Guidel
[Froid comme la mort]
Froid comme la mort Quest-ce qui aurait pu mieux définir le baron errant en ces heures sombres, ségrainant comme sil sagissait dune éternité ? Parfois, des combats qui retentissent au loin, tandis que leur triste chevauchée, lente et inexorable les menait en la ville de Chinon. Mangeant à peine, discutant moins encore, il sétait à nouveau muré dans cette solitude sécurisante Ne pas sattacher, ne pas souffrir
Antlia les avait quittés à Bourbon, laissant une seule et unique lettre pour expliquer son départ, et lui sen était allé en sens inverse, vers le front, rejoignant ses frères à Blois pour constituer une nouvelle armée « Licorne », comme cette funeste armée chue sous le rempart de Rennes, il y a si longtemps. Peut-être que cette fois, ce serait son tour de périr Mais cela il ny croyait plus. La mort ne voulait pas de lui, elle était sa compagne, celle qui emmenait les êtres quil chérissait aussi bien que ses compagnons darmes et ses adversaires. Il était retourné à sa solitude, errant sur son destrier noir, jurant avec larmure étincelante donnée par lOrdre.
Les frères et surs Ils ne semblaient guère mieux. Souvent, les querelles éclataient, souvent pour des broutilles, et souvent elles naboutissaient quà une rancur étouffée. Souvent, lui aussi cédait à cette colère sourde sans réel objet autre que lui-même en réalité. Il sen voulait dêtre là, de ne pas faire davantage, de ne pouvoir désamorcer cette situation à laide dune lame ou dune langue acérée et quon en parle plus ! Mais cela eut été trop facile Alors il suivait docilement, nentendant que ce quon voulait bien lui dire, ne faisant que ce quon lui demandait Bien souvent encore, il pensait à Elle. Son Enfant devait être venu au monde depuis le temps Pourvu quElle reste dans la quiétude de Lyon Pourvu quElle soit épargnée par cette rancur viciant lair du Centre Pourvu que lEnfant grandisse loin de tout cela
[Errance sur les chemins de la Justice]
Nouvelles querelles, nouvelles rixes verbales qui éclatent sous le ciel plombé de gris de la Touraine, bien loin des montagnes et de la voute lazur des Alpes Les chefs, les chevaliers ne se montrent guère, si ce nest pour rappeler tout le monde à lordre. Ethan, fiévreux et devenu presque invisible Quel contraste avec celui quil connaissait dhabitude. Et leur dernière rencontre, au hasard dune taverne chinonaise Il préférait loublier, oublier ce que le nouveau chevalier avait déclaré ce soir-là. Il préférait croire que cétait la fièvre plutôt que de le croire injuste et moqueur Et pourtant
Justice Aristote, quil y aspirait à cette justice, devenue insaisissable pour sa pensée en ces temps troublés. Avaient-ils raison de se trouver là ? Avaient-ils tort ? Nétait-ce pas vraiment de sa faute après tout sil navait pas prévu assez de vivres pour cette campagne ? Ne pouvait-il prévoir davantage, lorsquil partit pour cette mission en Bourbonnais-Auvergne, lentraînant finalement sur les chemins de lOrléans puis de la Touraine ? Navait-il pas tort de sacharner à défendre ces inconnus qui nétaient rien pour lui, juste pour sa vaine quête de la vérité ? Vaut-il mieux sopposer à un frère pour ce quon croit être la Justice ou vaut-il mieux croire sur parole et se taire? Autant de sombres pensées qui assaillaient le Lyonnais lorsque le soir il tentait de trouver le sommeil
Puis lancien vicomte errant vainquit le nouveau baron errant et le message fut clair « Tu nes pas à la fin de ton errance, Guidel, tu nen es quau début. A mi-chemin entre justice et bravoure, comme il se doit. » La Vérité avait elle aussi trouvé son chemin, les jours passant La découverte de cette sur de sang quil croyait ne jamais revoir un jour, une sur de sang, une sur de cur, une sur darmes Son fils était né, il en avait reçu la nouvelle, dune missive de lEtoile de Lyon Ils lui manquaient tant. Pour eux il vivrait, pour eux il combattrait encore, pour eux il serait « Justice, Honneur, Bravoure », pour que jamais ils naient à rougir de dire quils sont les Siens Et enfin, Guidel, Guy de Hoegaarden, le bâtard sendormit paisiblement.
[La Vie A nouveau ]
Laube A lhorizon, à lest, se dessinèrent soudain quelques silhouettes devant lastre qui petit à petit sélevait déjà dans le ciel. Deux cavaliers et une charrette. Il les observa un instant, minuscules points se déplaçant et quittant petit à petit la ligne dhorizon pour sapprocher de la ville. Le corps dun des cavaliers étincelle, puis cest au tour de lautre de refléter vivement la lumière du soleil. Des harnois, polis et étincelants, pareils au sien Encore deux enfants de la Licorne qui arrivaient à Chinon pour se joindre à leur combat, comme chaque jour. Si seulement, ce pouvait être Elle
Il quitta son poste dobservation et partit faire galoper un peu Faran Depuis les joutes du Lavardin, le puissant destrier sennuyait ferme et se gavait de lherbe grasse de Touraine, aussi Guidel se faisait-il un devoir de chevaucher au moins quelques heures à laube afin de le maintenir en forme pour la prochaine joute ou Pour la guerre.
De retour au campement, lerrant se sentait frais et dispo. Dans lair encore frais du matin, le souffle des deux compagnons produisait une légère brume qui se dissipait rapidement. Ils dépassèrent ensemble plusieurs tentes, puis la charrette quil avait aperçue un peu plus tôt et lune des montures attachée devant une tente. Guidel stoppa net. Ce cheval, il le connaissait. Syrius Le destrier dAntlia. Son cur fit un bond dans sa poitrine et il fit volter Faran dans sa direction et larrêta à côté de celui-ci, lattacha pareillement avant de se présenter à lentrée de la tente.
Antlia, cest bien toi?
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Froid comme la mort Quest-ce qui aurait pu mieux définir le baron errant en ces heures sombres, ségrainant comme sil sagissait dune éternité ? Parfois, des combats qui retentissent au loin, tandis que leur triste chevauchée, lente et inexorable les menait en la ville de Chinon. Mangeant à peine, discutant moins encore, il sétait à nouveau muré dans cette solitude sécurisante Ne pas sattacher, ne pas souffrir
Antlia les avait quittés à Bourbon, laissant une seule et unique lettre pour expliquer son départ, et lui sen était allé en sens inverse, vers le front, rejoignant ses frères à Blois pour constituer une nouvelle armée « Licorne », comme cette funeste armée chue sous le rempart de Rennes, il y a si longtemps. Peut-être que cette fois, ce serait son tour de périr Mais cela il ny croyait plus. La mort ne voulait pas de lui, elle était sa compagne, celle qui emmenait les êtres quil chérissait aussi bien que ses compagnons darmes et ses adversaires. Il était retourné à sa solitude, errant sur son destrier noir, jurant avec larmure étincelante donnée par lOrdre.
Les frères et surs Ils ne semblaient guère mieux. Souvent, les querelles éclataient, souvent pour des broutilles, et souvent elles naboutissaient quà une rancur étouffée. Souvent, lui aussi cédait à cette colère sourde sans réel objet autre que lui-même en réalité. Il sen voulait dêtre là, de ne pas faire davantage, de ne pouvoir désamorcer cette situation à laide dune lame ou dune langue acérée et quon en parle plus ! Mais cela eut été trop facile Alors il suivait docilement, nentendant que ce quon voulait bien lui dire, ne faisant que ce quon lui demandait Bien souvent encore, il pensait à Elle. Son Enfant devait être venu au monde depuis le temps Pourvu quElle reste dans la quiétude de Lyon Pourvu quElle soit épargnée par cette rancur viciant lair du Centre Pourvu que lEnfant grandisse loin de tout cela
[Errance sur les chemins de la Justice]
Nouvelles querelles, nouvelles rixes verbales qui éclatent sous le ciel plombé de gris de la Touraine, bien loin des montagnes et de la voute lazur des Alpes Les chefs, les chevaliers ne se montrent guère, si ce nest pour rappeler tout le monde à lordre. Ethan, fiévreux et devenu presque invisible Quel contraste avec celui quil connaissait dhabitude. Et leur dernière rencontre, au hasard dune taverne chinonaise Il préférait loublier, oublier ce que le nouveau chevalier avait déclaré ce soir-là. Il préférait croire que cétait la fièvre plutôt que de le croire injuste et moqueur Et pourtant
Justice Aristote, quil y aspirait à cette justice, devenue insaisissable pour sa pensée en ces temps troublés. Avaient-ils raison de se trouver là ? Avaient-ils tort ? Nétait-ce pas vraiment de sa faute après tout sil navait pas prévu assez de vivres pour cette campagne ? Ne pouvait-il prévoir davantage, lorsquil partit pour cette mission en Bourbonnais-Auvergne, lentraînant finalement sur les chemins de lOrléans puis de la Touraine ? Navait-il pas tort de sacharner à défendre ces inconnus qui nétaient rien pour lui, juste pour sa vaine quête de la vérité ? Vaut-il mieux sopposer à un frère pour ce quon croit être la Justice ou vaut-il mieux croire sur parole et se taire? Autant de sombres pensées qui assaillaient le Lyonnais lorsque le soir il tentait de trouver le sommeil
Puis lancien vicomte errant vainquit le nouveau baron errant et le message fut clair « Tu nes pas à la fin de ton errance, Guidel, tu nen es quau début. A mi-chemin entre justice et bravoure, comme il se doit. » La Vérité avait elle aussi trouvé son chemin, les jours passant La découverte de cette sur de sang quil croyait ne jamais revoir un jour, une sur de sang, une sur de cur, une sur darmes Son fils était né, il en avait reçu la nouvelle, dune missive de lEtoile de Lyon Ils lui manquaient tant. Pour eux il vivrait, pour eux il combattrait encore, pour eux il serait « Justice, Honneur, Bravoure », pour que jamais ils naient à rougir de dire quils sont les Siens Et enfin, Guidel, Guy de Hoegaarden, le bâtard sendormit paisiblement.
[La Vie A nouveau ]
Laube A lhorizon, à lest, se dessinèrent soudain quelques silhouettes devant lastre qui petit à petit sélevait déjà dans le ciel. Deux cavaliers et une charrette. Il les observa un instant, minuscules points se déplaçant et quittant petit à petit la ligne dhorizon pour sapprocher de la ville. Le corps dun des cavaliers étincelle, puis cest au tour de lautre de refléter vivement la lumière du soleil. Des harnois, polis et étincelants, pareils au sien Encore deux enfants de la Licorne qui arrivaient à Chinon pour se joindre à leur combat, comme chaque jour. Si seulement, ce pouvait être Elle
Il quitta son poste dobservation et partit faire galoper un peu Faran Depuis les joutes du Lavardin, le puissant destrier sennuyait ferme et se gavait de lherbe grasse de Touraine, aussi Guidel se faisait-il un devoir de chevaucher au moins quelques heures à laube afin de le maintenir en forme pour la prochaine joute ou Pour la guerre.
De retour au campement, lerrant se sentait frais et dispo. Dans lair encore frais du matin, le souffle des deux compagnons produisait une légère brume qui se dissipait rapidement. Ils dépassèrent ensemble plusieurs tentes, puis la charrette quil avait aperçue un peu plus tôt et lune des montures attachée devant une tente. Guidel stoppa net. Ce cheval, il le connaissait. Syrius Le destrier dAntlia. Son cur fit un bond dans sa poitrine et il fit volter Faran dans sa direction et larrêta à côté de celui-ci, lattacha pareillement avant de se présenter à lentrée de la tente.
Antlia, cest bien toi?
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