Procès
ou plutôt simulacre, voilà limpression que gardait le bâtonnier de cette affaire
Il était arrivé discrètement pour éviter les cris et autres jets de détritus de la foule qui paraissait possédée par le sans-nom
Son regard traversa en long et en large la place aménagée pour le jugement, et il lui semblait ne plus reconnaître ces toulousains épris de justice et déquité.
Les soupires quil poussait senchainaient ; colles relevés et écharpe au cou recouvrant la moitié inférieur de son visage, il sétait avancé puis assis sur le banc des accusés ; il avait juste auprès de lui certain de ses confrères. Ses clients nétaient pas toulousains, et lexemple de bourreau quon leur montrait était tout sauf reluisant à ses yeux
lui, le féru de justice.
Il jeta un coup dil sur sa cliente
plus morte que vivante, et malgré les soins sensés la requinquer fournis par le doyen de la faculté de médecine, Dhei savait pertinemment que Domy ne pourrait nullement se relever, elle avait reconnu le prévôt parmi ses agresseurs
Aussi lorsque celui prit la parole, Dhei ne put quesquisser un léger sourire, la tête à présent baissée, on pouvait apercevoir ses mains effectuer des mouvements
il semblait concentré, en fait, il narrêtait pas de prendre note de tout ce qui se faisait ; de tout ce qui se disait.
Sa tâche nétait pas des plus aisées, mais il aimait ce quil faisait, et il croyait en ses clients
Le Procureur, après moult rappel à lordre à lassistance par le juge, prit enfin la parole, de façon posée et assez cohérente; il exposa son point de vue à lassistance, au juge, aux jurés
mais surtout à lui.
Après la lecture de lacte daccusation, chute fut faite vers la défense qui devait à son tour sexprimer
Mais avant
Mais avant, donc, lun de ses clients, dans un sursaut dorgueil et surtout d'amertume... peut être aussi de rancune, avait prit, sans quon la lui donne, la parole.
Il avait fini par craquer; Mais qui donc ne laurait pas déjà fait? narrêtait pas de se dire Dhei,
lui-même laurait déjà fait il y a longtemps. Voir sa femme malmenée de la sorte, battue, laissée pour morte, recevoir tous les déchets de Toulouse et toutes les injures connues, méconnues et inconnues
Dhei qui, comme pour laisser son client se libérer navait fait aucun geste, lavait écouté
avait regardé ensuite les jurés pour voir leur réaction, mais aussi le Juge
Fort heureusement, ce dernier conservant son calme, ny fit cas et leur demanda dindiquer la manière dont ils interviendraient
Dhei se leva
On pouvait à présent voir sa coiffe toute blanche et les mèches quil avait laissé se dérouler jusquà mi dos pour celle de gauche, et sur sa poitrine pour celle de droite ; son manteau avait été déposé sur une chaise à ses côtés, on pouvait maintenant admirer pour les uns, ou dénigrer pour les autres la somptueuse toge quil arborait, avec sur les épaules sa coiffe particulière spécifique au bâtonnier.
Il savança, le visage dans le vide, tête légèrement baissé, le juge en face et les jurés à sa droite
ses mains vinrent lentement se nouer dans son dos
à mi chemin de lespace qui séparait les accusés du juge, il marqua une pose. Il était plongé dans ses pensées, la gorge quelque peu nouée ; ne sachant pas vraiment par où commencer, tant il voulait sexprimer ; il inspira profondément ; et finalement
Je vous remercie votre honneur ;
Honorables jurés ; Messire Atornat,
Jai limmense responsabilité de défendre ces deux personnes
hélas présumées coupables par nos lois. Néanmoins, telle quelle est faite, notre loi, fort heureusement, nous permet de croire que les innocents peuvent sen sortir.
Il marqua une courte pause, le temps de se tourner lentement vers les jurés
Messieurs et Dames les jurés ; vous aurez, au terme de nos exposés et thèses, la lourde responsabilité de rendre une décision, qui devra être la plus juste. Le procureur a souhaité que vous regardiez les faits, jespère que cest bien ce que vous ferez. Il vous demande en même temps de ne pas écouter vos sentiments, mais je dirais que ces sentiments, vous les éprouverez par rapport aux faits. En sexprimant ainsi, que souhaite-til obtenir ?
Que vous fassiez fi de létat dans lequel a été mis ma cliente ?
Souhaite-t-il que vous fassiez fi de ce quon vous présente pour jugement une mourante mise dans un tel état par une horde de personne, qui durant toute leur folie nont pas voulu entendre les cris quils poussaient ?
Des personnes qui ont décidé de se rendre elles même justice, dédaignant les instances de notre Comté qui prévoit un jugement juste et équitable pour tous ?
Vous avez tout à lheure, eu le cri de cur dun homme meurtri
lui a encore à toute ses facultés pour sexprimer et vous dire ce quil ressent
au nom de son épouse qui ne peut plus aligner deux mots ; ni même se tenir debout.
Que les faits ?
Soit, mais parlons en des faits ?
Et les faits, les voilà
Il montre du doigt le banc daccusation
et marqua une courte pose, en baissant la tête, puis la relevant
Votre Honneur, honorables jurés, ne croyez pas un seul instant que je veuille occulter les raisons qui selon auraient poussées des personnes, dont notre cher prévôt, garant de notre sécurité et premier maillon de la chaine judiciare, à mettre dans un tel état mes clients, et plus particulièrement Donà Domys, Au contraire, sur ces faits, je souhaiterais vous y entretenir.
Votre Honneur, Honorables jurés, en ce jour du 27 septembre 1457, nous ne nierons pas que mes clients pouvaient être considérés comme membres de larmée des Oies Sauvage. Cependant, jestime quil serait bon, que nous nous étayons premièrement sur le sens de leur présence dans cette armée, et secondement des prétendus courriers que le les instances militaires auraient envoyé à tous les membres de cette armée, leur demandant de régulariser leur situation. Je ne suis point ici le défendeur de cette armée, aussi, vais-je mévertuer à situer la responsabilité de mes clients dans ce fait. La personnalité de mes clients vous sera étayé de sorte que vous vous rendiez compte à qui vous avez affaire.
Je vous dirai qui est le Sieur Fabrizio, et vous comprendrez aisément quune personne aussi engagée que lui et son épouse, nauraient pu en aucun cas fomenter un
passez-moi le mot
pillage dune ville
de façon aussi grossière. Si nécessaire, nous ferons intervenir des experts militaires afin quon comprenne bien que mes clients, au péril de leur vie, ont accepté de prendre coups sur coups, sans vraiment chercher à se défendre, ni à blesser qui que ce soit, malgré les armes quils portaient et lexpérience quils ont.
Votre Honneur, Honorable jurés, laffaire qui vous ai présentée est complexe
cependant, je demeure convaincu que vous saurez rendre justice et dire le droit.
Je vous remercie
Je vous prierai votre Honneur, de bien vouloir autoriser la venue ici même de Messire Fabrizio, qui sadressera, non pas en tant que témoin, mais en tant quaccusé, en son nom et en celui de son épouse, à vous. Il vous relatera les faits, et aussi la chronologie des évènements
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{Pour toi, avec toi... pour l'éternité. Dans mon cur tu demeures à jamais, reposes en paix}