Lothilde suivit du regard la démarche chaloupée du chevalier Brieuc qui les quittait, très impressionnée par la verdeur de son teint virant à la grenouille des marais, et murmura rapidement quelques mots à voix basse à la domestique plantée derrière sa chaise avant de se pencher vers le père Adso pour écouter religieusement les questions du saint homme..quand Aristote s'est vengé ? le traiter d'animal ? Non mais Padre, vous n'auriez pas des talents de tragédiens par hasard ?
Affectant un léger haut le corps de circonstance qu'elle jugea tout à fait adapté au niveau des sages paroles et à la circonstance, elle tapota la main pale et très raffinée du prélat, notant tout de même au passage que manier les ciboires de vermeil au service d'Aristote donnait la peau plus douce que manier l'acier des épées au service de l'empereur et s'exclama Je n'ai pas dit, Padre, qu'Aristote
s'était vengé, j'ai dit qu'il
apparaissait dans l'imaginaire comme un Dieu Vengeur. Vous ne pouvez pas nier l'effroi que provoque la vision de l'Apocalypse qu'on trouve dans presque toutes les églises ! Les peintures, les vitraux, tout est bon pour nous coller une trouille infernale ! Et le mot est à propos, notez-le ! les bons dans les nuages, les mauvais dans la fournaise. Mon Père...On est tous, tous, tous, bons à nos heures et mauvais à d'autres...J'ai simplement supposé que...c'était peut être une façon d'obliger les humains à être bons. En leur faisant peur. Et pourtant...Il est plus facile d'être bon quand on aime, qu'être bon quand on n'aime plus. Ou pas. Alors aime t-on un Dieu qui peut vous expédier vous faire embrocher comme une volaille dans les braises pour trois fois rien ? non...On en a peur ! Pour ça...que je parle de vengeance...
Se mordant la lèvre en fronçant les sourcils, elle réfléchit un instant à la suite...Mal embarquée, elle allait en avoir pour la nuit, si elle le lançait sur un sujet pareil...tant pis Donc, Padre, si Aristote constitue comme vous dites le plus haut point de la perfection de l'intelligence...Êtes-vous êtes absolument certain que le commun des mortels, nous, qui constituons un médiocre mélange d'intelligence fort passable pour ne pas dire pire...je ne parle pas pour vous, ne vous méprenez pas !...Donc que les minables hommes n'ont pas terriblement mal interprété les paroles du Prophète ?? Autrement dit, est-ce qu'on ne s'est pas complètement fourré le doigt dans l'il en lui prêtant à
lui des défauts qui sont
les nôtres ?? C'est ça que je voulais dire...Ah ! Je crois que nous avons de la visite...
Qu'est-ce qu'il avait à courir et glapir dans les couloirs comme une castafiore, ce domestique ! Haussant les épaules en regardant tour à tour ses deux hôtes, elle se leva à demi de son fauteuil et s'assura machinalement de la présence de sa dague à sa ceinture, souriant en douce de la réaction du père Adso à ses côtés. Il suffisait de voir sa bouche se refermer en cul de poule pour comprendre qu'on allait avoir droit à une dizaine d'Ave contrits si toutefois on ne passait pas directement par le grill de Satan... Mais oui, mon père, les brigands de grands chemins, ça PEUT venir vous couper le gosier à domicile. Offrez le vôtre à Aristote si ça vous chante, mais je tiens au mien un petit peu tout de même...
Mais voyez, c'est notre jeune ami !!..Approche et prends place sur le banc, ici ! Je sens que tu as des choses à nous raconter... Adrien, sers donc un gobelet à Richard que voici. Je te le présente, c'est le tout nouveau garde-chasse de dampierre...
S'étant réinstallée tranquillement, le dos bien enfoncé dans l'inconfortable dossier, elle écouta attentivement et sourit, satisfaite de cette bonne nouvelle qui était loin de lui déplaire...Tiens donc, un cousin. Ou un imposteur. Un imposteur qui avait perdu un petit insigne. Elle le sortit à nouveau de sa poche et l'approcha du flambeau en le frottant entre ses doigts..de sable au griffon d'or...Elle le tendit à Adrien Qu'en dis-tu ?? Usé mais...on dirait bien celui de la famille, n'est-ce pas ? Richard...Mange, tu as bien travaillé. Et nous, on va aller faire un petit tour au-dessus des remparts...Adrien ? Tu m'accompagnes ?
Dis-moi, ce fameux cousin, il est bel homme au moins ? Jeune ? bien fait de sa personne ? Je veux dire...Est-ce qu'il vaut la peine qu'on essaie de le coincer dans le sous-bois ou ça peut attendre ? Le faucon ? Il lui appartient ??
Se retenant de s'esclaffer au regard courroucé du père Adso, Lothilde se leva et contournant la table, posa la main sur l'épaule d'Adrien, debout derrière sa chaise, sans quitter des yeux le jeune Richard qu'elle encouragea à répondre d'un sourire De la tour on aura une vue intéressante ... Une petite reconnaissance sans être vus ...J'ai bien hâte de le rencontrer, ce messire...Vais en profiter pour descendre l'armorial qui est dans ma chambre.... Je ne me connais pas de cousin en dehors de McAneyth et valaraukar, ou les enfants de mes cousines qui sont au berceau...Je ne vois pas pourquoi mes cousins se cacheraient sans raison...hum...et imaginer Valaraukar avec des soubrettes mais avec un faucon ??? Impossible. Green a renié la famille mais...aucune raison pour qu'il se cache, ça n'a rien à voir...on n'est pas fâchés à ce point là...Non, je ne vois pas...
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