--Courtoisie
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[Lismore, bourgade écossaise bordée par la Mer Celte, une vingtaine d'années plus tôt ...]
C'est là que ma vie a commencé, ma vraie vie d'objet indispensable, dans un beau manoir.
Mais laissez moi plutôt vous présenter mon Maître, enfin, mon propriétaire pour être exact ... et pointilleux sur les mots, comme il l'était toujours : Lord Ewernes d'Ynis Pryden ; homme dans la décrépitude de l'âge, quasi chauve et franchement squelettique, et pourtant, toujours aussi précieux dans ses manies, autant que raffiné dans ses choix.
De son père écossais, il a hérité d'un caractère intransigeant et diaboliquement autoritaire ... mais aussi de cette belle demeure, la plus belle du canton d'ailleurs. Sa mère française lui a, elle, légué une seconde langue qu'il maîtrise à la perfection, ainsi qu'un humour caustique dont il ne s'est jamais délesté.
Aujourd'hui, le vieux agonise, sur son lit, là, tout juste face à moi. Il se meurt vraisemblablement : il geint, tousse, crache, maugrée après cette maudite servante qui lambine à venir lui retaper son oreiller. Et voici bientôt une semaine qu'il en est là, sans avoir quitté sa chambre un seul instant, terrassé par cet hiver humide et glacial qu'il vient de vivre, le dernier pour lui, même s'il se refuse à la mort, la défiant jusqu'au bout.
Ah ! Mon Maître ...
Que d'amusements sur ce lit, sous mes enluminures constamment briquées ! Que de femmes, d'hommes aussi, venus s'ébattre dans cette dentelle brodée dont il raffole Souvent seuls, parfois en couple, il a partagé mille jeux avec ceux-ci, avec pour seul rituel, de les laisser au moins une fois en plan, seuls, quelques minutes :
Ohhhh ! I'm so sorry ... I just have to ...
Mmmm ! Don't move please ... I'll be back soon !
Et de quitter la chambre, quasiment toujours nu, pour s'engouffrer dans la pièce voisine et venir s'installer sur le confortable fauteuil, flanqué tout juste derrière moi.
Sourire sarcastique lorsqu'il voit le couple profiter allègrement de son absence pour s'accoupler sauvagement ...
Moue écurée quand il surprend cette petite traînée fouiller dans ses tiroirs et dérober quelque breloque ancienne ...
il sadique détaillant ce jeune pedéraste, corps imberbe et offert, attendant le retour de son amant, la bouche en cur et le ventre rentré.
Je suis son il sur la perversion : c'est ainsi qu'il m'appelle en me lustrant d'une chamoisine moelleuse.
[Derniers instants]
Serait-ce un dernier râle ? Ultime avertissement de la Faucheuse qui a pris possession des lieux et ne les quittera plus sans l'amas d'os sous le bras ?
La porte s'ouvre, et elle apparaît Sa dernière folie en date : une catin. Jeune et en fleur, blonde comme les blés, des formes parfaites. Il la paye depuis des mois, au mois justement, et elle a élu domicile ici, dans la chambre avoisinante.
La voix mourante se fait entendre doucement.
Lucy ? Lucy ? Sweet Angel ... Approche toi !
Le corps gracieux rejoint le haut de la couche, s'y installe dans une position lascive, et lui prenant la main qu'elle vient poser dans son corsage, lui murmure en retour :
Je suis là Baron ...
Il poursuit, lui confirmant à nouveau, en lui faisant signe d'ouvrir le tiroir du chevet, qu'elle aura tout, que tout est à elle dès qu'il aura fait le grand saut ... C'est consigné et paraphé sur ce parchemin de vélin noble. Le manoir, ses terres, ses propriétés au Royaume de France et surtout son hôtel particulier à Lyon, sa fierté personnelle, son bordel de luxe !
Elle sourit, elle lui sourit ... D'un sourire étrange, mêlant gratitude et empressement Sa vie va changer .. Je lis dans ses yeux qu'elle en est convaincue ...
Ultime quinte de toux, les doigts noueux quittent le corsage affriolant, à la recherche de la sonnette qui lui sert à appeler la bonniche pour ses médicaments ou autres besoins.
Mais déjà une autre main, manucurée parfaitement, avec un soin qu'on devine lent et méticuleux, s'en est emparée et l'a éloignée suffisamment pour que le vieux fasse son dernier voyage au plus vite désormais.
Lucy s'est levée noblement et est venue se placer face à moi, a entrepris de tresser lentement ses longs cheveux, alors que derrière elle, sur un lit défait où nombre de corps ont sué le plaisir et la jouissance, le vieux Baron d'Ynis Pryden passe de vie à trépas.
Fin de journée, quand le crépuscule enveloppe doucement les lacs écossais, me voilà, objet inanimé face à ma nouvelle propriétaire : vulgaire catin, battant le pavé il y a peu encore, belle à en damner un saint ... Et qui vient de réaliser un incroyable grand écart dans les classes sociales, les mains achevant la natte pour venir se poser sur son ventre, légèrement arrondi, qu'elle caresse déjà amoureusement.