--Apo.
[... Ou quand les limites du supportable s'atteignent...]
La journée avait pourtant bien commencé. Le séjour en Languedoc aussi. L'audience avait été acceptée par le Coms Cristòl et ne s'était pas mal déroulée. Elle s'en doutait en venant, mais il lui fallait être sûre. Le Puy n'était quant à lui pas le pire village qu'elle ait eu à traverser, et la halte était agréable à défaut d'être palpitante. Apolonie avait même croisé sa presqu'homonyme en taverne, s'excusant des ennuis que leurs prénoms très proches avait engendrés. Un 'a' à la place du 'e' et les soldats peu instruits avaient vite fait de mélanger le tout. Deux brunettes qui en avaient ri en se retrouvant autour d'une chope. L'ambiance badine des tavernes de voyageurs...
Et ça.
La lettre.
Une missive, encore.
Un courrier, toujours.
La valse des mauvaises nouvelles reprenaient, à jamais.
Le sourire avait d'abord étiré les lèvres de la jeune femme à la lecture de la signature. Sa filleule, sa douce, la jolie Alethea. Des nouvelles de Moulins... Ah non, vrai qu'elle se trouvait à Angoulême. L'azur se pose, pétillant de joie, sur les arabesques tracées à la hâte... Et les joues se vident de leur sang, le teint blêmit, l'oeil se plisse tandis qu'elle découvre ce qui motive ces nouvelles.
La journée avait pourtant bien commencé. Le séjour en Languedoc aussi. L'audience avait été acceptée par le Coms Cristòl et ne s'était pas mal déroulée. Elle s'en doutait en venant, mais il lui fallait être sûre. Le Puy n'était quant à lui pas le pire village qu'elle ait eu à traverser, et la halte était agréable à défaut d'être palpitante. Apolonie avait même croisé sa presqu'homonyme en taverne, s'excusant des ennuis que leurs prénoms très proches avait engendrés. Un 'a' à la place du 'e' et les soldats peu instruits avaient vite fait de mélanger le tout. Deux brunettes qui en avaient ri en se retrouvant autour d'une chope. L'ambiance badine des tavernes de voyageurs...
Et ça.
La lettre.
Une missive, encore.
Un courrier, toujours.
La valse des mauvaises nouvelles reprenaient, à jamais.
Le sourire avait d'abord étiré les lèvres de la jeune femme à la lecture de la signature. Sa filleule, sa douce, la jolie Alethea. Des nouvelles de Moulins... Ah non, vrai qu'elle se trouvait à Angoulême. L'azur se pose, pétillant de joie, sur les arabesques tracées à la hâte... Et les joues se vident de leur sang, le teint blêmit, l'oeil se plisse tandis qu'elle découvre ce qui motive ces nouvelles.
Thea a écrit:
Angoulême le 07 décembre 1456
Mon Apolonie, Ma Marraine,
Je ne pensais pas être un jour sur le chemin d'une si triste nouvelle. Elle arrive à du Poitou, funeste et meurtrière et j'ai peur qu'il ne reste personne pour te la faire parvenir.
Apolonie ton frère a été laissé pour mort. Je ne sais pas grand chose d'autre car tout n'est que rumeurs ici... On parle d'un enfant, la fille de Sélène peut être et de vengeance... Eikorc ne serait pas le seul loin de là... On parle de bien d'autres que je ne connais pas.
Ils étaient partis, tu sais, depuis deux jours maintenant. Quelques corps sont revenus. Je n'ai pas vu le sien, je l'aurais reconnu bien sur. Pardonne-moi de ne même pas pouvoir t'en dire plus et d'ajouter l'incertitude à la peine.
Théa
Mon Apolonie, Ma Marraine,
Je ne pensais pas être un jour sur le chemin d'une si triste nouvelle. Elle arrive à du Poitou, funeste et meurtrière et j'ai peur qu'il ne reste personne pour te la faire parvenir.
Apolonie ton frère a été laissé pour mort. Je ne sais pas grand chose d'autre car tout n'est que rumeurs ici... On parle d'un enfant, la fille de Sélène peut être et de vengeance... Eikorc ne serait pas le seul loin de là... On parle de bien d'autres que je ne connais pas.
Ils étaient partis, tu sais, depuis deux jours maintenant. Quelques corps sont revenus. Je n'ai pas vu le sien, je l'aurais reconnu bien sur. Pardonne-moi de ne même pas pouvoir t'en dire plus et d'ajouter l'incertitude à la peine.
Théa
Un choc, sourd, violent. Un battement de coeur qui se rate.
La mâchoire se crispe comme les poings, l'ongle ravageant une nouvelle fois les paumes tachetées de croissants rouges...
Eikorc...
EIKORC !
Pas lui. Pas possible. Mort... Non. Personne ne peut tuer un colosse. Hein ? HEIN ? Non...
Le sang en tourbillons violents se charge au passage cardiaque de caillots de douleur qu'il charrie jusqu'au bout des membres. La moindre parcelle de son être se tourne vers son frère, son autre.
EIKORC !
Apolonie se repousse d'un coup d'pensée, l'Apo r'prend une place qu'elle avait déjà brigué il y a quelques jours, mais cette fois elle r'vient en force.
Son frère, sa vie, avait trahi une parole... Cette fois c'la faucheuse qui s'la joue narquoise et c't'hors de question.
La d'moiselle peut pas supporter, et laisse l'Apo gérer la douleur. Elle connait elle, c'est c'qui la maintient en vie. C'est c'qui l'amène, toujours, encore... C'est c'qui empêche Lonie d'être heureuse... l'chagrin prend trop d'place dans sa vie.
EIKORC !
En vie, il peut être qu'en vie... Sinon, elle s'dit qu'son coeur aurait lâché avec. Elle l'aurait senti nope, si son autre s'tait éteint. Elle l'aurait su...
Blessé... blessé... Par qui ?
L'poing se colle, rageur, dans un pan d'bois qu'avait rien d'mandé mais qu'a eu mal. Elle sent pas la souffrance l'Apo, elle r'marque à peine l'sang qui coule d'ses phalanges. Et s'carre des échardes qui s'plantent dans la peau abîmée.
Muerte et Libertad... LIBERTAD ! C'est c'qu'elle gueule en s'enfuyant, fuyant les gens, la foule, les rires. Fuyant c'qu'elle est, s'réfugiant dans une course effrénée dans l'froid.
La suite la cueille dans une ruelle à l'orée d'la ville. Une missive qui la trouve, où qu'elle soit, même au fond du puits, au bord du gouffre... L'plongeon s'ra d'autant plus dur qu'l'espoir r'nait avec l'nom d'l'auteur.
Mamour a écrit:
Ma chère Apo, Mamour,
j'espère que ce courrier te trouvera en forme.
Je suis à Angoulème, avec tous ceux que tu connais.
on est mal, très mal tous.
Ton frérot, Selene, Baile, , Bireli, Aphélie, Maleus... Fab...
Une certitude dans tous ça, deux d'entre nous que je ne connaissais que très peu, Evan's et Ermy sont morts et ne se relèveront plus jamais. Je sais que tu les adores et je suis désolée d'être celle qui t'annonce cette malheureuse nouvelle.
Selene ne donne pas de nouvelles. je m'inquiète pour elle étant donné son état.
On est partis se battre contre une armée poitevine qui avait assassiné, je pèse mes mots, la petite Libertaa et Linon, qui n'étaient pas dans notre armée. Normal, une pacifiste et une ptiote comme ça, ça va pas au combat.
elles se remettent doucement, mais la petite est choquée. très choquée. commence à avoir des attitudes inquiétantes. Elle n'a pas vu son père ou sa mère depuis qu'elle est tombée sous les coups de ces rustres, et s'inquiète énormément.
on essaie de lui changer les idées comme elle peut, mais elle s'enferme de plus en plus dans une sorte de mutisme dont seuls ses parents pourraient la sortir.
quant à nous.. et bien nous faisons comme nous pouvons. Les chambres de la taverne de Baile nous servent d'hospice. mais sans médecin.
Personne pour nous donner les soins nécessaires et certaines plaies commencent à s'infecter. Je suis inquiète. Pas pour moi. Pour les autres.
Mon moral est en berne je dois te l'avouer. La Natt qui rigolait avec toi sur la place de Montpensier semble être restée sur ce champ de bataille.
mais c'est mon sort, c'est ma vie, je ne m'en plains pas.
Donne moi de tes nouvelles, j'ai besoin de savoir que des Libertad vont bien..
je t'embrasse Mamour. ton sourire et ton humour me manquent
Natt
Ma chère Apo, Mamour,
j'espère que ce courrier te trouvera en forme.
Je suis à Angoulème, avec tous ceux que tu connais.
on est mal, très mal tous.
Ton frérot, Selene, Baile, , Bireli, Aphélie, Maleus... Fab...
Une certitude dans tous ça, deux d'entre nous que je ne connaissais que très peu, Evan's et Ermy sont morts et ne se relèveront plus jamais. Je sais que tu les adores et je suis désolée d'être celle qui t'annonce cette malheureuse nouvelle.
Selene ne donne pas de nouvelles. je m'inquiète pour elle étant donné son état.
On est partis se battre contre une armée poitevine qui avait assassiné, je pèse mes mots, la petite Libertaa et Linon, qui n'étaient pas dans notre armée. Normal, une pacifiste et une ptiote comme ça, ça va pas au combat.
elles se remettent doucement, mais la petite est choquée. très choquée. commence à avoir des attitudes inquiétantes. Elle n'a pas vu son père ou sa mère depuis qu'elle est tombée sous les coups de ces rustres, et s'inquiète énormément.
on essaie de lui changer les idées comme elle peut, mais elle s'enferme de plus en plus dans une sorte de mutisme dont seuls ses parents pourraient la sortir.
quant à nous.. et bien nous faisons comme nous pouvons. Les chambres de la taverne de Baile nous servent d'hospice. mais sans médecin.
Personne pour nous donner les soins nécessaires et certaines plaies commencent à s'infecter. Je suis inquiète. Pas pour moi. Pour les autres.
Mon moral est en berne je dois te l'avouer. La Natt qui rigolait avec toi sur la place de Montpensier semble être restée sur ce champ de bataille.
mais c'est mon sort, c'est ma vie, je ne m'en plains pas.
Donne moi de tes nouvelles, j'ai besoin de savoir que des Libertad vont bien..
je t'embrasse Mamour. ton sourire et ton humour me manquent
Natt
La mort balance sa faux, l'sang a été appelé par la terre poit'vine. Leur sang.
Libertad, sa famille, les siens. A terre, blessés, morts. Le poing cette fois se jette contre la pierre.
Enfouir la souffrance dans l'sang, à défaut d'pouvoir faire couler l'leur, sur l'instant.
Elle a r'fusé d'y aller, heureuse, calmée, elle a refusé d'se battre, d'les accompagner. Elle les a pas r'joints, elle a suivi sa route. Et ils sont tombés... S'sont battus. Et elle est loin. Le cri de douleur s'mue dans sa gorge en un cri de rage.
LIBERTAD !
Puis meurt alors qu'elle se laisse glisser sur le sol.
La pensée vole vers un Ange mort en voulant venger une môme. Evan's... La canaille libertadienne aux principes ancrés profondément dans l'âme d'çui sur l'épaule duquel elle aimait à poser sa tête quand ils étaient à Labrit.
Evan's et ses espoirs. Evan's qui s'tait battu y'a peu contre Eik.. pour l'honneur d'une Lune... Sa Lune... elle aussi au sol s'lon les dires d'Mamour.
Les paupières s'laissent couler sur les prunelles rendues noires par l'chagrin qui l'assaille. Ermy... la chauve chanteuse de grands ch'mins... Morts. Elle avait dit à plus tard, mais c'trop tard, plus d'espoir... L'sanglot s'étouffe en un grognement, l'Apo s'laisse pas gagner si facil'ment par la tristesse, nope, faudra en passer par la rage.
Son coeur, son sang réclame vengeance. Ceux partis lutter l'arme au poing contre les faucheuses, ram'nés en sang et sans vie dans une taverne périgourdine... L'ironie d'la situation lui échappe à cette seconde.
La pogne trouve la route d'l'épée, l'extirpant d'son fourreau, à plat sur ses paumes griffées... Libertad, ou le prix du sang...
L'Bire touché... Et l'Oiselle ? L'Andalou aussi est au sol... Fab... Et l'dernier échange épistolair'ment cinglant entre eux... n'pas lui avoir dit tout c'qu'elle avait à dire...
Les souv'nirs affluent avec la marée grondante qui assaille les falaises d'sa conscience mise à mal. Les images ensoleillées d'une Gascogne qui les avait rapprochés, tous. La teinte rouge d'un sang qu'ils avaient sur leurs mains, çui d'l'Excellence, quand ils l'avaient ram'née à la vie.
Et aujourd'hui qu'la leur est en danger, elle est là. Dans une ruelle languedocienne... De nouveau l'poing frappe le sol à son côté, meutrissant un peu plus les phalanges maltraitées, un craqu'ment, elle s'en moque...
La bulle de douleur est trop épaisse autour d'elle pour qu'elle s'rende compte d'l'utopie d'son idée... Prête à partir sur l'instant, l'arme à la main, l'goupillon ach'té hier sur une place du village dans les fontes, prête à aller meurtrir du poit'vin, à aller pourrir d'l'angoumois...
l'Apo réclame vengeance, elle r'fuse toute pensée qui la sortirait d'l'état second où elle s'trouve, oubliant sur l'instant ses préoccupations soudain si futiles...
Elle voit pas plus loin qu'le bout d'sa lame, pas plus loin qu'l'envie d'faire souffrir l'autre autant qu'elle a mal... Elle aurait dû être avec eux.
L'murmure s'fait aussi lancinant qu'la douleur qui transperce son coeur et son âme.
Eikorc... Bire... Fab... Sél... Natt... Ermy... Evan's... Mal'... Aphé...
Litanie d'noms d'corps souillés d'épées aveugles... Frappés pour avoir voulu venger une môme et une pacifiste.
L'monde part à vau-l'eau et la santé d'l'Apo s'met au diapason du sentiment d'culpabilité qu'elle ressent face aux siens.
Dualité alternative...
Conséquences difficiles à assumer.
L'amour des siens.
L'besoin nécessaire à la survie d'rester soi.
La culpabilité qui réveille l'Autre...
L'combat s'perd à chaque seconde...
Sans eux... elle n'est rien.
Seule, elle est restée elle même.
Et les a perdus...
L'combat s'perd un peu plus à chaque seconde où la rage gagne sa place à coups d'pensées veng'resses... l'combat s'perd quand elle voit d'vant elle l'corps d'son frangin, d'ses amis...
Quand elle imagine les grimaces d'Mamour alors qu'elle rédigeait c'te lettre d'malheur...
Faut v'nir la sauver elle aussi... sinon elle s'ra pas en état d'aller les voir, sinon elle s'ra elle aussi dans quelques jours étendue conn'ment dans un champ poit'vin ou périgourdin...
N'pas laisser la Sombre prendre le d'ssus... Apolonie aussi peut agir... Faut-il encore qu'elle ait des raisons d'le faire... faut-il encore qu'l'Apo la laisse faire.
Dans une ruelle du Puy, l'dos calé contre la pierre gelée, un après midi de décembre, une brunette aux mains ensanglantées s'maudit d'pas avoir suivi sa deuxième famille. Une jeune femme en prise avec elle même s'morigène. Et de ses iris azurés coulent un ruisseau salé qui trace des sillons d'un chagrin rageur sur ses traits durcis par la colère.
Et appelle à l'aide, d'toute la force d'sa conscience... Parce qu'elle veut pas d'venir l'autre... Parce qu'elle aura bientot plus l'choix... Parce qu'la vie semble pas vouloir la laisser en paix.
Libertad... Eikorc...
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