Alethea
[Pérégrinations et Préoccupations
un petit tour à Blois et retour vers Tours]
Départ ce soir ! Lhomme darmes qui referme la porte de sa chambre, avant de frapper à la suivante pour délivrer le même message, nétait pas encore sorti que la brune sétait déjà levée de son bureau. Le regard qui devient vague se pose alors sur le feu vers lequel elle se dirige doucement en tentant de récapituler intérieurement la somme de préparatifs que ça implique, à commencer par la paperasse qui déborde de la petite table quelle vient de laisser. Depuis plusieurs semaines, que la guerre a commencé, ce nest, pour elle, que missives, cartes et analyses, en tout cas depuis que Nith, Guidel et elle avaient pu rejoindre quelques-uns uns de leurs frères darmes à Tours.
La Loire, majestueuse, les y avait alors déposés, au moment des premiers froids, après avoir accompagné toutes leurs chevauchées à travers lAuvergne, la Bourgogne et lOrléanais. Trajet discret et silencieux, parfois même secret, quils avaient accompli le long de ses rives, sans vraiment évoquer ce qui les attendait ni même ce quils laissaient derrière eux. Pour lAuvergnate cétait un duché quelle aimait et qui allait envoyer au combat plusieurs de ses proches. Un vrai désastre apparemment, avant une longue attente. Cétait aussi une amie, Antlia, qui les avait quittés brusquement quelques jours auparavant en glissant une lettre sous sa porte.
Ses mains se tendent vers le feu comme pour mieux en profiter une dernière fois puisquils ne sont certainement pas près de retrouver le confort dune auberge. Il ne reste plus quà espérer que la pluie les épargnera, que le froid ne se fera pas encore plus mordant quil ne lest déjà Elle rassemble alors les quelques affaires quelle a apportées avec elle, range soigneusement dessus les documents sur lesquels elle aura encore à travailler et quitte la chambre. Lorsque chacun en a fait de même, que les chevaux de bâts et les chariotes ont été chargés de tout le matériel nécessaire à leur entreprise, ils se mettent enfin en route
[Le chemin de Chinon]
Les voilà donc partis, roulant comme les vagues dune marée paresseuse qui grignoterait les lieues de mauvais appétit. Chacun à sa tâche pour quavance hommes, bêtes et matériel. Ils ont reçu de laide mais rien nest abondant alors ils prennent soin de tout et économisent ce quils peuvent. La nuit venue, afin ne pas perdre de temps, ils se relaient dans les charrettes pour prendre un peu de repos tandis quà la maigre lumière de petites lanternes de fer les autres continuent à mener le groupe. Ainsi larmée avance sur les chemins de Tours puis ceux de Chinon. La route est tranquille finalement. Il est vrai quavec tous les mouvements de troupe que la Touraine avait connus ces dernières semaines il ne devait pas rester beaucoup de marauds sur les chemins. Seul triste évènement du voyage, leur passage devant le champ ou avait eu lieu la bataille contre les Angevins. Le sombre spectacle des restes de corps dont le sol est jonché fait réaliser à la brune que tout ça ne se résume plus à des points sur une carte
Certains sont tombés déjà, elle le sait bien sur, mais là elle le prend en pleine figure. Soudain elle nest plus rien. Tous ses frères et surs darmes ont passé des années en ost avant de venir rejoindre lOrdre. Comment a-t-elle pu prétendre affronter des guerriers de métiers avec seulement quelques mois dentraînement dans des salles darmes ? Et même si chacun des moments quelle avait eus de libre y avait été consacré, même si elle a senti son corps changer, ses réflexes saffiner, elle est très loin encore de maîtriser lart du combat. La peur commence à monter en elle, sourde mais résistante. Et la brune de devoir mener sa première bataille, la plus difficile, contre elle-même et son envie de fuir. Sera-t-elle parmi les lâches finalement ? Sest-elle trompée à ce point sur ce quelle était capable d affronter. Cette vie de villageoise paisible, entre les couches et les matches de Soule sur laquelle elle ironise abondamment serait-elle la seule dont elle soit capable ? Elle veut se persuader que non mais la peur, cette maudite et honteuse peur tourne autour delle comme un charognard et ne lui laisse plus de repos. Progressivement elle séloigne des autres, senferme pour ne pas être tentée den parler. Sa lâcheté serait une trahison un abandon. Au-delà des mots de réconforts quils ne manqueraient pas de lui prodiguer, il y aurait sûrement le doute et une fois ce doute insinué, ce serait terminé, elle perdrait leur confiance. Après tout, peut-être était-ce le plus juste ? Puisquelle risquait de les mettre en danger il fallait peut-être quelle se résigne à les quitter.
Chaque pas vers Chinon devient alors plus difficile. Chaque jour de plus, parmi eux, à installer le campement, à préparer ses armes et son armure comme si de rien nétait, la rend plus sombre. Elle se retranche de plus en plus et les entraînements toujours plus longs quelle simpose ny changent rien. La peur ne la quitte pas, lisolement ne lui suffit plus et le besoin de séloigner se fait plus fort. Fuir est inenvisageable pourtant mais se confier lest également, en tout cas pas à ceux que sa faiblesse met en danger et personne dautre autour delle ne peut lentendre à présent. Les siens sont bien trop loin.
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Départ ce soir ! Lhomme darmes qui referme la porte de sa chambre, avant de frapper à la suivante pour délivrer le même message, nétait pas encore sorti que la brune sétait déjà levée de son bureau. Le regard qui devient vague se pose alors sur le feu vers lequel elle se dirige doucement en tentant de récapituler intérieurement la somme de préparatifs que ça implique, à commencer par la paperasse qui déborde de la petite table quelle vient de laisser. Depuis plusieurs semaines, que la guerre a commencé, ce nest, pour elle, que missives, cartes et analyses, en tout cas depuis que Nith, Guidel et elle avaient pu rejoindre quelques-uns uns de leurs frères darmes à Tours.
La Loire, majestueuse, les y avait alors déposés, au moment des premiers froids, après avoir accompagné toutes leurs chevauchées à travers lAuvergne, la Bourgogne et lOrléanais. Trajet discret et silencieux, parfois même secret, quils avaient accompli le long de ses rives, sans vraiment évoquer ce qui les attendait ni même ce quils laissaient derrière eux. Pour lAuvergnate cétait un duché quelle aimait et qui allait envoyer au combat plusieurs de ses proches. Un vrai désastre apparemment, avant une longue attente. Cétait aussi une amie, Antlia, qui les avait quittés brusquement quelques jours auparavant en glissant une lettre sous sa porte.
Ses mains se tendent vers le feu comme pour mieux en profiter une dernière fois puisquils ne sont certainement pas près de retrouver le confort dune auberge. Il ne reste plus quà espérer que la pluie les épargnera, que le froid ne se fera pas encore plus mordant quil ne lest déjà Elle rassemble alors les quelques affaires quelle a apportées avec elle, range soigneusement dessus les documents sur lesquels elle aura encore à travailler et quitte la chambre. Lorsque chacun en a fait de même, que les chevaux de bâts et les chariotes ont été chargés de tout le matériel nécessaire à leur entreprise, ils se mettent enfin en route
[Le chemin de Chinon]
Les voilà donc partis, roulant comme les vagues dune marée paresseuse qui grignoterait les lieues de mauvais appétit. Chacun à sa tâche pour quavance hommes, bêtes et matériel. Ils ont reçu de laide mais rien nest abondant alors ils prennent soin de tout et économisent ce quils peuvent. La nuit venue, afin ne pas perdre de temps, ils se relaient dans les charrettes pour prendre un peu de repos tandis quà la maigre lumière de petites lanternes de fer les autres continuent à mener le groupe. Ainsi larmée avance sur les chemins de Tours puis ceux de Chinon. La route est tranquille finalement. Il est vrai quavec tous les mouvements de troupe que la Touraine avait connus ces dernières semaines il ne devait pas rester beaucoup de marauds sur les chemins. Seul triste évènement du voyage, leur passage devant le champ ou avait eu lieu la bataille contre les Angevins. Le sombre spectacle des restes de corps dont le sol est jonché fait réaliser à la brune que tout ça ne se résume plus à des points sur une carte
Certains sont tombés déjà, elle le sait bien sur, mais là elle le prend en pleine figure. Soudain elle nest plus rien. Tous ses frères et surs darmes ont passé des années en ost avant de venir rejoindre lOrdre. Comment a-t-elle pu prétendre affronter des guerriers de métiers avec seulement quelques mois dentraînement dans des salles darmes ? Et même si chacun des moments quelle avait eus de libre y avait été consacré, même si elle a senti son corps changer, ses réflexes saffiner, elle est très loin encore de maîtriser lart du combat. La peur commence à monter en elle, sourde mais résistante. Et la brune de devoir mener sa première bataille, la plus difficile, contre elle-même et son envie de fuir. Sera-t-elle parmi les lâches finalement ? Sest-elle trompée à ce point sur ce quelle était capable d affronter. Cette vie de villageoise paisible, entre les couches et les matches de Soule sur laquelle elle ironise abondamment serait-elle la seule dont elle soit capable ? Elle veut se persuader que non mais la peur, cette maudite et honteuse peur tourne autour delle comme un charognard et ne lui laisse plus de repos. Progressivement elle séloigne des autres, senferme pour ne pas être tentée den parler. Sa lâcheté serait une trahison un abandon. Au-delà des mots de réconforts quils ne manqueraient pas de lui prodiguer, il y aurait sûrement le doute et une fois ce doute insinué, ce serait terminé, elle perdrait leur confiance. Après tout, peut-être était-ce le plus juste ? Puisquelle risquait de les mettre en danger il fallait peut-être quelle se résigne à les quitter.
Chaque pas vers Chinon devient alors plus difficile. Chaque jour de plus, parmi eux, à installer le campement, à préparer ses armes et son armure comme si de rien nétait, la rend plus sombre. Elle se retranche de plus en plus et les entraînements toujours plus longs quelle simpose ny changent rien. La peur ne la quitte pas, lisolement ne lui suffit plus et le besoin de séloigner se fait plus fort. Fuir est inenvisageable pourtant mais se confier lest également, en tout cas pas à ceux que sa faiblesse met en danger et personne dautre autour delle ne peut lentendre à présent. Les siens sont bien trop loin.
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