[RP] Une charrette - Quatre mômes - les grands !

Le jour du grand départ était enfin arrivé. Elle allait encore une fois, laisser derrière elle ses nouveaux amis. Pourtant, elle savait qu'elle reviendrait bientôt a Chinon. Elle y avait sa vie et surtout son dispensaire ... Elle qui n'avait pas voulu suivre les traces de son père, s'était lancé dans une herboristerie. Elle regardait la petite bourse qu'elle avait dans les mains, pas grand-chose au vu de ce qu'elle avait avant ... Mais suffisamment pour louer deux chevaux qui remplacerait la mule de Lervia ...

Leur voyage allait être long, alors il valait mieux, ne pas le rallonger encore plus avec une mule qui n'avançait pas. Le détour qu'ils étaient obligés de faire ne l'enchantait pas plus que cela, mais ils n'avaient pas le choix à cause des troubles qu'il y avait en Touraine et surtout le Berry. Pour se rendre à Castres, ils allaient faire un grand détour ...

La voilà devant la charrette de Lervia où avait été atteler les deux chevaux. Elle vérifia que les provisions pour le voyage étaient bien là. C'est qu'il en fallait pour nourrir sept personnes et quatre enfants mangeaient beaucoup ... Cela lui faisait une drôle d'impression d'être avec des enfants. Elle qui n'avait pas eu la chance de porter celui de Reyan ...

Elle s'installa sur le banc de devant et ainsi elle serait à côté de Lervia qui mènerait leur convois. Lilo resterait avec les enfants puis quand elle ne les supporterait plus elle irait à l'arrière et Lilo devant ... Elle attendait ses compagnons avec un pointe d'impatience. L'excitation du voyage se faisait ressentir ...

Vous venez ?!! Je suis prête ...

[Départ de l'Auberge - Adieux Chinon!]


Charlyne

- Tadaaaa ! Qu'est-ce-que vous en pensez ?

Lilo fit un tour sur elle-même pour se faire admirer, sous le regard désespéré de sa dame de compagnie. Elle portait une paire de braies usées et une chemise blanche en coton grossier, tenue très inappropriée pour une jeune noble. Ses cheveux sombre étaient noués en une longue tresse, d'où s'échappaient quelques mèches indisciplinées, ce qui ajoutait à son aspect négligé. Amusée, elle attendit la réaction de Charlyne en plongeant ses mains dans ses poches d'un air nonchalant. Son geste provoqua le lâché d'un soupire et un froncement de sourcil.

- J'en pense que c'est d'un ridicule! Rappelez-moi, pourquoi on doit faire ça au juste ?

Assise sur le bord du lit, la jeune femme observait Lilo d'un air désapprobateur. Elle-même avait du se changer pour vêtir une tenue de moindre qualité. Elle portait une jupe marron dont l'étoffe épaisse et rêche au toucher lui grattait les mollets à chacun de ses mouvements et l'exaspérait au plus au point. Avec ses gros sabots aux pieds, elle ressemblait à une paysanne, ce qui la mettait mal à l'aise, alors que la brune semblait s'en amuser grandement.

- Nous sommes en période de conflits. Il ne fait pas bon de voyager par les temps qui courent. Mieux vaut que nous nous fondions dans la masse plutôt que de nous promener en tenues coquettes.

Oui elle n'avait pas tord sur ce point là. Il valait mieux ça plutôt que de se faire dépouiller de son or. Un peu plus tôt dans la matinée, elles s'étaient rendues chez une amie de confiance, à qui elles avaient confiées les tenues aux étoffes soyeuses et les quelques biens de valeurs qu'elles possédaient. Il serait toujours temps de venir les récupérer plus tard. Une fois en Bourgogne, elles s'installeront du mieux qu'elles pourront et dès que les tensions auront pris fin, elles feront venir à elles ce qui leur manquerait.

- Allez! C'est parti!

Son baluchon balancé sur l'épaule, Lilo se dirigea vers la porte d'un pas décidé. Charlyne soupira une nouvelle fois et attrapa son paquetage qui trainait sur le lit à coté d'elle. Se levant, elle emboita le pas à la brune.

Une charrette chargée les attendait dans la rue à quelques pas de l'auberge. A coté d'elle, la jeune herboriste semblait trépigner d'impatience. En la voyant, un sourire se dessina sur les lèvres de la brune. Elle était heureuse de faire ce voyage en sa compagnie ainsi que celle de Lervia et ses enfants. Il y aurait de l'animation et, ainsi, l'angevine ne se retrouverait pas seule en compagnie de Charlyne qui n'aurait probablement eu de cesse de lui rabâcher les oreilles sur sa conduite, sa façon de se tenir ou de parler en public. A n'en pas douter, elle lui aurait également reproché d'entretenir une relation avec un "gueux", qu'elle aurait préféré voir mourir sur le champ de bataille plutôt que de trainer autour de Lilo. Mais, à ce niveau là, Charlyne pouvait dire ce qu'elle voulait, la brune n'écoutait que d'une oreille ses conseils avisés. Heureusement que sa dame de compagnie ne savait pas qu'elle avait son avorton niché dans le bidon. Elle aurait été scandalisée. Quelle satisfaction elle devait tirer de savoir que l'angevin ne les accompagnerait pas durant ce voyage! A cette pensée, un nouveau sourire amusé franchit les lèvres de Lilo. Peut-être les rejoindrait-il plus tard? Elle n'en savait rien.

Derrière elle, des ronchonnements discrets piquèrent sa curiosité. Elle jeta un regard discret à Charlyne, qui marchait à quelques pas en retrait. Elle semblait maugréer après son barda. Retenant un rire, la brune reporta son attention sur l'herboriste et la salua d'un sourire.

- Nous voila! On est prêtes!

Elle se tourna ensuite vers la charrette et y envoya valdinguer son baluchon. Celui-ci ne contenait que quelques vêtements de rechange. Débarrassée de son chargement, elle se tourna vers les deux jeunes femmes qui ne se connaissaient pas encore.

- Brigide, je vous présente Charlyne ma dame de compagnie. Charlyne, voici Brigide, herboriste qui m'a procuré de bons conseils alors que j'étais souffrante.

La brune observa ensuite les alentours, pour voir si Lervia et ses enfants étaient en approche, mais elle ne vit personne. Ils n'allaient surement pas tarder à arriver. Ensuite, la grande aventure allait commencer! Elle avait hâte d'arriver en Bourgogne! Une nouvelle vie l'attendait là-bas et ce voyage marquait un tournant significatif dans son histoire.

Elle attendait assise sur la charrette, de temps en temps elle regardait derrière pour voir si elle voyait ses compagnons arriver. Elle vit enfin Lilo venir avec une jeune femme qui la suivait juste derrière et qui n'avait pas l'air très enchantée ... Arrivée à hauteur du chariot, elle lança son paquetage et fit les présentations ...

- Nous voila! On est prêtes!
- Brigide, je vous présente Charlyne ma dame de compagnie. Charlyne, voici Brigide, herboriste qui m'a procuré de bons conseils alors que j'étais souffrante.

Elle descendit du chariot et salua la dame de compagnie de Lilo. Un petit sourire discret se fit sur son visage, il ne devait pas être facile pour cette jeune femme d'être la dame de compagnie de Lilo ... Elle n'avait vu Lilo que peu de temps elle voyait en elle une femme qui savait ce qu'elle voulait et qui mettait tout en oeuvre pour l'obtenir ...

Dame Charlyne enchantée de vous connaitre, Lilo ravi de vous revoir, j'espère que vous allez mieux. J'ai prévu quelques plantes au cas l'un d'entre nous serait souffrant ...

Elle vit arrivé Lervia charger comme une mule, accompagné de quatre bambins. Il déposa tout son barda dans la charrette en prenant garde de laisser de la place pour les enfants et les deux jeunes femmes qui se retrouveraient à l'arrière. Après avoir salué les trois femmes, il fit les présentations avec ses enfants.

Laerlynna 9 ans, Théadosia et Florentin les jumeaux de 7 ans et enfin le petit dernier Ludéric de 4 ans. Comment allait-elle se souvenir de tous ses prénom ? Elle s'approcha de Lervia et l'aida à faire monter les enfants dans la charrette puis elle remonta à l'avant à côté de Lervia qui prit les rênes en mains ... Il attendit que Lilo et Charlyne soient installées ...

Si tout le monde est prêt, nous pouvons partir quand bon vous semble.
Bon ce n'est pas un carrosse, mais elle nous mènera loin ma charrette...

Avec un petit sourire qui en disait long sur ce petit voyage qui allait lui faire du bien, elle lança le départ du convois en direction d'Orélan ... Avec un peu de chance ils ne feraient pas halte à Tours et cela leurs feraient gagner du temps ...

Je suis prête ... Allons-y moussaillonnnnsss ...

Tout le monde était bien installé et Lervia avait mis le chariot en route. Comme lui, elle salua ses amis avec un pointe de tristesse dans le regard. Elle s'était attachée à eux, mais elle reviendrait bien vite près d'eux. Sa vie était ici maintenant ... La ville de Chinon s'éloigna petit à petit et la ville de Tours fut bientôt a porté de vue, mais ils ne firent que la traverser ...

Les rires et les babillages des enfants rythmait cette première journée de voyage qui se passa sans encombre. Lilo et Carlyne étaient plutôt silencieuse ... Une fois Tours passer la nuit commença à tomber et ils durent s'arrêter sur le chemin qui menait a Orléan, leur prochaine étape. Lervia arrêta la charrette et tout le monde pu se détendre un peu.

HOOOOOOO!!! Nous voilà a notre première pause damoiselles, allez donc vous dégourdir les jambes le temps que je prépare vos couches.

En grand chevalier servant, il aida tout le monde à descendre du chariot, il installa un campement de fortune pour que tous puissent dormir le mieux possible. Un feu fut allumé et sa chaleur fut la bienvenue. Elle alla chercher dans les provisions quelques épis de maïs qu'elle fit griller au-dessus du feu. Il y en avait assez pour tous. Quand ils eurent une bonne couleur, elle appela pour venir les déguster ...

Les maïs sont prêts !!! Venez manger pendant que c'est chaud !!! Avec la bonne soupe de Lervia, ce sera délicieux ...

La journée avait filée à toute allure, tout comme les lieux qu'ils avaient avalés dans la joie et la bonne humeur. La compagnie des enfants était agréable et lui faisait oublier les soucis qui hantaient son esprit depuis plusieurs jours. Ils avaient passé la journée à rire et s'amuser. Les jeux et les taquineries avaient plusieurs fois tournés à la dispute entre frères et sœurs, mais à chaque fois les éclats des voix s'étaient rapidement tus pour laisser place à de nouvelles badineries amusées ou des exclamations émerveillées par quelques détails du paysage qui les entourait. Leur présence apportait une bouffée de joie et de vitalité à la brune qui s'était laisser prendre au jeu durant l'après-midi et avait sortie de sa besace la poupée en maïs que lui avait offert la petite Lany avant son départ. Elle avait ainsi gagné la curiosité et l'attention des garnements qui s'étaient attelés avec fébrilité à la création de pareil personnage avec les fruits que Charlyne leur avait distribués pour le goûter. Durant quelques instants, l'arrière de la charrette s'était transformée en atelier de sculptures gourmandes, suivi d'une mise en scène théâtrale des poupées, qui se battirent aussi dignement que des guignols, avant de finirent englouties par les géants marmots. Oui, avec eux, la jeune femme n'avait pas vu le temps passer et, déjà, le soleil frôlait l'horizon.

Des fourmis commençaient à lui parcourir les jambes à rester ainsi assise à l'arrière de la charrette et c'est avec un soupire de soulagement que la brune rejoignit la terre ferme en s'agrippant à la main tendue de Lervia. Alors que celui-ci s'affaira à préparer leurs couches pour la nuit, elle entraina Charlyne avec elle, à la quête de petits bois qu'il pourrait utiliser pour allumer le feu de camp. Elle préférait laisser cette tâche à "l'homme de la situation" plutôt que de faire flamber leur carriole.

A présent, la petite troupe observait d'un œil avide les maïs qui grillaient au dessus des flammes dansantes. C'est que la route, ça creuse!

J'ai une faim de loup!... D'ailleurs, j'espère qu'il n'y en a pas dans les parages! J'aimerais pas qu'ils viennent nous lécher les pieds pendant notre sommeil. On en aura déjà bien assez avec les ronflements de l'ours!

Son regard perçant se tourna en direction de Lervia alors qu'un sourire taquin se dessinait sur ses lèvres.

Après un bon repas, le temps du repos arriva. Tout le monde pris place dans une couche, certains dehors et d'autres dans le chariot. Pour sa part elle dormit près du feu pas très loin de Lervia. Dormir a la belle étoile était une chose qui lui était plus ou moins étrangère, mais ce genre d'expérience lui faisait du bien et lui permettait d'oublier les souffrances de son coeur meurtri ...

Elle réussit a dormir un peu, le repos du guerrier comme dirait certains ... Elle fut réveillée par le froid, le feu s'était éteint et la rosée de la nuit était fraiche, presque gelée. Elle remonta la couverture de laine sur ses épaules, mais elle ouvrit les yeux pour voir les premières lueurs jours se lever. Elle soupira de plaisir et finalement se leva. Il fallait repartir au plus vite, ils avaient encore du chemin à faire ...

Sans trop de bruit, elle marcha jusqu'à une petite rivière pour faire un brin de toilette. L'eau glacée finie de la réveiller complètement. Elle en prit un peu pour les autres et revint près du chariot où l'agitation du réveil n'allait pas tarder. Ils allaient prendre la direction d'Orléan et y faire halte. Dormir dans un bon lit dans une auberge puis continuer ainsi de suite jusqu'à Cosnes où Lilo les quitterait ainsi que sa dame de compagnie ...

Elle allait finir le voyage seule en compagnie de Lervia et des enfants. Cela lui arracha un fin sourire. Lilo allait lui manquer. Quand elle l'avait rencontré dans son dispensaire, elle était loin d'imaginer qu'elle l'apprécierait autant. Les choix des uns et des autres étaient parfois difficiles mais nécessaire, elle ne savait pas si Lilo avait son choix, mais c'était le sien ... Et elle le respectait.

Pourquoi pensait-elle à cela maintenant ? Elle ne savait pas ... Peut-être parce que sa vie était faite d'incertitude ... Fini les pensées négatives, elle voyait le chariot. Avec un petit ricanement elle réveilla tout le monde ...

Aller debout tout le monde !!! C'est l'heure de se lever !!!

Ronchonnements de désapprobation. Une grimace se peignit sur le visage de la brune qui garda les yeux fermés et tira la couverture au dessus de sa tête, dévoilant ainsi ses pieds nus à la fraicheur de l'air. Elle se recroquevilla vivement pour échapper à la morsure du froid en grommelant à voix basse. Passer la nuit sous les étoiles ne l'avait pas dérangée. Elle s'était habituée à 'être logée sous cette enseigne durant ses nombreux voyages en compagnie du fou révolutionnaire et des âmes assez perturbée pour venir se joindre à leur duo déluré. C'est juste que la belle n'était pas matinale. Elle avait une sainte horreur des réveils pleins d'entrain et d'énergie!

Dans la charrette, les enfants de Lervia commencèrent à s'agiter en entendant les exclamation de Brigide. Quelle idée de beugler ainsi de bon matin! Ils étaient pas à la foire, non mais! A coté d'elle, Charlyne se redressa en laissant entrer un courant d'air sous l'épaisse couverture, qui s'était imprégnée de l'humidité de la nuit. Elle n'avait plus rien d'un nid douillet et chaleureux. Les premières hostilités de la journée furent lancées par le cadet de la troupe. En se déplaçant dans le chariot pour en descendre, il trébucha sur le corps allongé de la brune et s'étala sur elle de tout son long en lui enfonçant son coude dans les cotes. La jeune femme laissa échapper un grognement de surprise et de douleur en essayant de se dépêtrer du poids et de la couverture alors que la voix de Charlyne s'éleva à quelques pas d'elle:

- Ça va?... Fais attention! Tu vas nous la mettre de mauvais poil!

La tête brune émergea enfin à l'air libre et jeta un regard sombre au marmot. S'apprêtant à le réprimander, elle se ravisa en voyant son air penaud et les larmes qui menaçaient dangereusement de jaillir à flot. A terre, les bras reposant sur le bord de la charrette, Charlyne observait la scène avec de grands yeux qui voulaient dire: "Soyez gentille s'il vous plait". Se redressant sur un coude, Lilo adressa un sourire rassurant au gamin haut comme trois pommes.

- C'est pas grave! Mais à l'avenir, va falloir qu'on t'apprenne que c'est pas comme ça qu'on culbute les filles.

Sourire narquois en direction de la dame de compagnie, qui lança un regard courroucé à la jeune femme.

- Lilo voyons!

Aaah! Quel plaisir de la faire enrager de bon matin! La journée s'annonçait prometteuse!
La brune enfila ses chausses rapidement et descendit d'un bond du chariot avant de tendre les bras vers le marmot pour l'aider à rejoindre le plancher des vaches. Son frère et ses sœurs étaient déjà rassemblés autour de Brigide pour casser la croute avant de reprendre la route en direction d'Orléans.

Des mouvements commençaient à se faire entendre. Son réveille avait eu son petit effet et cela l'amusa. Il fallait dire que ces derniers temps, plus grand-choses ne l'amusaient ... Elle avait en quelque sorte perdue sa joie de vivre ... Dans la charrette ça bougeait et elle entendit ronchonné Lilo et ce qu'elle entendit après lui accrocha gravement les oreilles ... Se rapprochant du chariot les sourcils froncés elle tance son amie pour son langage de charretier vis a vis d'un enfant si jeune ...

Lilo !!! Mais enfin voyons ... Comment parles-tu as un enfant de quatre ans ? Regarde tu vas le faire pleurer ... Tu es vraiment impossible ...

Elle regarda son amie aidée les enfants à descendre du chariot avant d'aller allumer un feu pour le petit déjeuner. Le premier repas de la journée se passa sans autre anicroche. Quand tout le monde fut repu, le temps de départ était revenu. Le campement fut démonté et ranger. Les enfants courraient partout et il fallut l'intervention de leur père pour calmer ce petit monde ...

Quand tout le monde eut reprit sa place dans le chariot, le petit convoi reprit son chemin. Ils s'arrêtèrent tous a Orléans, une nuit dans une bonne auberge cela faisait du bien. Les journées se suivaient et se ressemblait ... Le voyage était tranquille et cela continua jusqu'à Cosnes où Lilo et Charlyne les quittèrent. Leur chemin se séparait dans cette ville de Bourgogne. Avec une émotion qu'elle n'aurait pas soupçonné. Ils se dirent adieux. Elle espérait la revoir un jour ... Si Aristote le permettait ... La boucle continuait d'être bouclé, là était le sens de sa vie ... Laisser les autres derrières elle ...

Entre Cosnes et Moulins, Lervia, les enfants et elle, durent dormir de nouveau dehors. Dès la nuit tombée, tout le monde était couché. La journée avait été longue et éprouvante et elle était tombée comme une souche. Pourtant, quelques heures plus tard, elle fut réveillée par du bruit. Un bruit se rapprochant, un bruit d'épée ferraillant l'une contre l'autre ... Regard inquiet pour voir si Lervia l'avait aussi entendu. Elle se leva sans faire de bruit pour ne pas réveiller les enfants. Elle sauta du chariot où elle s'était allongée pour voir d'où ce bruit venait ...

A pas feutrés, elle tendit l'oreille et écouta les bruits de batailles. Plongeant sa main dans le sac de peau qu'elle portait à sa ceinture, elle attrapa sa dague et le coeur battant avança ... Avançant jusqu'à un bosquet d'où elle put voir la scène qui se déroulait sous ses yeux. Deux hommes se battaient. Certainement un voleur de grand chemin qui avait pris pour cible un malheureux voyageur comme eux ... Surtout ne pas se faire remarquer. Éviter de faire le moindre bruit. La vie des enfants passait avant la sienne et pour cela, elle devait retourner au chariot pour que tout le monde lève le camp.

Attrapant le bas de sa houppelande, elle fit demi tour serrant sa dague aussi forte qu'elle pouvait. C'est sans le moindre bruit qu'elle arriva de nouveau au chariot cherchant Lervia du regard ...

Lervia était là devant la charrette. Il avait, lui aussi entendu le bruit de la bagarre et c'est le coeur battant la chamade et essoufflé, qu'elle lui fit signe qu'il fallait partir le plus vite possible.

Lervia ... Il faut partir ... Deux hommes sont en train de se battre plus loin et s'ils nous voient on risque des problèmes ... De gros problèmes ... Et je ne te serais pas d'une grande utilité avec ma petite dague ...

En catastrophe, ils montèrent tout deux dans le chariot qui se mit en branle sans plus attendre. Elle regardait sans cesse derrière pour voir s'ils avaient été repérés, mais elle fut soulagée quand elle vit que personne ne les suivait. Elle tenait toujours sa dague, elle ne l'avait pas lâché et elle ne s'en était pas rendu compte. Ses phalanges étaient blanches et elle commençait à avoir des fourmillements.

Ses mains n'avaient plus de marque de brûlure et quand elle posa le regard sur sa dague, tout un tas de souvenir, lui revinrent en mémoire ... Elle laissa son regard glisser sur le B gravé sur le pommeau ... Cela remontait a si longtemps et tant de choses c'était passé depuis ... Elle jeta un coup d'oeil à Lervia qui menait bon train le chariot, puis rangea sa dague dans son petit sac. Elle pouvait maintenant souffler.

Quand les enfants commencèrent à bouger, ils arrêtèrent la charrette pour que tout le monde se dégourdissent les jambes. Elle ne savait plus trop où était et elle sortie la carte pour voir le chemin qu'il restait encore à faire ... Encore quelques jours, encore quelques jours et ils seraient enfin arrivés dans cette ville qu'elle avait fuit sans avertir personne ...

Arrêter sur un bord de chemin, elle aida Lervia à faire descendre ses enfants pour qu'ils aillent courir un peu. Pour sa part elle partit dans un petit bois, toujours avec son panier prête à ramasser des plantes qui lui seraient utiles pour faire ses onguents et ses potions. De marcher lui faisait du bien et lui remettait les idées en place. Elle ramassa quelques mûres qui étaient encore sur les ronciers bien que la saison touche à sa fin. Les enfants seraient contents d'en manger, puis revint près du petit groupe que formait le père et les enfants ...

Les enfants je vous ai ramassé des mûres. Si vous en voulez ne vous gênez pas et servez-vous, car c'est la fin de la saison et il n'y en a plus beaucoup. Par contre, il y a des châtaignes partout sur le sol et quelques noix aussi ...

Elle fut entourée très rapidement par les marmots qui la dévalisèrent de ses mûres et une fois englouti, ils partirent à la chasse aux châtaignes et aux noix ...

Quel nuit ... J'ai eu une de ces peurs ... Est-ce que tu vas bien ? ...

Cette petite pause lui faisait du bien. Elle commençait à ressentir une grande fatigue en plus du froid et du vent qui s'était levé presque d'un coup. Elle n'aimait pas avoir froid, c'était l'une des choses qu'elle avait du mal à supporter, mais en l'occurrence, elle n'avait pas trop le choix ...

Les enfants étaient partis à la chasse aux châtaignes et en étaient revenus les bras chargés. Lervia jouant avec le plus jeune de ses fils a "pique châtaigne" l'amusait beaucoup et elle trouvait cela très attendrissant. L'heure d'une petite sieste était la bienvenue. Ils montèrent tous dans le chariot qui les abritait plus ou moins, du vent glacial ...

Après un bon repos d'une bonne sieste de deux heures environ, ils se remirent en route. Le Village suivant les attendait et il serait le bienvenue ... Oui ce village serait pour elle une bénédiction ... Une auberge, un repas digne de ce nom, un bain et un bon lit ... Humm rien que d'y penser, elle s'y voyait déjà ...

A côté de Lervia, elle les écoutait plus ou moins chahuter. Dans un sens, elle enviait Lervia ... Elle qui devait se marier ... Elle qui aurait tant voulu avoir des enfants de l'homme qu'elle chérissait plus que sa propre vie ... Tout cela était parti en fumée et plus elle se rapprochait de Castres, plus elle sentait un gouffre sous ses pieds. Avait-elle eu raison de faire ce voyage ? Elle commençait à en douter ...

Retourner sur les lieux où elle avait tout perdu ... Pourtant, quelque chose l'y poussait ... Elle ne revenait pas simplement parce que Bea le lui avait demandé ... Non elle revenait parce qu'elle avait besoin de faire son deuil et de lui dire au revoir ... Choses qu'elle n'avait pas faite le jour de l'incendie ... Elle ne se rendait même pas compte qu'elle triturait l'anneau offert par Reyan pour leur fiançailles ...

Poussant un soupir, elle se rendait bien compte qu'elle n'était pas d'une très bonne compagnie pour Lervia. Plus ils se rapprocheraient et plus elle allait s'enfermer dans un mutisme infernal ...

Je suis désolée Lervia ... Je ne suis pas d'une compagnie très agréable pour vous ...

Les premières maisons du village étaient en vue et c'était avec soulagement que les sabots des chevaux tapèrent sur les quelques pavés de la rue principale. De là, ils se mirent en quête d'une auberge potable ...