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[RP] Les heures moches

Saens
[Rp clos.]

Lorsqu'il apprit que la brune s'était donné la mort, il vomit dans ses draps, comme un goret. Ensuite il n'y pensa plus. Il descendit les marches de l'escalier, toutes, jusqu'en bas, après avoir rincé à ses lèvres ce fâcheux épanchement émétique. Ajusta son col de chemise. Jeta, la lettre déjà froide, dans la chaussée. Entra dans la première taverne qui se posa sur sa route, et même, s'y endormit. Du sommeil paisible. Juste, à peine, comme quelque chose qui le chiffonnait entre deux ronflements. La fausse veuve vint, avec sa peau claire, et il sourit un peu. Ni blanc, ni jaune. Noir. Ils causèrent un brin.

Et puis, ça lui est revenu en pleine gueule, qu'à quelques lieues, combien il n'en savait foutrement rien, la charogne de Saorii trempait dans la flotte. Il la vit nettement, en regardant la fausse veuve qu'était agenouillée, comme on voit les noyées qui coulent, et leur visage qui se fait la malle, qui se fait engloutir, qui se fait bouffer. Une bafouille plus tard il écrasait des pleurs contre la façade de la taverne, mais la douleur, ça se dit pas. D'ailleurs, il était plus là. Il était à Châteauroux, à Langres, à Embrun. Il était en train de sauter la brune en lui murmurant des niaiseries à se faire griller la bile noir, de lui faire l'amour, un gosse, des grimaces. Les souvenirs les plus doux s'amenaient comme des traitres et lui poignardaient les tripes en se foutant de lui. "Mesurez l'ironie". Il mesure, il mesure.

Plus tard. Il a bu. Il est gris. C'est le milieu de la nuit, qui s'étire, comme le corps d'un chat cauchemardesque. La morte est toujours collée à sa rétine comme une membrane faisandée ; les truites ont commencé à lui grignoter ses beaux yeux fauves. Le brun murmure, atone : j'ai toujours aimé cuisiner les poissons. Les truites, on les dore, après avoir enlevé la peau. On poivre. On poivre Saorii.

Et un peu de légumes, murmure le mur, des pois, des courgettes.

Et le brun hurle.
"Non ! Pauvre conard !Va-t-en te faire foutre ! Elle aime pas le vert !"

Cet abruti de Saens martèle le mur, en répétant qu'elle n'aimait pas les légumes verts. On le saura, pensent les clients de la chambre contiguë. A un moment, il a les poings en bouillie. Il arrête. Il fond contre le mur comme un coulis de mûres. Il regarde ses mains. Qu'est-ce qui t'a pris, catin mon amour, que tu ne pouvais vivre en me laissant seul ? Garce ! Un cadavre ! Il regarde ses mains. Un jour, il lui avait dit à la brune, qu'elle était son bras. Il l'aurait attendue. Son bras. Il l'aurait attendu mais c'est ridicule maintenant, les morts n'entendent pas. Un bras qu'il avait dit ? Il y a des hachoirs, Saens, dans la pièce d'en bas.

Plus tard. C'est une dorade qui rissole au rez-de-chaussée. Un gars, avec un peu de gerbe au coin des lèvres et un bas rouge noué autour du cou, surveille la cuisson avec l'attention d'un esthète. C'est chance si ses cernes ne tombent pas dans la poêle. L'aube pointe à peine son nez, bleue, fraiche. Une sauce fait des bulles, une bouteille de rouge hérétique attend son heure, il n'y a personne. Le gars pose la dorade parfaitement cuite dans une écuelle, et la noie de sauce. Il poivre. Il sert.

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Saens
Au mitan du borgnon, les souvenirs attendent leur tour en rang d'oignons ; bien coiffés, bien chaussés, les canines lustrées, ils trépignent à la porte absurde de l'épave qu'est devenu, en quelques heures, l'entendement de Saens. L'esquif s'est échoué dans les landes âcres, la coque a été dévorée par les sables, les voiles par des harpies, les mâts verbaux sont brisés, et pendant qu'une souvenance vicieuse remonte de la poupe, une mouette s'épure sur le gouvernail. C'est moche. Il est adossé au mur, les jambes sur le lit. Il fixe du rien. Il parle aux murs, en murmures. Quand un souvenir s'accroche, il le claquemure. Pour ne pas devenir fou avec les détails, Saens repense, au général. L'archée du couple, c'était la noyade ? Il lui semble que tout, depuis le début, depuis cet après-midi - c'était le dernier de l'an 1456, il y avait un joueur de flûte, lui il avait aligné trois miettes avant d'oser s'asseoir à côté d'e... Il plissa fortement les yeux. Halte. Le brise-lames palpébral ne vaut rien, et les larmes roulent quand même sur ses joues en jachère, dans la broussaille manichéenne, faite de noir, de blanc et d'algues. Tout revient.

Dans le froid il se lève, et va chercher son brûle-gueule. Dans quelques années vous n'aurez plus de cordes vocales, avait annoncé la gamine-veuve, celle qui vous disait "nulle part" avec des airs de vestale. Sa présence pansait, ou du moins, écartait, non pas la douleur, ni les souvenirs, il avait failli fondre en larmes à l'évocation de bottes rouges, mais le remord. Elle en chassait les miasmes de sa main articulée d'hâve. Il respirait pendant quelques heures. Là, il respirait de la verdure qui fait piupiuter le bon sens. Il reprit sa place initiale, les colonnes de fumée comme des voiles tendus contre les gerces ; la vestale était absente, il n'y avait que lui, une noyée et ces dames Souffrance, Impuissance, et Culpabilité. Mademoiselle Lucide s'était réfugiée dans les jupons de sa mère. Où en était-il ? A ce qu'il lui semblait que leurs vies, à ces deux bruns, n'avait eu pour portée que cet acte-là, un élan, avant qu'elle ne se fasse faucher. Et comment, naïf, aurait-il pu en être autrement ? Tu ne tiens pas les cordes du drame.

Tu tiens celle de tes mots. De tes phrases... assassines. Culpabilité prit son visage entre ses mains, avec son haleine d'orties, et la vérité mon fils, c'est que son amertume te faisait tellement suffoquer, et que tu avais fini par en avoir tellement peur, que tu l'as abandonnée. Il aurait pû glisser des raisons pour adoucir la sentence sans faire appel aux recours de la mauvaise foi, mais il n'en avait pas envie. Ta mort contre mon remord, voilà le pacte. Bien joué, la brune. On entendit son rire dans le couloir mité. Et puis, plus rien.
Nenni. Il y a un "et puis" pour ceux qui restent. C'est là tout le tragique de l'histoire. Sinon ils se fendraient les poignets avec bonheur, mais cela, c'est ô combien lâche, c'est lâche, c'est lâche... Et puis il sortit à l'aube, pour boire. Les couardises alcoolisées sont de bien meilleur ton, comme tout ce qui vous détruit à petit feu. A petit feu surtout. Qu'on le sente passer. Il descendit la rue en clamant des vers.

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Clafoutty
Claf vit, le sieur seul, elle n'aimait pas voir quelqu'un tout triste.
Elle poussa la porte, et salua le sieur.
Elle hésitait à s'approcher et à s'assoir de peur, qu'on la rejette.
Debout à l'entrée de la porte, elle avançait doucement, puis se tint au milieu de la taverne, attendant réponse.

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Saens
Onc n'avait prévenu la candide Claf, qu'il eut mieux valu ne pas poindre le bout de son nez en ces lieux, à cette heure - quoique, si LJD Claf avait entendu le sens de l'expression "Rp clos", elle eut évité ce drame. Mais certains faits sont inaltérables, et entraînent des conséquences noires. Le brun lança à la donzelle un regard... un regard qui disait toi, mignonne, tu es le poil qui fait déborder l'vase, la goutte capillaire dans la soupe, la figue sur le gâté, et tu vas t'en prendre pour tes instincts de fouine en pitié. D'abord... voix douce.

"Bonjour... Bonjour ? Bon, jour ? Est-il bon, le jour ? Croyez que j'ai une tête des jours favorables ? Me voyez sourire ? Me voyez rire ? Car on dit bonjour quand le jour est bon, en temps de félicité, quand c'est le printemps, quand on aime, quand, en somme, le type qu'on a en face de soi, a une mine adéquate ! Ou c'est de l'ironie ? C'est ironique pourtant, de me dire bonjour à moi. Mais vous n'y pensez pas, hein ?

Laissez-moi deviner, vous vous êtes levée de bon matin, avait planté trois pâquerettes dans vos boucles, des fleurs bêtes oui, des fleurs blanches, vous n'avez pas une tête à apprécier les asphodèles vous, et vous avez ajusté, votre saleté de corsage, et vous êtes sortie dans la rue, à la recherche d'une miche de pain ronde et dorée et, si possible, un bon petit travail, à récolter les grains de blé en ânonnant des niaiseries au soleil quand tout à coup, à votre droite, de la lumière dans une taverne, et un gars avec une gueule de dérangé... non, une gueule triste. C'est la tristesse qui vous attire hein, mauvaise mouche ?

Vous êtes curieuse aussi. Pourquoi tire-t-il une si grave tête, l'aube est belle pourtant. Et dans ce qui vous tient d'entendement, les hypothèses fusent, et tiens, vous vous dites, son histoire doit être triste. Un drame peut-être ? ça me fera quelque chose, pour une fois, à raconter au coin du feu ! Et vous croyez quoi ! Que j'ai envie de vous parler !"


Il s'est levé maintenant, il crie.

"Et ça m'apporterait quoi, hein ! Vous croyez que j'ai envie de me confier à la première étourdie qui vient rassasier sa soif malsaine de petites bluettes tragiques ? Ah vous en êtes en mal d'action ? Et bien foutez l'camp de là, foutez-moi la paix, et allez la vivre, la grande aventure ! Allez vous torchez les tripes ! Apprenez à pisser debout, moisissez-vous le cœur, tombez amoureuse d'un âne, portez des bas rouges, marchez jusqu'en à crever, et vous viendrez me voir après ! Nom de merdre ! Bordel !"

Et il se taille comme un empereur.
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