[EPILOGUE DUNE VIE, au départ du pigeon]
A peine la perle salée toucha-t-elle la lèvre supérieure quon frappa à la porte, trois coups secs ; grondements des chiens, comportements agressifs
Méfiante, elle entrouvrit, juste assez pour apercevoir un homme de belle stature
Haletant, le teint rubicond et les cheveux collés au front par la sueur ; légèrement courbé, les mains sur les genoux, il reprenait son souffle avant de lever son visage enflammé sur la jeune femme :
Citation:Dòna
Lieutenant
vnez vite ! Cest la Louise, vous savez, la folle ? La vu quelquchose lautre soir
devriez lui parler, jsais pas si cest vrai mais dans ldoute
enfin, jpréférais vous ldire mdame !
Plus surprise quautre chose, elle le regarda en essayant de comprendre ; réfléchis Cyr, tu connais pratiquement tout le monde, peu de chance quune folle tait échappée
la Louise, rien à faire, elle ne voyait pas de qui il sagissait mais là nétait pas le plus important. Quavait-elle bien pu voir pour que le pauvre bougre vienne len avertir en courant
Haussement dépaules, rien de bien important sans doute, elle avait passé la matinée en ville et pas un bruit navait éveillé sa curiosité ; légèrement agacée, elle soupira discrètement pour ne pas vexer son interlocuteur
Inutile de paraitre impolie en plus de ne pas être accueillante :
Je vous remercie de mavoir avertie au sujet de cette fol
hum, de la Louise, je tacherais de lui rendre visite plus tard. Pour lheure, jai à faire, vous mexcuserez mais
Citation:Non, vous ncomprenez pas Dame Cyrianna *la coupa-t-il avant de continuer* Jsuis pas vnu chez vous pour rien, ça vous concerne
enfin, votfamille.
Le gaillard jeta un coup dil aux bêtes qui, devant son insistance, se montraient davantage pugnaces, et se recula ; la suppliant presque du regard, il ajouta :
Citation:Yen a pas pour longtemps, elle habite juste Lou Ravi
jcrois pas quvous devriez attendre mdame
jvous jure sur lTrès Haut, cest pas une blague
jvous accompagne même
La main flattant la tête de Chanda, elle perçu dans les paroles du vigoureux quelque chose dobscure, sorte de crainte inhabituelle chez les paysans ; un signe à Ema pour lavertir de son départ et elle jeta un châle sur ses épaules avant de suivre le têtu
autant en finir avec cette histoire, elle avait dautres chats à fouetter.
La distance qui les séparait de leur destination se fit dans le silence
il était temps darriver dailleurs. Devant la bicoque, Cyrianna eut un mouvement de recul, une atmosphère malsaine se dégageait de la masure ; lhomme poussa la planche qui faisait office de porte et seffaça afin de la laisser entrer
hésitation, interrogation, mais la curiosité fut plus forte et elle pénétra dans la sombre pièce. Une voix se fit entendre, ténébreuse
la femme devait être âgée en plus dêtre folle mais dans la pénombre, on ne parvenait quà distinguer sa silhouette
Lentretien ou plutôt la déclaration fit frémir Cyr deffroi ; lespoir disparaissait à mesure quelle parlait, et dentendre les mots sans les écouter
falaises, brune, sanglots, saut, silence, courant, vide
lancienne en était témoin, la sinistre nouvelle tombait telle un couperet, sortie de la bouche de la funeste messagère
Emportée par les courants de lAude la capricieuse, disparue à jamais, Mounira nétait plus.
Forcenée, bien moins quelle se plaisait à le laisser croire ; La Louise comme lappelaient les gens de la région était davantage devineresse, sous légide de la faucheuse, oiseau de mauvais augure. Partout où la mort frappait, la vieille femme se trouvait
engeance du Sans Nom, certainement pas ; celle-là croyait au Créateur, elle le craignait et sans doute la pseudo-démence venait-elle des secrets scellés au plus profond de son âme
Toujours est-il quelle ninspirait pas la confiance et Cyr ne sattarda pas plus longtemps.
[UNE PAGE SE TOURNE, retour au n°122]
De retour chez elle ; une tisane
non, quelque chose de plus fort ! Chère Ema qui la connait si bien maintenant
Tout sest passé si vite, quelle se demande si elle a rêvé la visite du Raymond, si elle a imaginé leffrayante rencontre de la Louise, si elle a inventé toute cette histoire finalement ; hilarité enfantine
elle écoute, attentive, et esquisse un sourire, empreint de tristesse mais teinté despoir ; le rire de sa nièce se mêlant aux autres lui rappelle justement la véracité des événements. Sirotant le verre servi par la poitevine, elle regarde les enfants en se posant mille questions ; dans un futur proche, ils partiront mais sa belle-sur voyait lavenir de Candice ici, à Carcassonne
dilemme ! Soupires, Yanis ne changera pas davis, elle le sait
tout repose maintenant sur de frêles épaules.
Angoisses
et si le pigeon ne la trouvait pas, et si elle était au couvent, et si elle ne répondait pas, et si
des questions, encore des questions, toujours des questions ; la rousse avait eu son lot de malheurs, pouvait-elle lui imposer ça ? De quel droit ? En avait-elle le courage ?
Appréhension
pas dautre issue, trop tard
le billet est parti, peut-être déjà lu
Des coups, bruits sourds qui font réagir les molosses ; Elle se lève pour ouvrir, coup dil à la trémouilloise qui emmène les enfants dans une autre pièce. Sur le seuil, trois personnes attendent ; les prunelles de jade se posent sur la plus jeune, elle est venue, elle a répondu à lappel
les tremblements, qui la secouent, ne trompent pas et linquiétude se lit dans son regard
courage Cyr ! Et de seffacer pour les faire entrer :
Bonjorn Catalina, merci dêtre venue
mais ne restez pas dehors
Garder son calme, se donner une contenance ; elle les invite à sassoir, va chercher le plateau préparé par Ema quelques instants plus tôt et prend place. Profonde inspiration, par quoi commencer, par le début
qui nest autre que la fin dune vie.