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Quand Fabian passa l’épaisse porte de bois, une petite
lampe à huile dans la main, il se sentait à la fois, impatient et fébrile.
La nuit tombait doucement sur les toits parisiens, enveloppant la ville d’une
obscurité encore translucide, gagnant de l’ombre dans l’atténuation du brouhaha
qui, lentement, inexorablement deviendrait sourdine. Paris ne dormait jamais il
était vrai, mais il était une heure où les bonnes gens s’engourdissaient,
laissant les rues de la capitale à ses arpenteurs nocturnes : travailleurs
noctambules, jeunesse dorée en quête de flagrances neuves, ivrognes amoureux,
joueurs invétérés, amateurs des fumoirs, malfrats rasant les murs… Fabian
aimait ce moment où la ville changeait de visage, la trouvant alors accordée au
parfum unique de l’Aphrodite et de ses deux maisons, de ses deux clientèles.
Perché sur les quelques marches menant à la porte de l’élégante bâtisse, le
portier, savamment apprêté par les multiples courtisanes de la maison,
contempla la petite cour pavée par laquelle arriveraient les clients, un
instant maitre des lieux, avant d’allumer la petite lanterne finement ouvragée
qui projetait de délicats éclats lumières au travers de ses dessins.
Après le deuil de son ancien propriétaire, l’Aphrodite avait fait peau neuve.
Les choses avaient été longues et parfois éprouvantes. Mais un mois était passé
depuis la réouverture et le monde était lentement retourné à la normale.
D'apparence tout du moins mais le bordel n'en demandait pas plus.
Le portier referma le battant derrière lui dans un sourire pour se tenir derrière
le panneau attendant, attendant que l’on fasse toquer l’imposant butoir en
forme de tête de Lion pour réclamer ses services.