Elais
[Garde de la nuit du 18 au 19 Août]
Musique...
Douce et calme, la nuit enveloppa la ville, chassant le soleil dans sa retraite pour un repos bien mérité. Arrêtant sa course au dessus des nuages, un croissant de lune se détacha dans le ciel offrant un peu de sa clarté aux gardes qui s'affairaient à fermer les grandes portes derrière les derniers visiteurs et vagabonds qui reprenaient leur chemin.
La vie dans Montpensier tournait à présent au ralenti alors que s'éveillait timidement le ballet nocturne.
Entre deux merlons, Ela se laissa aller un instant au bonheur de respirer. Cela faisait plusieurs jours que chaque soir elle se rendait sur les remparts afin de prendre son tour de garde et veiller au sommeil paisible des villageois. Cette fonction lui plaisait, surtout depuis qu'elle avait été nommée aux côtés de l'unique douanière de Montpensier.
Surveiller les allées et venues, parcourir les remparts la nuit, se plonger pleinement dans la rédaction de ses rapports... tout cela lui occupait l'esprit et elle en avait bien besoin.
Posant les yeux sur le village endormi, elle relâcha légèrement son attention, et laissa libre cours à ses pensées.
Les jours défilaient, semblables les uns aux autres, contrastant avec l'humeur de la jeune femme qui s'éclairait ou s'assombrissait au fil du temps. Il y avait eu la nostalgie, l'angoisse, l'espoir puis la tristesse de voir s'éloigner lentement son passé. Même si parfois elle se rassurait qu'il en était mieux ainsi, les souvenirs refaisaient toujours surface emmenant son lot de regrets.
Les questions venaient alors...
En aurait-il été autrement si elle n'avait pris cette décision ou bien même si il avait répondu à son dernier courrier ? Et l'aurait-elle rejoint, lui avouant combien elle avait été heureuse en voyageant à ses côtés, combien seule sa présence adoucissait son existence, ses nuits et qu'il en avait été ainsi depuis le jour où elle avait croisé pour la première fois son regard alors qu'ils n'étaient encore que deux enfants ? Aurait-elle su lui faire comprendre combien il lui était précieux, indispensable ?
A ces questions s'ensuivaient les réponses...
Non, elle avait eu l'occasion de lui dire tout cela, cependant, elle ne l'avait fait, arrêtée par cette immuable timidité, pudeur, doublée par la peur et l'incertitude qu'il ne la rejette. De plus, il n'avait jamais pris la peine de répondre, ne serait-ce qu'à la question qu'elle lui avait posée. Ce qui l'incitait à croire qu'elle avait probablement pris la bonne décision et qu'il en était satisfait ou soulagé.
Elle ne pouvait lui en tenir rigueur, le monastère où ils avaient grandi les avait réunis, mais les avait aussi opposés, les obligeant à commettre l'irréparable et condamnant de la sorte les deux êtres à se détester. Pourtant, même si elle avait eu un jour un quelconque ressentiment envers lui, elle savait aujourd'hui, peut-être trop tard, qu'elle... qu'elle...
Ela prit une profonde inspiration espérant par cet acte étouffer la brûlure douloureuse qui lui tenaillait les entrailles. Elle ne pouvait y songer, se l'interdisait. Depuis qu'elle avait découvert cette dernière « chose », elle avait appris à taire et à endosser ce sentiment qu'elle savait être le fardeau qui la suivrait de la terre jusqu'au plus profond des limbes.
Etait-ce la punition infligée par le tout-puissant pour ses gestes passées ? Elle ne le saurait que lors de son jugement. En attendant, elle vivrait avec puisqu'il en avait été décidé comme tel.
Son seul apaisement était qu'il trouve le bonheur. Peu lui importait son propre futur si cela devait être le prix dont elle devait s'acquitter pour qu'il soit heureux.
Un bruit sourd l'obligea à mettre la main sur son arme et reporter son attention sur l'instant présent. Soulagée de ne voir apparaître qu'un confrère, elle glissa un léger sourire sur ses lèvres et salua ce dernier d'un signe de tête avant de se mettre à arpenter le chemin de ronde avec une dernière conclusion. Aujourd'hui, elle avait été acceptée au sein de ce qu'ils appelaient « La grande famille ». La grande famille... Quelle qu'en soit la sentence, quoi qu'elle ressente... Là irait sa fidélité et son dévouement. Du moins le temps nécessaire...
Musique...
Douce et calme, la nuit enveloppa la ville, chassant le soleil dans sa retraite pour un repos bien mérité. Arrêtant sa course au dessus des nuages, un croissant de lune se détacha dans le ciel offrant un peu de sa clarté aux gardes qui s'affairaient à fermer les grandes portes derrière les derniers visiteurs et vagabonds qui reprenaient leur chemin.
La vie dans Montpensier tournait à présent au ralenti alors que s'éveillait timidement le ballet nocturne.
Entre deux merlons, Ela se laissa aller un instant au bonheur de respirer. Cela faisait plusieurs jours que chaque soir elle se rendait sur les remparts afin de prendre son tour de garde et veiller au sommeil paisible des villageois. Cette fonction lui plaisait, surtout depuis qu'elle avait été nommée aux côtés de l'unique douanière de Montpensier.
Surveiller les allées et venues, parcourir les remparts la nuit, se plonger pleinement dans la rédaction de ses rapports... tout cela lui occupait l'esprit et elle en avait bien besoin.
Posant les yeux sur le village endormi, elle relâcha légèrement son attention, et laissa libre cours à ses pensées.
Les jours défilaient, semblables les uns aux autres, contrastant avec l'humeur de la jeune femme qui s'éclairait ou s'assombrissait au fil du temps. Il y avait eu la nostalgie, l'angoisse, l'espoir puis la tristesse de voir s'éloigner lentement son passé. Même si parfois elle se rassurait qu'il en était mieux ainsi, les souvenirs refaisaient toujours surface emmenant son lot de regrets.
Les questions venaient alors...
En aurait-il été autrement si elle n'avait pris cette décision ou bien même si il avait répondu à son dernier courrier ? Et l'aurait-elle rejoint, lui avouant combien elle avait été heureuse en voyageant à ses côtés, combien seule sa présence adoucissait son existence, ses nuits et qu'il en avait été ainsi depuis le jour où elle avait croisé pour la première fois son regard alors qu'ils n'étaient encore que deux enfants ? Aurait-elle su lui faire comprendre combien il lui était précieux, indispensable ?
A ces questions s'ensuivaient les réponses...
Non, elle avait eu l'occasion de lui dire tout cela, cependant, elle ne l'avait fait, arrêtée par cette immuable timidité, pudeur, doublée par la peur et l'incertitude qu'il ne la rejette. De plus, il n'avait jamais pris la peine de répondre, ne serait-ce qu'à la question qu'elle lui avait posée. Ce qui l'incitait à croire qu'elle avait probablement pris la bonne décision et qu'il en était satisfait ou soulagé.
Elle ne pouvait lui en tenir rigueur, le monastère où ils avaient grandi les avait réunis, mais les avait aussi opposés, les obligeant à commettre l'irréparable et condamnant de la sorte les deux êtres à se détester. Pourtant, même si elle avait eu un jour un quelconque ressentiment envers lui, elle savait aujourd'hui, peut-être trop tard, qu'elle... qu'elle...
Ela prit une profonde inspiration espérant par cet acte étouffer la brûlure douloureuse qui lui tenaillait les entrailles. Elle ne pouvait y songer, se l'interdisait. Depuis qu'elle avait découvert cette dernière « chose », elle avait appris à taire et à endosser ce sentiment qu'elle savait être le fardeau qui la suivrait de la terre jusqu'au plus profond des limbes.
Etait-ce la punition infligée par le tout-puissant pour ses gestes passées ? Elle ne le saurait que lors de son jugement. En attendant, elle vivrait avec puisqu'il en avait été décidé comme tel.
Son seul apaisement était qu'il trouve le bonheur. Peu lui importait son propre futur si cela devait être le prix dont elle devait s'acquitter pour qu'il soit heureux.
Un bruit sourd l'obligea à mettre la main sur son arme et reporter son attention sur l'instant présent. Soulagée de ne voir apparaître qu'un confrère, elle glissa un léger sourire sur ses lèvres et salua ce dernier d'un signe de tête avant de se mettre à arpenter le chemin de ronde avec une dernière conclusion. Aujourd'hui, elle avait été acceptée au sein de ce qu'ils appelaient « La grande famille ». La grande famille... Quelle qu'en soit la sentence, quoi qu'elle ressente... Là irait sa fidélité et son dévouement. Du moins le temps nécessaire...