Si elle avoit fiance en cet homme? Mais qui estoit-il? Ce n'estoit guère le visage d'Hyruvia, et pourtant il en avoit l'allure. Et le voilà qui sortoit de nulle part pour luy mander sa fiance...
Fronçant les sourcils, Arielle observa attentivement l'inconnu, plongeant dans ce regard sombre pour en sonder la texture.
Je... souffla-t-elle, incertaine. Je ne sais. En estes-vous digne?
Avant qu'il n'ait le temps de luy répondre, Balarion s'estoit approché à son tour, annonçant une réjouissante nouvelle.
Oh, mon cher Balarion, je suis ravie! Alors nous allons à Sainct-Bertrand-de-Comminges?
Les regards embarrassés luy indiquèrent qu'elle venoit encor de révéler sa confusion.
... À moins qu'on n'y soit jà?
Une moue vergognée chez Arielle conclut la conversation. Il n'y avoit rien à ajouter; elle auroit de toute façon tout oublié quelques minutes plus tard.
Pendant que tous s'affairoient à installer le petit groupe en une auberge située non loin, la comtesse fict le tour de la place, main dans la main avec son époux et son fils Laurens. Le soir estoit tombé, le froid geloit les doigts.
Plus aucun passant pour les dévisager... Ils rentrèrent se réchauffer auprès d'un bon feu.
[Auberge du Canard mouillé - le lendemain matin]
Le sommeil avoit fui la comtesse dès poistron-jacquet. Désorientée, elle avoit baillé un tendre poutoune à son époux ronflant et estoit descendue dans la salle commune, froide et désertée, de cet endroit dont elle ne savoit rien.
Sise là, enroulée dans un chasle de laine fine, elle avoit regardé le vide pendant un long moment, essayant de comprendre ce qui luy arrivoit.
Comme des fourmis qui chatouillent les pieds engourdis, un vélin, glissé dans sa poche, attira bientost son attention. Bien entendu, elle ne se rappeloit guère l'y avoir mis.
C'estoit une missive de son demi-frère.
Citation:Ma très chère soeur.
Je prend la plume enfin en ce jour. Je sais, par quelques contact que je garde par chez toi, que tu es enfin réveillé de ton affreux coma, et que je peux enfin t'écrire à défaut de pouvoir de parler de vive voix.
Je ne te poserai pas la question traditionnelle "ça va" après cet attentat qu'on a commis sur toi, car cela serait totalement incongru et hypocrite.
Tu dois t'étonner tout d'abord qu'à ton réveil, ton frère encore si récemment découvert aux vues de la durée d'une vie, ne soit pas à tes côtés pour te sourire et te rassurer... Pourtant qui sait à quel point j'ai attendu à ton chevet, à quel point chaque jour et encore aujourd'hui je m'en veux de n'avoir rien pu faire pour toi.
Alors que tu survivais à peine et que je soutenais Chloé dans sa régence comme je le pouvais, chaque soir lorsque je me couchais, le chagrin de te voir dans cet état me rongeait affreusement, et je me recroquevillais tel un enfant apeuré...
Alors que je t'écris, je revois encore avec horreur cet homme te trancher la gorge... La rage me prend quand je pense que Drizz m'a empêché de tuer ce fou, cet homme qui a osé...
Bref, petit à petit, le moral baissé, et ma santé, pourtant si forte, s'affaiblissait chaque jour. Et pour tout t'avouer, j'ai même pensé à un moment, mettre fin à ma vie qui n'avait plus aucun intérêt pour moi.
Et puis, cette correspondance. Elle m'a certainement sauvé... Non pas la correspondance, mais cette femme merveilleuse qui en était la destinataire, pour qui chaque jour mon coeur bat sans cesse. Gnia... C'est son nom. Peu de gens sont au courant, mais je voulais que tu saches.
Et donc voilà, j'ai quitté le Béarn. Tellement de dégoût là-bas m'avait envahi, tellement de tristesse, et puis mes sentiments pour Gnia, qui chaque jour grandissaient et me donnaient envie de la rejoindre. Et puis finalement, c'est ce que j'ai fait. Je ne voulais pas laisser tomber Chloé, et j'aimais mon travail, mais comme on dit, le coeur à ses raisons que la Raison ignore, et je crois que c'est ce qui s'est produit.
Voilà pourquoi ton petit frère a quitté le Béarn et t'a laissé, parce qu'il était et est toujours amoureux d'une seule et merveilleuse femme: Agnès de St Just, dicte Gnia.
Je sais que cela ne consiste point en une excuse de mon départ soudain et inexpliqué alors que tu n'étais même pas rétablie, je le sais. Mais je veux que tu saches, toi ma soeur bien aimée, à qui je pense tous les jours...
Si tu savais à quel point je regrette terriblement de t'avoir abandonné, alors que tu avais tant besoin de moi. Mais si je devais revenir en arrière, je préfère être franc et te dire que je ne sais pas ce que j'aurai fait à vrai dire, car je ne regrette pas d'être aller retrouvé Gnia en Artois, à Arras, où j'habite désormais, tellement mes sentiments pour elle sont forts.
J'espère, Arielle, que tu sauras un jour me pardonner, bien que cet espoir s'amenuise alors que l'encre imprime ces mots sur ce parchemin.
Mais je parle de moi... alors que tu as subi toutes ses épreuves. Comment te remets-tu? As-tu tout ce qu'il te faut? Est-ce qu'on prend bien soin de toi?
Si tu pouvais m'écrire pour me répondre à ces questions, tu ferais de moi le plus heureux des frères.
Je crois par contre, que je vais m'arrêter là, car mon écriture se fait de plus en plus hésitante et tremblante, et j'ai peur de devenir illisible, si ce n'est déjà fait.
Reçois, grande soeur, tous mes voeux de rétablissement, ainsi que tout l'amour qu'un frère puisse donner à sa frangine malgré la distance.
Erel, ton frère.
PS: Embrasse ma chère nièce Rose & tes deux petits derniers pour moi. Salue aussi ton époux Jean Jacob, je l'ai peu vu mais je l'apprécie beaucoup.
Prunelles troublées. Arielle se mordilla la lèvre, incertaine de ce qu'elle ressentoit devant tant de révélations, autant sur son frère enfui que sur elle-mesme. Ainsi, elle avoit été victime d'un attentat? Elle avoit été grièvement blessée? Voilà donc pourquoi elle se sentoit si... bizarre. Et Erel qui estoit parti! À Arras, de surcroist, à l'autre bout du royaume, comme s'il luy falloit partir le plus loin possible.
Ignorant toujours chez qui elle se trouvoit, elle osa néanmoins emprunter un vélin et une plume afin de répondre à son frère.
Citation:Très cher Erel,
me voilà bouleversée devant ces lignes que tu m'as envoyées, et qui transpirent à la foys l'amour et la tristesse. Ces mots que tu as tracés comme un cri m'ont atteinte en pleine asme, plus encor que tu ne peux l'imaginer.
En effet, je souffre d'un mal étrange qui me torture sans relasche d'une façon que je n'aurois oncques cru possible: j'oublie tout, mais systématiquement tout, d'une minute à l'autre, si bien qu'à chaque instant qui passe, c'est comme si je me réveillois d'un long sommeil sans savoir ni où je suis, ni ce que je fais. Je ne conserve aucun souvenir de cet attentat dont tu parles; la dernière chose dont je me souvienne entre ma vie d'avant et un présent toujours fuyant, c'est la colère que je laissai éclater en place publique, ce jour-là, je ne sais quand, il y a à peine cinq minutes pour moy.
Me voilà maintenant, en un lieu que je ne puys te nommer faute de savoir où il se trouve, seule dans une salle d'auberge inconnue. J'ignore totalement la raison pour laquelle je suis céans, j'ignore également si quelqu'un m'accompagne. Je suis en teste-à-teste avec ta missive, entièrement tournée, par la force des choses, vers ces phrases que tu m'as adressées et qui constituent mon seul lien avec un monde cohérent.
Dans la confusion totale où je t'écris, il m'est difficile de cerner avec précision les émotions qui m'encerclent, tant et si bien que devant ton aveu de fuite loin de ta soeur souffrante, je prends la décision de te pardonner cet abandon, au nom de l'amour. Nécessairement, j'aurai oublié dans un moment tout ce que je t'aurai dict, de mesme que ce que tu m'auras avoué. Néanmoins, je te prie de me le rappeler encor et encor, si le Très Haut nous accorde, dans Sa divine bienveillance, de nous retrouver un jour.
En espérant que cette missive te trouve heureux et en santé, je t'envoie, mon cher Erel, toute l'affection que mon esprit malade est encor capable d'exprimer.
Faict quelque part dans une auberge inconnue, en une date tout aussi inconnue.
Ta soeur Arielle
N'ayant guère ses sceaux avec elle, la comtesse se contenta de plier le parchemin, avant de retomber dans une lune où tout, jusqu'à son émoi, fut à nouveau balayé.
Lentement, le soleil fict son chemin par la fenestre, approchant de ses pieds en rampant sur le sol carrelé._________________
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