"Plus vite !"
Anthony appuya sa dague sur le coup du garde qui ouvrait la grille. Il traînait de trop et, à ce rythme, l'autre imbécile pourrait même trouver une manière de contrer son plan.
Le brigand ne le lâchait pas des yeux, lui affichant perpétuellement un sourire satisfait. Il paraissait bien trop ahuri pour trouver quoi que ce soit.
"Mais dépêche-toi, bon sang !"
Anthony se tourna vers son prisonnier et lui asséna une gifle de son bras libre. Simplement, celle-ci ne fut rien à côté du coup que le drôle reçut sur le crâne. Prenant soin de parsemer autant de dégâts que possible, il frotta, en tombant, sa lame contre la gorge de celui qu'il avait tenu en respect, avant que tout le corps du malfrat ne s'écrase bruyamment sur le sol.
Mais le jeunot faisait du zèle, et ne semblait pas vouloir s'arrêter de frapper. Si bien que, Anthony, bien qu'il fut parfaitement conscient de tout, n'arrivait plus à bouger un seul muscle.
L'homme le traîna jusqu'à sa cellule sans difficulté : l'agilité d'Anthony nécessitait de sa part un corps svelte et léger.
Alors, étendu sur le sol poussiéreux de cette cellule glaciale, Anthony entendait une grille s'ouvrir, puis se fermer, le laissant sans aucun soin, dont il avait pourtant besoin.
Amorphe, le brigand regardait ce qu'il pouvait voir, le plafond, couvert d'araignées, qui sentaient le repas consistant bientôt prêt.
Il entendait, au dehors, par la minuscule fente qui faisait office d'ouverture dans sa cellule, l'agitation du marché, tous les bourgeois, les serviteurs, les commerçants, qui jamais ne sauraient la présence d'un mort sous leur pied.
Il voyait, déjà, la fausse commune, seul repos qu'il pouvait espérer. Lui, qui, jadis, avait été la terreur des chemins, finirait, comme le vulgaire mendiant, jeté tel un malpropre parmi d'autres cadavres puants, comme s'il pouvait discuter avec eux.
Alors qu'une araignée, descendant au bout d'un fil de sa confection, s'approchait, menaçante, de plus en plus de lui, Anthony sentit ses paupières se fermer, ses sens s'adoucir, sa respiration ralentir ...
Tout s'arrêtait. Il avait toujours été curieux de ce qui se trouvait de l'autre côté. Toutes ses victimes désireraient-elles se venger ?
L'acclameraient-elles, heureuses d'avoir reçu, grâce à lui, un prétexte pour arriver au paradis ?
Lui qui avait tué, massacré, torturé, violé, serait-il reçu près du Très Haut, ou serait-il exilé vers la Lune ?
C'était pour ça qu'il craignait la mort. Il savait bien que, jamais, il ne se reposerait.
Il n'avait jamais trop cru en la religion, malgré son baptême précoce. Il croyait en l'existence du Très Haut, mais beaucoup de détails restaient, pour lui, superflu.
Lui qui ne savait pas lire, avait souvent entendu prières et allégations lorsqu'il s'apprêtait à tuer. Il trouvait cela pitoyable, au fond. Comme si cela allait les sauver de la mort ...
Mais, lorsque tout espoir fut perdu, et, avant que son souffle ne s'arrêta totalement, on pu distinguer un léger fourmillement dans les lèvres du manant.