[Une nuit devant Saintes]
Ils traversent en silence des campagnes vides, laiteuses, salies par une journée morose. Lciel est toujours bas, crayeux. LAndalou, regarde les nuages qui samoncellent au-dsus dsa tête, laissant présager une nuit sans lune. Il marche en silence, il avance avec son image en tête, elle, sa môme, sa mioche, son ptit bout dfemme qui lfait rire et lrend si fier, Liberta. 5 ans, ptain, 5 ans ! cpas possible quils aient osé sen prendre à elle. A elle, comme à Linon, la fée aux doigts dor, elle la gentillesse incarnée, pacifiste appréciée de tous au milieux dune bande de fous furieux. Un gosse, bordel, cétait rien quune gosse
Pendant quil rumine tous ça, laissant la rage et la furia monter en lui, les lieux les séparant des assassins dsa fille se réduisent sans quil sen rende vraiment compte.
Et puis, soudain tout commence. Il ny a pas de tour dobservation, pas dconsigne, aucun ordre, juste le désir drendre la monnaie à grands coups dtranchant
La ferraille explose dun coup. Le murmure devient hurlement, cauchemar. Lreflet des lames zèbrent la nuit. Plus loin, vers un bosquet, lAndalou distingue des silhouettes qui surgissent de la nuit et cavalent, pliées en deux, venant du camp adverse, essayant dse rendre là où on nles attend pas. Délaissant ses compagnons darmes, lâchant son bouclier pour gagner en vitesse et en agilité, ltaureau sélance à leur poursuite.
Des cris fusent ici et là, imprécations, plaintes de blessés, ordres dattaque. Le libertadien ne regarde ni à droite, ni à gauche, seulement droit devant, avec en point dmire sa proie du jour qui se rapproche. Il engage enfin le combat, frappant, parant les coups adverses, frappant de nouveau, espérant pourfendre lennemi dun coup bien ajusté. Mais cette nuit cest du péchu qui lui fait face, après de longue minute à croiser lacier, il se rtrouve essoufflé face à un adverse aussi abrutit dfatigue que lui. Comprenant quil ny aurait ni vainqueur, ni vaincu, ce dernier fini par lui tourner le dos pour rejoindre les siens qui avaient rompu lcombat, estimant certainement qules dégâts étaient suffisamment important parmi les rangs des insoumis.
Ltaureau est seul au milieu dlarêne, cpas encore lheure dsa dernière corrida. Les talons sont tournés et ldirigent vers les siens
vers cquil reste de leur armée
Landalou avance lentement, traînant sa lame derrière lui, laissant la pointe creuser un sillon dans la poussière, nse baissant qupour ramasser un bouclier à larrache, enjambant des corps, en rtournant dautres, cherchant
des visages, des figures, lpalpitant au bord de lexplosion.
Il fouille du rgard le terrain labouré par les combats. Au milieu de lenchevêtrement des dépouilles, il aperçoit deux silhouettes gisant au sol, baignant dans une marre de sang que le sol boira sans ivresse, une masse colossale à côté dlaquelle se trouve une plus fluette. La lame retrouve à contrecur lchemin dson fourreau, lbouclier est jeté dans ldos. Le libertadien ressent un long frisson glacial descendre le long de son échine et sagenouille dvant les corps inertes afin de sassurer dleur identité. Les traits se figent, lregard dvient fou
il hurle de rage, .
- Natt ! Crok ! Oh bordel ! pas vous !
Landalou ne saura jamais combien de temps il est resté là, les gnoux en terre, laissant leau et le sel descendre de ses émeraudes ternies, traçant un sillon plus clair dans la crasse en ruisselant le long de ses joues. Puis, lchoc encaissé, saperçoit dans une bouffée despoir que le large torse dEl diablo, quil considère aujourdhui comme faisant partie dses frangins, se lève et redescend imperceptiblement. Un rapide allez rtour sur les joues du colosse, lui vaut un grognement qui le fait sourire en pensant quil sen tirait super bien sur ccoup là. En temps normal, ltaureau se serait très certainement prit une banderille monumentale qui laurait sonner pour le compte.
- Crok ! OH CROK ! tmentends hermano ? jvais taider, accroches toi comme tpeux
une montagne de muscle comme toi ! tvas pas tourner dlil comme une jeune pucelle..
Il allège comme il peut le colosse, virant délicatement son plastron sans cesser dlui jacter des trucs en andalou de façon à cque le géant ne sévanouisse pas de nouveau, passe un des puissants bras autour de son cou, passe un des siens autour la taille du blessé et dans un effort à sen faire peter les artères se redresse du mieux quil peut. Encore quelques pas chaloupés et il se laisse glisser le long de la roue dune charrette pour y adosser le plus confortablement possible son compagnon. Le libertadien, ldos ruiné par la masse colossale se relève péniblement, balance quelques mots et lsourire qui va avec,
- Jreviens dsuite mec ! fais pas lcon !
Retour près du corps toujours aussi inanimé de la belette croisée un soir de détresse dans les environs de Tulles et qui chevauche à ses côtés depuis ctemps là. Il regarde tristement le visage crayeux dla brunette, suivant lovale du bout de lindex pour venir dégager une mèche poisseuse collée sur son front. Lcontact de ses doigts avec sa peau le laisse perplexe. Outre la douceur ressentit au toucher, nulle froideur comme il le craignait mais une chaleur intense, comme le début dun forte poussée de fièvre, de celle qui assommerait un canasson. Landalou déchire sa chemise, imbibe la bandelette de tissus dun restant deau contenu dans une gourde oubliée et ramasser au sol. Précautionneusement, il sapplique à nettoyer le visage, où un magma de sang, de terre et de poussière est en train de former une croûte. Une fois le front entouré dun nouveau bout de tissu humidifié au préalable, il passe une main sous le cou, une autre à le pliure des genoux et arrache le corps de la merlette comme un fétu de paille
faudra quelle parle régime avec le colosse une fois côte à côte à lhôpital. De nouveau ses pas lentraînent vers la charrette qui servira a évacuer les blessés vers Angoulême.
Là, il rtrouve les survivants dIndomità. Parmi eux, lrasé toujours debout, planté sur ses deux guiboles, la haine dégoulinant des mirettes qui balayent du rgard lcharnier qui soffrent à eux dans laube grisâtre. L Andalou, pose sa main sur lépaule de logre, comme lappelle sa mioche, serre légèrement en manière de réconfort, puis, épuisé, la rage au bide, se laisse tomber auprès dlui. Les yeux lui brulent, il tente de rprendre lcontrôle de ses nerfs et dsa respiration. Ljour se lève encore plus gris et plus sale que le précédent
encore une journée à supporter cette ptain boule au milieu dlestomac
encore un journée à vivre et à continuer despérer.
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