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Info:
La fin de l'incendiaire.

[RP] Etincelles d'une embrasée.

--Commanditaire
Semi public, semi privé pour l'instant. MP à Spadachocolat ou Eavan.


Dans une pièce de bonne importance, un homme derrière son bureau, un autre devant lui, courbé, mains jointes.

- Une nouvelle liste ? Vraiment ? Qui ?

Un balbutiement.

- Quoi ? Cette parvenue avide de pouvoir ?

Un hochement de tête.

- Et qui y a-t-il sur cette liste dite Réellement Provençale ?

Une réponse, chuchotée.

- Tu te fous de moi ? Les traitres ! Tout ça parce qu’elle fait son retour !

L’homme, jeune, encore, fait les cent pas dans son bureau. Il avait décidé de se retirer de la vie politique, pourtant, là, c’en était trop pour lui. Une seule solution s’offrait à ses yeux. La supprimer.

- Trouve-moi quelqu’un de discret. Discret et efficace. Je lui fais envoyer quelques courriers, si ce soir elle ne s’est pas rétractée, elle n’ennuiera plus personne.

Un rire gras éclate dans la pièce, le domestique sort à reculons, bredouillant des « Oui, Maître, il en sera fait selon votre désir votre… »
--Yunette


La journée tirait à sa fin. Une fin meilleure que le début. Certes il y avait eu ces courriers, mais ça faisait partie du jeu de la politique. Ce ne seraient ni les premiers, ni les derniers. Elle le savait et ne s’en inquiétait pas, enfin, pas trop. Celui qui l’inquiétait le plus, c’était celui concernant son fils, l’adresse de Spada était clairement donnée. Ces gens savaient beaucoup de choses. Bien que ces choses ne soient pas secrètes. Elle reprendrait son fils, même si c’était trop tôt, même s’il refusait encore de lui parler. Eavan lui laisserait un garde, sûrement, et tout le monde serait en sécurité chez elle. A l’Antre. Entre le garde et Ira, rien à craindre, surtout qu’elle n’était pas manchote.

Ce matin elle s’était réveillée en se rendant compte qu’elle avait déposé une liste électorale… Elle y avait inscrit des noms amis mais aussi d’autres d’inconnus. Et elle avait mal aux cheveux. Il avait été décidé qu’elle assumerait ses actes, aussi stupides qu’ils soient. Alors elle assuma. Alliant franchise et arguments plus ou moins pertinents, elle réussit à décider tous ses colistiers forcés à accepter d’y rester, sur la liste. Ils décidèrent que cette liste présenterait un léger programme, histoire de ne pas lancer trop d’idées intenables, de ces idées qui font croire qu’on va agir mais qu’on ne peut pas mettre à exécution. Les élus agiraient lorsqu’ils seraient au conseil, mieux que des promesses, des actes.

Ils mettraient en avant les idées qu’ils partageaient celles pour lesquels ils n’arriveraient pas à se mettre d’accord seraient défendues par chacun de leur détraqueurs. Ainsi, personne ne serait spolié de ses opinions. Oui, vraiment, ç’avait été une bonne journée. Les gens étaient enthousiastes, elle était loin de se douter que non loin, certains hurlaient au scandale et à la trahison sans même leur avoir demandé pourquoi leurs noms étaient inscrits. Finalement, il paraissait fort aisé de semer la dissension. Prenez des noms, inscrivez les sur une liste sans en parler à leurs propriétaires… et admirez le spectacle. Une pièce qui méritait bien ses deux centaines d’écus. Mais elle l’ignorait.

Depuis plusieurs jours déjà, Mathilde et Marguerite avaient repris leur poste à l’Antre des Dieux. Mathilde comme à son habitude franche sous ses airs hypocrites n’arrivait pas à masquer son dédain pour l’homme que Yunette avait ramené et qui remplaçait son ancien maitre. Plus jeune, certes, peut être moins brigand, mais la maitresse partageait sa couche, et ça, ça elle ne l’avait pas fait avec celui qu’elle appelait Monsieur. Vraiment ce voyage avait changé sa jeune maitresse. Marguerite quant à elle, suivait les ordres de sa supérieure, l’endroit avait retrouvé sa splendeur d’avant, tout dans le sobre, propre et agréable à vivre. Elle avait mis tout son cœur pour préparer la chambre du petit monsieur, installant le dénommé Nours à sa place, sur l’oreiller. Bientôt avait dit Madame, bientôt.

Le garde vint prendre son service dans la journée. Comme nombre de gardes de Salon, il était droit et digne dans sa démarche. Lorsqu’il était au repos, il montrait un tempérament jovial et agréable, mais dès lors qu’il s’agissait de travailler, il ne disait pas un mot plus haut que l’autre, tout à sa tâche. C’est que quand on avait été formé par la Baronne Eavan, ça ne rigolait pas. La discipline était son maitre mot. Yunette en avait fait les frais lors de leurs entrainements, et pourtant elle savait que sa marraine avait agit envers elle avec une douceur que ses hommes ne lui avaient jamais connue.

Restait à récupérer son fils...

Direction le Bar à Thym, Spada était là. Elle lui expliqua les menaces, la peur. La presque mère comprit, alla chercher le petit. Duel de volontés devant les personnes présentes qui n’osaient s’en mêler. Yunette ne laissa pas le choix à l’enfant et, le tenant fermement, l’emmena chez elle. Chez eux. A l’Antre.


--Galaad_v_f


Je suis bien chez Spada. Je veux pas partir. D’abord, Spada elle chante bien, elle a une belle voix et elle joue du luth. Et puis elle trouve toujours le temps de jouer avec moi, de me raconter des histoires. En plus, Spada je l’ai rien que pour moi. Maman elle, elle est avec l’autre là. Celui qu’est pas Galuche. C’est sa pas Reyne qui m’a expliqué. Mais m’en fiche, je suis bien chez Spada. Et puis Voyou, il joue avec Zéphyr. On ne peut pas les séparer, ce serait pas gentil.

Spada est partie travailler, elle m’a laissé avec la madame gentille. Paquita ne peut plus me garder parce qu’elle est partie elle aussi. Mais elle a pas dit comme maman qu’elle reviendrait. Alors j’attends pas. Tiens, voilà Spada. Elle revient tôt aujourd’hui. Mais… pourquoi elle prend le sac-de-quand-je-serai-prêt-parce-qu’on-veut-pas-me-forcer ? Elle s’agenouille devant moi, ça c’est parce qu’elle a quelque chose à me dire. Quand elle fait ça c’est pour me faire croire que je suis grand comme elle et qu’elle dit que je peux comprendre parce que je suis un homme. Gagné. Elle dit ça.

Elle dit aussi que maman a quelque chose à me dire. Alors, on va au Bar à Thym. Elle est là, et sans l’ogre pour une fois. C’est bien. Mais il y a d’autres gens, des que je connais et d’autres que je n’ai jamais vu. Spada sert très fort ma main. Elle me dit d’aller voir maman mais elle lâche pas ma main. Je fais comment moi ? Parce que même si je suis fâché j’aime bien les bisous de maman. Je vais pas lui dire. Je suis fâché. Mais je les aime bien quand même. Ah. Elle me lâche. Je m’approche avec des yeux tout noirs comme elle dit Spada. Les mêmes que maman.

Maman me sourit. Je me souviens de son sourire, même si avant de partir elle souriait plus beaucoup. Ou que de la bouche, pas des yeux. Là, ses yeux sourient aussi, même si je sens qu’elle est inquiète. Elle se met à genoux devant moi et me tient par les épaules. Elle me dit que je vais aller vivre chez elle dès aujourd’hui. Qu’elle voulait me laisser le temps mais qu’elle n’a pas le choix. Je comprendrai quand je serai grand qu’elle dit. Mais moi… Moi…

- Ze veux pas !

Elle se fâche pas mais ses yeux montrent un peu qu’elle est triste. Elle me prend la main, j’essaie de la faire glisser mais elle tient fort. Elle prend le sac de l’autre, dit aux gens qu’elle reviendra plus tard. Spada ! Me laisse pas ! Je la regarde, Spada, je la regarde et je dis rien parce que je sais que j’ai pas le choix. Mais la laisse pas m’emmener, je veux rentrer chez toi écouter le luth et ta voix. La chanson de quand maman elle était heureuse. Spada…

Je pleure pas, je suis un homme, on avance sans rien dire, elle marche vite, maman, et elle regarde partout autour d’elle. Des fois je dois courir. On est arrivés. Elle est grande la maison. Je me sers contre elle, parce que la maison elle me fait bizarre dans le ventre. Comme si des souvenirs de quand je me rappelle pas voulaient ressortir. On entre. Il y a Marguerite, Mathilde et un monsieur qu’a une épée. Les deux dames elles venaient me voir des fois chez Spada… Spada qui m’a laissé partir sans m’embrasser…

On va dans ma chambre, je m’en rappelle de ma chambre, même qu’à côté c’est celle de maman et au bout c’est celle de Célia. Toute ronde celle de Célia. T’es où Célia ? Donc on s’est installés dans ma chambre. Et pis je l’ai vu, Nours ! Je suis monté sur mon lit et je l’ai serré fort fort fort. Il a perdu un peu de poil mais c’est toujours lui. Je fais un sourire à maman. Un grand. Puis on a parlé, rien que tous les trois, maman, Nours et moi. Et elle m’a dit de lui dire ce que je voulais lui dire, tout ce que j’avais sur le cœur. Et puis après mon cœur il était moins lourd. J’ai pleuré. Elle aussi. Je lui ai dit que j’étais fâché parce qu’elle était partie. Qu’en plus elle avait jamais écrit et que Spada elle pleurait des fois et que c’était pas rigolo d’être l’homme qui doit la faire rire. Je lui ai dit tout ça.

On a parlé, longtemps, très longtemps, on a mangé un peu, et on a parlé encore et encore tout ce qu'on avait à se dire. Enfin non, on n'a pas eu le temps, je me suis endormi. Et elle m’a mis au lit et m’a fait un gros bisou, un qui m’a fait sourire que j'ai senti dedans mes rêves.

Nours et Maman.
A la maison.
Spadachocolat
Au revoir Galaad.

Elle ne l’avait même pas dit. Elle avait assisté à la scène comme si elle n’en faisait pas partie, comme elle avait assisté à cette magnifique pièce de théâtre qu’avaient jouée les gitans quelques temps auparavant. A la différence près qu’ici Spada était censée faire partie de l’intrigue, et que cette intrigue était réelle. Mais non. Pas de baiser, pas de mot réconfortant ou de marque d’affection ni même ce simple « au revoir » qu’elle aurait dû lui murmurer. De toute manière, songeait-elle, verre de prune à la main pendant que les autres se gorgeaient de houblon, c’aurait été mal venu de sa part. La pauvre Yunette avait tellement souffert de l’éloignement avec son fils, et plus encore du rejet de ce dernier qu’elle n’avait pas à intervenir, elle, la simple garde d’enfant. Il y a des jours où on s’en fout bien d’être maire, on souffre et c’est tout.

Le regard de Galaad… Suppliant, terrifié et plein d’incompréhension. Pourquoi l’abandonnait-elle ? Oui, il devait ressentir ça comme un abandon. Soit un homme, va avec Maman, qu’elle disait… Lui ne voulait pas. Et puis Yunette. Yunette, qui leur avait tant manqué. Yunette qui voulait protéger son fils. Yunette qui était rejetée.

Ce sentiment, Spada l’avait trop éprouvé ces derniers temps. La culpabilité, l’affreuse culpabilité. Avec une pointe de remord et un soupçon de tristesse, mélangez le tout et vous aurez une jeune femme rompue. Ajoutez de l’eau –ou de la prune- si vous ne voulez pas qu’elle craque, la sécheresse c’est terrible.

Un jour vous avez un petit bout d’homme qui vous permet de tenir le coup tant vous êtes harassé par le travail et les événements plus ou moins plaisants (surtout moins), qui fait fondre votre cœur avec ses grandes billes sombres et sa figure d’ange… Et voilà que vous le rendez, après l’avoir égoïstement gardé chez vous durant des mois. Et vous vous permettez d’être triste ? Vous avez tort, vous au moins le petit veut bien de vous. Qu’est ce que ce doit être pour votre amie, sa mère, qui est repoussée ?

Mais le pire n’était pas là. Ces menaces dont lui avait parlé Yunette étaient bien plus alarmantes. Bienvenue en politique, Spada, tu découvres toute la bassesse de l’être humain. Menacer une femme parce qu’elle est tête de liste, c’est ignoble. Mais menacer son fils de quatre ans encore bien trop jeune pour être un tant soit peu concerné par tout ça, c’est à vomir. Elle en avait littéralement la nausée.

Spada reposa sur le comptoir le petit verre à liqueur vide. Elle se leva et fit le tour de la taverne, inspira, expira, recommença, parvint à se calmer un peu. Mentalement, elle entama une prière pour le Ristote, comme disait un certain petit Von Frayner.

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Procuraire de Prouvenço Lièure
Cònsol de Touloun
Luèctenent de Policia de Touloun
--Yunette


Galaad dormait… Galaad et le tourbillon cervalesque qu’il entrainait dans l’esprit de Yunette. Esprit fort soucieux d’ailleurs. Elle avait meurtri son enfant. Comment avait elle pu passer tant de temps loin de lui, ainsi. Elle l’observait dormir avec un doux sourire. Sa main caressant ses cheveux un moment. Dire qu’on menaçait sa vie… Un petit bout d’homme meurtri. Il n’aurait plus à supporter sa mère au moins. On voulait le détruire, pour la détruire. Elle ne le laisserait pas atteindre. Il était encore tôt, le garde et les domestiques veillaient, ils avaient son entière confiance. L’embrassant encore une fois, le bordant… Dieu qu’il avait grandi !

Elle sortit, songeuse, le laissant dans ses rêves. Il paraissait apaisé, elle l’était également. Ils avaient fait la paix. Il lui avait sourit, l’avait embrassée, un sourire niaiseux apparut sur ses lèvres. Telle une femme amoureuse. Qu’elle était, il faut le dire. Ses pas la menèrent hors de sa demeure en direction du Bar à Thym. Elle rassura Spada qui s’inquiétait de l’enfant. Il dormait, il souriait, apaisé. Je ne sais si elle songea à la remercier ou si elle le fit vraiment, mais elle observait la mademoiselle le maire avec un sourire, des yeux, le sourire, qui voulait en dire long. Il leur avait fallu provoquer les choses pour pouvoir, enfin, renouer. Elle en avait presque envie de remercier les gens qui lui avaient envoyé ces menaces. Grâce à eux, elle retrouvait son fils.

Ira la rejoignit, ils n’avaient pu avoir leur partie de pêche ce jour là, la partie de pêche pour le plaisir d’être à deux au milieu d’une immensité. Juste eux deux, l’eau, la ligne… la ligne qu’ils laissaient travailler seule, profitant du moment. Ensuite leur journée commençait. Elle, retournait pêcher, lui s’en allait travailler comme tout le monde, un effet de droiture du chemin. Provisoire, elle le savait. Mais ce matin la gueule de bois, le mal aux cheveux et la fameuse liste leur avaient volé ce moment. Alors après qu’ils aient partagé quelques chopes, ils s’allèrent promener au port. Ils s’y aimèrent, pour le plaisir. La petite fille en elle, la rougissante, la prêtresse comme on l’avait surnommée, devenait entre ses bras, entre ses mains fébriles, une amante aimante, brûlante et brûlée..

Fiévreuse encore de l’instant passé, elle l’entraina vers l’Antre des Dieux, un irrépressible besoin d’aller vérifier que tout s’y passait bien. Una angoisse sourde l’étreignait, comment avait elle pu s’abandonner alors que la vie de son fils était menacé ? C’était plus fort qu’elle, cet homme la rendait folle, d’ailleurs, folle, elle l’était avant de le connaitre. Une vague lueur au fur et à mesure qu’ils approchaient lui fit presser le pas, courir même, lâchant la main d’Ira. Un hurlement lui glaça les sangs. Mathilde, Mathilde hurlait, l’odeur environnante était âcre, piquant les yeux. Un incendie à ne pas s’y tromper. L’Antre brûlait.

Et une Mathilde en cheveux de crier, et Mathilde de faire des gestes désordonnés. Mathilde… et le garde ? Et Marguerite…


- Et Mon Fils ?


Ainsi hurla la mère à l’enfant tout juste retrouvé, ainsi hurla-t-elle en secouant la domestique. La servante n’arriva qu’à montrer la maison d’un geste éloquent, elle qui n’arrivait jamais à se laisser atteindre, était aujourd’hui incapable de parler. Un regard sur Mathilde, un regard sur la maison, apercevoir du coin de l’œil son homme qui partait en trombes, une marraine qui arrivait tout aussi vite. Et, sans réfléchir, sans penser à autre chose qu’au petit bout d’homme qui était à l’intérieur, s’engouffrer dans la demeure, dans les flammes.


Eavan
La Baronne n'avait pas hésité un seul instant. Yunette lui avait parlé de menaces, elle lui avait envoyé un garde. D'autres devaient arriver dans la soirée.
Elle n'avait pu en libérer plus, les patrouilles sur la Baronnie occupaient beaucoup de ses effectifs. Des groupes peu clairs avaient été signalés.

Ce soir là Eavan souhaitait parler à sa filleule et passer quelques temps en taverne. Aussi arrivait elle a cheval sur les hauteurs toulonnaises, accompagnée de Felipe, lorsqu'elle aperçut dans la pénombre grandissante de ce jour mourant, la lueur d'un foyer.
D'un gros foyer.
D'un incendie.
Sans attendre Eavan lâcha Calabrun au galop. Il était son meilleur destrier et saurait comprendre l'urgence de la demande. Collée à l'encolure de son cheval, la cavalière lui indiquait par moments un écart à faire à gauche, un autre à droite, pour éviter la chute dans les pentes parfois escarpées de la colline. Elle ne savait si Felipe suivait de près ou de plus loin. Un sentiment d'urgence grandissant s'emparait d'elle. Elle n'aurait su dire pourquoi mais cela commençait sérieusement à lui broyer les entrailles. L'étau se resserrait.

Il ne leur fallut que quelques minutes pour parvenir sur les lieux. L'Antre.
Une des deux servantes de la demeure était dehors et hurlait. Eavan mettait pied à terre lorsque ce fut le cri de Yunette qui lui parvint aux oreilles.
Oui Galaad ! Où était Galaad ?
La panique gagnait peu à peu le centre ville. Un feu se propageait vite. Des badauds arrivaient. La Baronne approchait plus encore du brasier. La chaleur était intense, l'air était vicié, la fumée s'élevait et les poussières déjà voletaient et rendait la respiration difficile. La jeune femme aurait voulu parler à sa filleule. Savoir ce qu'il en était.
Geste de la servante et aussitôt Yunette se jetait sans hésiter dans le brasier.
Pour Galaad.

Eavan ne réfléchit pas. Elle la suivit.

La chaleur la frappa de plein fouet, comme un mur qu'elle se forca à franchir pour rester sur les talons de sa filleule. Au bout de quelques secondes déjà l'air qu'elle inspirait lui semblait n'apporter aucun oxygène à son corps.
D'horribles souvenirs lui revinrent. Le sifflement du feu semblait vouloir rappeler les hurlements de ceux qui avaient brulés vifs en Arles, lors de la grande épidémie de Peste. Mais ce n'était pas le moment ... Vraiment pas.
Enfin elle accrocha du regard le dos de Yunette et cria qu'elle était là. Que celle ci n'était pas seule. Et surtout, surtout, qu'elle pouvait toujours rêver pour que la marraine fasse demi tour, elle la suivrait au cœur de cet enfer s'il le fallait.

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Iraetignis
Scène de chaos, les flammes, la fumée, les cris, aucune trace du garde, l’antre en feu tandis qu’une ombre furtive s’esquivait dans la pénombre. Le garçon ne prit pas le temps de réfléchir, ne chercha pas à comprendre la situation, il s’élança à sa poursuite laissant Yunette aux portes de l’incendie. Cela s’annonçait difficile, une traque, nuit tombante, dans le dédale des ruelles de Toulon.
Ira était attentif aux bruits des pas qu’il poursuivait, cela pouvait lui donner la direction à suivre, il faisait moins attention au martellement des siens sur le pavé, même si cela donnait des indications à sa proie.
Un coin de rue, deux coins de rue, trois, quatre …
Ira avait perdu le fil, mais pas l’ombre. Elle était proche, très proche, les bruits de la course étaient plus distincts, le garçon l’entendait haleter, l’essoufflement guettait la pourchassée et le poursuivant. Le mercenaire avait de bonnes jambes, mais cent mètres de plus et son cœur sortait de sa poitrine …

Il y était, contact visuel, il ne prit pas la peine de crier, c’était inutile, elle était à portée de main. L’ombre dû penser qu’elle n’allait pas tarder à sentir le souffle du garçon sur sa nuque, elle préféra jouer son vatout. Elle, il en fait, se retourna, Ira marqua un temps d’arrêt. La lame, que l’homme tira de son fourreau, aurait pu refléter la pâle clarté de la lune, si cette clarté avait atteint la ruelle, on y voyait à peine.


Crève, Fot-en-cul.

Sur ces mots, l’inconnu se jeta sur Ira, mais ce dernier n’était pas manchot, d’un geste vif, il dégagea la dague qu’il calait contre ses reins. Pas question d’utiliser l’épée dans cette ruelle étroite, son adversaire était arrivé la même conclusion. Une mêlée furieuse s’ensuivit, les deux hommes se happèrent et tentèrent de se piquer. Ira n’eut pas le temps d’avoir peur, penser c’était mourir. La lame d’Ira, heurta un obstacle flasque, puis s’enfonça, d’un seul coup, aussitôt un liquide chaud coula et une odeur nauséabonde s’éleva. Ira retira la lame et recula, l’homme s’effondra sur ses genoux avant de tomber face contre terre. Le garçon lui avait crevé la panse.
La main droite du garçon était recouverte de sang. Brève et violente, l’altercation avait été rapide.
Ira essuya ses mains et sa lame, qu’il allait rengainer, sur la cape du cadavre. Il se tâta, il n’avait que de légères estafilades. Il fouilla la dépouille, rien de bien intéressant, si ce n’est une bourse bien pleine. Prise de guerre, pensa t-il en se relevant. Avant de partir, il balança un violent coup de pied dans la tête du corps allongé. C’était le contrecoup de la peur et du stress, le prix de la course et la frustration de n’avoir tiré aucune information de l’homme.

Il n’y avait pas de temps à perdre même si l’affaire avait été rondement menée, le garçon devait garder l’essentiel à l’esprit, l’incendie. Il entreprit la course de retour vers l’antre, de temps en temps il levait la tête afin d’apercevoir les flammes et se guider. Plus il approchait, plus l’air devenait irrespirable.
L’alcool ingurgité auparavant, les efforts et l’âcreté de l’air lui firent rendre le contenu se son estomac aux abords de l’antre.
Des badauds s’amoncelaient comme s’ils assistaient à la représentation d’un quelconque mystère*, Ira se fraya un passage dans la foule sans aucun ménagement, distribuant quelques coups de coude au passage. Le regard intimidant du garçon, dont la tête laissait croire qu’il avait peu d’amis, dissipait les rares velléités de réplique.
Une fois les portes de l’antre atteintes, il se crut sur un bûcher, chaleur qui le faisait suffoquer, sa chair presque rôtie par les flammes. La Mathilde était encore là, mi-hystérique, Ira tenta de la secouer et d’obtenir des réponses à ses questions, où est Yunette ? Qui est à l’intérieur ?
De guerre lasse et sachant qu’il avait déjà perdu trop de temps, le mercenaire sacrifia sa chemise (elle était déjà en piteux état), la noua autour de sa bouche et son nez, puis se précipita vers l’intérieur de la demeure, dans le brasier….


*genre théâtral du moyen âge
--Galaad_v_f


J’ouvre les yeux. Il fait nuit, déjà. Maman n’est plus là, je me souviens les heures de tout à l’heure quand on a parlé. C’était bien. J’ai envie de trouver Spada et de lui raconter, très envie de lui dire qu’elle a raison et que, oui, je l’aime ma maman. Mais elle est pas là Spada, et puis, elle dort sans doute. Et puis elle est où maman ? Dans sa chambre peut être. J’ai envie d’aller dormir dans ses bras, comme quand je fais des cauchemars et que je vais dans le lit de Spada. Mais je fais pas un cauchemar, juste que je suis bien.

Je m’approche de la porte. Doucement, faut pas faire de bruit, il y a le monsieur avec l’épée, il a dit qu’il fallait être prudent. Alors j’ouvre la porte, lentement, prudemment comme il a dit. Je comprends pas pourquoi il faut être prudent dans la maison, mais bon. Je tiens fort Nours dans mes bras, je lui chuchote qu’il doit pas faire de bruit, c’est le monsieur du salon qui l’a dit. J’avance dans le couloir. Je m’approche de la porte de maman, mais je m’arrête tout de suite. Et si il y a l’ogre qui la mange dedans ? Ou juste s’il est là ? Ma main reste en suspend sur la poignée, je n’ose pas entrer.

Et puis… d’un coup, du bruit dans la maison… beaucoup de bruit, des sons de quand le forgeron il tape sur ses couteaux, le son de quand les soldats s’entrainent, j’aime pas. On devrait pas entendre ça la nuit dans une maison. J’amorce un pas vers ma chambre et je m’arrête quand j’entends Marguerite qui court dans le couloir en hurlant que
« Non, non, ne touchez pas au petit ! ». Alors, même si je sais que je suis un grand, je sais que quand on parle du petit en général, c’est moi. Mais je sens que ce n’est pas le moment de le dire.

Je recule contre la porte de la chambre de maman, j’ai envie de crier mais j’arrive pas. Je ne veux plus rien voir, derrière moi, j’ouvre la porte de maman, juste un peu, pour entrer et la refermer tout doucement. Je ne veux plus rien entendre, pas savoir ce qu’il se passe. J’ai peur ! Maman va me protéger, je grimpe dans le lit, je serre Nours fort, très fort. J’ai peur ! Et le lit est vide ! Je me couche dedans quand même, je tremble, j’ai peur. Et puis il y a de plus en plus de bruit et puis… de la lumière ? Comme en plein jour sauf qu’il fait encore noir dehors.

Maman t’es où ? Spada ! Spada ? Où vous êtes ? Et la pas Reyne qu’a dit qu’elle serait là toujours qu’est même pas là ! J’ai mal à la gorge, je tousse, mais faut pas faire du bruit. Il fait chaud, trop chaud, je vais ouvrir la fenêtre. J’ai peur ! Et puis il y a personne ! Et j’entends que ça crie, c’est Mathilde, celle qui sourit pas. Elle hurle. Elle est dehors. Et pourquoi elle est pas là ? Quand la fenêtre s’ouvre ça fait entrer la lumière dans la chambre… c’est pas de la lumière… c’est du feu ! Je referme vite parce que comme ça, ça va repartir, peut être. J’ai peur !

Si je me mets sur le lit, peut être que le feu il va rester par terre, ça grimpe pas le feu. Et pourquoi Mathilde elle crie depuis le dehors et Marguerite elle est pas venue me chercher ? J’ai peur ! J’ai chaud aussi… Et puis j’ai encore plus mal à la gorge, c’est dur de trouver de l’air, il y a de la fumée, au début je voyais bien avec les flammes, mais maintenant il fait tout gris et puis… et puis ça me donne envie de dormir… Je tousse.
--Yunette


Un pas, le premier. Elle entre sans réfléchir dans la fournaise. Un premier coup d’œil lui indique que le feu est en train de gagner tout le bâtiment, les flammes lèchent les murs, les dévorent, leur imposent une danse intime qui les affaiblit. Qui a dit que les murs avaient un cœur de pierre ? Ils se laissent attendrir, fragiliser par cette proximité des flammes. La jeune femme n’a qu’à peine conscience de sa marraine qui la suit de près, ses pensées sont toutes dirigées vers l’enfant, l’enfant qui est à l’étage, dans sa chambre…

Elle arrive devant l’escalier, enjambe un corps, celui du garde. Son œil accroche la plaie béante qui lui fait désormais office de cou. Son souffle s’accélère, elle grimpe les marches quatre à quatre, faisant fi des flammes qui viennent entamer l’en cas que le chêne de l’escalier leur offre. L’étage lui donne une vision similaire à celle du rez de chaussée, du feu… et un corps. La jeune Marguerite, la main encore sur la poignée de la porte béante de la chambre de son fils. Elle court, la Yunette, elle court, boiteuse, ne sentant pas la douleur de sa jambe. Jusqu’à la porte. Jusqu’à la chambre.

Vide, la chambre.

Vide et en flammes.

Son cœur s’arrête, sa respiration cesse aussi, nulle trace de lutte icelieu, du moins de ce que le feu l’autorise à voir. Elle ressort dans le couloir, désemparée, la chaleur lui cuit l’épiderme, une flamme un peu trop gourmande s’est approchée de sa tête, elle n’en a perçu la curiosité qu’un peu tard, une bonne partie de sa chevelure a d’ores et déjà été dévorée. Elle hurle le nom de son enfant, elle hurle aussi fort qu’elle le peut, elle hurle, elle pleure aussi, comme si ses larmes pouvaient arrêter le feu. Une main sur son épaule, rien qu’un instant lui redonne un brin la raison. Si elle veut qu’il réponde, s’il est là, il faut qu’elle fasse silence entre deux cris.

Et elle le fait.

Une toux.

Rauque.

Dans sa chambre.

A elle.

Elle s’y précipite, ouvre la porte d’un mouvement vif, l’appel d’air est tel que la fenêtre que le môme avait refermée maladroitement s’ouvre à nouveau, attisant un feu déjà fort. Le spectacle qui s’offre à ses yeux est étrange. Dans cette chambre en flammes, le lit seul parait être épargné, un instant encore tout du moins, l’incendie gagne en ardeur. Elle reste en arrêt, une, peut être deux secondes sur cet enfant endormi sur un îlot de draps blancs, la poitrine du môme se soulève, il tousse à nouveau. Il vit. Elle se remet enfin à respirer.

Elle prend l’enfant, un drap avec, l’enveloppe, et, de concert avec sa marraine, court jusqu’aux marches. Le feu a bien entamé son en cas mais il parait encore solide. Le petit s’est arrimé à son cou, entre deux quintes de toux, elle lui répète que ça va aller, que tout va bien se passer, tout.

Elle a menti.

Un craquement sourd retentit alors qu’une poutre s’effondre sur elle, son précieux paquet où seuls deux grands yeux noirs sont apparents roule au pied de sa marraine.

Un grognement rauque échappe de sa gorge tandis qu’elle essaie de se relever. Jambes prises au piège. Un hurlement, enfin, voulant dissuader sa marraine de s’occuper d’elle. Les flammes commencent à lécher le tissu qui enveloppe son fils, sa vie.


- Emmène le ! Je te rejoins, mais sors le de là !


Un mensonge, encore.

Le dernier.


Eavan
La vision est terrifiante. Les flammes dévorent tout, sont partout. Sans la dose d'urgence qui circulait dans son sang sous forme d'adrénaline, Eavan n'aurait pu jurer de sa réaction face à ce spectacle.
Et tandis qu'elle suivait de près sa filleule, son regard se posa sur un corps. Le garde qu'elle avait détaché ici, la gorge béante. Qui avait osé ?

Le temps des questions n'était pas ce temps là, précis, où deux femmes se frayaient un chemin jusqu'à l'étage, aux chambres. La Baronne ne lachait pas sa filleule. Hors de question que l'une d'elles se retrouve isolée dans le brasier. C'eut été une condamnation sans appel.

La chambre de Yunette, Eavan resta sur le chambranle. Prête à sonner l'alarme si la situation devenait dangereuse ... comme si elle ne l'était pas. Comme si tout cela n'était qu'une balade de santé.
Le feu menaçait à chaque instant, d'ailleurs l'état de Yunette était sans doute un bon miroir pour Eavan. La Baronne déroula son col pour couvrir sa tête et le dernier repli alla protéger la bouche et le nez déjà bien mis à l'épreuve.
Enfin elles repartirent. Eavan ouvrait la marche, la course. L'enfant était sauf. Un regard au passage sur l'une des servantes, il était le seul d'ailleurs, à être sauf, pensa-t-elle tristement. Mais l'heure n'était pas non plus à l'apitoiement.

Un craquement.
La jeune femme, déjà un pied dans l'escalier, fit volte face. Un éclat incandescent vint tomber sur sa main senestre, brulant ses chairs avant d'aller tomber plus bas, au rez de chaussé. Mais de la douleur qu'elle aurait pu sentir, rien ne filtra, son regard horrifié, spectateur d'une scène qu'il n'aurait souhaité jamais voir.
Par réflèxe plus que par conscience, Eavan ramassa l'enfant et voulut faire un pas vers sa filleule. Un cri. Bien sûr, normal, évidemment elle voulait d'abord que l'enfant sorte.


Emmène le ! Je te rejoins, mais sors le de là !

Pourquoi en cet instant le coeur de la jeune Baronne se contracta avec tant de violence qu'elle en aurait crié ? Sa filleule mentait. Elle voulait croire plus qu'à n'importe quoi sur cette Terre que la jeune femme parviendrait à se libérer et à ressortir, qu'elles se retrouveraient dehors et qu'elle lui rendrait son fils, que ...
Mais elle mentait. Eavan le savait. Yunette, elle aussi le savait.
Un regard d'une seconde, cela aurait pu en être 100.
Oui elles savaient.
Et alors qu'elle aurait pu prononcer des mots douloureux à son âme : un adieu, Eavan n'en eut nullement le courage, le cri qui sortit de sa poitrine le fit déterminé. La détermination du désespoir face à l'inéluctable.


Je reviens te chercher ! Je te le promet !

Un geste ample pour ramener une cape miraculeusement vierge de brûlures ou presque, sur l'enfant pour le protéger et la Baronne courut vers la sortie.
Elle aperçut une silhouette vers l'entrée de la demeure mais se refusa à y préter attention. Serré contre elle battait un coeur, la vie de sa filleule elle le savait. Courant toujours elle se dirigea vers Felipe et déposa l'enfant dans ses bras avant de faire volte face.
Elle devait y retourner.
Elle voulait y retourner.
C'était de la folie d'y retourner.

Arrivée à nouveau près de l'entrée un premier bras la retint, puis il y en eut d'autres. La marraine se débattit, ne mesurant guère ses gestes, en hurlant de la laisser retourner aider sa filleule ... en hurlant qu'elle avait besoin d'aide ... qu'elle était bloquée. Et finalement, murmurant qu'elle lui avait promis.

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--Galaad_v_f


Maman ? J’ouvre les yeux, je la vois, je suis dans ses bras. Elle m’emmitoufle dans un drap et nous avançons dans la maison. La maison… les flammes quoi. On dirait Marguerite devant ma chambre, elle dort. Elle va se brûler si elle reste à dormir là comme ça, déjà qu’elle n’a plus de cheveux. J’ai peur. Maman est là. J’ai peur quand même. Elle me dit que tout va bien aller, alors je la fixe, je la fixe sans rien dire. Parce que… parce que je veux la croire mais je n’y crois pas.

Tu mens maman, tu mens encore, comme quand tu disais que tu reviendrais vite. Je ne veux pas entendre ce que tu crois que je veux entendre… Maman, dis moi la vérité, pour une fois. J’aime pas les mensonges qui font du bien au cœur sur le moment et ne donnent que de l’espoir ensuite. Tous les jours je regardais si t’arrivais, tous les jours et tu ne revenais pas. J’ai peur maman, parce que tu sais pas mentir et que je l’entends dans ta voix.

Le choc.

La chute.

Ta pas Reyne me ramasse sur le sol où j’ai roulé. Mon regard se fixe sur toi. Maman. Ne mens pas. Rejoins nous. Ne m’abandonne pas, pas encore. J’aperçois une patte de Nours. Il reste avec toi. C’est ton compagnon maintenant. Il va t’aider. Il est fort, Nours. Mais par les baloches du Cornu, comme disent les grands, rejoins nous, maman. Je ne te vois plus… Le lien est rompu par une cape. Maman. Viens. Sors.

On me dépose dans des bras, je ne cherche pas à savoir qui, je ne cesse de fixer la porte. Maman, dis moi que je me suis trompé, dis moi que t’as pas menti. Je me débats, je veux y aller. Je dois aller chercher maman ! Je suis un homme, c’est Spada qui l’a dit ! Maman ! Sors d’ici ! Viens me gronder parce que j’ai douté de toi… S’il te plait maman… Sors… Dis moi que tu mens pas… Viens… Sors de là… Maman…

S’il te plait…

Ça craque. La maison craque. Elle finit de se faire manger.

Une ombre apparait, mais ce n’est pas toi.

Toi…

T’as menti, maman.


T’as menti.
Iraetignis
C’était la fin, fini, terminé, point final. Bientôt il ne resterait plus qu’un champ de ruines. Les cendres mettraient plus de temps à refroidir.
Ira avait voulu entrer dans la maison en flammes, mais Eavan en sortait au même moment avec un paquet sous le bras, Galaad.
La baronne voulait y retourner, mais des bras s’interposèrent pour l’en empêcher. Ira profita de la confusion pour se faufiler sur le côté, il passa le pas de la porte et leva le bras pour protéger la partie de son visage qui n’était pas masquée par sa chemise. Mais son bras dénudé était une faible protection contre les assauts du brasier. Il commençait à sentir des brûlures sur tout le haut du corps, que plus aucune étoffe ne recouvrait. Le garçon se résigna à faire un pas en arrière, il devrait se protéger un peu plus.

Un crac impressionnant retentit, une partie de la demeure s’écroulait. Ira comprit qu’il n’y avait plus rien à faire. Il ressortit de la fournaise, avec des brulures légères au torse et aux bras. Il dénoua sa chemise, et respira un grand coup, tentant de résister à la nausée. Le garçon lutta contre une violente quinte de toux qui lui rougit les yeux, il crachait littéralement ses poumons. Finalement, il parvint à se redresser et enfiler les restes de sa chemise. Il regarda devant puis derrière lui, tout n’était que désolation. Devant la tristesse de Galaad et Eaven, derrière les flammes consumant les restes de Yunette et de la demeure.

Ira faisait peur à voir, le visage noirci, les yeux rougis, il ne voulait plus penser, il savait …
Il allait partir plus tôt que prévu, telle une ombre noire, il fendit la multitude qui commençait à s’organiser pour circonscrire le feu à défaut de l’éteindre. Aveugle aux signes qu’on pouvait lui adresser, et sourd aux cris et aux appels. Ses jours à Toulon étaient comptés, son esprit était déjà ailleurs, là-bas sur la route …
Farwen
Retour de taverne, après une journée à la mine, Farwen est fatiguée.
Elle garde depuis la veille une sorte de petite étoile au fond du coeur et au creux du ventre. elle ne sait pas encore que cette étoile deviendra dans quelques mois le centre de son monde.
Elle avance rapidement, les yeux baissés pour distinguer les écueils du chemin : trous, bosses, salissures, déchets.
Elle remarque à peine le monde autour d'elle, et ne pense qu'à sa maison et à son lit.
Sauf que du monde, à cette heure il n'y en a d'habitude pas autant, et elle finit quand même par le remarquer... et à lever la tête. elle s'arrête net.

L'air est plein de fumée âcre, la nuit est rougoyante, les toulonnais sont dans la rue... Farwen ne peut s'empêcher de repenser à la nuit où la mairie a brûlé... elle secoue la tête, mais que se passe-t-il?

Saisie d'un doute, elle se rappelle la soirée à la taverne.
Elle revoit Yunette affolée, Galaad menacé qu'on a réveillé pour le mettre en lieu sûr, et Spada la douce déchirée de voir son presque-fils partir avec sa mère...
Elle a peur, soudain, vraiment peur.
Peur pour son amie déjà tellement meurtrie par l'existence, peur pour ce petit bout d'homme tellement attachant, peur pour ses amis et connaissances qui étaient présents en taverne ce soir là : Spada, Dahut, Ira...

Elle se remet à marcher. vite, de plus en plus vite, vers l'origine de la lueur et de l'odeur.
Ca ne vient pas de la taverne municipale... mais Farwen n'a pas le temps d'être rassurée, ça vient de chez Yunette!
Elle court, maintenant.
Elle rejoint la foule, joue des coudes pour avancer, a une envie folle de hurler mais d'autres hurlements et pleurs la laissent muette d'appréhension.
Elle arrive enfin près de...


oh non, non, ce n'est pas possible, pas encore...

De la magnifique maison de Yunette ne restent que des cendres et un immense brasier.
Le spectacle est fascinant, la chaleur intenable, la fournaise la ferait presque reculer...
Elle détache péniblement son regard du gigantesque incendie, et cherche autour d'elle. elle voit immédiatement Eavan comme folle, qui tente d'échapper aux bras qui la retiennent, Eavan en larmes de colère et de désespoir, Eavan comme elle ne l'a jamais vue, noire de cendres, les yeux rouges, les vêtements brûlés et en lambeaux.
Elle voit Galaad emballé dans une sorte de drap, comme pétrifié dans les bras d'un inconnu.
Elle entr'apperçoit Ira dans un état semblable à Eavan, qui lui semble s'éloigner du désastre.

Elle cherche Yunette, pourquoi ne serait-elle pas là? pourquoi n'y est-elle pas?
La vérité s'insinue en Farwen.
Celle ci la repousse, la rejette, refuse de l'écouter.
Péniblement l'horreur atteint le coeur de la jeune femme.
Elle a compris.
Elle reste comme hébétée, cherchant une autre possibilité, une autre explication à ce qu'elle voit.
Il n'y en a pas.
Elle a compris.
Elle sait.

Elle baisse la tête, ne pleure pas encore, ça viendra plus tard.
Elle pense à Spada, à Spada qui ne sait rien, et à sa réaction demain matin.
heu... non, en fait ce n'est pas une bonne idée d'attendre.
Elle sait ce qu'elle a à faire.
Galaad et Eavan sont entre des bras secourables.
Elle repart, toujours jouant des coudes, prévenir Spada, probablement en train de ranger au Bar à Thym.

Mais à peine a-t-elle tourné les talons qu'elle apperçoit son amie, déjà rentrée de la taverne.
Elle a juste oublié qu'elle habite juste en face...
Spadachocolat
Finalement Spada avait cédé face à toutes ces tournées générales, et c’est quelque peu ivre qu’elle était rentrée chez elle. Plus de petit bout d’homme à coucher, simplement se laisser tomber sur ce lit moelleux et calmer cette tête qui voulait se fendre en deux. Dormir.

Et elle dormit donc. Dans ses rêves, elle retrouva Yunette comme il lui était arrivé de la voir dans son sommeil les semaines suivant l’incendie de la mairie, c'est-à-dire au milieu d’un brasier et le regard perdu sinon fou. Une part du subconscient de Spada apportait cependant quelques modifications au songe, qui commença à devenir plus agréable, moins angoissant. La flamme dans les yeux de Yunette n’était plus celle d’une démente, elle était plus calme, plus rassurante… Elle était rentrée, tout allait peu à peu revenir en ordre… Chasser les zones obscures, oui de l’aide, un soutien… D’ailleurs il y avait déjà plus de lumière, même une agréable chaleur, comme un doux foyer… De la lumière, de la chaleur… Trop de lumière, trop de chaleur ! Spada ouvrit les yeux et mit quelques secondes avant de réaliser ce qu’il se passait.

Le feu.

Elle se jeta hors du lit, sans trop de difficultés puisqu’elle n’était même pas dans ses draps. Par la fenêtre elle voyait très clairement l’Antre, en proie à un monstrueux incendie, devant laquelle quelques badauds s’étaient attroupés. Il ne lui fallut que quelques secondes pour les rejoindre, quelques secondes durant lesquelles Spada ressentit une panique comme elle n’en avait jamais connue encore. Elle était d’un tempérament plutôt calme d’ordinaire, il lui arrivait rarement de laisser ses émotions la submerger ; or en cet instant elle perdit tout sang-froid. Elle ne voyait pas Yunette et Galaad, et leur maison brûlait… Le cœur de Spada semblait avoir oublié comment battre.

Quelque chose dans la bâtisse s’écroula, entraînant la dernière dose de mesure de la jeune brune. Elle hurla, oubliant les autres Toulonnais à ses côtés devant le brasier, hurla donc, le nom de Yunette, celui de Galaad, cracha ses poumons dans la fumée qui l’étouffait, laissa ses yeux pleurer, et pas qu’à cause de cette foutue fumée. Soudain son regard capta la silhouette du petit, et elle laissa cette abjecte chose qu’on appelle l’espoir s’insinuer en elle. Peut-être étaient-ils sortis à temps… En tout cas Galaad s’il semblait affreusement secoué était sauf. Et Yunette, où était-elle ? Juste à côté sûrement. Non ? Non. Non !

Yunette ! Spada répéta ces deux syllabes, encore et encore. Yunette ! Yunette, Yunette … Pas toi… J’ai besoin de toi… Je n’ai même pas eu le temps de te dire combien tu comptais pour moi, combien tu m’avais manqué. Oh, je te croyais enfin revenue ! Mais non, non. Brûlée l’incendiaire ! Aha, elle est pas formidable l’ironie du sort ? Cette infamie de feu a ruiné ta vie, maintenant elle t’achève avec délectation. Cette fois tu ne reviendras pas.

Tu ne reviendras pas.

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Procuraire de Prouvenço Lièure
Cònsol de Touloun
Luèctenent de Policia de Touloun
Enored
Errance nocturne, putain de brasier !

La rouquine était sortie de la taverne. Elle y avait assisté à une scène entre mère et fils, presque mère et pas tout à fait fils. Elle n'avait su que dire, elle n'aimait ces situations là. Alors, face à l'ambiance qui pour elle semblait plus pesante qu'avant un abordage ou un combat, elle avait décidé de sortir de la taverne. Il était tôt encore et le sommeil ne viendrait pas.

Elle se décida à errer dans les rues, si longtemps qu'elle faillit se perdre, tellement longtemps que les prémices de l'aube se faisaient sentir... Non ça ne pouvait pas être ça, ça ne pue pas les prémices de l'aube. La rouquine leva les yeux pour voir, au bout de la rue un attroupement et une maison en flamme. Elle tenta de se repérer dans cette ville pas assez connue pour savoir à peu près où elle était et quel était le chemin le plus rapide pour rentrer.

Elle n'avait pas envie, ne voulait pas passer devant ces gens, pas entendre les cris, pas entendre les pleurs, mais trois mots prononcés à ses côtés la figèrent. « C'est chez Yunette ». Yunette … non … pas possible... c'était tout simplement pas envisageable elle l'avait vue avec son fils et … et défection ! Bien sur, la jeune femme était inquiète, quelque chose ne tournait pas rond et … et le pas de la rouquine reprend sa marche qui se fait rapide. Et elle les voit, et elle comprend. Et défection pas ça !

Main qui se plaque devant la bouche face à l'impensable. C'est pas possible pourquoi elle ? La rouquine ne sait pas pourquoi mais elle avait, aux premières paroles échangées à Aix apprécié Yunette. Et là … celle avec qui elle aurait pu être amie n'était plus. Yunette … non … Mots qui explosent dans sa tête. La rouquine est perdue face à cette foule qu'elle ne connait pas, ne veut pas reconnaître. Comme un automate, elle rentre vers la taverne. Les yeux rougis par la fumée, oui elle va dire ça, la fumée, même si elle sent le vent plus frais sur son visage à l'endroit où les larmes ont laissé des traces. Yunette … mots murmurés sans s'en rendre compte. Une presque amie qui en peu de temps s'était faite une place dans les connaissances de la rouquine. Une place qui aurait pu grandir avec et temps si … et défection... c'est fini …

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