Beatritz
D'Auxerre, à mi-chemin, ils trouvèrent la Seine,
Son eau noire et paisible aux mille et un détours,
Le brouillard matinal, le pays alentour,
Et ce courant normand qui au loin vous entraîne.
Dans un trou d'eau bleu-vert, le lit d'une morène
Sur laquelle est posée, dès que se point le jour,
Celle qui de son chant se croit buf de labour,
Cette bondissante et viride fraîche raine.
Parfois il arrivait que les six chevaux bais,
Face à quelque danger, ruent ; même ils regimbaient,
Ce qui de petits bonds secouait l'attelage,
Qui embardé soudain, filait à travers bois,
Et peu s'en faudrait lors qu'ils ruent jusqu'à l'Aubois !
L'inconfort est certain en un tel voiturage.
*
De ses gants la Duchesse, impatiente égraine,
Son patenôtre de calcédoine à rebours
Assise sagement dans ses riches atours,
Murmurant pour sa mère une tardive thrène.
Car cette enfant ferait dans un jour son étrenne
D'un legs de sang fort bleu, et qui pèse fort lourd :
Dans un jour Béatrice entrerait à la Cour
Dont elle espère un jour être la souveraine.
Cette très orgueilleuse obsession l'inhibait
Et son regard portant sur les serfs qui tourbaient,
Sur les errants nuages, ou tel bruyant flottage,
Son nez fleurant là bas une biche aux abois,
Sa voix priant tout bas, et son visible émoi
Tenaient au silence les amis de voyage.
*
Elle rêvait déjà, du bal, de son potage,
Du rôt, second service, et de ce qu'on y boit,
Se figurait une tarte aux mûres des bois,
Qui serait la suite à de grands plats de fromage.
Il coulerait dans des gosiers de haut parage,
Accompagnant des assiettes d'or qui giboient,
Vin d'arbois tourangeau, vin de paille d'Arbois,
Pour abreuver ce monde au si brillant lignage.
Chair prisée de murène et huîtres de Marennes
Des poissons qui côtoient la volaille ; la drenne,
Farcie bien grassement à la pomme rambour,
Qui dans la vigne, avant, allait et cacabait,
Qui les grains de raisin, d'un coup d'un seul, gobait,
La voilà affrontée, dans un plat, à un tourd !
*
Elle voyait les danses, caroles et loures,
C'était à son oreille un grelot, une draine,
Car de ce monde en fleur, elle se voulait reine,
éveillée à l'aube au grondement des tambours.
Et la Castelmaure en sa robe en velours,
En chaleur en voiture en son épaisse traîne,
Ne voulait que fort peu : juste qu'on la comprenne,
Ailleurs qu'en rêveries, où elle vécut toujours.
Quand enfin s'éclipsa le songe des hautbois,
Le cortège achevait la traversée d'un bois
Qui débouchait sur un parisien mirage :
Bientôt à l'horizon de multiples gibets,
Tentacules d'un monstre de mort au rabais.
Béatrice revint aux dits de l'entourage.
*
Tandis que la voiture empruntait un virage,
Et qu'une suivante lâchait un calembour,
Elle ajusta son peigne en bois de calambour,
Et soupira heureuse à ce chaud babillage.
Délaissant à la fin le mignon commérage,
Elle appela le Duc et dit non sans humour :
-« J'avais à vous parler, venons-en au contour
de mon idée c'est ça ! Parlons de mariage. »
Dans ses iris azur une flamme flambait
Un regard étranger, malin, qui perturbait :
-« J'attends de vous, cher Duc, qu'à l'autel on me mène,
Qu'engagé envers moi, vous m'aidiez dans mes choix
de morale et d'hymen ; c'est à vous qu'il échoie
de recevoir de moi le vu qu'on me parraine. »
[Merci à LJD Barahir pour sa merveilleuse contrainte d'écriture ; à cause de ça, il est 5h et je n'ai pas encore dormi ! ^^
RP fermé pour l'heure à ceux qui ne se trouvent pas dans l'équipage bourguignon pour le bal du Roi.]
_________________
-- Nobles, peuplez le Louvre ! Que ça vive !
Son eau noire et paisible aux mille et un détours,
Le brouillard matinal, le pays alentour,
Et ce courant normand qui au loin vous entraîne.
Dans un trou d'eau bleu-vert, le lit d'une morène
Sur laquelle est posée, dès que se point le jour,
Celle qui de son chant se croit buf de labour,
Cette bondissante et viride fraîche raine.
Parfois il arrivait que les six chevaux bais,
Face à quelque danger, ruent ; même ils regimbaient,
Ce qui de petits bonds secouait l'attelage,
Qui embardé soudain, filait à travers bois,
Et peu s'en faudrait lors qu'ils ruent jusqu'à l'Aubois !
L'inconfort est certain en un tel voiturage.
*
De ses gants la Duchesse, impatiente égraine,
Son patenôtre de calcédoine à rebours
Assise sagement dans ses riches atours,
Murmurant pour sa mère une tardive thrène.
Car cette enfant ferait dans un jour son étrenne
D'un legs de sang fort bleu, et qui pèse fort lourd :
Dans un jour Béatrice entrerait à la Cour
Dont elle espère un jour être la souveraine.
Cette très orgueilleuse obsession l'inhibait
Et son regard portant sur les serfs qui tourbaient,
Sur les errants nuages, ou tel bruyant flottage,
Son nez fleurant là bas une biche aux abois,
Sa voix priant tout bas, et son visible émoi
Tenaient au silence les amis de voyage.
*
Elle rêvait déjà, du bal, de son potage,
Du rôt, second service, et de ce qu'on y boit,
Se figurait une tarte aux mûres des bois,
Qui serait la suite à de grands plats de fromage.
Il coulerait dans des gosiers de haut parage,
Accompagnant des assiettes d'or qui giboient,
Vin d'arbois tourangeau, vin de paille d'Arbois,
Pour abreuver ce monde au si brillant lignage.
Chair prisée de murène et huîtres de Marennes
Des poissons qui côtoient la volaille ; la drenne,
Farcie bien grassement à la pomme rambour,
Qui dans la vigne, avant, allait et cacabait,
Qui les grains de raisin, d'un coup d'un seul, gobait,
La voilà affrontée, dans un plat, à un tourd !
*
Elle voyait les danses, caroles et loures,
C'était à son oreille un grelot, une draine,
Car de ce monde en fleur, elle se voulait reine,
éveillée à l'aube au grondement des tambours.
Et la Castelmaure en sa robe en velours,
En chaleur en voiture en son épaisse traîne,
Ne voulait que fort peu : juste qu'on la comprenne,
Ailleurs qu'en rêveries, où elle vécut toujours.
Quand enfin s'éclipsa le songe des hautbois,
Le cortège achevait la traversée d'un bois
Qui débouchait sur un parisien mirage :
Bientôt à l'horizon de multiples gibets,
Tentacules d'un monstre de mort au rabais.
Béatrice revint aux dits de l'entourage.
*
Tandis que la voiture empruntait un virage,
Et qu'une suivante lâchait un calembour,
Elle ajusta son peigne en bois de calambour,
Et soupira heureuse à ce chaud babillage.
Délaissant à la fin le mignon commérage,
Elle appela le Duc et dit non sans humour :
-« J'avais à vous parler, venons-en au contour
de mon idée c'est ça ! Parlons de mariage. »
Dans ses iris azur une flamme flambait
Un regard étranger, malin, qui perturbait :
-« J'attends de vous, cher Duc, qu'à l'autel on me mène,
Qu'engagé envers moi, vous m'aidiez dans mes choix
de morale et d'hymen ; c'est à vous qu'il échoie
de recevoir de moi le vu qu'on me parraine. »
[Merci à LJD Barahir pour sa merveilleuse contrainte d'écriture ; à cause de ça, il est 5h et je n'ai pas encore dormi ! ^^
RP fermé pour l'heure à ceux qui ne se trouvent pas dans l'équipage bourguignon pour le bal du Roi.]
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-- Nobles, peuplez le Louvre ! Que ça vive !