[Ecurie attenante à lauberge]
Un sourire pâle, timide et froid vient étirer lcoin des lèvres alors que ses mirettes sposent sur Viento de Abril, fidèle compagnon dmisère
Elle sest donc souvenue
Landalou repose la tête sur son tas de paille, lteint habituellement cuivré a fait place à une figure pâle, et rouge l'bord d'ses yeux quil soblige a garder ouvert, rgardant fixement les poutres supportant le toit de la grange. Lesprit engourdi par la fatigue et les émotions d'la veille, les membres douloureux, la bouche ouverte, lcorps brisé. Abandonné à la dérive dun songe étrange, il se remémore ce baiser échangé à laveuglette avec sa tendre infirmière, interrompu par larrivée dun grognon enfeuillé de la tignasse. Il se souvient des camarades alités, gisant dans chaque recoin de la pièce, dune inconnue affairée sur un coqulicot libertadien, dune nonne au sang chaud et dune souris agonisant et gémissant sur leurs châlits, dla panthère et de Sorianne. Cquelle foutait là, la souricette ? Et Sorianne, il lui faudrait absolument aller la trouver pour la remercier. Il se rappelle dune étoile blonde amputée dun rasé, lair extenué annoncer quelle part en quête dune lune et dun tondu portés manquants et demander de prendre soin des blessés installés à létage. Il cru vaguement comprendre que sy trouvait lcolosse, lange, Linon et
sa mioche, Liberta ! elle était donc toujours en vie ? dans quel état ? savoir
il fallait quil sache..
Et puis,
Un cri,
Une déchirure dans le temps suspendu.
Une supplique qui résonne encore dans sa trogne
LIBERTADDDDDDDDDDDDDDDD
Quelques secondes sécoulent, terribles et silencieuses. Landalou n'peut esquisser l'moindre mouvement en direction de lescalier qui mène à létage supérieur de lauberge. Brancardé pour un ailleurs, il est comme une marionnette dont les fils se trouvent entre les mains d'ses camarades.
Quelle est la part du rêve ? celle de la réalité ? Il ne sait. Les souvenirs affluent derrière son front, les images dansent dans sa trogne. Posée à ses côtés, une missive ouverte ajoute au dawa qui, dans son crane, prend implacablement l'pas sur la raison.
Sous lemprise de la nervosité, ltaureau, littéralement halluciné par ses souvenirs récents, nentrevoit quune seule façon dachever le puzzle quil avait commencé le jour où sa fille et Linon croisaient une de ses mères poutreuses poitevines. Il lui faut sdemmerder seul pour rallier la taverne et mettre la main sur les pièces manquantes. Qui vit ? Qui souffre ? Qui nest pas rvenu ?
Il constate avec satisfaction que ses pansements ont été changés, les bandages semblent bien serrés, une chemise propre lui a été enfilée. Reste à mettre la main sur une nouvelle paire de braies et sur ses bottes. Prudemment, landalou se laisse glisser en direction du mur, prenant appui sur sa jambe valide et saidant de son bras en état dmarche, il réussi tant bien que mal à se mettre à la verticale. La tête tourne, le front perle légèrement, luisant dans le clair obscur de la grange.
Les yeux font un tour dhorizon rapide pour évaluer la situation, les fontes sont repérées, posées avec la selle sur la paroi en bois du box de son étalon. Un manche est reconverti en canne de fortune, et claudiquant, traînant sa jambe malade derrière lui, il fini par atteindre lharnachement de Viento de Abril. Les braies sont rapidement extirpées du cuir, les bottes ramassées. Reste une opération délicate à mener au mieux, réussir à shabiller et à se chausser avec une guibole en vrac.
Un pas, une canne, lappui est trouvé contre un pan de mur. En équilibre précaire, lépaule saine calée contre la pierre, landalou se tortille comme il peut pour enfiler braies et bottes. La sueur ruisselle abondamment sur son visage, il ne fait même pas mine dessuyer les perles salines qui glissent du front au menton, du menton au sol.
Sensation dglace qui coule le long dson échine suivie dune brusque montée de chaleur, landalou, épuisé par le peu defforts consentis, a froid intérieurement, puis se met à brûler. Un voile devant les yeux, il sent ses jambes se dérober sous lui. Essayant dralentir la chute, la main vient saisir un anneau de fer forgé scellé au mur
Eclair de douleur irradiant dans tout le torse alors que les sutures de lépaule lâchent une à une sous le poids dun corps aspiré par le sol.
Etendu face dans la terre battue, il sent la douce chaleur de lauréole carmine qui sétire doucement dans le dos d'sa chemise de drap. Il laisse de nouveau dériver sur le courant de son subconscient des images de fureur, de sang et dacier. Cauchemars et songes
il se remémore les événements qui lont conduit dans cette auberge, quelque part entre la vie et la mort, dans cette ville périgourdine.
Vision fugace dun visage dgamine qui lui sourit puis, plus rien.
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