Arthurdayne
[Moulins, Jours étranges]
Quelque chose d'étrange traînait dans l'air. Peut être la guerre, peut être les absences, peut être les silences. Mais autre chose aussi, ce matin là. Moulins était calme. Guerre et mort n'étaient pas si loin, elles ne le sont jamais, au vrai, mais il régnait ce calme étrange dans l'air. Celui que l'on ressent lorsque l'on attend, même si l'on ne sait jamais vraiment ce qu'on attend. Alors il faut s'occuper pour oublier.
Regard vissé sur la cible, bras tendus, fourmillements dans ses phalanges brisées puis soignées, Arthur lâcha brusquement le trait. La flèche fila. Se planta. Raté. Encore...
Regard vers le ciel. Gris, mais sans que les nuages ne menacent vraiment de lâcher leurs larmes. Comme un chagrin discret et retenu. Quelque chose d'étrange dans l'air... Arthur gratta sans vraiment s'en rendre compte la balafre qui soulignait sa pommette tout en réduisant la distance qui le séparait de la cible. Sa flèche était plantée là, près de six autres. Qui n'étaient pas les siennes.
Cette cible là et les six traits qui lui hérissaient le cuir, il avait demandé à Amandine de la garder et de lui donner. Et depuis, chaque jour étrange, il venait là, sur le champs de tir de Moulins, posait la cible et tentait sa chance. Pourquoi? Bah... y'avait-il besoin d'une raison...
Les six flèches plantées là l'avaient été par un archer qui avait emporté haut la main un tournoi organisé du temps où il était maire. Un putain d'archer, comme il l'avait raconté plus tard. Qui avait réalisé une performance qui avait soufflé tout le monde et qui, ce qui ajoutait à la légende, avait fait don de son prix à un pauvre. Meilleure preuve, s'il en était besoin, qu'un idéal ne se défendait pas que dans le sang. Et meilleur argument, dont il s'était servi, pour prouver aux aveugles que les Libertad n'étaient pas qu'une troupe de brigands sanguinaires.
Arthur arracha sa flèche de la cible. Toujours pas... t'es loin du compte, encore. Son regard détailla une nouvelle fois les six traits et leur disposition harmonieuse. Comme s'ils avaient été lancés d'un seul et même mouvement, par une sorte de prolongement du corps et de l'esprit. Oui, un putain d'archer, ce Fablitos.
A l'évocation du nom, un souffle d'air vint doucement balayer le champs de tir. Nouveau regard vers les nuages, là haut. Oui... quelque chose d'étrange traînait dans l'air. Flèche à la main, Arthur revint se positionner à quelques pas de la cible. Il encocha, tendit le bras, ramena sa concentration sur un point, là bas. Le centre de la cible, l'absolu. Là, juste en un point, se trouvaient deux des six flèches de l'Andalou. Alors que la corde de l'arc effleurait la pommette d'Arthur, une violente brûlure traversa la balafre.
Hmm... Eik est en colère... Arthur s'amusait à croire que les fourmillements plus ou moins violents qu'il ressentait parfois étaient corrélés à la colère qui obscurcissait l'âme du géant. Parce que c'était lui et elle qui l'avaient marqué ainsi. Et s'il fallait en croire l'intensité de celle ci...
Le bras se détendit. Le trait ne partit pas, l'arc et la flèche retombèrent au bout de bras ballants. Quelque chose d'étrange... Nouveau regard vers les nuages, qui charriaient leur tristesse sans vraiment vouloir la laisser éclater. Sauf là bas, au loin.
L'horizon pleurait.
Arthur planta la flèche dans le sol et posa son arc. Assis en tailleur dans l'herbe, il fouilla dans son baluchon et en sortit une dague. Joliment ouvragée, arrivée entre ses mains par le hasard de plusieurs rencontres tissées les unes aux autres. Etranges et surprenantes sont les routes qui s'entrecroisent. Et qui font la richesse d'une vie.
La dague qu'il tenait entre ses mains, qui lui avait été offerte, était l'oeuvre de l'Andalou. C'était du moins ce qu'on lui avait dit. Hasard et étrangeté l'avaient faite échouer ici, entre les mains d'un Moulinois qui n'avait eu que peu d'occasions de croiser celui qui l'avait forgée. Mais les liens qui se tissent tout le long d'une route sinueuse forment parfois d'étranges échos, des reflets que l'on ne découvrent souvent que bien longtemps après.
Aussi distendus, fragiles et discrets soient-ils, ces liens existent. Chaque rencontre laisse une empreinte. Et l'Andalou qui échouait régulièrement à Moulins, ne pouvait que marquer profondément l'esprit de ceux qui le croisaient, même fugitivement. Parce qu'il était entier, symbolisait une rage de liberté qui touchait ou dérangeait, mais ne laissait pas indifférent.
De liberté à Libertad...
De la pointe de la dague, il effleura la balafre récoltée dans les geôles de Joinville. Geste étrange, nouvel écho aux liens tissés. Comme si joindre la dague et la balafre, l'Andalou et le Colosse, soulignait la relation fraternelle qui les liait et qui sautait aux yeux de quiconque avaient croisés leur route, du bon ou du mauvais côté de la lame.
Alors que la brise perdurait, soufflant une étrange mélodie aux accents ibériques, Arthur se releva, dague à la main, et fit face à la cible. Pourquoi pas...
D'un geste ample, il projeta la dague, qui tournoya en fendant l'air. Et se planta entre les deux flèches qui ornaient le centre de la cible.
La pointe toucha le coeur.
Comme il avait touché celui de tant de gens. En mal ou en bien, il touchait au coeur.
Regard vers les nuages, qui crevèrent en une pluie fine de pleurs dignes et longtemps contenus. Le ciel sanglotait et l'horizon était inconsolable. Quelque chose d'étrange traînait dans l'air... Une âme forte et fière manquait, et un vide béant ne serait jamais comblé.
Comme pour répondre à la brise, qui murmurait toujours une mélodie d'Andalousie, Arthur souffla quelques mots que le vent porterait peut être.
Adieu l'Andalou. Salud y libertad. Et basta...
Quelque chose d'étrange traînait dans l'air. Peut être la guerre, peut être les absences, peut être les silences. Mais autre chose aussi, ce matin là. Moulins était calme. Guerre et mort n'étaient pas si loin, elles ne le sont jamais, au vrai, mais il régnait ce calme étrange dans l'air. Celui que l'on ressent lorsque l'on attend, même si l'on ne sait jamais vraiment ce qu'on attend. Alors il faut s'occuper pour oublier.
Regard vissé sur la cible, bras tendus, fourmillements dans ses phalanges brisées puis soignées, Arthur lâcha brusquement le trait. La flèche fila. Se planta. Raté. Encore...
Regard vers le ciel. Gris, mais sans que les nuages ne menacent vraiment de lâcher leurs larmes. Comme un chagrin discret et retenu. Quelque chose d'étrange dans l'air... Arthur gratta sans vraiment s'en rendre compte la balafre qui soulignait sa pommette tout en réduisant la distance qui le séparait de la cible. Sa flèche était plantée là, près de six autres. Qui n'étaient pas les siennes.
Cette cible là et les six traits qui lui hérissaient le cuir, il avait demandé à Amandine de la garder et de lui donner. Et depuis, chaque jour étrange, il venait là, sur le champs de tir de Moulins, posait la cible et tentait sa chance. Pourquoi? Bah... y'avait-il besoin d'une raison...
Les six flèches plantées là l'avaient été par un archer qui avait emporté haut la main un tournoi organisé du temps où il était maire. Un putain d'archer, comme il l'avait raconté plus tard. Qui avait réalisé une performance qui avait soufflé tout le monde et qui, ce qui ajoutait à la légende, avait fait don de son prix à un pauvre. Meilleure preuve, s'il en était besoin, qu'un idéal ne se défendait pas que dans le sang. Et meilleur argument, dont il s'était servi, pour prouver aux aveugles que les Libertad n'étaient pas qu'une troupe de brigands sanguinaires.
Arthur arracha sa flèche de la cible. Toujours pas... t'es loin du compte, encore. Son regard détailla une nouvelle fois les six traits et leur disposition harmonieuse. Comme s'ils avaient été lancés d'un seul et même mouvement, par une sorte de prolongement du corps et de l'esprit. Oui, un putain d'archer, ce Fablitos.
A l'évocation du nom, un souffle d'air vint doucement balayer le champs de tir. Nouveau regard vers les nuages, là haut. Oui... quelque chose d'étrange traînait dans l'air. Flèche à la main, Arthur revint se positionner à quelques pas de la cible. Il encocha, tendit le bras, ramena sa concentration sur un point, là bas. Le centre de la cible, l'absolu. Là, juste en un point, se trouvaient deux des six flèches de l'Andalou. Alors que la corde de l'arc effleurait la pommette d'Arthur, une violente brûlure traversa la balafre.
Hmm... Eik est en colère... Arthur s'amusait à croire que les fourmillements plus ou moins violents qu'il ressentait parfois étaient corrélés à la colère qui obscurcissait l'âme du géant. Parce que c'était lui et elle qui l'avaient marqué ainsi. Et s'il fallait en croire l'intensité de celle ci...
Le bras se détendit. Le trait ne partit pas, l'arc et la flèche retombèrent au bout de bras ballants. Quelque chose d'étrange... Nouveau regard vers les nuages, qui charriaient leur tristesse sans vraiment vouloir la laisser éclater. Sauf là bas, au loin.
L'horizon pleurait.
Arthur planta la flèche dans le sol et posa son arc. Assis en tailleur dans l'herbe, il fouilla dans son baluchon et en sortit une dague. Joliment ouvragée, arrivée entre ses mains par le hasard de plusieurs rencontres tissées les unes aux autres. Etranges et surprenantes sont les routes qui s'entrecroisent. Et qui font la richesse d'une vie.
La dague qu'il tenait entre ses mains, qui lui avait été offerte, était l'oeuvre de l'Andalou. C'était du moins ce qu'on lui avait dit. Hasard et étrangeté l'avaient faite échouer ici, entre les mains d'un Moulinois qui n'avait eu que peu d'occasions de croiser celui qui l'avait forgée. Mais les liens qui se tissent tout le long d'une route sinueuse forment parfois d'étranges échos, des reflets que l'on ne découvrent souvent que bien longtemps après.
Aussi distendus, fragiles et discrets soient-ils, ces liens existent. Chaque rencontre laisse une empreinte. Et l'Andalou qui échouait régulièrement à Moulins, ne pouvait que marquer profondément l'esprit de ceux qui le croisaient, même fugitivement. Parce qu'il était entier, symbolisait une rage de liberté qui touchait ou dérangeait, mais ne laissait pas indifférent.
De liberté à Libertad...
De la pointe de la dague, il effleura la balafre récoltée dans les geôles de Joinville. Geste étrange, nouvel écho aux liens tissés. Comme si joindre la dague et la balafre, l'Andalou et le Colosse, soulignait la relation fraternelle qui les liait et qui sautait aux yeux de quiconque avaient croisés leur route, du bon ou du mauvais côté de la lame.
Alors que la brise perdurait, soufflant une étrange mélodie aux accents ibériques, Arthur se releva, dague à la main, et fit face à la cible. Pourquoi pas...
D'un geste ample, il projeta la dague, qui tournoya en fendant l'air. Et se planta entre les deux flèches qui ornaient le centre de la cible.
La pointe toucha le coeur.
Comme il avait touché celui de tant de gens. En mal ou en bien, il touchait au coeur.
Regard vers les nuages, qui crevèrent en une pluie fine de pleurs dignes et longtemps contenus. Le ciel sanglotait et l'horizon était inconsolable. Quelque chose d'étrange traînait dans l'air... Une âme forte et fière manquait, et un vide béant ne serait jamais comblé.
Comme pour répondre à la brise, qui murmurait toujours une mélodie d'Andalousie, Arthur souffla quelques mots que le vent porterait peut être.
Adieu l'Andalou. Salud y libertad. Et basta...