Lunarion..
Sujet ouvert à tous. D'ailleurs si vous ne venez pas Lunarion va être tout embêté, tout seul.
[Portes du Poitou, orée du jour]
Le tas de paille sur lequel il est assis tressaute sous les vides des ornières de la route.
A chaque fois que le paysan qui conduit la charette ne fait plus trop attention à la route de terre battue, route est d'ailleurs un bien grand mot pour la qualifier, il en est quitte pour un grand coup au derrière.
Il a adopté depuis la mi-nuit la technique du conducteur : avaler une grande rasade de vin rouge à chaque chaos.
Y'a pas à dire l'Poitou sait y faire en matière de vin !
Cette phrase est bien révélatrice du taux d'alcoolémie du passager.
Et de son lieu de naissance aussi.
Quand on a bu du vin tourangeau toute sa vie, une piquette sans autre nom que "rouge" ou "moins rouge" voire même "très rouge qui tache" et qu'on vient bien d'en descendre un litre, on a le palais gaté.
Et lui de s'en enfiler une autre goulée, pour faire passer le goût du tanin.
... et pour la route ! Il faut bien ça.
La matinée est humide, la faute à la rosée.
Sous sa livrée bariolée il a un peu froid. Ces fanfreluches sont faites pour divertir les chatelains dans leurs froides maisons de pierre.
Apporter un peu de soleil par trois tours de rien.
Taquiner les convives, railler la maîtresse de maison et mettre en boîte celui qui siège en bout de table.
Trôner serait surfait. Y'a encore des grands nobles dans le Poitou ?
Lunarion n'en a aucune idée. Pour l'heure il retire le bouchon de son outre et porte le goulot à ses lèvres.
Devant le paysan du cru prend la parole.
Doucement l'ami, on est bientôt arrivés, faudrait pas que t'arrive plus rond qu'un coin.
Le nain hausse les épaules, parce que nain il l'est. Nain et fou. Bouffon si vous préférez, de ceux qui agitent leurs grelots.
Mais fou aussi, de cette folie plus profonde qui habite la Gascogne et la Touraine, cette folie transmise de père en fils chez Cartel.
C'est l'avantage de faire mon métier, tu peux te rincer le gosier jusqu'à ce que ça te rince la bouche dans l'autre sens. Personne ne trouve rien à redire à ça, tout le monde sait que les nains sont aigris.
Il ne débouche pas pour autant son outre qu'il replace dans son baluchon de voyage.
Le paysan n'a pas menti, le ciel encore pâle s'ourle de quelques fumées de chaumières regroupées en bourgs de moins en moins espacés.
Il se donne quelques coups de gant pour éliminer le plus gros de la paille qui s'est infiltrée dans les rapiècements de sa livrée.
L'ami c'est là que notre voyage commun se termine.
Ouaip, merci du chemin, s'fut un plaisir d'emprunter ta charrette, bonne récolte.
Le fou saute au bas de sa charrette, ce qui est considérablement haut quand on a des jambes atrophiées. Il attérit sans grâce et se redonne un petit coup afin de se rendre une contenance qu'il n'a jamais possédée.
Humpf.
Restait plus qu'à trouver un noble pour l'embaucher
_________________