Tithieu
Glaciales sont les rues de Niort à la tombée de la nuit.
Dans la ville endormie, écrasée par un brouillard épais qui recouvre de givre le moindre clochard ivre mort et cache de sa morne grisaille le scintillement argenté de la lune, le pas solitaire d'un Vicomte encapuchonné résonne, répercuté par le pavé qui recouvre le sol Niortais.
Le talon de ses bottes de cavalier encore dégoulinant de boue et de crasse, le Penthièvre avance à pas de loups, chacun de ses pas s'accompagnant d'un effroyable bruit de succion, qui luy parait à ceste heure d'angoisse plus bruyant que le son des cloches de toutes les cathédrales de France.
L'endroit est désert, sans estre paisible. Le calme qui y règne est étouffant, oppressant. L'atmosphère humide, froide et quasi chaotique de ceste nuit d'hiver donne au Balafré des aspects de moribond en fuite de son auspice.
L'image n'est d'ailleurs guère éloignée de sa réalité. Le teint blafard de celuy qui a peu dormi, le regard délavé par la lassitude d'estre encore en vie, les épaules arquées par le poid d'une vie de folie qu'il supporte depuis trop longtemps, l'Angevin avançait dans la nuit, titubant presque, pareil à un égaré perdu dans son errance. Tout, dans sa silhouette, dans le détail de ses traits, de sa démarche, luy donne les airs d'un presque cadavre. Détrempé, le tissu de ses habits épousant le moindre relief de son corps, handicapant le moindre de ses mouvements, comme les poils d'un chien mouillé en dessinent le squelette.
Ce spectre abominable, captivant de désespoir, surgit du brouillard à chaque foulée qu'il fait, avant d'y être à nouveau aspiré. Tantôt éclairé par un halo de lumière qui s'échappe de la fenêtre d'une auberge où règne une faible activité, tantôt sursautant d'apercevoir son ombre à la lueur de la lune, l'homme reste sur le qui-vive.
"Qui-vive ?" Cette apostrophe, il l'utilise d'ailleurs à plusieurs reprises, lorsqu'un bruit au devant de luy luy parait trop suspect. Sa main aura beau se porter instinctivement sur la garde de son épée, jamais il n'obtiendra de réponse. Les Niortais sont des gens frileux, et c'est tant mieux. Ceux qui ont préféré ce soir garder le confort de leur chambrée luy assurent une relative tranquilité. Et puis, parait-il, un Balafré rôde dans la citée...
Un sourire naquit sur les lèvres de l'Angevin, à ceste fugace pensée, entre deux coups d'oeil aux alentours. Il a beau sourire, il continue à tendre l'oreille, prudent. La garde est affolée, les hommes du Roy et du Poictou pullulent, à la recherche du ravisseur de la Princesse d'Estampes. Du moins, Forrest luy en a juré, mesme si luy n'en a encore rien vu.
Grelotant et pestant contre le valet qui luy a instruit son itinéraire de manière peu compréhensible, après luy avoir donné conseil d'emprunter la rivière glacée, l'encapuchonné marque une pose.
Coup d'oeil à gauche, à droite, derrière. Il distingue à peine les contours des bâtiments qui l'entourent, et ne voit devant luy pas plus loin qu'à vingt pieds, le prolongement de la rue. Au delà, la route semble happée par le brouillard, par l'immensité grise qui a pris possession de la place. Impossible de s'orienter dans une pareille nasse infernale... Et ce froid !
Que celuy qui m'a promis les flammes de l'Enfer endosse ma peau immédiatement, et il verra qu'il y a bien pire supplice qu'une éternité de crémation...
Murmure et grognement contrarié. Ses muscles luy sont déjà douloureux, tendus par le froid, lacérés par l'humidité. Il ne sait plus si ses doigts sont bleus comme le ciel ou rouges comme son sang. Il faut d'ailleurs se remettre en marche, s'il ne veut pas geler sur place. Peu importent les instructions de Forrest.
Il est à un croisement, complètement perdu, incapable de se répérer dans la ville. Aucun clocher, aucune Tour pour l'aiguiller. Juste ce brouillard à couper au couteau, épais comme les rideaux d'un lit à baldaquin, duquel pourrait surgir sans crier gare, à quelques mètres de luy, une patrouille Poictevine.
Transi de froid, il avance laborieusement dans la direction qu'il s'est choisi. Au Nord. Enfin il luy semble que c'est le Nord, puisqu'il remonte une pente douce... A moins que cela ne soit le Sud ? Quelle importance.
Nouveau croisement, nouvelle bifurcation. Ceste fois le Penthièvre a pris à droite, suivant les indications du valet Princier, dont l'accent Bourguignon mêlé à celuy des gens de la Cour résonne à ses oreilles, en bribes successives et chaque fois plus précises, comme le relan de la marée réveillant un pêcheur endormi sous un soleil de plomb.
Tithieu a beau chercher, pas de soleil par ceste nuit d'hiver.
Porté par ses grelotements et par le cahot musculaire de son corps meurtri, rythmé par le claquement sonore de ses dents glacées, le regard de l'Errant est attiré par une façade à colombage.
A l'angle de ceste maison de maistre, imposante et biscornue, une tourelle ronde est en ruine. L'endroit est reconaissable entre mille, Forrest l'a évoqué. Tout n'est pas perdu. Il n'est pas perdu.
Encore quelques pas dans la rue, jusqu'à la ruelle attenante. Il s'y engouffre, son ombre fugace avalée par l'obscurité presque opaque de ces quelques mètres de ruelle puante.
Là, devant luy, de la lumière s'échappe d'une fenestre ouverte, au premier étage du bâtiment duquel il vient de faire l'angle. Une auberge, une fenestre ouverte, ostensiblement ouverte. C'est là.
Soupir de soulagement. Le Penthièvre dévêt à grand peine la cape à capuchon qui colle à sa peau, pour la presser en une masse diforme qu'il lance au travers de la fenestre ouverte, précédant dans la chambrée déserte son arrivée. L'escalade luy sera plus facile, débarassé de ceste camisole.
Sans plus attendre que la glace ne le paralyse, le Vicomte s'agrippa au mur, maladroit. Peu de prises, peu de liberté de mouvements dans ceste tenue trempée. Ses bottes glissent, ses mains n'ont pas prise.
Il devra s'y reprendre à 7 fois, et c'est après autant de chutes plus ou moins douloureuses qu'il parvint à atteindre la fenestre ouverte.
Enfin, Jérusalem !
Dieu bénisse la ruse des Bourguignons...
Un rire nerveux et néanmoins bruyant -parce que naturellement tonitruant et grivois- s'échappe de sa gorgée gelée, dans un tremblement pathétique qui manque de luy arracher des larmes de douleur.
Il n'est pas son temps de trop se soulager, et il le sait. Malgré l'épuisement, la lassitude et le soulagement qui luy souffle de se déshabiller pour se réfugier sous l'édredon moelleux de la chambre d'auberge, l'Angevin reste pragmatique.
D'abord fermer fenestre et volets.
Son regard balaye ensuite la pièce, fébrile, craintif et hésitant.
Heureusement tout est là. Les 3 bouteilles de prune, les habits secs, et mesme de quoi se restaurer.
Coup d'oeil vers la porte, close. Et elle semble l'estre résolument, autant que peu l'estre celle d'une cellule. Tous les ingrédients sont réunis, à luy de les cuisinier.
---
Quelques dizaines de minutes plus tard, ou serait-ce une heure entière ?...
Les grelotements ont disparus, remplacés par la chaleur de vestements neufs et d'un lourd édredon sous lequel s'est glissé l'Angevin.
A ce confort libérateur vient s'adjoindre la chaleur sensuelle et enivrante de la liqueur fruitée qui s'écoule dans sa gorge à grands flots épais et brûlants. Le feu salvateur, autant que la pluie peut éteindre un incendie de forest et sauver des flammes des villages entiers.
Il faut dire qu'il y a mis le prix. Les 3 bouteilles y sont passées, sans discontinuer. Il n'a mesme pas mangé, emporté qu'il fut dans son élan alcoolique. Dans un pareil estat d'épuisement, qui pourrait luy reprocher son manque de volonté ?
Et puis, ivresse simulée ou ivresse réelle, où est la différence ? Tant qu'il sait tenir sa langue, le tour sera le mesme, mesme si le bouffon censé le jouer risque de n'en avoir guère de souvenirs au lendemain.
Dans la chambre vide, un rire grivois et saccadé retentit. Une quinte de toux luy succède.
Recroquevillé dans sa couche, tantost appuyé contre le mur, tantost bras ballant dans le vide, le Penthièvre sourit béatement. Une biture de plus, un naufrage de plus. A force d'y sombrer, il sera maistre des abysses qui l'aspirent presque chaque soir depuis quelques semaines. Une fois encore, de son lit de fortune, il se faict Roy d'un Royaume de cocagne et de pacotille.
Appelez moy Poséidon !...
Son corps réchauffé est secoué de spasmes, tremblements de possédé rythmés par un nouveau rire aussi dément que douloureux. Bouteille vide brandie comme un spectre Royal, ou comme une épée vengeresse. Le regard vitreux, délavé, vide, se perd dans les détails des boiseries de la pièce, sur le mur opposé qui se faict de plus en plus lointain, comme si l'Angevin basculait en arrière.
Nouveau rire grivois et sonore, ponctué de hoquetements douloureux.
L'oeil du Penthièvre brille de la lueur vacillante de la flamme qui s'y reflète, danse, danse... Danse, jusqu'à s'éteindre brusquement, soufflée par le coma qui a fini par avoir raison de Tithieu.
Seuls les ronflements bercent le corps du martyr endormi, à demi-vivant, la bouche ouverte et couverte d'écume, laquelle s'écoule au coin de ses lèvres trempées d'alcool frelâté et du fruit nauséabond de ses régurgitations alcooliques.
De la flamme qui dansait dans l'oeil du Penthièvre, ne reste qu'un point rouge qui se distingue dans l'obscurité, et un filet de fûmée qui s'élève en lacets tortueux.
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Dans la ville endormie, écrasée par un brouillard épais qui recouvre de givre le moindre clochard ivre mort et cache de sa morne grisaille le scintillement argenté de la lune, le pas solitaire d'un Vicomte encapuchonné résonne, répercuté par le pavé qui recouvre le sol Niortais.
Le talon de ses bottes de cavalier encore dégoulinant de boue et de crasse, le Penthièvre avance à pas de loups, chacun de ses pas s'accompagnant d'un effroyable bruit de succion, qui luy parait à ceste heure d'angoisse plus bruyant que le son des cloches de toutes les cathédrales de France.
L'endroit est désert, sans estre paisible. Le calme qui y règne est étouffant, oppressant. L'atmosphère humide, froide et quasi chaotique de ceste nuit d'hiver donne au Balafré des aspects de moribond en fuite de son auspice.
L'image n'est d'ailleurs guère éloignée de sa réalité. Le teint blafard de celuy qui a peu dormi, le regard délavé par la lassitude d'estre encore en vie, les épaules arquées par le poid d'une vie de folie qu'il supporte depuis trop longtemps, l'Angevin avançait dans la nuit, titubant presque, pareil à un égaré perdu dans son errance. Tout, dans sa silhouette, dans le détail de ses traits, de sa démarche, luy donne les airs d'un presque cadavre. Détrempé, le tissu de ses habits épousant le moindre relief de son corps, handicapant le moindre de ses mouvements, comme les poils d'un chien mouillé en dessinent le squelette.
Ce spectre abominable, captivant de désespoir, surgit du brouillard à chaque foulée qu'il fait, avant d'y être à nouveau aspiré. Tantôt éclairé par un halo de lumière qui s'échappe de la fenêtre d'une auberge où règne une faible activité, tantôt sursautant d'apercevoir son ombre à la lueur de la lune, l'homme reste sur le qui-vive.
"Qui-vive ?" Cette apostrophe, il l'utilise d'ailleurs à plusieurs reprises, lorsqu'un bruit au devant de luy luy parait trop suspect. Sa main aura beau se porter instinctivement sur la garde de son épée, jamais il n'obtiendra de réponse. Les Niortais sont des gens frileux, et c'est tant mieux. Ceux qui ont préféré ce soir garder le confort de leur chambrée luy assurent une relative tranquilité. Et puis, parait-il, un Balafré rôde dans la citée...
Un sourire naquit sur les lèvres de l'Angevin, à ceste fugace pensée, entre deux coups d'oeil aux alentours. Il a beau sourire, il continue à tendre l'oreille, prudent. La garde est affolée, les hommes du Roy et du Poictou pullulent, à la recherche du ravisseur de la Princesse d'Estampes. Du moins, Forrest luy en a juré, mesme si luy n'en a encore rien vu.
Grelotant et pestant contre le valet qui luy a instruit son itinéraire de manière peu compréhensible, après luy avoir donné conseil d'emprunter la rivière glacée, l'encapuchonné marque une pose.
Coup d'oeil à gauche, à droite, derrière. Il distingue à peine les contours des bâtiments qui l'entourent, et ne voit devant luy pas plus loin qu'à vingt pieds, le prolongement de la rue. Au delà, la route semble happée par le brouillard, par l'immensité grise qui a pris possession de la place. Impossible de s'orienter dans une pareille nasse infernale... Et ce froid !
Que celuy qui m'a promis les flammes de l'Enfer endosse ma peau immédiatement, et il verra qu'il y a bien pire supplice qu'une éternité de crémation...
Murmure et grognement contrarié. Ses muscles luy sont déjà douloureux, tendus par le froid, lacérés par l'humidité. Il ne sait plus si ses doigts sont bleus comme le ciel ou rouges comme son sang. Il faut d'ailleurs se remettre en marche, s'il ne veut pas geler sur place. Peu importent les instructions de Forrest.
Il est à un croisement, complètement perdu, incapable de se répérer dans la ville. Aucun clocher, aucune Tour pour l'aiguiller. Juste ce brouillard à couper au couteau, épais comme les rideaux d'un lit à baldaquin, duquel pourrait surgir sans crier gare, à quelques mètres de luy, une patrouille Poictevine.
Transi de froid, il avance laborieusement dans la direction qu'il s'est choisi. Au Nord. Enfin il luy semble que c'est le Nord, puisqu'il remonte une pente douce... A moins que cela ne soit le Sud ? Quelle importance.
Nouveau croisement, nouvelle bifurcation. Ceste fois le Penthièvre a pris à droite, suivant les indications du valet Princier, dont l'accent Bourguignon mêlé à celuy des gens de la Cour résonne à ses oreilles, en bribes successives et chaque fois plus précises, comme le relan de la marée réveillant un pêcheur endormi sous un soleil de plomb.
Tithieu a beau chercher, pas de soleil par ceste nuit d'hiver.
Porté par ses grelotements et par le cahot musculaire de son corps meurtri, rythmé par le claquement sonore de ses dents glacées, le regard de l'Errant est attiré par une façade à colombage.
A l'angle de ceste maison de maistre, imposante et biscornue, une tourelle ronde est en ruine. L'endroit est reconaissable entre mille, Forrest l'a évoqué. Tout n'est pas perdu. Il n'est pas perdu.
Encore quelques pas dans la rue, jusqu'à la ruelle attenante. Il s'y engouffre, son ombre fugace avalée par l'obscurité presque opaque de ces quelques mètres de ruelle puante.
Là, devant luy, de la lumière s'échappe d'une fenestre ouverte, au premier étage du bâtiment duquel il vient de faire l'angle. Une auberge, une fenestre ouverte, ostensiblement ouverte. C'est là.
Soupir de soulagement. Le Penthièvre dévêt à grand peine la cape à capuchon qui colle à sa peau, pour la presser en une masse diforme qu'il lance au travers de la fenestre ouverte, précédant dans la chambrée déserte son arrivée. L'escalade luy sera plus facile, débarassé de ceste camisole.
Sans plus attendre que la glace ne le paralyse, le Vicomte s'agrippa au mur, maladroit. Peu de prises, peu de liberté de mouvements dans ceste tenue trempée. Ses bottes glissent, ses mains n'ont pas prise.
Il devra s'y reprendre à 7 fois, et c'est après autant de chutes plus ou moins douloureuses qu'il parvint à atteindre la fenestre ouverte.
Enfin, Jérusalem !
Dieu bénisse la ruse des Bourguignons...
Un rire nerveux et néanmoins bruyant -parce que naturellement tonitruant et grivois- s'échappe de sa gorgée gelée, dans un tremblement pathétique qui manque de luy arracher des larmes de douleur.
Il n'est pas son temps de trop se soulager, et il le sait. Malgré l'épuisement, la lassitude et le soulagement qui luy souffle de se déshabiller pour se réfugier sous l'édredon moelleux de la chambre d'auberge, l'Angevin reste pragmatique.
D'abord fermer fenestre et volets.
Son regard balaye ensuite la pièce, fébrile, craintif et hésitant.
Heureusement tout est là. Les 3 bouteilles de prune, les habits secs, et mesme de quoi se restaurer.
Coup d'oeil vers la porte, close. Et elle semble l'estre résolument, autant que peu l'estre celle d'une cellule. Tous les ingrédients sont réunis, à luy de les cuisinier.
---
Quelques dizaines de minutes plus tard, ou serait-ce une heure entière ?...
Les grelotements ont disparus, remplacés par la chaleur de vestements neufs et d'un lourd édredon sous lequel s'est glissé l'Angevin.
A ce confort libérateur vient s'adjoindre la chaleur sensuelle et enivrante de la liqueur fruitée qui s'écoule dans sa gorge à grands flots épais et brûlants. Le feu salvateur, autant que la pluie peut éteindre un incendie de forest et sauver des flammes des villages entiers.
Il faut dire qu'il y a mis le prix. Les 3 bouteilles y sont passées, sans discontinuer. Il n'a mesme pas mangé, emporté qu'il fut dans son élan alcoolique. Dans un pareil estat d'épuisement, qui pourrait luy reprocher son manque de volonté ?
Et puis, ivresse simulée ou ivresse réelle, où est la différence ? Tant qu'il sait tenir sa langue, le tour sera le mesme, mesme si le bouffon censé le jouer risque de n'en avoir guère de souvenirs au lendemain.
Dans la chambre vide, un rire grivois et saccadé retentit. Une quinte de toux luy succède.
Recroquevillé dans sa couche, tantost appuyé contre le mur, tantost bras ballant dans le vide, le Penthièvre sourit béatement. Une biture de plus, un naufrage de plus. A force d'y sombrer, il sera maistre des abysses qui l'aspirent presque chaque soir depuis quelques semaines. Une fois encore, de son lit de fortune, il se faict Roy d'un Royaume de cocagne et de pacotille.
Appelez moy Poséidon !...
Son corps réchauffé est secoué de spasmes, tremblements de possédé rythmés par un nouveau rire aussi dément que douloureux. Bouteille vide brandie comme un spectre Royal, ou comme une épée vengeresse. Le regard vitreux, délavé, vide, se perd dans les détails des boiseries de la pièce, sur le mur opposé qui se faict de plus en plus lointain, comme si l'Angevin basculait en arrière.
Nouveau rire grivois et sonore, ponctué de hoquetements douloureux.
L'oeil du Penthièvre brille de la lueur vacillante de la flamme qui s'y reflète, danse, danse... Danse, jusqu'à s'éteindre brusquement, soufflée par le coma qui a fini par avoir raison de Tithieu.
Seuls les ronflements bercent le corps du martyr endormi, à demi-vivant, la bouche ouverte et couverte d'écume, laquelle s'écoule au coin de ses lèvres trempées d'alcool frelâté et du fruit nauséabond de ses régurgitations alcooliques.
De la flamme qui dansait dans l'oeil du Penthièvre, ne reste qu'un point rouge qui se distingue dans l'obscurité, et un filet de fûmée qui s'élève en lacets tortueux.
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