne se sentait pas bien de ne pouvoir lui venir plus en aide.
Mais se n'était pas son rôle. S'il devait aider tous les mendiants de la création, il n'en finirait plus.
Arrivés à la rue, il s'arrêta près du mur où elle prit appuie puis la regarda.
Vous devriez trouver un médecin qui vous aidera peut-être. Tenez...
Il lui prit une de ses mains qu'il ouvrit et y déposa un écu.
Refermant ses doigts sur la pièce, il se détourna sans la regarder et entra dans l'hôtel alors que la pluie redoublait d'intensité.
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Plume...