Iraetignis
Les femmes de la noblesse et l'alcool font-ils bon ménage ?
Si Ira devait se baser sur la conversation surprise en taverne, la réponse serait à priori : non. Toutes les deux, Ira les avait trouvées, la marraine bien éméchée et la filleule tout comme même si elle n'avait pas bu une goutte , se lançant un défi idiot, se promettant de régler leurs comptes dans la lice.
Faut dire que la marraine elle ne l'aimait pas beaucoup le Ira, mais ils n' étaient pas nombreux, les gens qui l'aimaient. Il fut un peu étonné et gêné quand il découvrit qu'il était en fait une des causes du futur duel. Ira appréciait que les donzelles se crêpent le chignon pour lui, mais pas pour les motifs et raisons évoqués par les deux jeunes femmes.
A peine était-il assis que la marraine le bombarda de questions, toutes plus étranges les unes que les autres. Le jeune homme répondit de mauvaise grâce aux interrogations de la baronne, utilisant une ironie parfois décalée ou parfois mordante. Elle avait peur, peur de lui, ou peur qu'il lui fasse du mal. Ira s'en offusqua un peu , mais ne le montra pas. Certes, ce n'était pas un enfant de chur, mais parfois il pouvait être digne de confiance. Décidément elle ne l'aimait pas la marraine, ça pourrait changer par la suite
Mais bon, lui non plus ne l'appréciait pas spécialement, une baronne et pleine en plus ...
Le garçon tenta timidement de les dissuader, mais savait que c'était une cause perdue. Ira se résolut à l'inévitable, pour lui l'issue de l'ordalie ne faisait aucun doute, il irait le lendemain ramasser les miettes de Yunette.
Quand il se rendit à la lice, qu'il eut du mal à trouver. Ira vit, la baronne et un homme, emporter une Yunette inconsciente. Le garçon décida de les suivre à distance raisonnable, il héla Tornado ...
Yunette
Après un déjeuner vite expédié, elle sétait rendue au Bar à Thym, y avait rencontré sa marraine. Discussion moins tendue. Elle était sereine pour ce combat qui les attendait. En lice, Eavan la frapperait sans doute enfin. Pas comme lors de leurs violentes altercations où elle sétait refusée à répondre aux provocations et coups de sa filleule. Jusquà en être assommée. Yunette déglutit à ce souvenir, un de plus à ajouter à la liste dactes honteux quelle avait commis. Assommée pour une flasque. Belle amitié
Sur ces gaies pensées et après un échange relativement neutre, elles se rendirent au lieu de combat. Felipe, lhomme de confiance dEavan, personnage que la filleule avait appris à apprécier et respecter. Sourire, préparation des deux concurrentes. Elles ne se quittèrent pas des yeux durant lattente du signal de larbitre. Calmes. Au signal, Yunette voulut la jauger, prendre son temps, lancer un petit coup, pour voir, elle neut pas même loccasion damorcer le geste. Un poing, un seul et ce fut le noir.
Quiconque aurait contemplé la scène aurait été de lavis de dire que lincendiaire avait laissé sa marraine frapper, exprès. Non ? Bon, daccord, non, elle se létait mangé en pleine poire et navait pas eu le loisir de tenter de répondre ou de résister. Lamie a de la poigne.
Lorsquelle fut transportée, elle ne se rendit compte de rien, son corps engourdii saccordait ce repos des sens quelle lui interdisait depuis bien longtemps. Un abandon quelle ne vivait dernièrement quentre les mains curieuses dun jeune homme que sa marraine nestimait pas digne de confiance. Sauf que, pour une fois, labandon était reposant. Nulle image ne vint troubler ce repos, nulle sensation autre que celle dun vide, dun calme sans pareil.
Au bout dun temps indéfinissable, un sentiment de plénitude lenvahit, un soupir séchappa de ses lèvres alors quune demi conscience lui faisait percevoir une chose. Elle était à la maison. Elle sendormit.
Iraetignis
Sapristi! Le trio infernal prenait le chemin de la ville. Tornado ne serait pas d'un grand secours dans le dédale des ruelles. Il renvoya la jument d'une tape sur la croupe, elle retrouverait toute seule le chemin de l'écurie, s'appelle pas Tornado pour rien.
Ira les suivit le plus discrètement possible, oui, des fois il pouvait être discret. Le garçon arriva devant une bâtisse impressionnante, une sorte de manoir avec une porte assez grande pour laisser passer un chariot ou des cavaliers.
Le Trio s'engouffra à l'intérieur, Ira les accompagna du regard, ne les voyant pas ressortir, il se décida à s'aventurer à l'intérieur. Catastrophe, au moment où il quittait la pénombre de son refuge, la porte s'ouvrait. Il allait être découvert! Heureusement pour le garçon, ce n'était pas la marraine qui sortait mais un individu qui ne le connaissait pas, celui qui portait Yunette. Ira le croisa, mine de rien, fit semblant de continuer son chemin. Et dès que l'homme fut hors de vue, le jeune homme revint sur ses pas , et s'apprêtait à crocheter la porte, lorsqu'il découvrit qu'elle n'était pas verrouillée. Ah ces nobles, pensa-t-il, ils ne doutent de rien. Il s'introduisit dans la cour, et referma la porte derrière lui, là il courut jusqu'à un accès donnant sur le rez de chaussée.
Suite à une rapide visite des lieux, il dut se rendre à l'évidence, les deux femmes étaient plus haut. Direction l'étage, Ira se mit en quête de l'escalier, il avala les marches quatre à quatre, mais en minimisant les impacts pour faire le moins de bruit possible. Une fois à l'étage, un nouveau jeu, trouver la bonne porte
Pour l'instant le garçon n'avait pas encore cherché à savoir où il était, chaque chose en son temps.
Après plusieurs tentatives, il poussa la bonne porte. Elles étaient là, la marraine assise , et Yunette endormie dans un lit. Machinalement, ses yeux revinrent sur la marraine et le garçon prit ses repères car on ne sait jamais avec ces nobles...
Iraetignis
"Vous devriez vous annoncer, comme tout le monde avant d'entrer dans une maison qui n'est pas la votre. Et puis vous gagneriez du temps. "
Toujours aussi piquante la baronne, elle devait être d'humeur goguenarde. Un bon petit coup dans les gencives
Mais avant que le garçon puisse envisager quoi que ce soit, elle fit mine de vouloir éviter le conflit.
"C'est pas obligé de dégénérer. Sauf si vous le voulez. Autrement il y a un second fauteuil là, près de l'armoire. A vous de voir."
Le garçon articula un « on va dire ça », réplique habituelle chez lui, quil accompagna dun hochement de la tête.
Ira alla asseoir sur le siège libre que lui signalait la marraine, mais avant de le faire il retira sa lame et son fourreau et les déposa au pied du siège. Une lame de plus dun mètre laurait gêné en position assise. Ira observa silencieusement quelques instants la jeune femme assise en face de lui, avant de tourner la tête vers le lit. Puis ses yeux revinrent se poser sur la baronne, et pour ne pas avoir lair complètement muet ou mal élevé, le jeune homme entama un début de conversation.
Cest grand ici, et joli. Peut-être un peu trop grand pour une donzelle seule ?
Ira pensait quil était chez Eavan. Il ne lavait pas vu prendre la clé sur Yunette. Ses paroles étaient dune platitude consternante, mais il ne voulait pas qu' elles lentraînent sur un terrain glissant. Ira nosait pas, à cet instant précis, tutoyer la marraine, cela aurait pu passer pour une provocation de sa part. Il faisait un effort mais nirait pas jusquà lui donner du monseigneur et la vouvoyer. Le garçon allait devoir faire tapisserie en évitant dêtre direct, rude tâche pour lui. Il attendit une réponse dEavan, tout en espérant un réveil, peu probable, de la belle incendiaire.
Iraetignis
Grand oui ... Tu as peut être raison, mais bon je doute que Yunette laisse cette demeure facilement.
Le garçon était encore à côté de la plaque, il était chez Yunette pas chez Eavan. Cette dernière ne semblait pas sêtre rendue compte de lerreur dIra ou du moins elle faisait semblant. En fait c'était chez Yunette et Galuche, le fameux antre des ombres du passé quil fallait affronter. Le fait de penser à Galuche, ne lui provoqua aucune sensation amère, cétait certainement la première fois. Le garçon se détendit un peu, se calant bien au fond du siège, se disant quil pouvait baisser sa garde. Ira continua de converser, faisant celui qui savait depuis le départ où il se trouvait.
- Le fameux antre, je ne le voyais pas aussi grand. Je pense aussi quelle y tient vraiment. Il faudrait quand même quelques valets pour sen occuper.
Ira faisait attention à ne pas parler trop fort, car sil souhaitait le réveil de Yunette, il ne désirait pas en être la cause. Le jeune homme détailla le plafond de façon plus attentive. Il était haut, constitué de poutres sculptées. Cétait du bel ouvrage. Plus tard, il prendrait son temps pour visiter la demeure. Après un dernier regard vers le lit, ses yeux bleus pâles se posèrent de nouveau sur la baronne.
--Yunette
Depuis quelques instants, Yunette était éveillée. Depuis que sa marraine avait parlé coupant le silence qui habitait le lieu en fait. Un étrange sentiment de sérénité l'emplissait à les entendre converser. Sa respiration se fit moins profonde, ses yeux roulaient doucement sous ses paupières closes au fur et à mesure qu'elle regagnait la conscience.
Le ton semblait assez... amical, ou du moins, ils ne semblaient pas prêts à se taper dessus. C'était un bon début. Ouvrant doucement les yeux, bien grand, sans bouger, elle les observa discuter, un léger sourire aux lèvres. Ce n'est qu'ensuite qu'elle se rendit compte que, d'être chez elle, ça ne lui faisait pas mal. Elle était juste... bien.
Iraetignis
C'est que je n'ai pas tapé si fort,
Ira esquissa un large sourire en entendant les propos dEavan, lincendiaire navait pas un physique à la Xéna la guerrière. Il répondit immédiatement.
-Le problème des femmes de caractères, cest quelles ne maitrisent pas toujours leur force. Et en plus Yunette devait être un peu fatiguée.
Le garçon retint un rire, il ne fallait pas réveiller la dormeuse. Le garçon se dit quil dormirait bien aussi, le travail dans les champs était fatiguant et la nuit il ne dormait pas assez.
-Je crois que je vais faire la même chose
Dormir, je te laisse le soin de monter la garde. On ne sait jamais avec les coupe-jarrets qui traînent en ville.
Le jeune homme adressa un sourire en coin à la baronne.Ni par défi, ni par sarcasme envers la jeune femme, mais plutôt signe qu'il était prêt à lui faire confiance.
Bien calé au fond se son siège et confortablement installé, il repoussa sa tête en arrière et ferma les yeux.
Iraetignis
Ira décolla son dos du dossier du siège et se releva un peu, prenant une position plus droite.
- Même pas possible de dormir un peu, cest pas une vie ça. Tu veux ma mort ?
Grand sourire en direction de lempêcheuse de dormir en rond. Le voilà propulsé homme fort et courageux, Ira nétait ni lun ni lautre. Le garçon nétait pas lâche non plus, mais ne considérait pas déshonorant de fuir un combat où il navait aucune possibilité de lemporter. Maintenant dans la réalité, la seule fois où il sétait retrouvé devant un combat perdu davance, Ira navait pas fui, sétait battu et avait été laissé pour mort. Allez comprendre les méandres du raisonnement
Fort ça non, juste habile même très habile, les armes à la main, ce qui compensait largement son déficit physique. Il ne fallait pas lui demander de déplacer une armoire, Ira aurait eu du mal à porter une armure métallique comme celles de plates milanaises ou allemandes.
- Reprendre la maison en mains ? Je serai plus doué pour linverse, moi hein
De nouveau un grand sourire qui n'arrivait pas à masquer un grand désarroi, le garçon navait pas la moindre idée de ce que cela pouvait impliquer, depuis son départ de Montpensier, il y a plus dun an, il était devenu un quasi vagabond dormant souvent à la belle étoile ou dans des auberges miteuses, parfois dans des vieilles cahutes dont les propriétaires étaient morts ou absents. Depuis son arrivée en Provence, Ira avait été gracieusement logé à Marseille chez Delta, ce qui avait été une amélioration très appréciable puis dans une vraie auberge. Le garçon observa de nouveau la chambre et embarrassé ajouta:
- Je ferai un effort mais faudra me guider, car la tenue dune demeure, jy connais rien.