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Plus ne m'est rien...

Arnaut
...si Elle ne m'est plus.

La brise timide qui s'infiltre dans la suite matriarcale, à la faveur de quelques fenêtres laissées entrouvertes, vient caresser son visage d'éphèbe en devenir, que masque l'obscurité du soir tombant. Tapis dans l'ombre, un courant d'air plus affirmé fait frémir quelques mèches de sa tignasse châtain, couvrant ses yeux de cheveux épars.
Si ce n'est le murmure de ses pensées inaudibles qu'il se fredonne à lui-même, il n'émet aucun bruit, aucun son. Et ce sacrosaint sanctuaire qui est le repère de celle qu'il divinise à l'outrance, ce logis Comtal qu'il a été assez fou pour profaner de sa présence sacrilège et anonyme, n'est animé que par le crépitement d'un foyer encore discret à cette époque de l'année, et par le bruissement d'une plume qui s'en vient effleurer de son bec acéré quelque vélin officiel auquel sa mère voue tout son temps.

Une larme muette et orpheline roule le long de sa joue, pour venir mourir au coin de ses lèvres, qui s'imprègnent sans frémir de sa saveur salée. Il rage d'observer, d'épier ce tableau qui lui déchire le coeur. Il souffre de ne pas comprendre pourquoi Elle le délaisse, au profit d'une activité à ce point avilissante, à ce point ennuyeuse et dépourvue à ses yeux du moindre intérêt.
Il ne voit bien souvent sa mère qu'en rêve, ou lors de ses retraites -trop courtes- à Ségur. Il ne peut que se souvenir de son tout jeune âge, des nuits passées dans les bras de cette mère qui est son seul parent, et dont l'absence chaque fois un peu plus prononcée et prolongée lui insuffle le sentiment cruel d'être au fait orphelin.
Elle si forte, si impénétrable, insondable au regard du jouvenceau qu'il est devenu. Elle inébranlable, indépendante au point de ne pas espérer d'époux, malgré le poids qui pèse sur ses épaules, et auquel elle ajoute des charges toujours plus encombrantes. Elle qu'il croyait connaître et aimer, lorsque son regard imprégné de tendresse et de la naïveté de son enfance croisait le sien. Elle qu'il perd peu à peu, à mesure qu'il grandit, comme si elle voulait s'éloigner, se protéger de lui.

Ne vois-tu pas, mère, que je suis toujours l'Enfant ?

Il est toujours le même, mais elle ne peut le voir, tant pour lui elle ne le regarde plus. Et elle a changé, se réfugiant dans son office, dans l'absence et l'éloignement, dans une solitude qu'il imagine tantôt terrible, tantôt peuplée d'amants qu'il hait autant qu'il a pitié d'elle. Que sont-ils devenus, Elle et lui ? Qui est désormais sa famille ? Qui va l'aimer s'il n'a plus de mère pour le protéger ?


Mère...

Une nouvelle larme. Ses petits poings se sont serrés, ses yeux se sont embués. Il sent sur ses épaules le poids de la fatigue, d'une lassitude qu'il ne s'explique pas, et qui décuple lors des visites furtives et trop souvent écourtées de sa mère. Il sent dans son coeur une dangereuse synergie, la naissance du fruit de sa frustration, de son incompréhension, de sa tristesse et de sa colère : une rage folle, blanche, contre cette mère qui l'abandonne, contre ses soeurs déjà si femmes et si distantes, contre ses précepteurs, ce château, et tout ce que ce monde lui refuse ou lui impose.
Son regard émeraude se voile de fureur, son visage déjà livide pâlit davantage.
Un fort courant d'air chasse ses cheveux au vent. Il n'y prête déjà plus attention.


Mère...

Sa voix s'est brisée en un sanglot à peine audible, et très vite réprimé.
Un Malemort enrage, un Malemort se bat. Il ne se plaint pas, il ne s'effondre pas. Il le tient d'Elle, de son exemple, de son enseignement.
Et ce soir c'est contre Elle qu'il veut se battre. C'est à Elle qu'il veut faire face.


Mère !

Sa voix soudain s'est teintée de la rage, de la fureur déraisonnée et démesurées qui se sont emparées de tout son Etre. Il fixe droit devant, à travers un écran de buée, cette silhouette que la colère déforme, et que la lumière des bougies projette sur les murs sombres de l'appartement.
Ses ongles s'enfoncent dans ses paumes.
Un geste brusque part, presque contre sa volonté. Un bruit de verre brisé, et une multitude de débris qui s'éparpillent à ses pieds.
Il a passé sa rage sur le premier objet à sa portée, pour attirer son attention, comme si l'intonation avec laquelle il l'avait interpellée n'avait pas suffit à révéler sa présence nocturne et coupable.
Mais il n'en a que faire, à ce stade, à ce degré. Il est en rage, il la hait, il la vomit et la voudrait morte plutôt que vivante et loin de lui. Et il veut le-lui faire savoir, quels que soient les conséquences.
Un Malemort ne se soucie guère de la portée, rien n'entrave sa volonté.
nebisa
La nuit depuis longtemps est tombée, le Castel, dans la journée bouillonant d'activité semble un palais oublié du temps, les domestiques ont gagné leurs paillasse pour voler quelques heures de repos, eux, les premiers levés, les derniers couchés, du moins le croient-ils... La Malemort, penchée sur les livres de comptes examine les derniers bilans laissés à son intention par l'intendant général sur les travaux à entreprendre cet hiver dans ses différents domaines, sur le fruit des récoltes estivales et le rendement des bêtes... Une saine gestion ne se fait pas sans attention et si l'homme est de confiance, elle entend bien demeurrer vigilante. Ségur rapporte, sa terre est riches, ses paysans bien gras . Chabriéres tire sa richesse de sa forêt, ses arbres réputés pour donner les meilleurs bois et pour le gibier, tribu des chasses comtales, devenues rares et dont les serfs jouissent du privilége de pouvoir abattre trois lapins chaque mois par feu et un gibier par hameau chaque saison... mais vient en suite Lussac, la seigneurie léguée par son regrettable époux, dot de son héritiére et longtemps laissé en jachére... la petite seigneurie a couté bien de l'investissement et le fruit de ces soins jaloux semble donner ses premiers résultats, les bourgeons au printemps donneront de beaux fruits, car la Malemort a décidé d'y développer les vergers de pruniers, qui iront en suite alimenter la distillerie de Chabriéres notamment... plus loin, moins couteuse, Sigloy, terre orléanaise et refuge prés de Paris, dans le giron de son vassalsuzerain et, par chance, s'avére prospére...

Lasse déjà, depuis de nombreuses heures, mais ne pouvant aspirer au repos sans que l'épuisement ne soit total et le travail accomplit dans son entier, la Comtesse, à la lueur de sa chamdelle achéve le rapport qu'elle délivrera à l'intendant "dégager la route à la sortie du bourg et nettoyer les douves du Castel avant la saison des pluies", "rénover le pont conduisant au manoir de Chabriéres", "prévoir de réparer les fuites de l'étable de Lussac et agrandir le logis seigneurial en prévoyant l'ajout de cheminées dans les chambrées du Nord" ainsi passent les heures, les minutes, sans que rien ne lui signale qu'un observateur fuit, lui aussi, l'étreinte de Morphée, la scrupte, attend d'elle un signe, une attention, un geste pour combler les peines de son jeune coeur... Il aurait suffit qu'elle se soustraigne à son parchemin pour éviter qu'une plaie nouvelle ne s'ajoute à celles qui peinent tant à cicatriser, il aurait suffit d'un moment de distraction mais... toute à sa besogne harassante, la Malemort est passé à coté, une fois de plus, de cet appel...

Ce n'est finalement que le bruit du verre qui explose qui lui fait lever la tête, sursauter, s'affoler déjà et croiser le regard fermé de son fils, comprenant par là même qu'une nouvelle scéne douloureuse s'annonce...


Arnaut ? Pourquoi n'es tu pas couché à cette heure ?

Plutot que de reproche, il s'agit de surprise, mais le résultat est le même. Se levant pour examiner les vestiges de ce qui fut une bonne bouteille de prune issue de sa réserve personnel, elle grimace et s'avance, incertaine, pour prendre l'enfant, encore presque enfant aprés tout, par la main.

A une époque, déjà, il se glissé dans ses draps la nuit et elle feignait de ne pas s'en apercevoir pour ne pas avoir à l'en chasser, arguant de son âge et de la raison qu'il devait acquérir, pour l'étreindre contre son coeur entre ses bras, comme font les loups, l'hiver pour se tenir chaud... mais jamais, alors, il n'avait cette mine fermée, si semblable à celle de son pére, au point que son coeur se serre en croyant voir se superposer au visage enfantin d'Arnaut, celui jamais disparru de Bralic.


Attention ou tu mets les pieds... Ne vas pas te blesser...

Voeu pieux s'il en est, comment ce verre le pourrait blesser plus qu'il ne l'est pas l'absence, ce poison sans reméde et dont souffre chacun de ses enfants à des degrés différents... Une réalité qu'elle feind d'ignorer pour ne pas s'avouer les conséquences de ses choix de vie, car, depuis longtemps ce n'est plus par nécessité qu'elle oeuvre, qu'elle travaille, mais par passion, pour repousser ses limites et fuir de l'avant l'image désespérante d'une femme incapable de s'attacher un foyer sur et serein, incapable d'être épouse et gardienne du foyer, incapable d'être autre chose que "la Malemort". Alors, certes elle se console, se disant qu'elle offre à ses enfants la protection d'un grand nom, la fortune, l'opulance et une éducation qui leur ouvrira les portes que leur naissance pourrait leur fermer, mais, à 10 ans, qu'en a-t-on à faire quand on ne voit qu'une chose... que sa mére ne reste jamais plus d'une semaine prés de soit ? Et face à cela, elle, qui a réponse à tout, ne peut se dérober.
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Arnaut
"Arnaut ? Pourquoi n'es tu pas couché à cette heure ?"

La voix mélodieuse et douce de sa mère résonne à ses oreilles juvéniles, comme l'écho douloureux de cette époque révolue qu'il souhaite si ardemment retrouver. Au lieu de la colère et des reproches qu'il pensait y trouver, il n'y perçoit qu'une pointe de surprise, et ce qu'il identifie pour être du désappointement.
Ses poings se serrent davantage, ses ongles s'enfoncent dans ses paumes. Au sang.
L'indifférence, cette posture distante et détachée qu'elle adoptait là et qui était bien trop souvent sienne vis-à-vis de sa progéniture, n'était rien d'autre à ses yeux d'enfant jaloux et délaissé qu'un aveu de désaveux, un certificat d'abandon qu'elle contresignait là de ce regard impénétrable et même pas empreint de la plus infime trace de colère, de pitié ou de peine, d'un sentiment qui soit étranger à leur quotidien, qui soit autre que ceux qu'elle se bornait à éprouver même dans son plus intime cercle familial. Il ne méritait même pas cela, l'exception d'une entorse à la règle, celle qu'elle s'était imposée pour se défendre du monde et de tout ce qu'il avait d'atroce et de redoutable.

A cet instant il aurait aimé la frapper, la mordre, la lacérer pour la blesser à mort, la secouer jusqu'à ce qu'enfin elle réagisse comme il l'espérait, comme il l'entendait. Mais il n'en trouvait pas la force, certain d'être balayé d'un revers dédaigneux de la main, et de s'en retrouver livré à sa solitude et à sa frustration. Il voulait qu'elle parle, il voulait qu'elle hurle, qu'elle pleure toute les larmes qu'elle s'interdisait, et qui coulaient désormais en silence le long de ses joues roses. Qu'elle parle pour dire tout ce qu'il voulait lui avouer, qu'elle hurle pour clamer tout ce que ses dents serrées par la peine et la rage l'empêchaient de dévoiler, qu'elle pleure pour lui prouver enfin que sa peine, que ses peines étaient aussi siennes et que, comme avant, la mère et l'enfant ne formaient qu'un seul Etre.
Mais au lieu de ça, elle lui faisait face, stoïque, indécise. Et lui tremblait de tout son corps, vibrait de tout son être des émotions qui le submergeaient, qui balayeraient bientôt cette pièce comme le tumulte d'une bataille peut balayer une ville. Mais elle n'était qu'une silhouette pâle, de plus en plus difforme à ses yeux embués. A peine un cadavre, tout juste un fantôme, que sa peine, ses larmes et sa haine, dont les débris de verre qui jonchaient le sol à ses pieds étaient la plus criante victime, effleurait à peine, dans sa stricte réserve de femme du monde.
Ne voulait-elle être que cela, même pour lui, une femme du monde ?

Qu'elle aille au diable, avec sa voix mielleuse et ses intentions prévenantes. Ce n'était pas ce qu'il attendait. Ce n'était pas la réponse à sa peine, infinie en cette minute. Il n'était pas une petite chose fragile et pathétique qu'il fallait garder de laisser s'écorcher, au risque de devoir le cajoler davantage encore, plus que de coutume. Il était son fils, le fruit de ses entrailles, et le sang qui coulait déjà de son pied posé sur un bout de verre acéré était le sien, le sang de la Malemort, le vin de la mesnie qui dessinait des méandres de son maigre filet une figure de colère sur le sol de ses appartements.

Il fit un nouveau pas en avant, au son de sa voix, prêt à bondir, tel l'animal blessé. Grimaçant à peine de ressentir pour la première fois combien la plante de ses pieds pouvait être fragile et combien une lacération pouvait être douloureuse, il déserra un instant les dents, refluant les larmes, les haut-le-coeur et tout ce que cette situation avait d'insurmontable pour lui. Il allait laisser couler d'eux-mêmes tous les mots, incohérents, désorganisés, injustes et injurieux qu'il avait sur le coeur, sans jamais s'arrêter il allait l'abreuver de sa colère, de sa peine, l'inonder de reproches, l'incendier jusqu'à ce qu'elle périsse dans les flammes, et que lui-même soit complètement consumé par la rage à laquelle il allait laisser libre cours. Son petit coeur, son esprit pas-si-naïf d'enfant désorienté ne voyait que cela, en cet instant. La colère, la peine, la fin. La guerre. La guerre qu'il voulait faire à cette grande dame, qu'il ne voulait que Mère et qui ne semblait plus vouloir de lui pour fils.
Mais en lieu et place d'une fielleuse et brillante diatribe, d'un incendiaire discours qui aurait laissé la Malemort au sol, sans voix ni espoirs, sans vie en somme, il ne parvint qu'à bafouiller, pathétique, désarçonné soudain d'avoir croisé un regard qui semblait enfin laisser transparaitre tristesse et lassitude dans les yeux de sa mère :


Tu... vous... je...

Elle esquissa vers lui un geste de tendresse protectrice.
Tel un petit louveteau apeuré, un animal acculé qui a dépassé la colère et qui a laissé choir son instinct de survie pour laisser le désemparement et la détresse s'emparer complètement de lui, il fait un pas en arrière, nerveux et maladroit.
Aveugle, son talon s'écrase sur un autre bout de verre.
Hurlement de douleur. Il est déséquilibré par ce brusque retour à la réalité. Un regard pour sa mère, quelques grotesques moulinets de ses bras pour tenter de retrouver un semblant d'équilibre et... c'est la chute, sur son séant qui émet un son mat, bien que sa chute ait été amortie par une multitude de débris de verre, sur lesquels ses mains sont venues se poser, dans un imbécile réflexe.

Une seconde de flottement. Dans cette posture, il se trouve bien ridicule. Et il réalise en un instant tout ce que la situation, qu'il a lui-même voulue et engendrée, pourra avoir de conséquences. Et il se maudit de son audace, appelant d'un sanglot le retour en arrière, à la normale. Tant pis pour la frustration, il donnerait tout pour ne jamais être venu là, pour ne pas se trouver au sol, adressant à sa mère un regard muet.
Elle qui le domine, qui s'approche pour le relever. Elle qui le regarde de ses grands yeux, captivantes étoiles qu'il a tellement chéries. Elle qui est la cause de tout cela, et qu'il va implorer d'un sanglot, réclamant son pardon et l'asile de ses bras, comme lorsqu'il était enfant, qu'ils ne faisaient qu'un...

Enfant... qu'un... cause de tout cela...

Au lieu d'un sanglot, qu'il ravale rageusement, c'est un cri qui s'échappe de sa gorge, aussi terrible que celui d'un louveteau pris au piège, qui se reprend enfin, et qui s'égosille contre ses assaillants, espérant les effrayer, les chasser comme le feraient ses aînés. Il rugit. La rage reprend ses droits.


Tout cela est de votre faute. Tout. Vous ne pensez qu'à votre petite personne, à ta gloire, à ta renommée à laquelle vous vous donnez toute entière. Garce ! Je te hais ! Je te hais !

Il hurle à s'en rompre les cordes vocales. Sa gorge le brûle.
Il alterne tutoiement et vouvoiement, usages privés et publics, dans son atroce confusion.


Et d'abord, tu n'es qu'une catin immonde, qui n'a donné de père à aucun de ses enfants. Tu me dégoutes, sorcière ! Gourgandine ! Tout cela est de ta faute ! Tout ! Et je vous déteste ! Vous n'êtes plus ma mère ! Tu n'es plus rien ! Plus rien !

Un geste brusque et rageur du bras. Il envoie les morceaux de verre qui l'entourent aux quatre coins de la pièce, comme un enfant barbotant dans l'eau frappe sa surface pour manifester son mécontentement.
Il crache là des mots qui ne sont pas siens, qu'il a appris au contact des enfants du bourg, et qu'il n'aurait jamais imaginé dire, hurler, surtout pas à elle, cette matriarche toute-puissante qui était depuis toujours sa seule figure d'autorité.


Pars ! Va au diable, c'est là que tu as ta place. Retourne dans ton palais ! Retourne à tes courtisans, à ton Roy, à Paris. Je ne veux plus jamais vous voir ! Je vous déteste ! Je vous...

Sa voix s'étrangle en un sanglot terrible. Il se recroqueville, la tête dans ses mains, à bout de force. Il voudrait disparaitre, disparaitre et s'endormir, se reposer enfin, retrouver le réconfort rassurant des bras de sa mère... De sa mère qui, il en est sûr, est déjà loin, l'a déjà oublié, le hait, le déteste, le méprise sûrement, le punira, le chassera, le...
Il s'échappe de sa gorge des râles pathétiques. Il se laisse choir davantage encore, se couche au sol, roulé en boule, en position foetale. Peu importent les bouts de verre qui lui piquent la peau, peu importe ce frisson qu'il ressent, comme s'il se trouvait soudain mis à nu. Peu importe le Tout, peu importe le Monde.
Plus ne m'est rien, si Elle ne m'est plus...
nebisa
D'un regard, d'un mot, d'un geste, incisif, cru et froid, elle savait réduire à néant ceux qui osaient se mettre en travers de son chemin, porter atteinte à sa personne, défier son autorité. En une phrase elle sonnait le glas d'une réputation, frappait là ou celà faisait le plus mal et, bien souvent, ses bons mots passaient de lévres en lévres, se répandant dans Paris pour détruire crédibilité et réputation de la victime du jour, quel que soit son rang ou sa fortune...

Au delà des paroles, avec le temps et l'entrainement, elle avait développé une certaine puissance dans l'art de donner des giffles, certains avaient arboré plusieurs jours d'affilé une empreine de sa main sur la joue, ou griffer en profondeur... on ne joute pas, on ne porte pas l'épée sans bénéficier d'une certaine endurance... et pour palier au manque de force physique inérant à sa nature femmelle, elle comptait sur la vivacité de ses mouvements et l'audace des coups qu'elle portait...

Vive d'esprit et de corps, elle avait, en sus, renforcé son coeur pour le rendre intouchable, hermétique au point qu'on la croit froide et sans coeur, de l'extérieur... rares, si rares, ceux à pouvoir faire ses larmes, rares, si rares, ceux par elle chérit... si cruels aussi...

Tandis qu'elle sent la douleur si familliére irradier dans son corps, parallélement à calvaire bien connu, son esprit analyse...

Arnaut à son tour entre dans l'âge adulte... celui ou de chérie et aimée, la mére devient cible honnie de reproches à la fois injustes et justifiés, moment ou l'enfant se construit en la détruisant... Bien sur, il ne pense pas ce qu'il dit, bien il s'en excusera, mais celà fait mal malgré tout...

Muette, saisie, en proie au vertige coutumier de l'appréhension, elle n'arrive pas à endiguer le flot de ses paroles, à faire saiser ce flot de reproche... un pas vers lui, vers ce boureau fait de sa propre chair, forgé de son sang et de sa peine... un pas tandis que son sang se répend, un pas tandis qu'elle voudrait le faire taire, le serrer contre son sein, le frapper pour qu'il se taise, l'embrasser pour qu'il l'aime à nouveau, lui dire ce qu'il veut entendre, lui dire ce qu'elle éprouve...

Ses plaies à lui saignent à l'extérieur, elle... elle saigne à l'intérieur, depuis si longtemps qu'elle en vient à considérer cette douleur comme faisant partie d'elle, entiérement, totalement, irrévocablement... Et pour l'occulter, il lui faut une cause, une mission, une quête à laquelle se dévouer...

Sans un mot, elle s'avance, s'agenouille prés de son enfant, son petit garçon, qu'elle prend dans ses bras avec une impérieuse douceur qui ne lui laisse pas le choix, quand bien même il le voudrait, de se rebeller... Forçant sa tête à se blotir contre son épaule, elle passe une main dans ses cheveux, écartant les méches sombres de ses tempes à la peau si claire, pour y poser doucement ses lévres, comme jadis, quand, en proie aux cauchemards de son âge, elle chassait les ombres nocturnes d'un baiser.


Arnaut... J'aurais beau partir, je reviendrai toujours ici, ou ailleurs, vers toi, vers nostre famille... Tu le sais n'est ce pas ? Je vous emporte dans mon coeur, ou que j'aille...

Au début de l'histoire, elle avait du travailler, pour nourrir ses enfants, pour les protéger... Avec la reconnaissance, la noblesse, était venue la fortune... depuis longtemps, la menace de la famine, de le misére avait disparru, le spectre de la ruine n'était guére inquiétant non plus, palliant ses carences en économie par une gestion saine et appuyée d'intendants dévoués... depuis longtemps, ce n'était plus pour les rentes qu'elle oeuvrait, mais pour elle... car la Malemort savait, elle avait bien retenue sa leçon... sa vie personnelle ne serait jamais que ruine et solitude... Ses enfants allaient grandir et partir, un jour, c'est seule qu'elle arpenterait les nombreuses piéces de ses castels, seule qu'elle parcourait les allées de ses jardins, seule... alors ce jour là, si elle voulait ne pas sombrer, définitivement, elle aurait besoin d'avoir toujours sous la main un travail acaparant...

Mais ça... elle ne pouvait l'avour aux siens, elle devait les protéger, préserver le peu d'enfance qu'il leur restait...


Je n'aime pas que tu te mettes dans ces états là, mon chéri... Te voilà en sang... et tu seras, bien sur, puni demain... mais d'abord... Regardes moi... Garce ? Catin ? Quel est ce langage ?

Prenant sa main dans la sienne, elle observe la paume entaillée de la menotte infantile... Ces sillons sanglants... ce sang, son sang, qui coule et la douleur qu'elle ressent, croissant, débordant en elle...

Une larme unique vient glisser sur sa joue et elle soupire, presque imperceptiblement...


Il y a peut être de la garce, de la putain, de la sorciére en moi... Mais je te jure, pour toi, pour tes fréres et tes soeurs... je voudrais être meilleure, être une meilleure mére... mais je ne suis que moi et je fais de mon mieux... comme nous tous... Tu le comprendras un jour, je l'espére... En attendant, tu ne dois jamais oublier, jamais douter, je t'aime infiniment, sans nuances et sans qu'il puisse en être autrement. Comprends tu ce que cela signifie ?
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