Anseis
[Prémices de pluie ]
La torride chaleur dispensée par Phaéton dès lannonce de lété avait peu à peu chassé badauds, puis gardes, de la ceinture de pierre qui continuait de protéger la ville assoupie. La pierre qui pouvait se montrer si glaciale au plus froid de lhiver ne bénéficiait du moindre souffle de vent et lon aurait pu, aurait-on voulu de telle nourriture par si grande chaleur, cuire venaison juste en ly déposant.
Cest donc sans grande surprise que lunique promeneur trouva le calme que la solitude confère en arpentant les remparts, alors que les rues mêmes se trouvaient désertes. La chaleur, dont lintensité se concrétisait en gouttes de sueur, ni la solitude pourtant ne semblaient le préoccuper. La première était accueillie avec la placidité et lindifférence dun corps qui avait appris à lapprivoiser avec le temps. Quant à la seconde, parmi les milliers de milliers dâmes qui peuplaient ce royaume, une seule et unique aurait pu, par sa présence, vraiment lui apporter sourire. Une âme qui, par ailleurs, ne quittait que rarement son cur.
Mais, quand bien même aurait-il plus que toute autre chose, adoré pouvoir lavoir à ses côtés pour cette oisive et insouciante excursion, jamais naurait-il osé déranger la jeune bourgmestre tant occupée au bien être des villageois. Au rouge de la chaleur vint sajouter celui de la honte lorsquil pensa au peu daide quil avait fourni à son aimée en ces temps si difficiles.
Arrivé à destination une succession de créneaux et merlons abrités par une des tours de gardes, il prit place, son regard se tournant vers un assemblage de maisonnettes. Dici il pouvait voir lentrée de léchoppe qui longtemps avait accueilli diverses étoffes avant, pour un cours instant, dêtre transformée en boucherie et qui maintenant restait close. Même la maison attenante restait la plupart du temps inoccupée, la chandelle quil avait pu voir durant tant de soirée brillant le plus souvent au niveau de la mairie ces derniers temps.
Un soupir fit finalement tourner la tête au vagabond. Perdu dans ses pensées, il laissa son regard détailler le vert feuillage dun saule dont la beauté relevait ces jardins abandonnés de lautre côté des remparts et qui longtemps avaient portés le nom de Birgit. Anseis navait aucune idée de lorigine de ce nom et il faut lavouer ne sy intéressait guère. Au contraire, il aurait pu dire apprécier plus pleinement ces jardins dont on pouvait voir encore la trace humaine qui tentait vainement de lutter contre une nature sauvage toujours plus présente.
Dans ce sol riche qui avait donné si belle forêt à Montpensier, le saule puisait fraicheur qui lui permettait de se parer de couleurs opalines et dorées. Le feuillage frémissant de façon presque indistincte, larbre semblait attendre. Quattendait-il donc ainsi ? Lorage qui déjà sannonçait à lhorizon, avec promesse dune eau devenue rare ou bien se contentait-il de regarder la vie passer devant lui, attendant léclair qui foudroie ou le coup de hache final ? Pleurait-il donc sur son sort, attaché ainsi à la mère nourricière mais si possessive, lui qui navait la longévité du chêne, ou bien sur la fatuité de toute vie ?
Ou bien encore attendait-il, tout comme le vagabond le départ de cet oiseau qui illuminait son cur ? Anseis navait pas plus de réponse pour larbre que pour lui-même.
Elais
Elais, sa bien aimée était noble. Une histoire si surprenante quelle semblait sortir dun conte lui avait offert une famille en la personne dune ainée aimante et aimable et dun frère aux actes si étranges mais qui néanmoins ne cachait son amour pour celle quil navait connu que nourrisson. Bien sûr, elle navait changé et restait lange quil avait toujours connu mais quen était-il du reste du monde ? Comment verraient-ils la cour dun roturier envers une princesse ? Ne souffrirait-elle des quolibets, entrainée bien malgré elle dans quelconque invitation de sa fratrie ?
Le regard ne pouvant se détacher, lancien de la meute continuait de se perdre dans ses pensées. Se devait-il partir pour gagner de son bras quelconque titre lautorisant de demander la main de sa dulcinée, au risque de se perdre de nouveau dans les démons du passé ? Car il ne se faisait doute que la voie des armes serait la seule qui pouvait lui ouvrir ce titre aussi désiré que honni. Ou bien justement ce ne serait faire que preuve de fierté et amour propre, alors quil navait aucune raison de douter de lamour de la jeune femme ? La quitter pour un titre dont elle navait probablement que faire.
Limperceptible bruissement des feuilles de larbre ne lui apportait ce soir là aucune réponse. Un nouveau soupir vint donc ponctuer cette série de questions muettes. Les yeux se levèrent vers le ciel qui, de plus en plus menaçant, annonçait larrivée imminente de cet orage qui sétait tant fait désiré : peut-être la fraiche pluie saurait-elle mieux conseiller ?
Emplissant ses poumons dun air déjà riche en senteur pluvieuse, le jeune homme ne put empêcher un sourire. Quelles que soient ses angoisses sur le futur, il y a une vérité dont il ne doutait : lamour quils éprouvaient lun pour lautre.
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La torride chaleur dispensée par Phaéton dès lannonce de lété avait peu à peu chassé badauds, puis gardes, de la ceinture de pierre qui continuait de protéger la ville assoupie. La pierre qui pouvait se montrer si glaciale au plus froid de lhiver ne bénéficiait du moindre souffle de vent et lon aurait pu, aurait-on voulu de telle nourriture par si grande chaleur, cuire venaison juste en ly déposant.
Cest donc sans grande surprise que lunique promeneur trouva le calme que la solitude confère en arpentant les remparts, alors que les rues mêmes se trouvaient désertes. La chaleur, dont lintensité se concrétisait en gouttes de sueur, ni la solitude pourtant ne semblaient le préoccuper. La première était accueillie avec la placidité et lindifférence dun corps qui avait appris à lapprivoiser avec le temps. Quant à la seconde, parmi les milliers de milliers dâmes qui peuplaient ce royaume, une seule et unique aurait pu, par sa présence, vraiment lui apporter sourire. Une âme qui, par ailleurs, ne quittait que rarement son cur.
Mais, quand bien même aurait-il plus que toute autre chose, adoré pouvoir lavoir à ses côtés pour cette oisive et insouciante excursion, jamais naurait-il osé déranger la jeune bourgmestre tant occupée au bien être des villageois. Au rouge de la chaleur vint sajouter celui de la honte lorsquil pensa au peu daide quil avait fourni à son aimée en ces temps si difficiles.
Arrivé à destination une succession de créneaux et merlons abrités par une des tours de gardes, il prit place, son regard se tournant vers un assemblage de maisonnettes. Dici il pouvait voir lentrée de léchoppe qui longtemps avait accueilli diverses étoffes avant, pour un cours instant, dêtre transformée en boucherie et qui maintenant restait close. Même la maison attenante restait la plupart du temps inoccupée, la chandelle quil avait pu voir durant tant de soirée brillant le plus souvent au niveau de la mairie ces derniers temps.
Un soupir fit finalement tourner la tête au vagabond. Perdu dans ses pensées, il laissa son regard détailler le vert feuillage dun saule dont la beauté relevait ces jardins abandonnés de lautre côté des remparts et qui longtemps avaient portés le nom de Birgit. Anseis navait aucune idée de lorigine de ce nom et il faut lavouer ne sy intéressait guère. Au contraire, il aurait pu dire apprécier plus pleinement ces jardins dont on pouvait voir encore la trace humaine qui tentait vainement de lutter contre une nature sauvage toujours plus présente.
Dans ce sol riche qui avait donné si belle forêt à Montpensier, le saule puisait fraicheur qui lui permettait de se parer de couleurs opalines et dorées. Le feuillage frémissant de façon presque indistincte, larbre semblait attendre. Quattendait-il donc ainsi ? Lorage qui déjà sannonçait à lhorizon, avec promesse dune eau devenue rare ou bien se contentait-il de regarder la vie passer devant lui, attendant léclair qui foudroie ou le coup de hache final ? Pleurait-il donc sur son sort, attaché ainsi à la mère nourricière mais si possessive, lui qui navait la longévité du chêne, ou bien sur la fatuité de toute vie ?
Ou bien encore attendait-il, tout comme le vagabond le départ de cet oiseau qui illuminait son cur ? Anseis navait pas plus de réponse pour larbre que pour lui-même.
Elais
Elais, sa bien aimée était noble. Une histoire si surprenante quelle semblait sortir dun conte lui avait offert une famille en la personne dune ainée aimante et aimable et dun frère aux actes si étranges mais qui néanmoins ne cachait son amour pour celle quil navait connu que nourrisson. Bien sûr, elle navait changé et restait lange quil avait toujours connu mais quen était-il du reste du monde ? Comment verraient-ils la cour dun roturier envers une princesse ? Ne souffrirait-elle des quolibets, entrainée bien malgré elle dans quelconque invitation de sa fratrie ?
Le regard ne pouvant se détacher, lancien de la meute continuait de se perdre dans ses pensées. Se devait-il partir pour gagner de son bras quelconque titre lautorisant de demander la main de sa dulcinée, au risque de se perdre de nouveau dans les démons du passé ? Car il ne se faisait doute que la voie des armes serait la seule qui pouvait lui ouvrir ce titre aussi désiré que honni. Ou bien justement ce ne serait faire que preuve de fierté et amour propre, alors quil navait aucune raison de douter de lamour de la jeune femme ? La quitter pour un titre dont elle navait probablement que faire.
Limperceptible bruissement des feuilles de larbre ne lui apportait ce soir là aucune réponse. Un nouveau soupir vint donc ponctuer cette série de questions muettes. Les yeux se levèrent vers le ciel qui, de plus en plus menaçant, annonçait larrivée imminente de cet orage qui sétait tant fait désiré : peut-être la fraiche pluie saurait-elle mieux conseiller ?
Emplissant ses poumons dun air déjà riche en senteur pluvieuse, le jeune homme ne put empêcher un sourire. Quelles que soient ses angoisses sur le futur, il y a une vérité dont il ne doutait : lamour quils éprouvaient lun pour lautre.
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