Abraxes
Il était revenu sur les lieux du crime. Enfin, si tant est qu'il y eût eu crime, par omission peut-être, par désertion sans doute, par horreur des complications évidemment comme tout mâle normalement constitué (constitué d'un tiers de bon sens, d'un tiers de lâcheté et d'un tiers d'attrait pour les voyages au long cours). L'endroit était tel qu'en lui-même l'éternité le conservait. Il y avait bien quelques miettes ici et là
Traces de convives déjà repartis
Ou des petits poucets que l'Ogre avait mangés avant qu'ils n'aient pu retrouver leur chemin ?
En tout cas, lui avait d'instinct remis ses pas dans ses propres empreintes effacées mais toujours présentes impalpables sous le semblant boueux du sol. De retour des lointains de la verte Irlande, de retour du port populeux de Vannes, de retour encore et toujours, mais comment recoller les morceaux du passé ? Il aurait fallu plus de talent que n'en avait le petit paysan, même poussé en graines et devenu capitaine, d'armée ou de bateau ou Capitaine d'Anjou, pour expliquer à une fragile enfant de Saumur qu'il avait, pour un drame passionnel qui la dépassait en l'impliquant, préféré larguer les amarres pour limiter la casse, même s'il savait qu'elle lui en voudrait et ne comprendrait pas. Mais qu'y avait-il à comprendre, sinon qu'elle attendrait toujours de lui plus qu'il n'était en mesure de donner, comme il ne s'en était jamais caché ? Et qu'un impossible trio d'amitié ne peut perdurer sans que l'un des angles n'explose à l'improviste en une géométrie ravageuse ?
Ainsi l'orage avait grondé, mais le dolmen était imperturbable. Demain, encore, Abraxes serait reparti, il y avait une mairie à reprendre, une mort à recevoir ou donner peut-être, une taverne laissée à une tavernière mal consolée. Incertitudes. Mais le dolmen était stable, le dolmen était rassurant.
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Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)
En tout cas, lui avait d'instinct remis ses pas dans ses propres empreintes effacées mais toujours présentes impalpables sous le semblant boueux du sol. De retour des lointains de la verte Irlande, de retour du port populeux de Vannes, de retour encore et toujours, mais comment recoller les morceaux du passé ? Il aurait fallu plus de talent que n'en avait le petit paysan, même poussé en graines et devenu capitaine, d'armée ou de bateau ou Capitaine d'Anjou, pour expliquer à une fragile enfant de Saumur qu'il avait, pour un drame passionnel qui la dépassait en l'impliquant, préféré larguer les amarres pour limiter la casse, même s'il savait qu'elle lui en voudrait et ne comprendrait pas. Mais qu'y avait-il à comprendre, sinon qu'elle attendrait toujours de lui plus qu'il n'était en mesure de donner, comme il ne s'en était jamais caché ? Et qu'un impossible trio d'amitié ne peut perdurer sans que l'un des angles n'explose à l'improviste en une géométrie ravageuse ?
Ainsi l'orage avait grondé, mais le dolmen était imperturbable. Demain, encore, Abraxes serait reparti, il y avait une mairie à reprendre, une mort à recevoir ou donner peut-être, une taverne laissée à une tavernière mal consolée. Incertitudes. Mais le dolmen était stable, le dolmen était rassurant.
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Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)