Atheus
[Une proie]
Traversant un léger voile de brume étirant sa fraîcheur de l'intérieur de la ville jusque par-delà la clairière, le majestueux oiseau de proie ne s'avouait pas vaincu. Les grandes ailes étaient déployées de toute leur envergure, incurvant la course du prédateur pour un nouveau passage à l'aplomb du grand chêne. Le hibou n'eut aucun mal à repérer le malheureux campagnol qui, fuyant frénétiquement le vacarme venu des remparts, ignorait tout de la véritable menace qui planait au-dessus de lui.
Le grand duc replia ses ailes en arrière et, dans un silence presque absolu, guidé par son instinct et ses sens aiguisés de roi des prédateurs du ciel nocturne, piqua droit sur la trajectoire du mammifère chétif. Mort certaine.
Au même instant, sur les remparts, avait déboulé sur le vieux à la canne un individu drapé de noir. A peine avait-il eu le temps de tourner la tête qu'il fut emporté, un corps agile et vif l'ayant entrainé au sol dans une roulade. Il en avait lâché son bâton et se trouvait contraint d'agripper l'assaillant tant bien que mal. L'ancien chef de meute, pris dans le feu de l'action, n'entendit pas la voix de la jeune femme qui les sommait de cesser, et maudissait la vieille toile qui lui tenait lieu de mantel tant il était gêné dans ses mouvements.
Leur rencontre brutale avec le lourd et froid mur de pierre amena un instant de répit.
Athéus n'avait pas pour habitude de se retrouver ainsi à terre. Le bras droit du vieux était à moitié bloqué par son propre mantel qu'il écrasait du poids de son corps auquel s'ajoutait celui de l'autre. Il ne pouvait que serrer le bras menaçant de celui qui, le regard embué mais déterminé l'avait plaqué au sol. Pas moyen de l'attraper à la gorge. Athéus réalisa enfin que le reflet de la lune sur une lame serait certainement la dernière vision de sa longue vie...
En effet, une dague dans la main gauche, sortie de nulle part, l'autre n'avait plus qu'un geste à faire pour trancher la gorge du vieux...
Ce regard malin... Et le sourire de l'élève qui a dépassé le maître... La dague main gauche... Bien sûr ! l'autre, c'était... le prometteur Anséis !...
Athéus comprit le trouble ressenti plus tôt de n'avoir pas su déchiffrer les effluves ainsi mêlées. Trois anciens de la meute réunis !
Sans aucune peur, le regard d'Athéus semblait signifier à Anséis : Vas-y ! Fais-le ! Fais ce qu'on t'a appris !
Tandis que les serres affutées s'apprêtaient à lacérer le campagnol, l'ouïe du prédateur fût perturbée par le bruit des corps qui s'empoignaient sur les remparts, puis, au moment crucial, un cri transperça la relative tranquillité des abords de Montpensier :
Pour lamour de Christos ! Arrêtez !
Le campagnol bifurqua à l'instant même où les griffes allaient se refermer sur lui. L'oiseau fit juste un rebond sur la terre humide et repartit vers les cieux, sans le campagnol.
Sauvé.
L'appel de Téalhis lui avait sauvé la vie.
Athéus, et Anséis, tous deux incrédules, tournèrent de concert la tête vers la jeune femme au visage effaré.
Traversant un léger voile de brume étirant sa fraîcheur de l'intérieur de la ville jusque par-delà la clairière, le majestueux oiseau de proie ne s'avouait pas vaincu. Les grandes ailes étaient déployées de toute leur envergure, incurvant la course du prédateur pour un nouveau passage à l'aplomb du grand chêne. Le hibou n'eut aucun mal à repérer le malheureux campagnol qui, fuyant frénétiquement le vacarme venu des remparts, ignorait tout de la véritable menace qui planait au-dessus de lui.
Le grand duc replia ses ailes en arrière et, dans un silence presque absolu, guidé par son instinct et ses sens aiguisés de roi des prédateurs du ciel nocturne, piqua droit sur la trajectoire du mammifère chétif. Mort certaine.
Au même instant, sur les remparts, avait déboulé sur le vieux à la canne un individu drapé de noir. A peine avait-il eu le temps de tourner la tête qu'il fut emporté, un corps agile et vif l'ayant entrainé au sol dans une roulade. Il en avait lâché son bâton et se trouvait contraint d'agripper l'assaillant tant bien que mal. L'ancien chef de meute, pris dans le feu de l'action, n'entendit pas la voix de la jeune femme qui les sommait de cesser, et maudissait la vieille toile qui lui tenait lieu de mantel tant il était gêné dans ses mouvements.
Leur rencontre brutale avec le lourd et froid mur de pierre amena un instant de répit.
Athéus n'avait pas pour habitude de se retrouver ainsi à terre. Le bras droit du vieux était à moitié bloqué par son propre mantel qu'il écrasait du poids de son corps auquel s'ajoutait celui de l'autre. Il ne pouvait que serrer le bras menaçant de celui qui, le regard embué mais déterminé l'avait plaqué au sol. Pas moyen de l'attraper à la gorge. Athéus réalisa enfin que le reflet de la lune sur une lame serait certainement la dernière vision de sa longue vie...
En effet, une dague dans la main gauche, sortie de nulle part, l'autre n'avait plus qu'un geste à faire pour trancher la gorge du vieux...
Ce regard malin... Et le sourire de l'élève qui a dépassé le maître... La dague main gauche... Bien sûr ! l'autre, c'était... le prometteur Anséis !...
Athéus comprit le trouble ressenti plus tôt de n'avoir pas su déchiffrer les effluves ainsi mêlées. Trois anciens de la meute réunis !
Sans aucune peur, le regard d'Athéus semblait signifier à Anséis : Vas-y ! Fais-le ! Fais ce qu'on t'a appris !
Tandis que les serres affutées s'apprêtaient à lacérer le campagnol, l'ouïe du prédateur fût perturbée par le bruit des corps qui s'empoignaient sur les remparts, puis, au moment crucial, un cri transperça la relative tranquillité des abords de Montpensier :
Pour lamour de Christos ! Arrêtez !
Le campagnol bifurqua à l'instant même où les griffes allaient se refermer sur lui. L'oiseau fit juste un rebond sur la terre humide et repartit vers les cieux, sans le campagnol.
Sauvé.
L'appel de Téalhis lui avait sauvé la vie.
Athéus, et Anséis, tous deux incrédules, tournèrent de concert la tête vers la jeune femme au visage effaré.