--L_gamin.
[Dans une auberge où la chaleur n'émane que d'un esprit bouillonnant]
Sa main se referme sur les piécettes et les envoie rejoindre leurs frangines. Elle va pouvoir manger, et bien. Son sourire se fait franc fasse au Genty. Elle hoche la tête puis s'arrête.
- C'est que... C'est que... on fait pas d'tartes nous aut'. Faudrait aller chez l'boulanger et lui en ach'ter une. Après j'peux l'faire s'vous voulez...
Elle lui sourit, encore, et puis, si elle peut encore garder la monnaie... elle a déjà bien plus d'argent qu'elle n'a jamais eu.
- D'accord ?
--L_gamin.
La gamine hoche la tête, elle est daccord, bien sûr quelle est daccord. Lhomme lui fait toujours un peu peur, mais il est généreux, elle va pouvoir acheter de la soupe et du pain ! Un repas de fête, un repas
quelle na jamais eu en fait. Elle lui sourit, reconnaissante, dun sourire danimal qui a trouvé son maitre. Reconnaissant envers la main qui le nourrit. Et puis ce quil demande, cest pas grand-chose, cest des services quelle veut bien recommencer tous les jours, payée ainsi.
- Bien Messire.
Quelle dit. Cest que sous ses vêtements sales et son air patibulaire, finalement, il est grand seigneur. Elle se recule, lobserve manger, tant quil a besoin delle, elle obéira. Elle songe à son repas du soir, un sourire béat sur les lèvres, le visage illuminé. Cest la providence qui a mis cet homme sur sa route, cest certain. Sa vie va changer.
- Je reviens, Mai
Messire. Un signe et je suis à votre disposition.
Son patron lui a fait signe, il y a un autre client à servir, elle sy dirige, jetant des regards au Genty généreux, quil ne parte pas sans elle surtout, ou quil revienne vite alors, quil ne parte que pour la tarte et revienne la sortir de ce lieu. Cest peut être un prince charmant en fait ? Pas très charmant
mais
enfin, elle se comprend.
--L_gamin.
La gamine ressentit un violent pincement au cur quand elle vit son Client sortir. Et il mettait du temps à revenir en plus. Elle ne cessait de regarder vers la porte. Un peu de mauvais vin échappa du pichet quelle tenait et se répandit sur la table, au lieu du gobelet tendu. Le client lésé lui mit une gifle, le patron un coup de latte. La chiarde fut envoyée à deux pas de la porte, de nouveau chialeuse et morveuse.
Le Genty entra à ce moment, elle lui emboita le pas sans un regard pour son patron. Elle crèverait ou pas, mais elle avait choisi son destin. Elle nappartenait pas à celui qui se considérait comme son propriétaire. Il lavait nourrie, elle avait bien remboursé sa dette, chaque soir elle remboursait, elle avait même pris de lavance
Dun revers de manche elle sessuya les yeux, dun autre, le nez, quelques reniflements plus loin, elle avait cessé de pleurer. Elle prit la tourte des mains du Genty, délicatement, et lui souriant, elle lui demanda ce quelle devait dire à la patronne lorsquelle lapporterait.
--L_gamin.
Il est revenu ! et il lui dit ce qu'elle a à faire. Elle va tout bien faire... parce qu'elle ne veut pas le décevoir. Même qu'elle est sûre qu'il est beau sous sa crasse. Enfin, un genre de beauté quoi.
Elle hume l'odeur de la tourte, elle en baverait, la môme, mais elle ravale bien vite sa salive, ça serait du plus mauvais effet. Elle a bien écouté ses instructions, elle hoche la tête, lui sourit, d'un revers de manche, elle s'essuie le nez, les yeux, histoire de. elle étale plus qu'elle ne nettoie, mais c'est mieux tout de même.
Elle voit quelqu'un entrer, elle ne fera pas ainsi, elle, elle toque. Un coup. Timide. Puis un autre. Plus fort. La porte s'ouvre et la gamine, comme chaque fois qu'elle voit ces dames trop bien vêtues, elle ouvre de grands yeux, rosit des joues, elle en deviendrait presque jolie. L'envie l'embellit.
- B'jour m'dame. C'est un admirateur qu'est trop timide qu'pour vous d'nner ça d'lui même alors m'a d'mandé d'vous l'donner. C'est qu'il est amoureux, oui, m'dame, c'est ce qu'il m'a dit. Et pis l'est gentil... T'nez m'dames, c'pour vous qu'il a dit. Elle sent bon, pis l'est encore chaude, faut pas attendre qu'c'est froid il a dit, parce qu'après c'moins bon.
Elle attend, sourire aux lèvres, que la belle dame prenne la tourte des mains. Elle est fière de pouvoir la leur offrir elle même, fière, heureuse, la dernière fois elles n'étaient pas encore dans leurs belles tenues, c'était l'installation, mais là... La gamine n'en croit pas ses yeux, elles sont si belles !